Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 juillet 2016 par laquelle le chef du service de la protection a refusé de réévaluer à la hausse le nombre d'heures supplémentaires qui lui sont dues.
Par un jugement n° 1710459/5-1 du 4 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision par laquelle le chef du service de la protection a refusé de réévaluer à la hausse le nombre d'heures supplémentaires, enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation dans les conditions précisées au point 5 de ce jugement, mis à la charge de l'Etat une somme de 50 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 7 mars 2019, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1710459/5-1 du 4 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la demande présentée par M. B... était recevable ; la décision attaquée, qui s'inscrit dans le cadre d'un processus transactionnel, s'analyse comme un refus de modifier une offre transactionnelle et constitue, de ce fait, un acte préparatoire indétachable de la conclusion du protocole transactionnel, qui ne peut faire grief ; le recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision contestée est irrecevable dès lors qu'il est dirigé contre une offre de transaction devenue caduque ; les circonstances que M. B... ait refusé de retourner le protocole transactionnel signé dans le délai imparti de quinze jours puis exercé un recours gracieux, lequel a été rejeté par la décision critiquée, n'ont pas eu pour effet de le priver de la rémunération qui lui était due ; l'objet du protocole transactionnel ne portait pas sur la rémunération d'heures supplémentaires mais sur l'évaluation de celles qui n'ont pas été comptabilisées au titre de ses missions de protection rapprochée d'une personnalité pour la période du 2 octobre 2013 au 31 décembre 2015 ; la décision contestée n'a pas davantage pour effet de le priver des heures supplémentaires qui lui seraient dues ; le tribunal ne pouvait rejeter la fin de non-recevoir qu'il avait opposée en présumant d'une question de fond ; la résolution transactionnelle des litiges à naître implique un accord entre les parties que le juge administratif ne saurait provoquer ;
- le tribunal a entaché le jugement attaqué d'erreurs de fait ; M. B... a rejoint l'état-major du service de la protection le 14 janvier 2014 et non le 15 janvier 2014 ; à compter du 14 janvier 2014, M. B... a été affecté, au sein de l'état-major du service de la protection, au bureau des études de sûreté de l'unité des études de sûreté et non au groupe d'appui des hautes personnalités de l'unité d'appui et de formation ;
- si M. B... a apporté ponctuellement un renfort à la sous-direction de la protection des personnes du service de la protection à la suite des attentats commis contre la rédaction du journal " Charlie Hebdo " entre les mois de janvier à mars 2015, les heures qu'il a accomplies à ce titre ont été comptabilisées et compensées ; rien ne justifiait que les heures afférentes à ces missions de renforts ponctuels soient incluses dans le calcul des heures supplémentaires proposées à
M. B... dans le cadre du protocole transactionnel ;
- pour le surplus, il s'en remet au mémoire en défense produit en première instance.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 juillet 2019, M. B..., représenté par Me Pascal Schiele, conclut au rejet du recours et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 juin 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,
- et les observations de Me Schiele, avocat de M. B..., présent.
Une note en délibéré, enregistrée le 1er octobre 2021, a été présentée par Me Schiele pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., brigadier de police, affecté au service de protection des hautes personnalités (SPHP) de la direction générale de police nationale (DGPN) depuis le 1er mars 2007, a été muté, en dernier lieu, à l'état-major du service de la protection (SDLP), résultant de la réorganisation du ministère de l'intérieur et absorbant le SPHP, par arrêté du ministre de l'intérieur du 2 mai 2014, au sein duquel il exerce les fonctions d'auditeur de sûreté. Dans une note du 19 avril 2016, adressée aux agents chargés de la protection d'une personnalité, l'inspecteur général, chef du SDLP, les a informés de la mise en place d'un dispositif de forfaitisation ou de proratisation applicable aux heures supplémentaires réalisées dans le cadre de missions de protection et non comptabilisées. M. B... s'est ainsi vu proposer une convention, signée ce même jour pour le ministre de l'intérieur, par l'inspecteur général, chef du SDLP, et fixant, pour solde de tout compte, et après proratisation, un volume de 341 heures supplémentaires correspondant à quatre mois d'affectation sur des missions de protection. M. B..., qui n'a pas signé cette convention, a sollicité, le 7 juillet 2016, la réévaluation de ce volume d'heures supplémentaires. L'inspecteur général, chef du SDLP, a rejeté cette demande le 21 juillet 2016. Par un jugement du 4 janvier 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision du 21 juillet 2016, enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la situation de M. B... dans les conditions précisées au point 5 de ce jugement, mis à la charge de l'Etat une somme de 50 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de sa demande. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement en ce qu'il lui est défavorable.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Pour annuler la décision contestée devant lui, le tribunal, après avoir cité les articles 2, 3 et 5 de l'arrêté du 12 août 2003 relatif aux missions et à l'organisation du service de la protection, a estimé que, si la date de mutation de M. B... à l'état-major du SDLP à compter du 15 janvier 2014 est sans incidence, il est, toutefois, constant que M. B... appartient, au sein de l'état-major de la SDLP, au groupe d'appui qui apporte son concours ponctuellement à la
sous-direction de la protection des personnes et qu'il a exercé au moins une mission de protection de deux mois après sa mutation. Le tribunal a donc considéré que le ministre de l'intérieur avait commis une erreur de fait en retenant seulement quatre mois de missions de protection pour le calcul des heures supplémentaires de M. B....
3. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la note du 19 avril 2016 que l'application du dispositif de forfaitisation ou de proratisation applicable aux heures supplémentaires réalisées dans le cadre de missions de protection et non comptabilisées dépend, d'une part, de la présence des agents au service au 11 mars 2016, d'autre part, de l'affectation de ces agents au sein des services chargés de la protection des personnes (SPHP et SDLP), et enfin, d'une affectation continue ou seulement ponctuelle à des missions de protection de personnalités sur la période courant du 2 octobre 2013 au 31 décembre 2015.
4. A supposer que M. B... puisse se prévaloir de cette note du 19 avril 2016, il est en tout état de cause constant que s'il était bien présent au service au 11 mars 2016, au sein duquel il a été affecté à compter du 22 janvier 2013, d'abord au SPHP, puis, à compter du 2 octobre 2013, au SDLP jusqu'au 1er mai 2017, sa mutation en Turquie ne prenant effet qu'à compter du 2 mai 2017, en revanche, il n'a pas été affecté continûment, sur la période de vingt-sept mois retenue par la note du 19 avril 2016, soit du 2 octobre 2013 au 31 décembre 2015, sur une mission de protection de personnes. Contrairement à ce que soutient M. B..., qui ne produit aucun document au soutien de ses allégations, il a été affecté à l'état-major du SDLP, notamment au bureau des études et de sûreté (BES) au sein de l'unité des études de sûreté où il a été chargé des fonctions d'auditeur de sûreté, à compter du 14 janvier 2014, et non à compter du 1er septembre de la même année. Il a donc été affecté au SDLP du 2 octobre 2013 au 14 janvier 2014, période au cours de laquelle il a assuré continument des missions de protection de personnes. Postérieurement à son affectation à l'état-major du SDLP, soit au cours de l'année 2015, compte tenu de son expérience acquise au sein du SDLP, il a pu faire partie temporairement des renforts ponctuels prêtés à la sous-direction de la protection des personnes (SDPP) pour assurer la protection de personnalités après les attentats du 7 janvier 2015, identifiés dans les comptes rendus d'activité mensuels (CRAM) produits par le ministre de l'intérieur comme constitutifs d'un " appui opérationnel ", tout en demeurant affecté au BES. Il a, ainsi, assuré la protection d'un membre de l'équipe de journalistes de la rédaction de " Charlie hebdo " ainsi que celle d'un représentant de la communauté juive du 11 janvier au 15 mars 2015, en dehors de toute autre mission, ainsi que cela ressort des CRAM et autres pièces produits par le ministre de l'intérieur. Il suit de là que M. B... relevait du dispositif de proratisation prévu par la note du 19 avril 2016 prévoyant la " proratisation des 2 300 heures pour les agents du [corps d'encadrement et d'application] qui, au moins depuis le 2 octobre 2013 et jusqu'au 31 décembre 2015, ont été chargés de la protection d'une personnalité durant une partie de cette période. Le nombre d'heures attribué est calculé de la façon suivante : ([2 300 heures supplémentaires x nombre de mois d'affectation sur une mission de protection] / 27 mois) ". Il ressort, toutefois, des CRAM que les missions temporaires de protection de personnes qui ont été effectuées par M. B... au cours de l'année 2015 ont donné lieu à un décompte d'heures et ont été soumises au régime de travail spécifique à la SDPP, prévoyant l'alternance d'une semaine dite " rouge " c'est-à-dire travaillée et d'une semaine dite " verte " soit non travaillée, correspondant, au total, à 428 heures 25. Ce faisant, et ainsi que le fait valoir le ministre de l'intérieur, les heures supplémentaires effectuées par M. B... dans le cadre de ces missions temporaires de protection de personnes menacées ont donc non seulement été comptabilisées mais également compensées et ne pouvaient, dès lors, être intégrées au calcul du volume d'heures supplémentaires, le dispositif prévu par la note du 19 avril 2016 n'ayant vocation à s'appliquer, contrairement à ce que semble soutenir M. B..., que dans l'hypothèse où les heures supplémentaires réalisées n'ont pu être comptabilisées.
5. Il suit de là que, et sans que les erreurs de fait reprochées au tribunal par le ministre de l'intérieur et tirées de l'erreur commise sur la date d'affectation de M B... à l'état-major du SDLP, soit le 15 janvier 2014, et de l'erreur commise sur son affectation au sein de l'état-major du SDLP, au groupe d'appui qui apporte son concours ponctuellement à la SDPP, aient d'incidence sur l'issue du litige, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour le motif susrappelé, le tribunal a annulé sa décision du 21 juillet 2016.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal et la Cour.
Sur les autres moyens soulevés par M. B... :
7. En premier lieu, la décision critiquée, qui a pour seul objet de fixer le volume d'heures supplémentaires accomplies par M. B... pour la période courant du 2 octobre 2013 au 31 décembre 2015, n'entre pas dans la catégorie des décisions individuelles défavorables dont la motivation est obligatoire en application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen invoqué tiré de l'insuffisante motivation de cette décision ne peut, dès lors, qu'être écarté comme inopérant.
8. En deuxième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents en vertu de l'article L. 121-2 du même code. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut, dans ces conditions, qu'être écarté comme inopérant.
9. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort des pièces du dossier, ainsi que cela a été dit au point 4. ci-dessus, qu'il a été affecté à l'état-major du SDLP, notamment au BES au sein de l'unité des études de sûreté où il a été chargé des fonctions d'auditeur de sûreté, à compter du 14 janvier 2014 et ne peut justifier avoir été affecté à une mission de protection durant une période de douze et non de quatre mois. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur de fait ne peut qu'être écarté.
10. En quatrième et dernier lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir, à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité, de l'application irrégulière qu'aurait faite l'administration à plusieurs agents du SDLP, qui ne relèveraient pas du dispositif de la note du 19 avril 2016.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande ainsi que la régularité du jugement, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 21 juillet 2016, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... et a mis à la charge de l'Etat une somme de 50 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler les articles 1 à 3 de ce jugement et de rejeter, dans cette mesure, la demande présentée par M. B... devant ce tribunal ainsi que les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative qu'il a présentées devant la Cour.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1 à 3 du jugement n° 1710459/5-1 du 4 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris est, dans cette mesure, rejetée ainsi que les conclusions qu'il a présentées devant la Cour tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Platillero, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2021.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président-assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
F. PLATILLERO
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01001