Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Par a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les délibérations du conseil municipal de Lamalou-les-Bains des 11 janvier 2022 et 23 août 2022 par lesquelles a été décidée l'acquisition par voie de préemption des lots n° 16 et n° 17 d'un bien immobilier cadastré section C n° 600 de la résidence Le Charcot, située 8 avenue de Charcot.
Par un jugement n° 2201357 du 10 octobre 2024, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces délibérations, a enjoint à la commune de proposer à la Société Générale venant aux droits de la Société Marseillaise de Crédit et à M. B... A..., anciens propriétaires des parcelles ayant fait l'objet de la préemption, d'acquérir le bien immobilier ou, en cas de refus de leur part, à la société civile immobilière Par, acquéreur évincé et a mis à la charge de la commune de Lamalou-les-Bains la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 novembre 2024 et le 24 mars 2025, la commune de Lamalou-les-Bains, représentée par la SELARL Acoce, demande à la cour d'ordonner, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution de ce jugement.
Elle soutient que :
Sur les conséquences difficilement réparables de l'exécution du jugement :
- le jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables au sens de l'article R. 811-17 du code de justice administrative dès lors qu'en cas de rachat du bien litigieux, il n'y a aucune garantie qu'il ne soit pas procédé à sa revente par la suite, à sa transformation ou démolition et qu'en conséquence, en cas d'annulation du jugement, la commune se trouvera privée de son bien ;
- elle a conclu le 20 avril 2023 un bail pour ce local afin de permettre l'installation en centre-ville d'un opticien, un tel commerce étant jusqu'ici absent du centre-ville ;
- l'exécution du jugement la prive de la maîtrise du devenir du local en cas de rachat par les anciens vendeurs ou l'acquéreur évincé, risquant ainsi de mettre fin à ce nouveau commerce de proximité ;
- en cas d'annulation du jugement, la commune devra supporter à nouveau les coûts de transfert de propriété qui viendront obérer ses dépenses ;
Sur l'existence d'un moyen sérieux :
- c'est à tort que le tribunal a annulé les délibérations en litige au motif que la réalité du projet justifiant la préemption n'est pas établie et les premiers juges ont ainsi commis une erreur de droit ;
- la délibération en litige est motivée par référence au rapport de présentation du plan local d'urbanisme et aux objectifs précis du projet d'aménagement et de développement durables de la commune et des moyens pouvant être mis en œuvre pour les atteindre, notamment l'axe majeur tenant à l'affirmation du rôle de ville thermale au travers de l'aménagement et des équipements ;
- il a été mentionné l'intention d'implanter un commerce de proximité répondant aux besoins immédiats des usagers et à la limitation des déplacements mais il lui était impossible de préciser le type d'activité du commerce projeté compte tenu de la procédure de sélection de candidats qui devait être mise en œuvre ;
- la délibération a également été motivée par la nécessité de consolider l'offre commerciale du cœur de ville par l'implantation de commerces de proximité ;
- l'exercice du droit de préemption dans le périmètre du cœur de ville, au sein duquel s'organisent les commerces et services de proximité, suffit à démontrer la réalité du projet porté par la commune ;
- la circonstance qu'un bail ait été conclu avec un opticien pour le local en cause seulement huit mois après la décision de préemption doit être prise en compte dans l'appréciation de la réalité du projet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2025, la société civile immobilière Par, représentée par Me Guillemain, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Lamalou-les-Bains la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conditions prévues par le code de justice administrative pour qu'il soit sursis à l'exécution du jugement ne sont pas réunies en l'absence de conséquences difficilement réparables et de moyen sérieux ;
- dans le cadre du rachat de la parcelle litigieuse, elle n'aurait aucun intérêt à se porter acquéreur si elle entendait revendre ou démolir le bien préempté ; l'injonction prononcée par le tribunal n'a pas pour effet d'impliquer une tierce personne ;
- la commune ne justifie pas de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et elle ne fait pas apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
Vu :
- la requête enregistrée le 27 novembre 2024 sous le n° 24TL02958 par laquelle la commune de Lamalou-les-Bains fait appel du jugement n° 2201357 du tribunal administratif de Montpellier rendu le 10 octobre 2024 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience :
- le rapport de M. Chabert, président,
- et les observations de Me Martinez, représentant la commune de Lamalou-les-Bains.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une déclaration d'intention d'aliéner reçue en mairie le 30 novembre 2021, le conseil municipal de Lamalou-les-Bains (Hérault) a, par une première délibération du 11 janvier 2022, décidé d'acquérir par voie de préemption au prix total de 110 000 euros un bien immobilier constitué des lots nos 16 et 17 appartenant respectivement à la Société Marseillaise de Crédit et à M. B... A..., situé 8 avenue de Charcot, cadastré section C n° 600. Une seconde déclaration d'intention d'aliéner pour ce même bien ayant été reçue en mairie le 29 juin 2022, le conseil municipal a délibéré à nouveau le 23 août 2022 pour exercer au nom de la commune le droit de préemption pour cet immeuble pour un prix identique au précédent. Saisi par la société civile immobilière Par, agissant en qualité d'acquéreur évincé, d'une demande tendant à l'annulation de ces délibérations, le tribunal administratif de Montpellier, par un jugement du 10 octobre 2024, a annulé les délibérations des 11 janvier et 23 août 2022, a enjoint à la commune de proposer à la Société Générale, venant aux droits de la Société Marseillaise de Crédit, et à M. A..., anciens propriétaires des lots ayant fait l'objet de la préemption, d'acquérir le bien immobilier dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, puis le cas échéant, en cas de refus de leur part, à la société civile immobilière Par, acquéreur évincé, à un prix visant à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle et a mis à la charge de la commune de Lamalou-les-Bains une somme de 1 500 euros à verser à la société civile immobilière Par au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la présente requête, la commune de Lamalou-les-Bains, qui a fait appel de ce jugement, demande à la cour d'en prononcer le sursis à l'exécution.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
2. L'article R. 222-25 du code de justice administrative, relatif au fonctionnement des cours administratives d'appel, dispose que : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17. ". Aux termes de l'article R. 811-15 du même code : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ". L'article R. 811-17 de ce code dispose que : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ".
3. En application des dispositions précitées de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun de ces moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.
4. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. La mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
6. En l'état de l'instruction, le moyen développé par la commune de Lamalou-les-Bains à l'appui de sa demande de sursis à exécution du jugement attaqué, tiré de ce que la commune établit dans les délibérations en litige la réalité du projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés par les dispositions citées au point 4, tel que visé et analysé dans les visas de la présente décision, ne paraît pas sérieux au sens et pour l'application des dispositions précitées des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Lamalou-les-Bains n'est pas fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête d'appel au fond.
Sur les frais liés au litige :
8. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lamalou-les-Bains, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Par et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête en sursis à exécution de la commune de Lamalou-les-Bains est rejetée.
Article 2 : La commune de Lamalou-les-Bains versera à la société Par une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Lamalou-les-Bains, à la société civile immobilière Par, à la Société Générale et à M. B... A....
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 avril 2025.
Le président de la 4ème chambre,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24TL02959