Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision portant sanction disciplinaire prise le 13 novembre 2019 par le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gaudissard, d'enjoindre au directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gaudissard de la repositionner sur son échelon initial, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gaudissard une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1906584 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes et mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à l'établissement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 juin 2022 et 8 juin 2023, Mme D..., représentée par la SELARL Lysis Avocats, agissant par Me Girard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 7 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision en date du 13 novembre 2019 par laquelle le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gaudissard de Espéraza a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire d'abaissement d'échelon ;
3°) d'enjoindre au directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gaudissard de Espéraza de la repositionner sur son échelon initial et de procéder à une reconstitution de carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de cet établissement les dépens et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis du conseil de discipline a été irrégulièrement rendu, le directeur adjoint, auteur de la saisine du conseil de discipline et titulaire du pouvoir disciplinaire, ayant siégé et participé au vote ; si ce directeur ne disposait pas du pouvoir disciplinaire faute de délégation du directeur, il n'était alors pas compétent pour saisir le conseil de discipline ;
- la partialité de son président rend irrégulier l'avis du conseil de discipline ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la sanction n'est pas proportionnée à la faute.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 mars et 30 juin 2023, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gaudissard de Espéraza, représenté par la société d'avocats BLT droit public, agissant par Me Bonnet, conclut au rejet de la requête de Mme D..., à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit mise à la charge de la requérante.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés et que les garanties procédurales de Mme D... ont été respectées.
Par une ordonnance du 4 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été reportée au 25 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- les observations de Me Girard, représentant Mme D... et les observations de Me Issartel, représentant l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gaudissard de Espéraza.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un avis du 15 octobre 2019 du conseil de discipline, le directeur de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gaudissard de Espéraza (Aude) a, par une décision du 13 novembre 2019, prononcé à l'encontre de Mme D..., agent des services hospitaliers qualifié, titulaire de cet établissement, une sanction d'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu, appartenant au 2ème groupe, avec prise d'effet au 15 novembre suivant, à raison d'un comportement violent de l'intéressée, alors qu'elle se rendait à son travail en voiture, envers une autre conductrice. Mme D... a alors demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cette décision de sanction. Par un jugement n°1906584 du 7 avril 2022, dont Mme D... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a notamment rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Lorsqu'elle n'est pas membre du conseil de discipline, l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire est convoquée dans les formes prévues à l'article 2. Elle dispose alors des mêmes droits que le fonctionnaire poursuivi ".
3. D'une part, la requérante persiste à soutenir en appel que le fait que le directeur adjoint de l'établissement, auteur de la saisine du conseil de discipline, qui avait auparavant signifié à l'agent la mesure de suspension de ses fonctions et qui doit être considéré, selon elle, comme le titulaire du pouvoir disciplinaire, ait siégé et participé au vote du conseil de discipline, entache d'irrégularité l'avis de ce conseil. S'il ressort effectivement du procès-verbal du conseil de discipline du 15 octobre 2019 qui a examiné la situation de Mme D..., que M. A..., directeur des ressources humaines de l'établissement Gaudissard, siégeait au conseil de discipline en qualité de représentant de l'administration, il ressort toutefois des pièces du dossier que ce dernier n'exerçait pas l'autorité disciplinaire à l'encontre de Mme D.... En effet, la décision disciplinaire du 13 novembre 2019 a été signée par M. B..., directeur de l'établissement, investi du pouvoir de nomination et ainsi du pouvoir disciplinaire en application de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique et de l'article 82 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. Ce même directeur avait déjà reçu l'agent en entretien préalable le 18 septembre 2019 et pris la décision d'engagement de poursuites disciplinaires, ainsi qu'il ressort du compte-rendu de cet entretien versé aux débats par la requérante. En outre, les dispositions citées au point 2 n'interdisaient pas au directeur des ressources humaines de l'établissement, ni même à l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, de siéger au conseil de discipline. Ainsi, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du conseil de discipline doit être écarté. D'autre part, le directeur des ressources humaines a pu régulièrement signer, le 25 septembre 2019, le rapport introductif à la procédure disciplinaire, par délégation du directeur, ainsi que ce document le mentionne expressément. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la saisine du conseil de discipline doit également être écarté.
4. Par ailleurs, si la lettre de convocation du 26 septembre 2019 signée par le président du conseil de discipline indique que ce dernier a été informé du " comportement violent sur la voie publique " de l'agent, cette seule indication, qui a eu seulement pour objet de porter à la connaissance de Mme D... le grief qui lui était reproché, ne révèle, par elle-même, aucun préjugé ou avis négatif de l'auteur de cette convocation et donc aucun manquement de ce dernier au devoir d'impartialité. Par suite, le moyen tiré de la prétendue partialité du président du conseil de discipline doit être écarté.
5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
6. Le comportement d'un fonctionnaire en dehors du service peut constituer une faute de nature à justifier une sanction si les faits commis sont incompatibles avec les fonctions exercées ou s'ils ont pour effet de perturber le bon fonctionnement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration.
7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme D..., alors qu'elle se rendait en voiture sur son lieu de travail afin d'y prendre son service, le mardi 17 septembre 2019, a eu une altercation avec une autre conductrice à proximité de l'établissement, sur la voie publique. Il ressort du rapport circonstancié de la cadre de santé de l'établissement qu'une des collègues de travail l'a alors appelée sur son téléphone portable pour solliciter son intervention, alors qu'elle n'arrivait pas à contenir Mme D..., laquelle aurait été en train de " passer à tabac " une conductrice. Si la requérante nie désormais toute violence ou atteinte physique, ce même rapport de la cadre de santé mentionne néanmoins que l'agent, auteur de l'alerte, lui a expliqué avoir vu Mme D... donner un coup de poing ainsi que des coups de pieds dans la voiture de l'autre conductrice. Il résulte également de ce document que la cadre de santé a pu constater sur place la pommette gauche endommagée de la conductrice. Dans son compte-rendu circonstancié, le directeur des ressources humaines a aussi précisé avoir vu à la gendarmerie de Quillan la victime, en état de choc et sortant de chez son médecin et, lors de la séance du conseil de discipline, il a affirmé s'être rendu à la gendarmerie et y avoir vu la victime avec une pommette endommagée. Dans ces conditions, l'atteinte physique de la victime doit être tenue pour établie, nonobstant l'absence de témoignage direct et de certificat médical.
8. Si Mme D... soutient que la gravité des faits susmentionnés est à relativiser dès lors que l'altercation serait assimilable à une contravention de quatrième classe et si elle rappelle également le contexte de celle-ci, qui a eu lieu à l'extérieur de l'établissement et en dehors des horaires de service et qui n'a pas donné lieu à publicité et à un dépôt de plainte, les faits se sont cependant déroulés sur la voie publique, à proximité de l'établissement, en présence de plusieurs personnes dont une aurait même filmé la scène. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, ces faits ont eu une certaine publicité et ont également nécessairement donné une mauvaise image de l'établissement, qui était identifiable, dès lors, notamment, que la cadre de santé appelée et présente sur les lieux portait sa blouse de service. En outre, le comportement de l'agent a été violent dans la mesure où il ressort du rapport circonstancié de cette cadre que la victime, âgée de 72 ans, était en état de choc et portait encore sa ceinture de sécurité lorsque cette cadre s'est approchée et s'est présentée à elle après l'altercation dont elle venait de faire l'objet. Il n'est également pas contesté que la victime a déposé, après ces faits, une main-courante à la gendarmerie de Quillan.
9. Les faits susmentionnés, mêmes isolés, qui ont eu un retentissement sur le personnel, ont nui au crédit de l'établissement et s'avèrent, par eux-mêmes, incompatibles avec l'exercice de fonctions auprès de personnes vulnérables. Ils sont, par suite, fautifs et de nature à justifier une sanction.
10. Aux termes de l'article 81 de la loi susvisée du 9 janvier 1986 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes :/ Premier groupe :/ L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ;/ Deuxième groupe :/ La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ;/ Troisième groupe :/ La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office, la révocation. / (...)".
11. En l'espèce, Mme D... a été sanctionnée d'un abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu. Si elle rappelle son ancienneté, fait état de l'absence d'antécédent disciplinaire, du fait qu'elle a fait l'objet d'une progression normale d'échelon, qu'elle est présente, disponible et appréciée de ses collègues et des résidents, l'acte violent qu'elle a commis justifie, en lui-même, que lui soit infligée une sanction du deuxième groupe. Dans ces conditions, la sanction infligée d'abaissement d'échelon n'apparaît pas, en l'espèce, disproportionnée à la gravité de la faute commise.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 novembre 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent également qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. En l'absence de dépens, les conclusions présentées par Mme D... sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gaudissard de Espéraza, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
14. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... une somme de 1 500 euros à verser à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gaudissard de Espéraza, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Mme D... versera une somme de 1 500 euros à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gaudissard de Espéraza sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Gaudissard de Espéraza.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
M. Teulière, premier conseiller,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°22TL21317