Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 juin 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.
Par un jugement n° 2113662/4-2 du 27 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 18 juin 2021 par laquelle le préfet de police lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois, lui a enjoint de prendre toutes mesures utiles aux fins de supprimer le signalement de Mme B... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour sur le territoire français annulée à l'article 1er dans un délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête enregistrée le 26 octobre 2021 sous le numéro 21PA05551 et un mémoire enregistré le 3 décembre 2021, Mme B..., représentée par Me Mohamed Khaled Lasbeur, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 4 du jugement n° 2113662/4-2 du 27 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les décisions du 18 juin 2021 par lesquelles le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français sans délai ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour temporaire d'une année sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que sa présence en France était constitutive d'une menace à l'ordre public ; elle ne peut être sanctionnée une seconde fois par le préfet de police, alors qu'elle l'a déjà été sur le plan pénal, en prenant une décision susceptible de détruire complètement son avenir et en l'absence de toute récidive ; l'erreur de conduite exceptionnelle qui lui est reprochée ne saurait constituer une menace grave à l'ordre public ; elle est aujourd'hui insérée dans la société française, mère d'un enfant mineur et exempt de tout reproche ; le jugement est, pour ces raisons, entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; elle est entrée en France en 2013 et justifie d'une insertion professionnelle ainsi que de liens familiaux solides, son enfant mineur, abandonné par son père, étant scolarisé ; elle est dépourvue de toutes attaches familiales en Algérie ;
- le préfet de police a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a, pour les mêmes raisons, méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 janvier 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 14 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 janvier 2022 à 12 heures.
II - Par une requête enregistrée le 28 octobre 2021 sous le numéro 21PA05595, le préfet de police demande à la Cour d'annuler les articles 1er à 3 du jugement n° 2113662/4-2 du 27 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris et de rejeter, dans cette mesure, la demande présentée par Mme B... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- compte tenu de la menace à l'ordre public que constitue la présence de Mme B... en France, des conditions de son séjour sur le territoire français et de l'absence de liens suffisamment forts et anciens avec la France, il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en fixant la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français à trente-six mois ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois est motivée ;
- Mme B... n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, été privée de son droit d'être entendue ;
- le moyen tiré de l'illégalité de cette décision en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;
- les éléments d'appréciation énoncés par les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne présentent pas un caractère plus restrictif que ceux prévus par les dispositions de l'article 11 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
La requête du préfet de police a été communiquée à la dernière adresse connue de Mme B..., qui n'a pas produit en défense.
Par une ordonnance du 21 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 janvier 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Bonneau-Mathelot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne, qui a déclaré être entrée en France au cours de l'année 2013, a fait l'objet d'un arrêté du 18 juin 2021 du préfet de police, en exécution de l'injonction de réexamen prononcée par le jugement n° 200800/1-3 du 9 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris, par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour du territoire français d'une durée de trois ans. Par un jugement du 27 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 18 juin 2021 par laquelle le préfet de police a interdit à Mme B... le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, lui a enjoint de prendre toutes mesures utiles aux fins de supprimer son signalement dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour sur le territoire français annulée à l'article 1er dans un délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable, et le préfet de police demande à la Cour d'en annuler les articles 1er à 3.
2. Les requêtes nos 21PA05551 et 21PA05595 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 21PA05551 :
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) ; / au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ". Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., connue sous deux identités différentes, ainsi que cela ressort de bulletin n° 2 de son casier judiciaire, a été condamnée par un jugement du 6 avril 2018 du Tribunal correctionnel de Versailles à une peine d'emprisonnement de deux mois pour des faits de vol en réunion commis le 21 février 2018, et par un jugement du 22 novembre 2018 du Tribunal correctionnel d'Amiens à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis pour des faits de vol commis le 8 août 2018. Il suit de là, contrairement à ce que soutient Mme B..., qui se borne à invoquer une " erreur de conduite exceptionnelle ", qu'eu égard à la nature et au caractère répété et récent des faits qui lui sont imputables, le préfet de police a pu, sans erreur d'appréciation, estimer que sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre.
5. D'autre part, le refus par l'autorité administrative de délivrer un titre de séjour étant une décision administrative sans caractère répressif et n'ayant pas le caractère d'une sanction, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que cette mesure, prise après deux condamnations pénales, constituerait une seconde peine et contreviendrait au principe " non bis in idem ".
6. Enfin, Mme B... soutient qu'elle est entrée sur le territoire français au cours de l'année 2013, qu'elle est insérée dans la société française, qu'elle est la mère d'un enfant mineur et qu'elle dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'intéressée, qui réside en France depuis l'année 2014, vit dans un état de précarité, pour avoir été hébergée à de multiples reprises en hébergement d'urgence, avec son enfant mineur, scolarisé à l'école primaire, et sa fille majeure. Si elle invoque la présence à ses côtés d'une personne qu'elle a présentée, au cours d'une audition du 30 mai 2020 menée par un agent de police judiciaire en résidence à Clichy-la-Garenne, dans le cadre d'une enquête pour violation de domicile et vol commis entre les 1er mars et 29 mai 2020 dans cette commune, comme son concubin ou son mari, elle ne le justifie pas ni, au demeurant, de l'existence d'une communauté de vie. Si, au cours de cette audition, Mme B... a évoqué la présence d'un autre de ses enfants, majeur, en France, elle a indiqué qu'elle avait cinq enfants, contrairement à ce qu'elle avait mentionné sur la fiche de salle, que les aînés étaient respectivement âgés de vingt-sept et vingt-six ans, et il ne ressort pas de ses déclarations que les intéressés vivraient en France. En outre, Mme B... ne démontre pas, par les pièces qu'elle a produites, qu'elle est insérée professionnellement et socialement en France. Si elle fait valoir qu'elle a signé un contrat de professionnalisation sous la forme d'un contrat à durée déterminée pour occuper l'emploi d'accompagnant éducatif petite enfance (AEPE), dans le cadre de la préparation du certificat d'aptitude professionnel AEPE, en contrepartie d'un salaire mensuel brut de 1 271,57 euros, ce contrat a été conclu pour la période courant du 2 septembre 2021 au 30 juin 2022, soit postérieurement à la date de la décision critiquée. Si Mme B... a produit, en première instance, une déclaration préalable à l'embauche signée le 10 juin 2021, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée avec la société Pat, la date prévisible de l'embauche a été fixée au 2 septembre 2021, soit postérieurement à la décision en litige. Les circonstances qu'elle ait obtenu, le 19 avril 2021, le certificat de formation " Base - réglementation marchandises dangereuses - services aux passagers vente, réservation (Base) ", délivré par l'institut de formation aux métiers de l'aérien, et qu'elle ait été invitée, par un courrier du 11 mai 2020 de la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistique, à répondre à une enquête statistique auprès des sortants des dispositifs de l'insertion par l'activité économique à la suite du travail qu'elle a effectué au sein de l'association Intermédiaire Réagie, ne sont pas davantage suffisantes pour justifier d'une insertion professionnelle significative en France. Dans ces conditions, Mme B... n'établit pas qu'eu égard à la durée et aux conditions de son séjour sur le territoire, le préfet de police, en prenant la décision portant refus d'un titre de séjour, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il ne peut donc être reproché au préfet de police d'avoir méconnu les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant et qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
8. Mme B... soutient que son fils mineur, qui est scolarisé en France, " ne peut être arraché de son milieu scolaire ". Toutefois, ainsi que cela été dit au point 6. du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Algérie, ni que l'enfant mineur de l'intéressée ne pourrait pas poursuivre sa scolarité dans ce pays.
9. En troisième et dernier lieu, pour les motifs exposés aux points 6. et 8. du présent arrêt, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :
10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6. du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reprend le moyen invoqué par Mme B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour, ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête en toutes ses conclusions y compris celles qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête n° 21PA05595 :
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
12. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
13. Il ressort des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans les cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères qu'il énumère, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
14. Pour annuler la décision du 18 juin 2021 du préfet de police contestée devant lui, le tribunal a estimé que si la présence de Mme B... constituait une menace pour l'ordre public, elle justifiait, toutefois, d'une présence en France avec ses deux enfants, depuis 2015, et n'avait fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le tribunal a estimé qu'en fixant à trois ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de police avait commis une erreur d'appréciation.
15. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, ainsi que cela a été dit au point 4. du présent arrêt, que Mme B... a fait l'objet de deux condamnations pénales, à deux mois d'emprisonnement pour des faits de vol en réunion commis le 21 février 2018 par un jugement du 6 avril 2018 du Tribunal correctionnel de Versailles et à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol commis le 8 août 2018 par un jugement du 22 novembre 2018 du Tribunal correctionnel d'Amiens, témoignant de ce qu'elle représente, aux sens des dispositions sus-rappelées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une menace pour l'ordre public. Eu égard à cette situation et aux circonstances qu'elle réside en France dans un état de précarité avec son fils mineur, que certains de ces enfants majeurs résident à l'étranger, qu'elle ne justifie pas être dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays, et compte tenu de la durée de son séjour en France et de ce qu'elle a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle elle s'est soustraite, le préfet de police, en fixant à trois ans la durée d'interdiction de retour sur le territoire français, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation. Il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, pour le motif précité, annulé sa décision.
16. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... en première instance.
Sur les autres moyens soulevés par Mme B... :
17. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".
18. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, particulièrement, les articles L. 612-6 et L. 613-2, et fait mention des motifs qui ont amené le préfet de police à refuser à Mme B... un délai de départ volontaire, et qui ont entraîné, par voie de conséquence, faute de circonstances humanitaires, une interdiction de retour sur le territoire français. Cette décision indique, par ailleurs, que la durée de cette interdiction a été fixée au regard des critères prévus par dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, notamment, ceux afférents à la durée de son séjour en France, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et de ce que sa présence sur le territoire constitue une menace pour l'ordre public, que le préfet de police a précisé. Le préfet de police n'était pas tenu de faire référence aux deux autres critères prévus à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le moyen tiré d'une insuffisante motivation de l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans doit, par suite, être écarté.
19. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de la décision attaquée que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de Mme B....
20. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; / (...) ". Lorsqu'il fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit interne de la directive du 16 décembre 2008, le préfet doit être regardé comme mettant en œuvre le droit de l'Union européenne. Il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, qui incluent le droit à une bonne administration. Parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.
21. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été convoquée en vue du réexamen de sa situation par l'administration dans le cadre de l'exécution du jugement n° 2008007 du 9 juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 30 mai 2020 du préfet des Hauts-de-Seine l'obligeant à quitter le territoire français sans délai. Elle a été reçue par les services préfectoraux le 19 novembre 2020 et a pu déposer une demande de certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. A cette occasion, elle a eu la possibilité de faire valoir tous éléments utiles à l'appui de sa demande. Il ne ressort pas, par ailleurs, des pièces du dossier, et ce n'est pas allégué, que Mme B... aurait cherché à faire valoir des informations qu'elle aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'interdiction de retour et qui, si elles avaient été communiquées à temps, auraient été susceptibles de faire obstacle à cette décision, sans que la possibilité ne lui en soit reconnue. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu préalablement à l'édiction d'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.
22. En outre, si, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans son arrêt C-249/13 du 11 décembre 2014, le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens que le ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier peut recourir, préalablement à l'adoption par l'autorité administrative nationale compétente d'une décision de retour le concernant, à un conseil juridique pour bénéficier de l'assistance de ce dernier lors de son audition par cette autorité, Mme B... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle aurait été empêchée de recourir à l'assistance d'un conseil juridique. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, elle ne peut être regardée comme ayant été privée de son droit à être entendu garanti par le droit de l'Union européenne.
23. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 10. du présent arrêt que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
24. En cinquième lieu, compte tenu de l'ensemble de la situation de Mme B..., telle qu'elle a été précisée au point 15. du présent arrêt, et alors qu'elle ne fait état d'aucune circonstance humanitaire qui aurait pu justifier que le préfet de police ne prononce pas d'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de police ne peut être regardé comme ayant entaché la décision contestée d'erreur d'appréciation. Il suit de là que le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.
25. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 11 de la directive du 16 décembre 2008 : " (...). / 2. La durée de l'interdiction d'entrée est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne dépasse pas cinq ans en principe. Elle peut cependant dépasser cinq ans si le ressortissant d'un pays tiers constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. / (...) ". Les éléments d'appréciation énoncés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier la durée de présence sur le territoire français, la nature et l'ancienneté des liens avec la France et la menace pour l'ordre public que représente la présence de Mme B... sur le territoire français, ne présentent pas un caractère plus restrictif que ceux prévus par les dispositions précitées de l'article 11 de la directive du 16 décembre 2008. Ces dispositions ne sont, par suite, pas contraires aux objectifs de cette directive. Le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives contraires aux objectifs de la directive du 16 décembre 2008 ne peut, dès lors, qu'être écarté.
26. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 18 juin 2021, lui a enjoint de prendre toutes mesures utiles aux fins de supprimer le signalement de Mme B... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour sur le territoire français annulée à l'article 1er de son jugement dans un délai de deux mois, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler les articles 1er à 3 du jugement attaqué, de rejeter, dans cette mesure, la demande présentée par Mme B... devant le tribunal et de rejeter la requête d'appel de l'intéressée.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 21PA05551 de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les articles 1er à 3 du jugement n° 2113662/4-2 du 27 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris est, dans cette mesure, rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2022.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 21PA05551, ...