Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Hydroélectrique du Gorg Estelat (SHGE) a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales n° DDTM/SER/2020189-003 du 7 juillet 2020 portant rejet de sa demande de révision du débit réservé, de fonctionnement en éclusées, de suppression de la période de chômage estivale et d'actualisation de la puissance maximale brute qui concerne l'usine hydroélectrique qu'elle exploite dite " de Nohèdes " sur le cours d'eau " Nohèdes " sur le territoire de la commune de Nohèdes, ainsi que la décision du 17 septembre 2020 rejetant son recours gracieux formé le 20 juillet 2020.
Par un jugement n° 2005172 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a modifié l'article 1er de l'arrêté préfectoral n° 1704-74 du 17 octobre 1974 modifié, s'agissant de la puissance maximale brute autorisée de l'installation, en la fixant à 851 kW au lieu de 500 kW et a rejeté le surplus de la demande de la société.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 22 août 2022 et le 20 septembre 2023, la société Hydroélectrique du Gorg Estelat, représentée par Me Rémy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, à l'exception de son article 1er ayant porté la puissance des ouvrages de la centrale hydroélectrique de Nohèdes de 500 à 851 kW ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2020 du préfet des Pyrénées-Orientales, ensemble la décision rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ne respectant pas le principe de la procédure contradictoire prévue par les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, en ce qu'il a été a été pris en pleine phase d'instruction de la demande et avant l'arrivée à échéance du délai qui lui avait été accordé pour produire des compléments demandés, sans communication préalable de l'avis de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Occitanie et sans communication préalable pour observations du projet d'arrêté avant son adoption définitive ;
- le préfet a commis une erreur de droit en considérant que les modifications envisagées, qui ne pouvaient être regardées comme substantielles au sens de l'article R. 181-46 du code de l'environnement, seraient soumises à autorisation environnementale nouvelle lui permettant de prendre une décision de rejet adoptée selon la procédure applicable à de telles demandes d'autorisations ;
- l'arrêté attaqué méconnaît le principe de gestion équilibrée de la ressource en eau au regard de l'article L. 211-1 du code de l'environnement ainsi que les objectifs fixés par la loi en matière de politique énergétique dès lors qu'il se fonde uniquement sur les intérêts liés à la protection des milieux, sans prendre en compte l'intérêt des mesures envisagées pour la valorisation de la ressource en eau poursuivie par la centrale de Nohèdes, via la production d'hydroélectricité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 août 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés et renvoie pour le surplus aux écritures en défense de première instance.
Par ordonnance du 21 septembre 2023, la clôture d'instruction a été rouverte et fixée en dernier lieu au 13 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- et les observations de Me Rémy, représentant la société Hydroélectrique du Gorg Estelat.
Considérant ce qui suit :
1. La Société Hydroélectrique du Gorg Estelat exploite une usine hydroélectrique sur la commune de Nohèdes (Pyrénées-Orientales) en dérivation de la rivière du même nom, selon une autorisation d'exploiter délivrée par arrêté préfectoral du 17 octobre 1974 qui lui a été transférée par un arrêté du 1er décembre 2008 du préfet des Pyrénées-Orientales. Un contrôle des installations par la police de l'eau et des milieux aquatiques de la direction départementale des territoires et de la mer a eu lieu le 29 septembre 2017. Un rapport de manquement administratif a été rédigé le 5 octobre 2017 relevant plusieurs non conformités à la règlementation. Ce rapport a été notifié à la société Hydroélectrique du Gorg Estelat le 25 octobre 2017 en lui demandant de transmettre un échéancier de travaux pour la mise en conformité des points relevés dans le rapport de manquement ou de déposer un dossier de modification, et en l'invitant en outre à formuler ses observations. Le 13 mars 2018, la société a déposé un dossier de régularisation en vue d'obtenir la modification de l'arrêté d'autorisation afin de réviser la valeur du débit réservé, d'autoriser le fonctionnement en éclusées, de supprimer la période de chômage estivale et d'actualiser la puissance maximale brute. Par un arrêté du 7 juillet 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé l'autorisation sollicitée puis a rejeté par courrier du 17 septembre 2020 le recours gracieux formé par la société Hydroélectrique du Gorg Estelat contre cet arrêté. Par un jugement rendu le 14 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a modifié l'article 1er de l'arrêté préfectoral n° 1704-74 du 17 octobre 1974 modifié, s'agissant de la puissance maximale brute autorisée de l'installation, en la fixant à 851 kW au lieu de 500 kW et a rejeté le surplus de la demande d'annulation de la société. Par la présente requête, la société requérante interjette appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions en annulation.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 181-14 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-32. / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées. ". L'article R. 181-46 du même code prévoit que : " I.- Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : / (...) 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. / La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale. (...) ". Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. / II.- L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : / (...) 2° La conservation des intérêts définis aux articles L. 332-1 et L. 332-2 ainsi que, le cas échéant, la mise en œuvre de la réglementation ou de l'obligation mentionnés par l'article L. 332-2, que traduit l'acte de classement prévu par l'article L. 332-3, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu d'autorisation spéciale au titre d'une réserve naturelle créée par l'Etat ; / (...) 4° Le respect des conditions, fixées au 4° du I de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ; (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la demande de modifications de l'installation hydroélectrique exploitée par la société appelante, portée à la connaissance du préfet des Pyrénées-Orientales, vise à intégrer au règlement d'eau de la centrale hydroélectrique de Nohèdes établi par l'arrêté préfectoral n° 1704-74 du 17 octobre 1974, modifié par les arrêtés préfectoraux n° 23/20 du 8 janvier 1980 et n° 4730 du 1er décembre 2008, la diminution du débit réservé à l'environnement, soit une baisse du débit à 17 litres par seconde (l/s), un fonctionnement en éclusées ainsi que la suppression du chômage estival, soit l'autorisation à turbiner l'eau de la chute entre le 15 juillet et le 15 septembre. S'agissant de la baisse du débit réservé sollicitée par la société pétitionnaire, l'arrêté du 17 octobre 1974 modifié prévoit un débit réservé à 50 l/s à l'exception de la période allant du 15 juillet au 15 septembre durant laquelle l'intégralité du débit de la rivière devra être maintenue dans son cours. Par l'arrêté du 7 juillet 2020 en litige, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de faire droit à la demande sollicitée notamment au motif pris que la dégradation de l'habitat d'une espèce protégée, le Desman des Pyrénées, requiert une dérogation aux interdictions relatives aux espèces protégées en application de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'instruction de l'arrêté en litige :
4. Aux termes de l'article R. 181-16 du code de l'environnement : " Le préfet désigné à l'article R. 181-2 délivre un accusé de réception dès le dépôt de la demande d'autorisation lorsque le dossier comprend les pièces exigées par la sous-section 2 de la section 2 du présent chapitre pour l'autorisation qu'il sollicite. / Lorsque l'instruction fait apparaître que le dossier n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l'examen, le préfet invite le demandeur à compléter ou régulariser le dossier dans un délai qu'il fixe. / Le délai d'examen du dossier peut être suspendu à compter de l'envoi de la demande de complément ou de régularisation jusqu'à la réception de la totalité des éléments nécessaires. Cette demande le mentionne alors expressément. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-17 du même code : " La phase d'examen de la demande d'autorisation environnementale prévue par le 1° de l'article L. 181-9 a une durée qui est soit celle indiquée par le certificat de projet lorsqu'un certificat comportant un calendrier d'instruction a été délivré et accepté par le pétitionnaire, soit de quatre mois à compter de la date de l'accusé de réception du dossier. Toutefois, cette durée de quatre mois est : / (...) 4° Prolongée pour une durée d'au plus quatre mois lorsque le préfet l'estime nécessaire, pour des motifs dont il informe le demandeur. Le préfet peut alors prolonger d'une durée qu'il fixe les délais des consultations réalisées dans cette phase. ".
5. En premier lieu, il est constant que, par un arrêté du 29 avril 2019, le préfet des Pyrénées-Orientales a prolongé la durée de l'instruction de quatre à huit mois, que ce délai d'instruction a été suspendu à plusieurs reprises à l'initiative du service instructeur à la suite de demande de compléments au dossier, en rappelant à cette occasion, par courrier du 19 septembre 2019, la nécessité de présenter une demande de dérogation aux interdictions relatives aux espèces protégées en cas de demande de réduction du débit réservé et de fonctionnement par éclusées. Ce délai d'instruction a également été suspendu à l'initiative du pétitionnaire, pour la dernière fois le 4 mars 2020 pour deux mois et en dernier lieu, la société appelante a été destinataire d'un courriel en date du 4 juin 2020 émanant des services de la direction départementale des territoires et de la mer l'informant que le délai dont elle disposait pour produire les compléments demandés expirait le 15 août 2020 en vertu de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette période modifiée. Il est également constant que le préfet des Pyrénées-Orientales a irrégulièrement pris l'arrêté attaqué le 7 juillet 2020, soit avant que ne soit expiré le délai ainsi fixé. Toutefois, il résulte de l'instruction que, d'une part, la société appelante a été à même de produire des observations avant l'édiction de la décision contestée durant plus de deux ans de procédure d'instruction. D'autre part, la société appelante n'établit pas qu'elle était à même de produire les compléments attendus durant la période non échue accordée jusqu'au 15 août 2020, ou que ces éléments, notamment l'analyse d'incidence des aménagements hydrauliques sur l'espèce protégée du Desman de Pyrénées et son habitat, étaient en cours d'élaboration à la date de l'arrêté attaqué. Par suite et dans ces conditions, le vice de procédure tenant à ce que le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas attendu pour prendre sa décision que soit expiré le délai accordé, n'a pas exercé d'influence sur le sens de l'arrêté attaqué et n'a pas privé ladite société d'une garantie.
6. En deuxième lieu, si la société requérante soutient qu'en n'ayant pas été destinataire, avant l'édiction de l'arrêté attaqué, de l'avis du 8 juin 2020 de la direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement Occitanie, le principe du contradictoire a été méconnu, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose au préfet de transmettre à l'intéressée cet avis. Au demeurant, il résulte de l'instruction que cet avis du 8 juin 2020 réitère les termes du courrier du préfet des Pyrénées-Orientales en date du 19 septembre 2019 lequel a été adressé à la société requérante indiquant la nécessité d'une dérogation aux interdictions relatives aux espèces protégées en application de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.
7. En troisième et dernier lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que la procédure contradictoire préalable prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas requise, selon les termes mêmes de cette disposition, lorsqu'il est statué sur une demande, ce qui est le cas en l'espèce. Si la société invoque l'article R. 181-40 du code de l'environnement qui prévoit que le projet d'arrêté statuant sur la demande d'autorisation environnementale est communiqué au pétitionnaire, cette disposition ne s'applique pas aux demandes qui, comme en l'espèce, sont rejetées en phase d'examen, avant la phase d'enquête publique et la phase de décision. Par suite, le moyen d'irrégularité tiré de l'absence de communication du projet d'arrêté préfectoral doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'arrêté en litige :
8. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'avis défavorable de l'Agence française de la biodiversité en date du 7 juin 2018 et l'avis défavorable du conservatoire d'espaces naturels Midi-Pyrénées du 28 avril 2020, que la prise d'eau, le plan d'eau artificiel faisant office de bassin de mise en charge de la conduite forcée et près de la moitié des tronçons court-circuités, sont localisés dans le périmètre de la réserve naturelle nationale de Nohèdes, classée au titre des articles L. 332-1 et suivants du code de l'environnement. Le cours d'eau de Nohèdes se présente comme un petit cours d'eau de moyenne montagne avec une forte pente dont les paramètres hydrauliques, largeur mouillée, hauteur d'eau et vitesse, diminuent fortement avec le débit. Ce cours d'eau présente la particularité de connaître une défluence alimentant le ruisseau de l'Homme Mort et le ruisseau de Camp réals classés en liste 1 au titre du I 1° de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, soit des cours d'eau en très bon état écologique ou jouant le rôle de réservoir biologique. L'Agence française de la biodiversité relève notamment que cette zone de protection du patrimoine naturel, en particulier ce cours d'eau, abrite des compartiments biologiques fréquentés par deux espèces protégées au titre de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, à savoir l'euprocte des Pyrénées et le desman des Pyrénées.
9. Il résulte également de l'instruction, en particulier des avis émis par l'Agence française de biodiversité, par l'association gestionnaire de la réserve naturelle nationale de Nohèdes en date d'avril 2020 et de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Occitanie du 8 juin 2020, sur la base notamment d'une étude Ecogea conduite pour le conservatoire d'espaces naturels Midi-Pyrénées, qu'au regard des enjeux de restauration du fonctionnement naturel de la rivière des Camps Réals et de sa recolonisation par le Desman des Pyrénées, et du maintien d'un débit suffisant pour favoriser la connectivité des berges et assurer la présence de micro habitats biogènes favorables aux ressources trophiques de cette espèce protégée, la diminution du débit réservé aura des incidences sur les habitats de ces deux espèces protégées et que la valeur de débit réservé proposée par la société pétitionnaire, trop basse, ne peut être inférieure à 40 l/s. S'agissant du fonctionnement par éclusées pendant la période hivernale, il résulte de l'instruction, en particulier de ces mêmes avis, que ce mode de fonctionnement peut induire des perturbations considérables d'habitats pour le Desman des Pyrénées, en générant des bas débits puis des débits pouvant tripler. S'agissant de la suppression de l'arrêt estival de l'installation, il résulte de l'instruction que cette absence de fonctionnement estival de la centrale, qui permet de maintenir dans le tronçon une variabilité hydrologique et de limiter de manière conséquente le nombre de jours d'habitats limitants, est possible si le débit réservé reste au-dessus de 40 l/s, alors que le conservatoire d'espaces naturels Midi-Pyrénées souligne qu'il est très probable que cet arrêt ait largement participé au maintien des populations de Desman.
10. La société pétitionnaire, dont les études d'incidences par elle fournies n'ont pas analysé de façon suffisante les conséquences des modifications envisagées sur les habitats naturels, notamment l'effet de différents débits réservés sur la productivité qualitative et quantitative du cours d'eau en proies pour le Desman des Pyrénées, ainsi que l'impact du maintien des éclusées sur les habitats de la même espèce en hiver, ne combat pas davantage en appel l'ensemble de ces éléments d'instruction défavorables concluant à ce que la baisse du débit réservé conduirait à une dégradation en quantité et en qualité des habitats de repos et de reproduction utilisés par le Desman des Pyrénées. En outre, alors qu'il n'est pas sérieusement contesté que cette dégradation de l'habitat d'une espèce protégée requiert une dérogation aux interdictions relatives aux espèces protégées en application de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, ainsi que l'a précisé dans son courrier du 19 septembre 2019 la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement Occitanie, il résulte de l'ensemble de ces éléments que les modifications demandées par la société appelante, qui sont de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement, doivent être regardées comme substantielles au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 181-14 du même code. Par suite, le préfet des Pyrénées-Orientales a pu légalement rejeter pour ce motif la demande de la société de révision du débit réservé, de fonctionnement en éclusées et la suppression de la période de chômages estivale. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 181-14 du code de l'environnement doit être écarté.
11. Aux termes de l'article R. 181-34 du code de l'environnement : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier ; / (...) 3° Lorsqu'il s'avère que l'autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, qui lui sont applicables. (...) ".
12. Comme il a été dit plus haut, pour rejeter la demande de la société requérante, le préfet s'est fondé, au regard des dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, dont les intérêts doivent être pris en compte lors de la délivrance d'une autorisation environnementale, sur la circonstance que les modifications d'exploitation envisagées induisent une perte d'habitat de reproduction et de repos pour l'espèce protégée Desman des Pyrénées et que cette modification du règlement d'eau conduisant à un impact interdit sur une espèce protégée nécessite le dépôt d'une demande de dérogation aux interdictions relatives aux espèces protégées en application de l'article L. 411-2 du même code. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la phase d'examen le dossier de la société pétitionnaire est demeuré incomplet au titre des espèces protégées, malgré la demande du service instructeur de déposer une demande de dérogation aux interdictions relatives aux espèces protégées. Ainsi, le préfet pouvait légalement rejeter la demande de la société requérante en application des 1° et 3° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement. A cet égard, la société appelante ne peut utilement faire valoir l'absence de prise en compte par l'administration de l'intérêt que présenteraient les mesures sollicitées pour la valorisation de la ressource en eau telle que prévue par l'article L. 211-1 du code de l'environnement et au regard des objectifs de la politique énergétique fixés par les articles L. 100-1 et suivants du code de l'énergie, qui sont sans rapport avec les motifs de l'arrêté attaqué, et qui en tout état de cause doivent être conciliés avec les intérêts protégés mentionnés à l'article L. 181-3 et définis à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 211-1 du code de l'environnement et des articles L. 100-1 et suivants du code de l'énergie doivent être écartés.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la société appelante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société hydroélectrique du Gorg Estelat est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée hydroélectrique du Gorg Estelat et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2024.
Le rapporteur,
X. Haïli
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21846