Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Yan a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2018 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017, ainsi que des amendes mises à sa charge au titre des années 2016 et 2017 sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement n°1905460 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2022 sous le n° 22BX00108 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux puis sous le n° 22TL20108 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Yan, représentée par Me Dupey, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2018 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017, ainsi que des amendes mises à sa charge au titre des années 2016 et 2017 sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification du 6 novembre 2018 est insuffisamment motivée s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dès lors que les propositions de rectification antérieures auxquelles elle fait référence n'y étaient pas jointes ;
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont injustifiés dès lors que les opérations assujetties à cette taxe sont hors de son champ d'application ;
- les rehaussements de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés correspondant aux minorations de recettes déclarées au titre de 2016 et 2017 sont injustifiés dès lors que les sommes portées au crédit de son compte bancaire proviennent d'apports personnels, en particulier d'un apport de 4 900 euros réalisé le 25 avril 2016 par la société AMB ;
- les dotations aux amortissements doivent être admises en charges déductibles dès lors qu'elles ont été inscrites en comptabilité à l'intérieur des délais impartis ;
- la somme de 5 000 euros inscrite dans un compte de classe 16 correspond au remboursement d'un emprunt ;
- lors d'un précédent contrôle, l'administration a formellement pris une position sur cette inscription, qui lui est opposable sur le fondement de la garantie contre les changements de doctrine ;
- la somme de 2 914,29 euros inscrite au crédit du compte-courant d'associé le 26 septembre 2017 a pour contrepartie une somme de 3 400,19 euros inscrite au débit de ce même compte le 8 septembre 2017 ;
- l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée n'est pas justifiée ;
- les amendes mises à sa charge au titre de 2016 et 2017 pour défaut de désignation des bénéficiaires de revenus distribuées ne sont pas motivées ;
- ces amendes ne sont pas justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- le litige n'a plus d'objet à hauteur du montant du dégrèvement prononcé le 10 mai 2022 ;
- les moyens soulevés par la société Yan ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 10 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Restino,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,
- et les observations de Me Dupey, représentant la société Yan.
Considérant ce qui suit :
1. La société Yan a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, par une proposition de rectification du 6 novembre 2018, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2018 et des rehaussements de ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2016 et 2017, ainsi qu'une demande de désignation des bénéficiaires de revenus distribués en 2016 et 2017. La société Yan relève appel du jugement du 16 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2018 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017 ainsi que des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 2016 et 2017 sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 10 mai 2022, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques de la région Occitanie et du département de la Haute-Garonne a prononcé un dégrèvement d'un montant de 17 865 euros, correspondant aux rappels en droits et pénalités de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société Yan au titre de la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2018. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " et aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". Il résulte de l'instruction que les rehaussements des bases imposables de la société Yan au titre des exercices clos en 2016 et 2017 ont été établis suivant la procédure de taxation d'office, en application du 2° de l'article L. 66 et de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, faute pour cette société d'avoir souscrit ses déclarations de résultats dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Par suite, la société Yan, qui ne conteste pas la régularité de la procédure d'imposition, supporte la charge de la preuve de l'exagération des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en litige.
4. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les résultats de la société Yan des exercices clos en 2016 et 2017 des sommes respectives de 5 889,70 euros et 9 282,77 euros correspondant à la différence entre les résultats déclarés et les sommes portées au crédit de son compte bancaire, estimant que ces sommes avaient le caractère de recettes non déclarées. La société Yan, qui n'a produit aucune facture ou quittance de loyer pour justifier le montant des recettes déclarées tirées de son activité de location, se borne à alléguer qu'une somme de 4 900 euros portée au crédit de son compte bancaire le 25 avril 2016 correspondrait à un apport de la société " AMB " et que le restant correspondrait à des apports personnels. Toutefois, ce faisant, la société Yan ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré de l'imposition. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les sommes de 5 889,70 euros et 9 282,77 euros dans les résultats de la société Yan.
6. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) ". Il résulte de ces dispositions que ne peuvent être déduites du bénéfice imposable que les dotations aux amortissements qui ont été effectivement inscrites dans les écritures comptables à la clôture de chacun des exercices concernés. Il appartient au contribuable de justifier que cette inscription a été effectuée avant l'expiration du délai imparti pour souscrire la déclaration des résultats annuels de l'entreprise.
7. Il résulte de l'instruction que la société Yan a souscrit, le 26 septembre 2018, ses déclarations de résultats des exercices clos en 2016 et 2017, postérieurement à l'expiration des délais légaux de déclaration, fixés respectivement au 3 mai 2017 et au 3 mai 2018. Le vérificateur a relevé, en outre, que le fichier des écritures comptables dont une copie lui a été remise par la société Yan a été validé le 25 septembre 2018. En faisant valoir que la date de validation des écritures comptables ne se confond pas avec le lettrage des écritures comptables, la société Yan n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, qu'elle a effectivement inscrit en comptabilité dans les délais prescrits les dotations aux amortissements déduites au titre des exercices clos en 2016 et 2017 pour des montants respectifs de 35 005 euros et 29 779 euros. Par suite, c'est à bon droit que l'administration en a remis en cause la déduction.
8. En troisième lieu, aux termes des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Il appartient dans tous les cas au contribuable, quelle que soit la procédure d'imposition suivie, de justifier l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.
9. D'une part, il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les résultats imposables de la société Yan de l'exercice clos en 2016 le solde créditeur, d'un montant de 5 000 euros, du compte de 164100 intitulé " prêt Mme A... ". La société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que Mme A... lui aurait consenti un emprunt de ce montant et, donc, de l'existence d'une dette à l'égard de cette personne en se bornant à alléguer que l'inscription comptable, qui correspond à " un remboursement ", suffit à la justifier. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré cette somme dans les résultats imposables de la société Yan.
10. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les résultats imposables de la société Yan de l'exercice clos en 2017 une somme de 2 914,29 euros, inscrite au crédit du compte-courant d'associé le 29 septembre 2017. La société Yan n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'une dette de ce montant à l'égard de ses associés en se bornant à alléguer qu'une somme de 3 400,19 euros avait été inscrite au débit de ce même compte le 8 septembre 2017. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré cette la somme de 2 914,29 euros dans les résultats imposables de la société Yan.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ". L'absence de rehaussement opéré par l'administration au titre de l'emprunt, mentionné au point 9, comptabilisé à la clôture d'un exercice précédent, ne peut être regardée comme une prise de position formelle sur la situation de fait de la société Yan au regard de la loi fiscale, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne les pénalités :
12. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 " et aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ".
13. Après avoir indiqué, dans la proposition de rectification du 6 novembre 2018, les rehaussements apportés aux résultats de la société Yan au titre des exercices clos en 2016 et 2017 qu'elle entendait regarder comme des revenus distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 et de l'article 110 du code général des impôts, l'administration lui a demandé de désigner, dans un délai de trente jours, les bénéficiaires de ces distributions. L'administration a également précisé à la société Yan qu'à défaut de réponse valable dans le délai imparti, elle lui infligerait une amende égale à 100 % du montant des distributions, sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. Il est constant que la société Yan n'a pas répondu à cette demande de désignation dans les trente jours suivant la notification de la proposition de rectification, le 7 novembre 2018. Contrairement à ce qui est allégué, ces amendes sont motivées et justifiées. Par suite, les moyens doivent être écartés.
14. Il résulte de ce qui précède que la société Yan n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Yan à hauteur du dégrèvement de 17 865 euros prononcé en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Yan est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Yan et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2024.
La rapporteure,
V. RestinoLe président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22TL20108 2
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