ARRÊT DU
07 OCTOBRE 2008
TL / SBE
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R. G. 07 / 01235
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Eugène X...
C /
S. A. ÉLECTRICITÉ DE FRANCE
S. A. GAZ DE FRANCE
CENTRE EGD LOT
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ARRÊT no 308
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé à l'audience publique du sept octobre deux mille huit par Catherine LATRABE, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, assistée de Nicole CUESTA, Greffière,
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
Eugène X...
né le 27 juillet 1950 à TARBES (65000)
...
...
Rep / assistant : M. Jean-Jacques WAGNER (Délégué syndical ouvrier)
APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de FIGEAC en date du 17 juillet 2007 dans une affaire enregistrée au rôle sous le no R. G. 07 / 0000006
d'une part,
ET :
S. A. ÉLECTRICITÉ DE FRANCE
en la personne de son représentant légal
22-30 avenue de Wagram
75008 PARIS
S. A. GAZ DE FRANCE
en la personne de son représentant légal
23 rue Philibert Delorme
75017 PARIS 17
CENTRE EGD LOT
283 avenue Pierre Sémard
46000 CAHORS
Rep / assistant : la SCP SIMON JOLLY (avocats au barreau de TOULOUSE)
INTIMES
d'autre part,
S. A. SOCIÉTÉ ÉLECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE
en la personne de son représentant légal
Tour Winterthur
92085 LA DÉFENSE
S. A. SOCIÉTÉ GAZ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE
en la personne de son représentant légal
6 rue Condorcet
75009 PARIS
Rep / assistant : la SCP SIMON JOLLY (avocats au barreau de TOULOUSE)
SYNDICAT CGT ENERGIE 46
283 avenue Pierre Sémard
46000 CAHORS
représenté par M. Jean-Jacques WAGNER (Secrétaire Général)
PARTIES INTERVENANTES
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique le 2 septembre 2008 devant Catherine LATRABE, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, Thierry LIPPMANN et Benoît MORNET, Conseillers, assistés de Solange BÉLUS, Greffière, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
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EXPOSE DU LITIGE
Eugène X... a été engagé en avril 1969 par ÉLECTRICITÉ DE FRANCE (EDF) et GAZ DE FRANCE (GDF) en qualité de monteur électricité.
En avril 1995, il a été affecté au centre du LOT pour exercer les fonctions de chef de section auprès de la Caisse Mutuelle d'Activités Sociales de CAHORS. Au mois de décembre 1996, il a été nommé coordinateur au sein de cette caisse. Par lettre du 20 mai 2005, le Centre du LOT lui a notifié son classement en services actifs intermittents au titre de son activité de coordinateur pour l'année 2003, pour un taux d'activité de 20 %.
Eugène X... et le syndicat CGT ENERGIE 46, intervenant volontairement à la procédure, ont contesté cette décision devant le conseil de prud'hommes de FIGEAC. Celui-ci s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'hommes de CAHORS, selon jugement du 29 juin 2006 infirmé par arrêt rendu le 16 janvier 2007 par la cour d'appel d'AGEN.
Par jugement du 17 juillet 2007, le conseil de prud'hommes de FIGEAC a débouté Eugène X... et le syndicat CGT ENERGIE 46 de toutes leurs demandes et a condamné Eugène X... aux dépens.
Eugène X... et le syndicat CGT ENERGIE 46 ont relevé l'un et l'autre appel de cette décision dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.
Ils demandent à la cour de dire et juger que le taux d'activité est un des éléments du contrat de travail, conformément au statut national du personnel des industries électriques et gazières (IEG), de dire et juger que la modification du taux d'activité est une modification du contrat de travail et du statut personnel des IEG, de dire et juger qu'il ne peut y avoir de modification unilatérale et rétroactive du contrat de travail et du statut national du personnel des IEG, de dire et juger que le statut du personnel des IEG étant un statut national, il n'est pas dans les prérogatives d'une commission secondaire de modifier le taux d'activité d'un emploi, de dire et juger que la procédure d'examen des taux d'activité n'ayant pas été respectée, conformément aux circulaires, ÉLECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE (ERDF) LOT ne peut donc pas modifier les taux d'activité des agents pour 2003, et d'annuler la décision de modification du taux d'activité d'Eugène X....
Celui-ci demande la condamnation d'EDF et GDF à lui verser, chacun, la somme de 1. 500 € à titre de dommages et intérêts.
Le syndicat CGT ENERGIE 46 demande pour sa part la condamnation d'EDF et GDF à lui payer, chacun, la somme de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts, et celle de1. 500 €, par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le syndicat CGT ENERGIE 46 soutient que son intervention est recevable dès lors qu'elle vise à défendre les intérêts collectifs de la profession auxquels, selon lui, il a été porté atteinte.
Eugène X... et le syndicat CGT ENERGIE 46 soutiennent que le taux d'activité d'un agent constitue un élément de son contrat de travail et qu'une modification de ce taux constitue une modification du contrat ainsi que du statut national du personnel des Industries Electriques et Gazières (IEG).
Ils font valoir qu'il n'entrait pas dans les attributions d'une commission secondaire de modifier unilatéralement et avec effet rétroactif, le taux d'activité d'un emploi régi par un statut national, et en déduisent que la procédure d'examen des taux d'activité n'ayant pas été respectée, la modification des taux des agents pour l'année 2003 n'est pas valide.
Ils en déduisent en outre que la modification du taux d'activité d'Eugène X... doit être annulée.
Eugène X... estime qu'EDF et GDF doivent être condamnés à réparer le préjudice qui lui été causé du fait de l'exécution fautive du contrat de travail et du non respect du statut national du personnel des IEG.
Le syndicat CGT ENERGIE 46 soutient pour sa part, à l'appui de sa demande en dommages et intérêts, qu'EDF et GDF ont causé un préjudice tenant au non respect des dispositions d'ordre public du code du travail ainsi qu'au non respect du statut national du personnel des IEG et du principe d'unicité de traitement du personnel et des règles de fonctionnement des organismes statutaires.
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La société ÉLECTRICITÉ DE FRANCE, la société GAZ DE FRANCE, ainsi que les sociétés ÉLECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE et GAZ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE qui interviennent volontairement à l'instance, demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Eugène X... de toutes ses demandes et de déclarer le syndicat CGT ENERGIE 46 irrecevable en son intervention volontaire.
Elles demandent encore à la cour de condamner Eugène X... et le syndicat CGT ENERGIE 46 solidairement à leur payer la somme de 3. 000 €, par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elles soutiennent que le représentant du syndicat CGT ENERGIE 46 ne justifie pas d'un mandat régulier et spécial pour agir en justice au nom du syndicat et que le syndicat ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente.
Elles soutiennent que la modification du taux d'activité d'Eugène X... ne constitue pas une modification de son contrat de travail.
Elles soutiennent encore que, contrairement à ce qu'affirment Eugène X... et le syndicat CGT ENERGIE 46, la fixation rétroactive de ce taux est régulière car conforme à la réglementation applicable.
Elles font encore valoir qu'en l'espèce les activités du salarié ne justifiaient pas le maintien de son taux d'activité et ce nonobstant le fait qu'il en avait bénéficié indûment jusqu'alors.
Elles soutiennent par ailleurs que la Commission Nationale Supérieure du Personnel ne pouvait être saisie que sur recours de l'agent et observe à cet égard qu'Eugène X... n'a pas exercé ce recours contre la décision contestée.
Elles prétendent encore que la procédure suivie devant la commission secondaire du personnel est régulière et que la modification du taux d'activité est intervenue en temps utile.
Elles font valoir qu'en tout état de cause la cour ne peut statuer que sur le litige individuel dont elle saisie et non sur la situation des autres agents, de sorte que les demandes de cette nature sont irrecevables.
Elles soutiennent qu'Eugène X... ne démontre ni l'existence d'une faute commise dans l'exécution de son contrat de travail ni d'un quelconque préjudice résultant de la modification de son taux d'activité. Elles en déduisent qu'il doit être débouté de sa demande.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Dans un souci de bonne administration de la justice, il convient de prononcer la jonction des instances enregistrées sous les numéros 07 / 1235 et 07 / 1236.
Le syndicat CGT ENERGIE 46 est régulièrement représenté par son secrétaire général, Jean-Jacques WAGNER, conformément à ses statuts, et celui-ci n'a donc pas à justifier d'un pouvoir de représentation.
Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article L. 2132-3 du code du travail, ce syndicat professionnel peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
En l'espèce, à l'occasion du présent litige, le syndicat CGT ENERGIE 46 soulève une série de questions de principe sur la procédure de classement des emplois des sociétés EDF et GDF et sur les conditions d'attributions aux agents des taux d'activité susceptibles de déterminer leurs droits en matière d'assurance vieillesse.
La solution du litige étant susceptible de porter un préjudice au moins indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, le syndicat est recevable en son intervention.
Il convient, en conséquence, de rejeter l'exception de nullité tirée du défaut de pouvoir de son représentant, et d'écarter la fin de non recevoir tirée de son défaut d'intérêt à agir.
Conformément aux dispositions de l'article 5 du code civil, il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.
A supposer qu'il ne s'agisse pas en réalité de moyens énoncés à l'appui d'une part, de la demande en annulation de la décision de modification du taux d'activité d'Eugène X... et, d'autre part, des demandes en dommages et intérêts d'Eugène X... et du syndicat CGT ENERGIE 46, les demandes d'Eugène X... et du syndicat CGT ENERGIE 46 aux fins qu'il soit dit et jugé que le taux d'activité est un des éléments du contrat de travail, conformément au statut national du personnel des industries électriques et gazières (IEG), qu'il soit également dit et jugé que la modification du taux d'activité est une modification du contrat de travail et du statut personnel des IEG, qu'il soit aussi dit et jugé qu'il ne peut y avoir de modification unilatérale et rétroactive du contrat de travail et du statut national du personnel des IEG, qu'il soit encore dit et jugé que le statut du personnel des IEG étant un statut national, il n'est pas dans les prérogatives d'une commission secondaire de modifier le taux d'activité d'un emploi, et qu'il soit enfin dit et jugé que la procédure d'examen des taux d'activité n'ayant pas été respectée, conformément aux circulaires, ERDF LOT ne peut donc pas modifier les taux d'activité des agents pour 2003, tendent, par leur portée générale et leur énonciation sous forme de demandes dans le dispositif de conclusions, à voir la cour prononcer par voie de disposition générale sur le litige qui les oppose à la société ÉLECTRICITÉ DE FRANCE, la société GAZ DE FRANCE, la société ÉLECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE et la société GAZ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE.
Or les dispositions précitées prohibent de tels arrêts de principe, de sorte que les sociétés intimées sont fondées, pour ce motif, à demander à la cour de débouter Eugène X... et le syndicat CGT ENERGIE 46 de leurs demandes à portée générale, et non à les déclarer irrecevables en ces demandes.
Le classement en services " actifs " ainsi que l'attribution aux agents du taux d'activité qui en découle, résultent de l'application de règles statutaires de nature collective, relatives au régime de retraite des agents, et qui ne s'incorporent donc pas au contrat de travail de l'agent.
Dès lors, Eugène X... et le syndicat CGT ENERGIE 46 ne sont pas fondés à soutenir que la décision de classement critiquée constitue une modification du contrat de travail de l'agent concerné.
Il s'ensuit que la salarié n'est pas fondé à se prévaloir de ce contrat pour soutenir que cette décision a porté atteinte aux droits qu'il tient de la situation contractuelle qui le lie à son employeur.
Par ailleurs, si la circulaire Pers 950, invoquée par Eugène X... et le syndicat CGT ENERGIE 46, prévoit effectivement que la définition des catégories actifs et insalubres et la répartition des emplois dans ces catégories relèvent de la Commission Nationale Supérieure du Personnel, elle n'oblige pas la saisine préalable de cette commission pour apprécier le taux de services actifs des agents occupant, comme Eugène X..., un emploi ne figurant pas dans la liste des emplois statutaires.
C'est ainsi que la décision de classement critiquée a été prise après examen de sa situation par la commission secondaire du personnel de son établissement, dont l'intervention est prévue par la circulaire PERS. 292 du 29 octobre 1956, dans le cadre de la procédure de classement en services actifs des emplois, fonctions ou postes ne figurant pas sur la liste annexée au Statut National, de sorte qu'Eugène X... et le syndicat CGT ENERGIE 46 ne sont pas fondés à soutenir que cette commission n'était pas compétente pour fixer le taux d'activité de son emploi.
La circulaire PERS. 226 du 21 mai 1952 prévoit expressément que la validation des services civils en services " actifs " ne peut être maintenue que dans la mesure où le bénéficiaire continue d'exercer ses fonctions dans des conditions correspondant incontestablement à la définition des emplois classés dans cette catégorie.
L'employeur dispose en conséquence de la possibilité de remettre en cause les classements opérés, dès lors que le bénéficiaire ne remplit plus les conditions pour en bénéficier. Il en est nécessairement de même lorsque le classement en service " actifs " n'était pas justifié dès l'origine, le salarié ne pouvant se prévaloir du droit au maintien d'un avantage indu.
Dès lors, Eugène X... et le syndicat CGT ENERGIE 46 qui ne soutiennent pas que les conditions d'activité de l'emploi de coordinateur de la caisse mutuelle d'activités sociales de CAHORS occupées par Eugène X... correspondent effectivement à celles d'un emploi classé en catégorie " actifs ", ne sauraient exiger le maintien de ce classement au motif que celui-ci en avait bénéficié jusqu'alors.
Enfin, ainsi que l'ont relevé de façon pertinente les premiers juges, la procédure d'examen de la situation de Eugène X... a été régulièrement menée. Il convient seulement d'ajouter que le moyen tiré du caractère rétroactif de la décision critiquée est inopérant, dès lors que la fixation du taux d'activité est fondée sur une analyse a posteriori des activités effectivement exercées par l'agent au cours de l'année, ainsi qu'il ressort notamment de la circulaire PERS. 292 qui précise que les commissions secondaires sont d'abord saisies de propositions de classement en service actif pour l'exercice à venir, et que les agents reçoivent ensuite la notification de la répartition en services actifs ou sédentaires de leurs services accomplis au cours de l'année précédente.
En définitive, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté Eugène X... et le syndicat CGT ENERGIE 46 de toutes leurs demandes.
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
En revanche, il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de la société ÉLECTRICITÉ DE FRANCE, la société GAZ DE FRANCE, la société ÉLECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE et la société GAZ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE, les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés.
Il convient, en conséquence, de les débouter de leur demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Prononce la jonction des instances enregistrées sous les numéros 07 / 1235 et 07 / 1236,
Rejette l'exception de nullité et la fin de non recevoir soulevées par la société ÉLECTRICITÉ DE FRANCE, la société GAZ DE FRANCE, la société ÉLECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE et la société GAZ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboute la société ÉLECTRICITÉ DE FRANCE, la société GAZ DE FRANCE, la société ÉLECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE et la société GAZ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE de leur demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne Eugène X... et le syndicat CGT ENERGIE 46 aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine LATRABE, Conseillère faisant fonction de Présidente de Chambre, et par Nicole CUESTA, Greffière, présente lors du prononcé.
LA GREFFIÈRE : LA PRÉSIDENTE :