ARRET DU 21 MAI 2002 ----------------------- 01/00204 ----------------------- X... Y... C/ UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T DU GERS ----------------------- ARRET N° COUR D'APPEL D'AGEN CHAMBRE SOCIALE Prononcé à l'audience publique du vingt et un Mai deux mille deux par Madame LATRABE, Conseiller, La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire ENTRE : Madame X... Y... née le 26 Novembre 1948 à ANGERS (49000) 27 rue d'Angerville 32000 AUCH Rep/assistant : Me Alain NONNON (avocat au barreau d'AUCH) APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes d'AUCH en date du 21 Novembre 1996 d'une part, ET :
UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T DU GERS 28 rue Gambetta BP 138 32000 AUCH Rep/assistant : Me Alain MIRANDA (avocat au barreau d'AGEN) INTIMEE :
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant. La cause a été débattue et plaidée en audience publique le 09 Avril 2002 devant Monsieur MILHET, Président de Chambre, Madame LATRABE, Conseiller, Monsieur ROS, Conseiller, assistés de Nicole GALLOIS, Greffier et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu. * * *
Attendu que s'agissant des faits de la cause, il suffit de rappeler que :
- suivant contrat de travail en date du 6 mars 1995, Madame Y... X... a été engagée par l'UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T. du GERS pour une durée de six mois à compter du 3 avril 1995, en qualité de secrétaire technique moyennant un salaire mensuel de 4 235 Francs correspondant à 96 heures de travail par mois.
- le 28 mars 1995, un nouveau contrat de travail a été signé entre les parties aux termes duquel la durée du contrat a été portée à 24 mois pour le même salaire et la même durée mensuelle de travail.
- parallèlement une convention a été signée le 5 avril 1995 avec l'Agence Locale pour l'Emploi d'AUCH, l'embauche se réalisant dans le cadre d'un contrat de retour à l'emploi.
- par lettre du 22 janvier 1996, l'UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T. du
GERS a notifié à Madame Y... son licenciement pour motif économique avec un préavis d'un mois qu'elle a été dispensée d'effectuer.
- estimant que ce licenciement était abusif, Madame Y... a saisi, le 25 mars 1996, le Conseil des Prud'hommes d'AUCH.
- par jugement en date du 21 novembre 1996, déclaré rendu en dernier ressort, cette juridiction l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
- par arrêt du 26 octobre 1999, la Cour de Cassation, considérant que ce jugement avait été inexactement qualifié en dernier ressort alors qu'il était susceptible d'appel, a déclaré Madame Y... irrecevable en son pourvoi intenté à l'encontre de cette décision.
- le 6 janvier 2000, Madame Y... a relevé appel du jugement rendu le 21 novembre 1996, dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.
- par arrêt du 13 février 2001, la Cour, saisie de cet appel, a prononcé la radiation administrative de l'affaire ; celle ci a fait l'objet d'une réinscription au rôle à la requête de Madame Y.... Attendu que Madame Y... fait grief aux premiers juges d'avoir retenu la force majeure comme cause de la rupture du contrat de travail, l'UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T. du GERS ayant invoqué le mouvement de grève de la fin de l'année 1995 qualifié de cas de force majeure, alors pourtant que cette grève qui ne remplit pas les conditions de ce cas exonérateur pour l'employeur de ses obligations
envers le salarié, n'a pas été la cause immédiate de la rupture mais se serait trouvée seulement à l'origine des difficultés financières alléguées par le syndicat.
Qu'elle soutient pour l'essentiel que les faits de grève invoqués n'avaient aucun caractère irrésistible ou insurmontable pour l'UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T. du GERS puisque celle ci n'en était pas affectée plus durement que n'importe quelle autre entreprise française et que s'agissant d'une organisation syndicale, elle avait, elle-même, appelé à la grève de sorte que le caractère d'extériorité indispensable à la qualification de la force majeure faisait défaut, étant ajouté qu'elle était parfaitement placée pour prévoir, lors de l'embauche, les mouvements sociaux qui pouvaient affecter le pays.
Qu'elle souligne, par ailleurs, le peu de sérieux du motif économique invoqué par l'UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T. du GERS laquelle fait état de difficultés financières structurelles et en définitive d'une perte de ressources de 16 826,78 Francs qui ne saurait, dès lors, avoir les caractéristiques d'une force majeure insurmontable pour l'employeur. Qu'elle en déduit que la rupture de son contrat de travail, s'agissant d'un contrat à durée déterminée que l'employeur tente vainement, à titre subsidiaire, de faire requalifier en contrat à durée indéterminée, ne peut être que déclarée abusive.
Qu'elle ajoute que la rupture du contrat de travail est due en réalité à des motifs personnels et rappelle que l'UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T. du GERS avait déjà engagé, au mois de novembre 1995, une procédure de licenciement pour des raisons imputables à sa personne, cette procédure n'ayant toutefois pas été poursuivie jusqu'à son terme, aucune faute grave n'ayant pu être relevée à son encontre.
Qu'elle explique, enfin, que du fait de la rupture du contrat de
travail, elle a subi un préjudice que l'employeur doit réparer ; qu'en particulier, il lui doit l'intégralité des salaires auxquels elle aurait eu droit si son contrat s'était poursuivi jusqu'à son échéance du 3 mars 1997 ce qui représente 13 mois de travail, la prime AGEFIPH qui devait lui être octroyée sur production du 12° bulletin de salaire ainsi qu'une indemnité de précarité ; qu'elle soutient également que les circonstances de la rupture ont été particulièrement vexatoires puisqu'elle a été insultée par son employeur qui a prétendu qu'elle était incompétente et qu'elle n'avait aucune conscience professionnelle lui occasionnant ainsi un préjudice moral.
Qu'elle demande, dès lors, à la Cour de réformer la décision du Conseil des Prud'hommes, de condamner l'UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T. du GERS à lui payer les sommes de 55 055 Francs à titre de dommages intérêts pour sa perte de salaires, 50 000 Francs au titre du préjudice moral, 6 097,76 Francs à titre d'indemnité de fin de contrat, 10 000 Francs au titre de la perte de la prime AGEFIPH et de 25 000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Attendu que l'UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T. du GERS demande, au contraire, à la Cour de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et de débouter Madame Y... de l'ensemble de ses prétentions.
Qu'elle fait valoir pour l'essentiel que le licenciement de Madame Y... a été notifié en raison des difficultés financières aiguùs qu'elle a connu à la fin de l'année 1995 puisque du fait des mouvements de grève qui ont paralysé à cette époque et de façon prolongée le secteur public, ses recettes constituées par les timbres encaissés au niveau des syndiqués ont chuté de façon drastique, de
sorte qu'elle a enregistré pendant cette période un manque à gagner de 56 000 Francs par rapport aux années précédentes si bien qu'elle n'a pu honorer les emprunts qu'elle avait contractés pas plus que ses échéances à l'URSSAF et que ses comptes bancaires se sont trouvés en situation de découvert.
Qu'elle explique que, dans ces conditions, elle n'a pu faire face à la poursuite du contrat de travail de Madame Y... et qu'elle est trouvée en présence d'un cas de force majeure caractérisé par la survenance d'événements qui lui étaient extérieurs, qui étaient imprévisibles pour elle dans leur amplitude et auxquels elle n'a pu résister qu'en mettant en place des solutions alternatives étant précisé qu'au mois de janvier 1996, elle a dû modifier le contrat de travail de sa secrétaire générale, Madame Z..., dans le sens de la réduction de son horaire de travail et donc de sa rémunération.
Qu'elle affirme, par ailleurs, qu'aucun motif lié à la personne de Madame Y... ou à sa manière de servir n'est intervenu dans la notification de son licenciement.
Qu'à titre subsidiaire, l'UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T. du GERS prétend que les deux contrats signés successivement par Madame Y... qui ne comportent pas la définition précise de leur motif doivent être requalifiés en contrats à durée indéterminée dont la résiliation pouvait, dès lors, intervenir du fait d'un licenciement prononcé pour motif économique.
SUR QUOI
Attendu que le contrat de travail liant les parties est expressément qualifié de contrat à durée déterminée et comporte un terme précis.
Qu'un contrat à durée déterminée peut faire l'objet d'une
requalification en contrat à durée indéterminée, en application de l'article L 122-3-13 du Code du Travail, lorsqu'il a été conclu sans définition précise de son objet.
Que cependant, seul le salarié, à supposer réunies les conditions de cette requalification, peut se prévaloir de cette sanction civile à l'encontre de son employeur.
Que dès lors, l'UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T. du GERS est mal fondée à solliciter une telle requalification, alors que Madame Y... s'y oppose.
Attendu, par ailleurs, que le contrat à durée déterminée ne peut être rompu, sauf accord des parties, avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure.
Que la force majeure est un événement extérieur, imprévisible et insurmontable, rendant impossible l'exécution du contrat, étant précisé que ces conditions sont cumulatives.
Qu'en outre, l'insurmontabilité doit être absolue.
Qu'il s'ensuit que des difficultés d'exécution si importantes soient elles ne suffisent pas, même si elles mettent en péril l'entreprise, à caractériser la force majeure; qu'il en va de même des circonstances économiques ou des difficultés financières obérant temporairement la situation de celle ci.
Que dès lors, la grève invoquée qui n'a pas entraîné de façon insurmontable la cessation de l'activité même si elle a pu rendre celle ci, de manière ponctuelle, plus difficile ne peut s'analyser que comme faisant partie d'aléas de gestion ou de conjoncture dépourvus, par conséquent, des caractères d'extranéité et d'imprévisibilité requis.
Qu'en outre, il n'est en aucune manière établi que la grève dont
s'agit et les difficultés financières allégués ont constitué pour l'intimée une impossibilité absolue et durable d'exécuter le contrat de travail, alors au surplus qu'il apparaît que ce mouvement social était terminé lorsque la rupture du contrat est intervenue.
Que la grève ne saurait, dans ces conditions, constituer un cas de force majeure de nature à exonérer l'employeur de ses obligations envers sa salariée.
Qu'il s'ensuit que faute par l'employeur d'établir l'existence d'un des motifs limitativement énumérés par la loi, la rupture anticipée du contrat de travail est, en l'espèce, injustifiée.
Que par conséquent, la décision déférée sera infirmée.
Attendu que la rupture anticipée et injustifiée du contrat de travail ouvre droit pour la salariée à des dommages intérêts qui par application de l'article L 122-3-8 du Code du travail ne sauraient être inférieurs aux rémunérations qu'elle aurait perçues si le contrat avait été poursuivi jusqu'à son terme.
Que cette indemnisation ayant le caractère d'une réparation forfaitaire minimale incompressible et indépendante du préjudice subi ne peut subir aucune réduction de nature à limiter la condamnation à ce titre de l'employeur à l'égard du salarié, de sorte qu'il n'y a pas lieu de déduire à ce stade les indemnités de chômage qui ont pu être servies au titre de cette période, étant ajouté que les ASSEDIC n'ont pas à se substituer aux obligations réciproques de l'employeur et du salarié.
Qu'au regard des circonstances de l'espèce, le montant des dommages intérêts ainsi mis à la charge de l'employeur du fait de la rupture anticipée et injustifiée du contrat de travail doit être fixé à la somme de 8 393,08 Euros (55 055 Francs).
Qu'il n'est pas contesté, par ailleurs, que Madame Y... pouvait prétendre à une prime de pérennisation AGEFIPH pour l'insertion
professionnelle des personnes handicapées de 1 524,49 Euros ( 10 000 Francs) qui devait lui être octroyée sur production du 12° bulletin de salaire ; qu'elle n'a pu en bénéficier du fait de la rupture de son contrat de travail avant cette échéance, étant ajouté qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir que Madame Y... a pu obtenir par la suite un contrat de même type.
Que l'employeur doit donc être condamné au paiement de cette somme.
Attendu que l'indemnité de précarité d'emploi instituée par l'article L 112-3-4 du Code du Travail n'est pas due lorsque le contrat à durée déterminée a été conclu, comme en l'espèce, dans le cadre de la politique de l'emploi.
Qu'enfin, Madame Y... qui ne justifie pas de la réalité d'un préjudice moral distinct du préjudice né de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée et consécutif à la perte des éléments de rémunération qui vient d'être réparé pas plus que du caractère vexatoire des circonstances de la rupture doit être déboutée de sa demande de dommages intérêts à ce titre.
Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de l'UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T. du GERS qui succombe laquelle devra également verser au titre des frais irrépétibles la somme de 750 Euros à Madame Y...
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Reçoit l'appel jugé régulier en la forme,
Infirme la décision déférée,
Statuant à nouveau,
Dit que la rupture anticipée du contrat de travail de Madame Y... est injustifiée et qu'elle est imputable à l'employeur,
En conséquence, condamne l'UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T. du GERS à payer à Madame Y... les sommes de 8 393,08 Euros à titre de dommages intérêts par application de l'article L 122-3-8 du Code du travail et de 1 524,49 Euros au titre de la prime de AGEFIPH,
La condamne, en outre, à payer à Madame Y... la somme de 750 Euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Rejette comme inutiles ou mal fondées toutes demandes plus amples ou contraires des parties,
Condamne l'UNION DÉPARTEMENTALE C.G.T. du GERS aux dépens tant de première instance que d'appel. LE GREFFIER,
LE PRESIDENT, N. GALLOIS
A. MILHET