ARRÊT DU16 Octobre 2007
J.M.I/S.B
---------------------- RG N : 05/01416--------------------
Guy X...
C/
Jean Y...
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ARRÊT no
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Prononcé à l'audience publique le seize Octobre deux mille sept, par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre, assisté de Dominique SALEY, Greffier,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur Guy X...né le 20 Septembre 1944 à VILLEFRANCHE Du QUEYRAN (47160)de nationalité française ...
représenté par la SCP A.L. PATUREAU et P. RIGAULT, avouésassisté de Me Anne FRANCOIS BELLANDI, avocat
APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AGEN en date du 07 Juillet 2005
D'une part,
ET :
Monsieur Jean Y...né le 14 Novembre 1926 à AGEN (47000)de nationalité française...
représenté par la SCP TESTON - LLAMAS, avouésassisté de Me Serge DAURIAC, avocat
INTIME
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 18 Septembre 2007, devant Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre (lequel a fait un rapport oral préalable), Christophe STRAUDO, Conseiller chargé du Secrétariat Général et Thierry LIPPMANN, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
Jean Y... est propriétaire de parcelles contiguës à celles appartenant à Guy X..., qui bénéficiaient d'un passage jusqu'à la voie publique ;
En 2003, Guy X... a obstrué ce passage en y posant un grillage et un portail fermé à clé ;
Saisi par Jean Y... pour voir cesser ce trouble illicite, le Juge des référés du tribunal de grande instance d'AGEN, par ordonnance du 22 janvier 2004, l'a autorisé à passer sur la parcelle de Guy X... pour accéder à son fonds, pendant un an, sous réserve de justifier d'une action visant à faire cesser l'état d'enclave ;
Le 27 février 2004, Jean Y... a fait assigner Guy X... devant le tribunal de grande instance d'AGEN pour voir constater l'état d'enclave de ses parcelles et voir dire qu'elles doivent bénéficier d'une servitude légale de passage, ainsi qu'en paiement de sommes ;
Par ordonnance du 12 janvier 2005, le Juge de la mise en état a accordé à Jean Y... un droit de passage sur la parcelle 750 pendant la durée de la procédure et a enjoint, sous astreinte, à Guy X... de lui remettre le double des clés du portail ;
Par jugement contradictoire du 7 juillet 2005, le tribunal :
- a constaté que les parcelles cadastrées section A no 746 et 749 au lieudit "La Tote", commune de Saint Sixte (Lot et Garonne) sont enclavées,- a dit que ces parcelles bénéficient pour accéder à la voie publique constituée par la voie communale, d'une servitude légale de passage grevant les parcelles cadastrées section A no 750, 751, 752, 756 et 1241,- a condamné Guy X... à payer à Jean Y... la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 1.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,- et a ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration enregistrée le 20 septembre 2005 au greffe de la Cour Guy X... a relevé appel de ce jugement qui lui avait été signifié le 23 août ;
Aux termes de ses dernières écritures, Guy X... fait valoir :
que, d'une part, Jean Y... soutient, à tort, que les deux propriétés sont issues de la division d'un même fonds et que l'article 684 du Code civil est applicable en l'espèce,
que si la propriété a été réunie en 1954 entre les mains d'un même propriétaire, Madame B..., aucune pièce n'établit qu'elle ait, par la suite, fait l'objet d'une division ; qu'on ignore les conditions dans lesquelles le fonds a été divisé,
qu'au surplus, le passage revendiqué est envahi par les ronces et nullement apparent et qu'en raison de ce caractère non apparent, la servitude du bon père de famille de l'article 694 du Code civil n'a pas pu se créer,
que la maison de Jean Y... est une ruine qui n'est devenue accessible que lorsqu'il l'a "défrichée" en même temps que son propre immeuble, après son acquisition en 2000,que, d'autre part, l'article 682 invoqué par Jean Y... est inapplicable en l'espèce, son fonds n'étant pas destiné à l'exploitation agricole, industrielle ou à la construction ou au lotissement,
Il demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter Jean Y... de ses demandes, subsidiairement, si un droit de passage devait lui être accordé, de le condamner à lui payer la somme de 38.000 €, montant de la moins value générée par ce droit, celle de 2.000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 2.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Jean Y..., aux termes de ses dernières conclusions, réplique, après avoir rappelé les faits et la procédure antérieure :
* sur l'article 684 du Code civil :
qu'à l'origine, les deux propriétés formaient une parcelle unique qui a été divisée, y compris en ce qui concerne le bâti ; que la parcelle 749 et la moitié de la construction furent attribuées à la famille Y... ; que la parcelle 750 et l'autre moitié de la construction furent dévolues à la famille B..., aux droits de laquelle vient Guy X... ; que cette division parcellaire a eu pour conséquence d'enclaver la parcelle 749 ; qu'en effet la servitude grevant les fonds 751, 752, 756 et 1241 dessert exclusivement la parcelle 750 provenant de la division parcellaire ; qu'il est établi que les propriétaires de la parcelle 749 ont continué à passer sur la parcelle 750 pour accéder au chemin de terre aboutissant à la voie communale ; que l'enclavement procédant de la division d'un fonds, il détient un titre légal de servitude fondé sur l'article 684 du Code civil ; que le passage accordé par le tribunal est le plus court et le moins dommageable, ce qui n'est pas contesté ; que le droit à indemnité est exclu lorsque le désenclavement est accordé sur le fondement de ce texte ;
* subsidiairement, sur l'article 682 du Code civil :
que le droit pour le propriétaire d'une parcelle enclavée de réclamer un passage sur les fonds voisins est d'application générale qu'elle que soit la destination du fonds ; que l'assiette retenue correspond au chemin le plus court et le moins dommageable et est celle qui est empruntée depuis l'enclavement de la parcelle 749 par suite de la division qui remonte à plus de trente ans ; que cette division constitue le point de départ de la prescription de l'indemnité et que la demande d'indemnité de Guy X... est irrecevable comme prescrite en application de l'article 685 du Code civil ;
que le tribunal lui a justement alloué une indemnité de 3.000 € en réparation des troubles de voisinage causés par Guy X... ;
Il conclut à la confirmation du jugement par substitution de motifs, subsidiairement à sa confirmation pure et simple, et à la condamnation de Guy X... à lui payer la somme de 3.000 € pour appel abusif et celle de 2.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
Attendu que l'appel, interjeté dans les formes et délai légaux, est recevable ;
Attendu que Guy X... est propriétaire des parcelles 747 , 748 et 750 (supportant une maison) d'une contenance totale de 20 a 72 ca ; que Jean Y... est propriétaire des parcelles contiguës 746 et 749 (supportant une petite construction) d'une contenance totale de 12 a 54 ca ;
Attendu que Jean Y... fait valoir que l'article 684 du Code civil est applicable en la cause, les parcelles Y... et X... ayant constitué un fonds unique, d'une superficie totale de 33 a environ et desservi par une servitude de passage ayant pour assiette les parcelles 751,752, 756 et 1241, et qui a été ensuite divisé, y compris en ce qui concerne le bâti ;
Attendu, certes, que l'article 684 du Code civil dispose que, lorsque l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes ; que, même s'il est très probable que, comme l'a indiqué Guy X... à un huissier qu'il avait commis pour un constat, les deux constructions, accolées, ont appartenu autrefois à un unique propriétaire, le contrat dont résulte la division du fonds et l'enclave des parcelles 746 et 749 n'est pas produit ; qu'aux termes de l'acte notarié du 10 février 1999, par lequel Jean Y... (propriétaire pour 1/3) a racheté les droits (2/3) des autres indivisaires, ces parcelles avaient été achetées en 1965 par ses parents, Roland Y... (décédé en 1987) et Marie C... épouse Y... (décédée en 1983), à Madame J... veuve D... ; que le titre de propriété de Guy X..., qui serait de 2001, n'est produit par aucune des parties et que, selon certaines attestations, le vendeur serait un sieur E..., venant aux droits de Monsieur B... ; que les actes de 1930 et 1954 versés aux débats concernent l'un une maison avec un terrain de 23 ares environ au total, et l'autre les seules parcelles 747,748 et 750; que l'article 684 du Code civil ne peut recevoir application en l'espèce ;
Attendu que Jean Y... se prévaut à titre subsidiaire des dispositions de l'article 682 du Code civil, ce que conteste Guy X... en faisant valoir que le fonds de Jean Y... n'est pas destiné à l'exploitation agricole, industrielle ou à une opération de construction ou de lotissement ;
Mais attendu que le droit pour le propriétaire d'une parcelle enclavée de réclamer un passage sur le fonds voisin est d'application générale quelle que soit la destination du fonds ; que, contrairement à ce que soutient Guy X..., le bâtiment situé sur la parcelle cadastrée 749 n'est pas une ruine, mais seulement vétuste, et peut être utilisé comme résidence temporaire ;
Attendu qu'il résulte des attestations circonstanciées de Monsieur F..., Monsieur G..., Monsieur B..., Monsieur H... et Madame I... que le passage reliant le fonds Y... à la voie publique, constitué par un chemin ayant pour assiette les parcelles 1241,756, 752, 751 ( matérialisé par le plan cadastral) et 750, dont il n'est pas contesté qu'il est le plus court et le moins dommageable, a été utilisé depuis plus de trente ans par les propriétaires et occupants successifs du fonds et que l'assiette de la servitude de passage se trouve ainsi prescrite ; que l'action en indemnité de Guy X... est donc irrecevable comme prescrite ;
Attendu que Guy X..., qui a contraint son voisin à saisir le juge compétent en obstruant le passage une première fois en septembre 2003 puis en refermant le portail à clé en septembre 2004, a, à juste titre, été condamné à verser des dommages intérêts d'un montant de 3.000 € à Jean Y... ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que si la demande en dommages et intérêts doit être rejetée, le caractère abusif de l'appel interjeté par Guy X... n'étant pas établi, ce dernier, qui succombe, sera condamné à verser à Jean Y... une indemnité de procédure de 1.500 € et sera débouté de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et de frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant, condamne Guy X... à payer à Jean Y... la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne Guy X... aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP TESTON-LLAMAS, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre et par Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé.
Le Greffier, Le Président,