ARRÊT DU 21 Octobre 2008
T. L. / I. F.
--------------------- RG N : 07 / 01342---------------------
Jean-François X...
C /
S. A. R. L. EIRE DE GASCOGNE
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ARRÊT no893 / 08
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de procédure civile le vingt et un Octobre deux mille huit, par Edith O'YL, Président de Chambre, assisté de Dominique SALEY, Greffier,
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur Jean-François X... né le 21 Décembre 1963 à AUCH (32000) Demeurant... 32390 SAINTE CHRISTIE
représenté par la SCP HENRI TANDONNET, avoués assisté de Me Serge VALETTE, avocat
APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AUCH en date du 25 Juillet 2007
D'une part,
ET :
S. A. R. L. EIRE DE GASCOGNE prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège Dont le siège social est 1 place Betclar 32000 AUCH
représentée par la SCP J. et E. VIMONT, avoués assistée de la SELARL FAGGIANELLI-CELIER-DANEZAN, avocats
INTIMEE
D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 16 Septembre 2008, devant Edith O'YL, Président de Chambre, Chantal AUBER, Conseiller et Thierry LIPPMANN, Conseiller (lequel, désigné par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable), assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement rendu le 25 juillet 2007, auquel le présent arrêt se réfère pour un plus ample exposé des faits, et de la procédure, le Tribunal de Grande Instance d'AUCH a jugé que les dispositions du bail du 3 juillet 2003 autorisaient la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE à effectuer les travaux de liaison projetés entre l'immeuble du... et celui du..., a condamné Jean-François X... à payer à la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE la somme de 15. 000 € à titre de dommages et intérêts, et la somme de 1. 200 €, par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Jean-François X... a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 8 juillet 2008, Jean-François X... demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de juger que l'autorisation qu'il a donnée le 30 juin 2003 ne permet d'exécuter que des travaux de gros oeuvre dans l'immeuble mais en aucun cas d'effectuer des travaux de destruction partielle d'un mur extérieur et d'édifier un escalier en béton entre l'immeuble sis..., qui lui appartient, et celui du ..., qui appartient aux consorts Y...- Z.... Il demande en outre à la cour de condamner la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE à lui payer la somme de 1. 700 €, par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 mai 2008, la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que les dispositions du bail du 3 juillet 2003 autorisaient la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE à effectuer les travaux de liaison projetés entre l'immeuble du... et celui du....
Elle demande en revanche à la cour d'infirmer le jugement sur l'évaluation de son préjudice pour porter à 43. 000 € le montant des dommages et intérêts dont elle demande paiement.
Elle demande enfin à la cour de condamner Jean-François X... à lui payer la somme de 3. 000 €, par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les travaux
Les premiers juges ont procédé à une analyse minutieuse et complète des faits à l'origine du litige et des prétentions et moyens des parties.
Cette analyse n'est pas contestée utilement en cause d'appel par Jean-François X... qui invoque les mêmes moyens à l'appui des mêmes prétentions qu'en première instance.
Or, il lui a été répondu par des motifs justes et bien fondés tant en droit qu'en fait.
Il convient cependant d'ajouter que Jean-François X... précise lui-même dans ses conclusions que le projet d'exploiter un bar restaurant, dont la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE lui a fait part avant même la signature du bail, était incompatible avec la façon dont les locaux, affectés alors à l'exploitation d'une discothèque, étaient distribués.
Jean-François X... précise encore lui-même que c'est pour permettre à la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE d'effectuer les travaux de modification nécessaires à la réalisation de son projet, que dès le 30 juin 2003, soit avant la signature du bail le 3 juillet 2003, il l'a autorisée à réaliser les travaux de gros oeuvre dans l'immeuble, cette autorisation étant ensuite expressément rappelée dans le contrat de bail.
Dès lors que, selon Jean-François X... lui-même, les travaux nécessaires consistaient à modifier la distribution des locaux alors conçus pour l'exploitation d'un bar-discothèque, le bailleur renonçait nécessairement, en les autorisant, à pouvoir invoquer une autre clause du bail stipulant de façon contradictoire l'interdiction d'effectuer sans son accord préalable des travaux comportant un " changement de distribution ".
Il convient d'observer, en outre, que l'autorisation accordée par le bailleur n'a pas été donnée pour l'exécution de travaux précisément décrits et n'est pas limitée dans le temps, de sorte que les premiers juges étaient fondés à considérer qu'il s'agissait d'une autorisation générale d'effectuer sans restriction des travaux de gros oeuvre.
Par ailleurs l'autorisation de réaliser " des travaux de gros oeuvre dans l'immeuble " ne comporte ni de façon explicite, ni même de façon implicite, une restriction à certaines catégories de travaux de gros oeuvre, ceux-ci se déroulant nécessairement dans l'immeuble objet du contrat, y compris lorsqu'ils affectent les gros murs formant l'enceinte du bâtiment.
Dès lors Jean-François X... ne pouvait déduire de l'emploi de la préposition " dans " qu'il était dans la commune intention des parties d'exclure la possibilité de réaliser des travaux sur de tels murs.
Enfin, les travaux projetés par la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE, qui comportent le percement d'un gros mur et non sa destruction, devaient être réalisés sous la direction d'un architecte qui indique que toutes les précautions ont été prises pour qu'ils n'affectent pas la solidité des immeubles, et qui précise que le mode de construction retenu laissera possible une remise en l'état initial à la fin du bail.
Jean-François X... n'est donc pas fondé à soutenir que ces travaux, qui visent à établir une communication intérieure avec l'immeuble voisin, détruisent une partie du clos de son immeuble.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré que les dispositions du bail du 3 juillet 2003 autorisaient la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE à effectuer les travaux de liaison projetés entre l'immeuble du... et celui du....
Sur les dommages et intérêts
En s'opposant sans motif valable à la réalisation par la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE de travaux autorisés par le contrat de bail, Jean-François X... lui a nécessairement causé un préjudice.
Ce préjudice est constitué par les charges que la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE a exposées pour la mise en oeuvre de son projet mais sans pouvoir exploiter la partie des locaux concernés par ce projet d'agrandissement, ainsi que par la perte d'une chance de réaliser un bénéfice, et ce à compter du 1er décembre 2006, date à laquelle était prévue l'ouverture des locaux, jusqu'au 15 juin 2007, date à laquelle la société y a ouvert une crêperie.
A cet égard, seules peuvent être prises en compte les charges réellement exposées et non celles qui résultent d'une estimation.
Ainsi, il n'y a pas lieu de retenir une consommation d'électricité et d'eau estimée, alors qu'aucune pièce ne justifie que des frais de cette nature ont été réellement exposés. Les honoraires du comptable, dont il n'est d'ailleurs pas justifié qu'ils ont effectivement augmentés du fait du projet d'agrandissement, n'ont au demeurant pas lieu d'être en l'absence d'exploitation effective. Par ailleurs il n'est pas établi que la décision d'engager un serveur au mois de juillet 2006 ait été prise en prévision de l'agrandissement ni surtout qu'il soit resté inemployé pendant la période concernée, la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE ayant continué pendant ce temps à exploiter son restaurant. Il n'y a donc pas lieu de considérer que son salaire a été versé en pure perte. Il n'est pas soutenu que la nouvelle caisse enregistreuse n'a pas été utilisée par la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE dans le restaurant qu'elle a continué d'exploiter. Dès lors, son amortissement ne saurait être considéré comme une perte due à la non réalisation des travaux d'agrandissement.
En revanche, il convient de retenir le montant du loyer du nouveau local, d'un montant mensuel de 1500 € qui a été versé en pure perte au cours de la période considérée, soit la somme totale de 9. 750 €, la prime d'assurance des nouveaux locaux, soit la somme totale de 162 €, le montant des intérêts échus du crédit contracté pour le financement des travaux, soit, au vu du tableau d'amortissement la somme totale de 6. 500 €, à laquelle il convient d'ajouter celle de 199 € au titre des primes d'assurance de garantie de cet emprunt.
Le montant du bénéfice escompté pour l'exploitation de cette extension ne saurait être retenu dans sa totalité, s'agissant de la simple perte d'une chance de réaliser un gain escompté.
La somme de 4. 800 € sera retenue à ce titre.
La S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE justifie ainsi d'un préjudice total de 21. 411 €. Il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Jean-François X... à payer la somme de 15. 000 €, à titre de dommages et intérêts, de le condamner au paiement d'une somme de 21. 411 €, et de débouter la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE du surplus de sa demande.
Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à hauteur d'appel.
Il convient en conséquence de condamner Jean-François X... à lui payer la somme de 1. 500 €, par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris sauf en sa disposition ayant condamné Jean-François X... à payer à la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE la somme de 15. 000 € à titre de dommages et intérêts,
Et, statuant à nouveau sur ce chef,
Condamne Jean-François X... à payer à la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE la somme de 21. 411 €, à titre de dommages et intérêts,
Déboute la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE du surplus de sa demande,
Y ajoutant,
Condamne Jean-François X... à payer à la S. A. R. L. L'EIRE de GASCOGNE la somme de 1. 500 €, par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne Jean-François X... aux dépens et autorise la SCP J. et E. VIMONT à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le présent arrêt a été signé par Edith O'YL, Président de Chambre et Dominique SALEY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,