DU 08 Novembre 2006-------------------------
R.S/S.BCorinne X... C/Procureur GénéralRG N : 06/00718 - A R R E T No ------------------------------Prononcé en Chambre du Conseil du huit Novembre deux mille six, par René SALOMON, Premier Président,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :Madame Corinne X... née le 13 Juillet 1957 à SAINT DENIS DE LA REUNION Demeurant ... Comparante en personneAPPELANTE d'une décision rendue par le Conseil de l'ordre du Barreau du GERS en date du 06 Avril 2006D'une part
ET :Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel d'AGEN, qui a été entendu en ses observationsINTIMED'autre parta rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été communiquée au Ministère Public, débattue et plaidée en Chambre du Conseil, le 04 Octobre 2006, devant René SALOMON, Premier Président (lequel a fait un rapport oral préalable), Jean-Louis BRIGNOL et Bernard BOUTIE, Présidents de Chambre, Chantal AUBER, Conseiller et Christophe STRAUDO, Vice-Président placé désigné par ordonnance du Premier Président en date du 28 septembre 2006 assistés de Nicole CUESTA, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
FAITS, PROCEDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Il résulte de la procédure et des débats que le Bâtonnier de l'Ordre
des Avocats du Barreau du Gers a saisi le 21 mars 2006 la Commission de Discipline des Avocats de ce Barreau d'une instance disciplinaire engagée à l'encontre de Me Corinne X..., avocate à AUCH en lui reprochant divers griefs ;
Il résulte d'un extrait de la délibération du conseil de l'ordre du 6 avril 2006 que Me Isabelle Y... a été désignée en qualité de rapporteur pour instruire ce dossier ;
Cette délibération a été notifiée à Corinne X... par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 10 Avril 2006 ;
Corinne X... a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la cour le 11 mai 2006 ;
Elle soutient un certain nombre de moyens qui visent à conduire à l'annulation de cette délibération :
Cette délibération est dépourvue de base légale. Elle n'est pas motivée en droit et elle ne se fonde sur aucun article de loi ;
La réunion du conseil de l'Ordre n'a pas été régulièrement effectuée et en particulier les membres du conseil n'ont pas été convoqués régulièrement et n'ont pas valablement délibéré ;
La procédure concernant la réclamation préalable prévue à l'article 15 du décret du 27 novembre 1991 n'a pas été respectée ;
La nomination du rapporteur est contestée. Elle est nulle et elle porte atteinte au droit à un procès équitable. En effet sa situation juridique d'avocat inscrit sur la liste de stage est régie par la Commission de discipline du Conseil d'Administration du Centre Régional de Formation Professionnelle de Toulouse. Le bâtonnier en outre n'a pas procédé à l'enquête déontologique visée à l'article 187 de la loi du 27 novembre 1991 modifiée. En outre, Me Z... A... qui a été nommée en qualité de rapporteur faisait déjà partie du conseil de l'ordre en 2002 lors de diverses procédures engagées contre elle. Elle ne présente pas les qualités d'objectivité et
d'impartialité requises pour être chargée d'établir un rapport sur elle.
Cette délibération lèse ses intérêts professionnels dans la mesure où la procédure qui a été initiée au visa de l'article 181 du décret de référence ne concerne pas l'avocat inscrit sur la liste de stage. Les sanctions qui sont prescrites à cet égard concernant les avocats inscrits au tableau sont beaucoup plus sévères que celles qui concernent les avocats inscrits sur la liste de stage.
Le rapport rédigé par le rapporteur au mépris de la procédure d'appel est nul et de nul effet.
Attendu que le conseil de l'Ordre des Avocats au Barreau du Gers a fait parvenir à la cour des conclusions par l'intermédiaire de son bâtonnier ;
Le ministère public a conclu à l'irrecevabilité de cet appel ;
À l'audience tenue en chambre du conseil, Corinne X... a réitéré ses demandes en indiquant à la cour que le bâtonnier n'avait pas qualité pour ester en justice dans cette affaire ;
La cour a sollicité l'avis du Bâtonnier de l'Ordre du Barreau du Gers ;
Le Procureur Général a réitéré ses conclusions d'irrecevabilité ;MOTIFS
SUR LA QUALITE DE PARTIE DU CONSEIL DE L ORDRE EN INSTANCE D APPEL
Le conseil de l'ordre ne peut être considéré comme une partie en instance d'appel sur le recours formé contre sa décision. Dès lors il ne peut intervenir devant la juridiction saisie du recours. Il en résulte que les conclusions et les pièces déposées par le conseil de l'ordre en instance d'appel doivent être écartées ;
Cependant, la cour d'appel saisie d'un recours en matière disciplinaire peut solliciter les observations du Bâtonnier, ce qui a été fait au cas d'espèce ;
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL
Attendu que la procédure disciplinaire s'appliquant à la profession d'avocat est régie par les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 modifiée (notamment l'article 23) et le décret du 27 novembre 1991 modifié (articles 187 et suivants) ;
Ces textes réglementent les différentes phases de cette procédure et notamment les conditions dans lesquelles l'instance disciplinaire est saisie ainsi que l'instruction du dossier;
L'article 188 en son alinéa 2 dispose notamment que l'acte de saisine de l'instance disciplinaire dont relève l'avocat poursuivi est notifié à ce dernier par l'autorité qui a pris l'initiative de l'action disciplinaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, copie en étant communiquée au conseil de l'ordre aux fins de désignation d'un rapporteur. Dans les quinze jours de la notification, le conseil de l'ordre désigne l'un de ses membres pour procéder à l'instruction de l'affaire ;
L'article 196 du décret dispose que toute décision prise en matière disciplinaire est notifiée à l'avocat poursuivi, au Procureur Général et au Bâtonnier dans les huit jours de son prononcé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le plaignant étant informé du dispositif de la décision lorsque celle-ci est passée en force de chose jugée ;
L'article 197 dispose que l'avocat qui fait l'objet d'une décision en matière disciplinaire peut former un recours contre la décision ;
Au cas d'espèce, Corinne X... a relevé appel de la délibération en date du 6 avril 2006 qui a désigné Me Isabelle Z... A... rapporteur, pour instruire le dossier, délibération qui lui a été notifiée le 10 Avril 2006, décision contre laquelle elle avait immédiatement formé une réclamation préalable avant d'en interjeter appel ;
La cour considère que la décision déférée à la cour n'est pas susceptible d'appel, la désignation par le conseil de l'ordre de l'un de ses membres pour procéder à l'instruction de l'affaire n'étant que l'une des étapes obligées qui s'impose à cette institution puisqu'à défaut de désignation d'un rapporteur par le conseil de l'ordre, l'autorité qui a engagé l'action disciplinaire doit saisir le premier président de la cour d'appel qui procède alors à cette désignation parmi les membres du conseil de l'ordre (article 188 alinéa 5) ;
L'ensemble des moyens invoqués par Corinne X... au soutien de son appel ne peuvent être examinés par la cour que dans le cadre d'un appel formé à l'encontre de la décision qui aura été prise par l'instance disciplinaire après instruction du dossier, la critique formée à l'encontre de la désignation du rapporteur, suspecté de partialité, relevant d'une autre procédure ;PAR CES MOTIFS
Statuant en Chambre du Conseil, en matière de discipline de la profession d'avocat, en audience solennelle, contradictoirement et en dernier ressort,
Dit que le conseil de l'ordre des avocats du barreau du Gers n'est pas partie à l'instance de sorte qu'il ne peut intervenir devant la cour ;
Rejette en conséquence les conclusions et pièces versées aux débats par le bâtonnier de l'ordre ;
Déclare recevable l'appel formé par Corinne X... de la délibération du conseil de l'Ordre des avocats du Barreau du Gers ayant désigné Me Z... A... en qualité de rapporteur à la commission de discipline des avocats des barreaux du ressort de la cour d'appel d'Agen ;
La condamne aux entiers dépens ;
Le présent arrêt a été signé par René SALOMON, Premier Président et par Nicole CUESTA, Greffier présent lors du prononcé.
Le Greffier
Le Président