ARRÊT DU
16 Octobre 2007
T.L / S.B
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RG N : 06 / 01125
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S.A.S. APPIA QUERCY AGENAIS
C /
Evelyne X...
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Aide juridictionnelle
ARRÊT no
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Prononcé à l'audience publique le seize Octobre deux mille sept, par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre, assisté de Dominique SALEY, Greffier,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
S.A.S. APPIA QUERCY AGENAIS prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Dont le siège social est " Les Empeaux "
46090 MAXOU
représentée par Me Jean-Michel BURG, avoué
assistée de Me Valérie CHOBLET LEGOFF de la SCP CHOBLET-VILLALONGUE, avocats
APPELANTE d'un jugement rendu par le Tribunal d'Instance de CAHORS en date du 20 Juin 2006
D'une part,
ET :
Mademoiselle Evelyne X...
née le 22 Novembre 1967 à METZ (57000)-(FRANCAISE et SUISSE)
de nationalité française, sans profession
...
...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 004841 du 03 / 11 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN)
représentée par la SCP HENRI TANDONNET, avoués
assistée de Me Henry TOUBOUL, avocat
INTIMEE
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 18 Septembre 2007, devant Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre, Christophe STRAUDO, Conseiller chargé du Secrétariat Général et Thierry LIPPMANN, Conseiller (lequel, désigné par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable), assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
Selon jugement rendu le 20 juin 2006, le tribunal d'instance de CAHORS a condamné la société APPIA QUERCY AGENAIS à payer à Evelyne X... la somme de
4. 200 € en réparation de son préjudice matériel et celle de 200 € en réparation de son préjudice moral. Le tribunal a également condamné la société aux dépens.
Celle-ci a relevé appel de ce jugement le 15 juillet 2006.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 3 juillet 2007, la SAS APPIA QUERCY AGENAIS demande à la cour :
-Avant dire droit, d'ordonner une mesure d'instruction destinée à établir les circonstances de l'accident et vérifier si la niveleuse stationnée, selon elle, à 15 mètres de la chaussée peut être considérée comme la cause déterminante de l'accident,
-De dire et juger que l'action d'Evelyne X... relève de la compétence de la juridiction administrative,
-De mettre à néant le jugement rendu le 20 juin 2006 par le tribunal d'instance de CAHORS,
-De renvoyer Evelyne X... à mieux se pourvoir devant le tribunal administratif de TOULOUSE.
A titre subsidiaire, la société demande à la cour de prendre acte de ce qu'Evelyne X... n'établit pas sa responsabilité dans la survenance de l'accident et de rejeter en conséquence toutes ses prétentions.
Elle demande enfin la condamnation d'Evelyne X... à lui payer la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sa condamnation aux dépens avec distraction au profit de Maître BURG.
A l'appui de son exception d'incompétence, la SAS APPIA QUERCY AGENAIS (SAS APPIA) fait valoir qu'il s'agit en l'espèce d'un accident survenu à l'occasion d'une opération de travaux public et que dès lors, en vertu de l'article 4 alinéa 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII, la juridiction administrative a seule compétence pour connaître du litige.
Elle soutient que la loi du 31 décembre 1957 qui attribue de façon dérogatoire compétence aux tribunaux de l'ordre judiciaire pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule n'est pas applicable en l'espèce.
A cet égard, elle observe que le véhicule conduit par Evelyne X... a percuté une niveleuse stationnée à 15 mètres de la chaussée après avoir effectué un dérapage sur une couche de gravier.
Elle en déduit que le dommage invoqué ne trouve pas sa cause déterminante dans l'action du véhicule de travaux publics.
A titre subsidiaire, au fond, la SAS APPIA soutient qu'Evelyne X... ne démontre ni qu'elle a commis une faute, ni le lien de causalité entre cette prétendue faute et le fait qu'elle ait perdu le contrôle de son véhicule.
Elle estime au demeurant que l'accident est entièrement dû à la faute d'Evelyne X... qui n'est pas restée maître de son véhicule pour n'avoir pas adapté sa conduite aux conditions de circulation imposées par l'existence d'un chantier.
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 4 septembre 2007, Evelyne X... soutient que le dommage trouve sa cause dans la collision de son véhicule avec la niveleuse, soit un autre véhicule.
Elle en déduit que les juridictions judiciaires sont bien compétentes pour statuer sur sa demande à l'encontre de la SAS APPIA, conformément à la dérogation légale instituée en la matière par l'article 1 de la loi du 31 décembre 1957.
Elle soutient que l'accident est dû à la position dangereuse de l'engin de travaux publics, stationné en bordure de chaussée avec la lame face à la route.
Elle fait valoir que la SAS APPIA n'apporte aucune justification de nature à exclure son droit à indemnisation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, ou sur le fondement des articles 1382 et 1384 du Code civil, si l'on considère que la niveleuse est un instrument de chantier et non un véhicule à moteur.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la compétence de la juridiction judiciaire
Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957, par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages causés par un véhicule quelconque.
En l'espèce la niveleuse qu'Evelyne X... a percutée est dotée de roues, d'un dispositif lui permettant de se déplacer de façon autonome et doit donc être regardée comme constituant un " véhicule " au sens des dispositions précitées.
Le dommage qu'Evelyne X... a subi est la conséquence exclusive de la collision qui a eu lieu entre son propre véhicule et la niveleuse. Il trouve donc sa cause déterminante dans l'action de la niveleuse, nonobstant le fait que celle-ci était immobile et en stationnement au moment de la collision, et non dans la conception, l'organisation ou les conditions d'exécution de l'opération de travaux publics prise dans son ensemble à laquelle ce véhicule participait. Il n'est donc pas nécessaire d'ordonner une mesure d'instruction sur ce point.
Dès lors, les juridictions judiciaires sont compétentes pour connaître du présent litige et il convient de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la SAS APPIA.
Sur la responsabilité de la SAS APPIA
La loi no85-677 du 5 juillet 1985 régit, selon son article 1er, l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation dans lesquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur.
La niveleuse qui a été heurtée est un engin de chantier doté de roues et d'un moteur permettant son déplacement. Il constitue également un véhicule au sens des dispositions précitées.
Ce véhicule, dès lors qu'il a été heurté, a nécessairement été impliqué dans l'accident, et ce bien qu'il fût stationné.
La responsabilité de la société APPIA est donc engagée en sa qualité de gardien du véhicule impliqué, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un lien de causalité entre la prétendue faute de cette société dans l'organisation du chantier, laquelle n'a pas à être recherchée, et la survenance de l'accident.
L'article 4 de la loi précitée dispose en revanche que la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis.
Les photographies du chantier ou les comptes rendus d'opérations de contrôle produits par la société APPIA ne permettent pas d'établir quelle était la disposition des lieux lors de l'accident, survenu le 27 juin 2006 à 21 heures, étant observé qu'est en cause la position et le signalement d'un véhicule de chantier dont la caractéristique est d'être mobile, de sorte que le contrôle de chantier qui avait eu lieu le même jour à 14 heures ne peut contenir aucun renseignement sur ce point.
La société APPIA se borne par ailleurs à alléguer, sans l'établir, que l'engin était stationné à 15 mètres de la chaussée sur une aire de stationnement parfaitement distincte et signalée.
En revanche, Evelyne X... verse aux débats plusieurs attestations de témoins qui sont manuscrites, comportent les copies de pièces d'identité de leur auteur, et dont il résulte que l'engin était " dangereusement garé, en bordure de route, en plein virage, lame (en) position haute face à la route " (attestation C...), " garé en plein virage, en bord de route avec la pelle à mi-hauteur " (attestation D...B...) " stationné sur un terre-plein à quelques mètres de la chaussée " (attestation E...), " dangereusement garé, la lame relevée ", sans " aucune signalisation avertissant du danger que représentait la nouvelle couche gravillonnaire liée au travaux d'aménagement en cours ", la circulation n'étant plus assurée " à cette heure par le système de circulation alternée " (attestation F...).
Dans de telles conditions, la faute de la conductrice n'est pas établie, cette faute ne pouvant se déduire du seul fait que la conductrice ait dérapé avant de percuter l'engin ainsi stationné.
En conséquence, la société APPIA doit être tenue d'indemniser l'intégralité du préjudice subi par Evelyne X..., et condamnée à lui payer la somme de 4. 200 € en réparation des dommages causés à son véhicule.
Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.
En revanche, Evelyne X... ne justifie la réalité ni ne précise la nature du préjudice moral dont elle sollicite l'indemnisation.
Elle doit donc être déboutée de cette demande et le jugement doit être infirmé de ce chef.
Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge d'Evelyne X... les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.
Il convient, en conséquence, de condamner la société APPIA à lui payer la somme de 1. 315,59 €, par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Rejette l'exception d'incompétence soulevée par la société APPIA QUERCY AGENAIS,
Infirme le jugement rendu le 20 juin 2006 par tribunal d'instance de CAHORS en ce qu'il a condamné la société APPIA QUERCY AGENAIS à payer à Evelyne X... la somme de 200 € en réparation de son préjudice moral,
Statuant à nouveau de ce chef,
Déboute Evelyne X... de cette demande,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Condamne la société APPIA QUERCY AGENAIS à payer à Evelyne X... la somme de 1. 315,59 €, par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne la société APPIA QUERCY AGENAIS aux dépens et autorise la SCP TANDONNET, avoués, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Jean-Marie IMBERT, Président de Chambre et par Dominique SALEY, Greffier présent lors du prononcé.
Le Greffier, Le Président,