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05/07/2022 | FRANCE | N°21/00004

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 05 juillet 2022, 21/00004


ARRÊT DU

05 JUILLET 2022



NE/CO**



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N° RG 21/00004 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C26P

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[W] [U]





C/





SARL JMC CUISINES





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Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 75 /2022







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à disposition au g

reffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le cinq juillet deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assistée de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, da...

ARRÊT DU

05 JUILLET 2022

NE/CO**

-----------------------

N° RG 21/00004 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C26P

-----------------------

[W] [U]

C/

SARL JMC CUISINES

-----------------------

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 75 /2022

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le cinq juillet deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assistée de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

[W] [U]

née le 09 janvier 1984 à [Localité 1]

demeurant '[Adresse 3]'

[Localité 1]

Représentée par Me Camille GAGNE, avocat inscrit au barreau d'AGEN

APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - formation paritaire de MARMANDE en date du 14 décembre 2020 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00051

d'une part,

ET :

La SARL JMC CUISINES prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Chantal GUERIN-REYNE, avocat inscrit au barreau d'AGEN

INTIMÉE

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 11 janvier 2022 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président de chambre et Nelly EMIN, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les parties ayant été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 05 avril 2022, lequel délibété a été prorogé ce jour par mise à disposition. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés.

* *

*

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée, Mme [U] a été embauchée par la société JMC CUISINES à compter du 16 janvier 2007 en qualité de vendeuse.

Par lettre du 30 septembre 2008, l'employeur a informé Mme [U] que la relation de travail serait soumise à la convention collective nationale des magasins prestataire de cuisine à usage domestique à compter du 1er janvier 2009. À compter de cette même date, l'employeur a classé Madame [U] au niveau 2, échelon 1, coefficient 220 de cette convention collective.

Par message électronique du 19 septembre 2013, Mme [U] s'est plaint auprès de son employeur du comportement d'un de ses collègues, Monsieur [K] indiquant ne plus supporter les critiques malveillantes et les remarques de celui-ci.

Le 1er décembre 2014, Mme [U] et son employeur ont signé un avenant aux termes duquel elle occuperait désormais le poste d'animatrice commerciale, niveau 2, échelon 3, coefficient 230.

Le 1er mars 2016 Mme [U] a adressé à son employeur un courrier pour l'alerter à nouveau sur le comportement nocif de Monsieur [K] mentionnant qu'elle subissait depuis cinq ans l'agressivité de ce collègue, devant son employeur et ses autres collègues, ajoutant qu'elle considérait ces humiliations comme insupportables et portant gravement atteinte à sa santé morale et physique, justifiant son arrêt de travail à partir du 22 février 2016.

Le 7 mars 2016 Mme [U] a été convoquée à un entretien relatif à sa mésentente avec son collègue, aboutissant finalement, aux termes d'une lettre du 26 mars 2016 à l'autorisation donnée par l'employeur à Mme [U] de ne plus avoir de contact avec Monsieur [K], toute information destinée à celui-ci devant désormais passer par l'employeur.

Le 18 novembre 2016 Mme [U] a adressé un nouveau message électronique à son employeur, toujours pour se plaindre du comportement de Monsieur [K].

Mme [U] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 19 novembre 2016, son médecin traitant complétant le 21 novembre 2016 cet arrêt par un certificat d'accident du travail motivé par un état dépressif suite à conflit du travail.

Après instruction de la déclaration d'accident du travail effectuée le 22 novembre 2016 par l'employeur, la caisse primaire d'assurance-maladie a rejeté la demande de reconnaissance d'un accident du travail formée par Mme [U].

Après étude de poste effectuée le 1er décembre 2016 et visite médicale de reprise du 12 juin 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [U] inapte à son poste de travail, en mentionnant que tout maintien de la salariée dans un emploi de l'entreprise serait préjudiciable à sa santé.

Le 5 juillet 2017 Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 18 juillet 2017.

Par courrier du 21 juillet 2017, la société JMC CUISINES a notifié à Mme [U] son licenciement pour inaptitude physique et absence de solution de reclassement.

Contestant son licenciement, Mme [W] [U] a saisi le conseil des prud'hommes de Marmande pour solliciter dans le dernier état de ses écritures, la nullité de son licenciement, le paiement de dommages-intérêts du fait de la rupture, des rappels de salaire et de congés payés, des dommages-intérêts pour harcèlement moral, violation de l'obligation de prévention du harcèlement, violation de l'obligation de sécurité, le paiement de primes de fin d'année.

Par jugement en date du 14 décembre 2020, le conseil des prud'hommes de Marmande a condamné la société JMC CUISINES à payer à Mme [U] les sommes de 113,29 euros au titre de la majoration des heures supplémentaires, de 11,32 euros au titre des congés payés afférents, de 843,73 euros à titre de solde sur l'indemnité légale de licenciement, avant de débouter Mme [U] du surplus de ses demandes, de partager les dépens par moitié et de condamner la société JMC CUISINES à payer à Mme [U] une indemnité de procédure de 300 euros.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 5 janvier 2021, Mme [U] a relevé appel de l'intégralité des dispositions de ce jugement.

La clôture de la procédure de mise en état a été prononcée par ordonnance du 4 novembre 2021 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 11 janvier 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

I. MOYENS ET PRÉTENTIONS DE MME [U], APPELANTE PRINCIPALE ET INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT

Selon dernières écritures enregistrées au greffe le 19 octobre 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelante, Mme [U] conclut à l'infirmation du jugement et demande à la Cour :

1°) de condamner la société JMC CUISINES à lui payer la somme de 10'000 euros au titre des faits de harcèlement moral, de 10'000 euros au titre du non-respect de l'obligation générale de prévention des actes de harcèlement et de 10'000 euros au titre du non-respect par son employeur de l'obligation de sécurité prévue à l'article L.4121-1 du code du travail, en soutenant :

- qu'elle produit des éléments objectifs et concordants qui laissent présumer un harcèlement :

' la dégradation progressive de ses conditions de travail caractérisée par des dénigrements, des invectives, une agressivité croissante de la part de son collègue de travail, M.[K] dont l'employeur avait connaissance pour le moins à compter d'un mail du 19 septembre 2013 dans lequel elle lui demandait d'intervenir pour les faire cesser,

' l'inertie fautive de l'employeur malgré les alertes données,

' l'inadaptation des mesures prises par l'employeur pour y mettre fin et l'absence de sanction proportionnée à la gravité des faits,

' la dégradation de son état de santé allant finalement jusqu'à une inaptitude à tout poste dans l'entreprise ;

- qu'elle est fondée à obtenir réparation des préjudices distincts qu'elle a subis résultant, d'une part, des faits de harcèlement proprement dit, d'autre part, de la violation par l'employeur de son obligation de prévention de tels faits résultant de l'article L.1152 -4 du code du travail, de dernière part , de la violation de l'obligation de sécurité prévue par l'article L.4121-1 du code du travail ;

2°) de condamner la société JMC CUISINES à lui payer la somme de 292,95 euros au titre des majorations sur heures supplémentaires et celle de 29,30 euros au titre des congés payés afférents, en expliquant que les 39,5 heures supplémentaires réglées en juillet 2017 n'ont fait l'objet d'aucune majoration et qu'elle est donc fondée à solliciter le règlement de la majoration de 25 % pour ces 39 heures 75 réglées, correspondant sur la base de la classification niveau 5 échelon 2 coefficient 310 à la somme réclamée ;

3°) de condamner la société JMC CUISINES à lui payer la somme de 3 534 euros au titre des primes de fin d'année à compter de l'année 2014 en exposant :

- que de 2010 à 2013 elle a perçu une prime de fin d'année ;

- que cette prime remplissait les conditions de constance, de généralité et de fixité caractérisant un usage de sorte que l'employeur ne pouvait la supprimer unilatéralement ;

- qu'en affirmant qu'il s'agissait d'une simple libéralité et en se gardant d'expliciter les conditions d'octroi de cette prime et les raisons de son non-paiement à l'appelante à partir de 2014, l'employeur rompt le principe de loyauté ;

- que sur la base de la moyenne des primes perçues de 2011 à 2013, elle est fondée à réclamer pour les années 2014 et 2015 la somme de 3 534euros ;

4°) de condamner la société JMC CUISINES à lui payer la somme de 6141,68 euros au titre du maintien du salaire (sic) en expliquant :

- qu'en application des articles D.1226-3 et D.1226-2 du code du travail, elle aurait dû percevoir, en plus des indemnités journalières directement versées par l'organisme de prévoyance à l'employeur, à charge pour celui-ci de les lui reverser, un complément de l'employeur aboutissant au maintien intégral de sa rémunération ;

- que les bulletins de salaire et le solde de tout compte mettent en évidence que l'employeur n'a pas maintienu intégralement son salaire tout au long de son arrêt de travail pour maladie et qu'elle est donc en droit d'obtenir paiement d'un complément qu'elle chiffre à 6141,68 euros ;

5°) de condamner la société JMC CUISINES lui payer la somme de 9 584,89 euros à titre de rappel de salaire, outre 958,49 euros au titre des congés payés afférents et celle de 1337,74 euros à titre de rappel sur la prime d'ancienneté, outre 133,77 euros au titre des congés payés afférents, en faisant valoir :

- que le descriptif des fonctions d'animatrice commerciale mentionné dans l'avenant du 1er décembre 2014 met en évidence que le poste qu'elle occupait était en réalité un poste de chef des ventes confirmé, correspondant au niveau V, échelon 2, coefficient 310 de la convention collective des magasins prestataire de services de cuisine à usage domestique ;

- que ce niveau nécessite l'exercice de mission impliquant le choix et la mise en 'uvre de méthodes en fonction de directives, avec animation d'une équipe d'employés ;

- qu'elle exerçait ses fonctions avec autonomie, initiative et responsabilité, qu'elle disposait de 10 ans d'ancienneté et que le badge qui lui avait été attribué mentionnait «[U] [W], chef des ventes » ;

- que l'employeur n'apporte aucun élément objectif de nature à contredire cette prétention ;

- qu'à la lecture des bulletins de salaire il apparaît que la rémunération minimale prévue pour le niveau V échelon 2 coefficient 310 n'a pas toujours été respectée, puisque la prime d'ancienneté, qui ne rémunère pas le travail mais la présence dans l'entreprise, ne doit pas être prise en considération dans l'évaluation de la rémunération minimale conventionnelle ;

- que la société JMC CUISINES est redevable de la somme de 4012,80 euros pour la période comprise entre août 2014 et avril 2015 et de la somme de 5572,9 euros pour la période comprise entre avril 2015 et septembre 2015 ;

- que l'assiette de calcul de la prime d'ancienneté est le salaire perçu, de sorte que son montant est impacté par la reclassification et qu'à ce titre elle est fondée à obtenir paiement d'un rappel de 1337,74 euros, outre 133,77 euros au titre des congés payés afférents ;

6°) subsidiairement de condamner la société JMC CUISINES à lui payer la somme de 1252,84 euros au titre du rappel de salaire sur le minimum conventionnel, outre 125,28 euros au titre des congés payés afférents, et celle de 45,42 euros au titre du rappel de salaire sur la prime d'ancienneté, outre 4,54 euros au titre des congés payés afférents, en exposant :

- qu'à défaut de lui reconnaître le niveau V ,échelon 2, coefficient 310, elle aurait dû percevoir pour la classification figurant sur son contrat de travail, la rémunération minimale conventionnelle prévue par la convention collective ;

- que la lecture de ses bulletins de salaire met en évidence que cette rémunération minimale ne lui a pas toujours été versée ;

- qu'à ce titre il lui reste dû la somme de 345,51 euros pour la période comprise entre août 2014 et avril 2015 et la somme de 907,33 euros pour la période comprise entre avril 2015 et septembre 2016 ;

- que l'assiette de calcul de la prime d'ancienneté est le salaire perçu, que le montant de la prime est impacté par la reclassification et qu'à ce titre elle est fondée à obtenir paiement d'un rappel de 45,42 euros outre 4,54 euros au titre des congés payés afférents ;

7°) de dire et juger son licenciement nul et de condamner la société JMC CUISINES à lui payer la somme de 89 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail, en exposant :

- qu'il est maintenant de jurisprudence constante que l'inaptitude causée par le harcèlement moral subi au sein de l'entreprise entraîne la nullité du licenciement pour inaptitude ;

- que les agissements répétitifs de l'auteur du harcèlement moral et l'immobilisme de l'employeur sont à l'origine de son inaptitude et de son impossibilité de continuer son travail ;

- que dès lors il y a lieu de prononcer la nullité du licenciement notifié le 21 juillet 2017 ;

- qu'elle est bien fondée à solliciter la condamnation de la société JMC CUISINES au paiement de la somme de 89'000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui a causé la rupture du contrat de travail, préjudice résultant de la perte financière, de la perte des avantages sociaux de l'entreprise, de la perte du niveau de vie et de l'humiliation liée à la situation de chômage ;

8°) d'ordonner la remise des documents de fin de contrat et de l'ensemble des bulletins de salaire rectifiés ;

9°) de condamner la société JMC CUISINES aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 2000 euros.

II. MOYENS ET PRÉTENTIONS DE LA SOCIÉTÉ JMC CUISINES, INTIMÉE SUR APPEL PRINCIPAL ET APPELANTE INCIDENTE

Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la Cour le 24 juin 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de la société JMC CUISINES, celle-ci conclut à la confirmation du jugement, sauf en ce qu'elle a été déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité de procédure, et sollicite la condamnation de Mme [U] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais non-répétibles exposés dans la procédure d'appel, en faisant valoir :

1°) que la cour ne pourra que constater que les accusations de harcèlement moral formulées par Mme [U] à l'encontre de son ex-employeur ne sont nullement corroborées par des éléments permettant de présumer un harcèlement moral :

- que ses allégations ne reposent que sur ses propres dires et qu'elle ne communique aucune pièce venant établir la matérialité des faits qu'elle évoque, à l'exception d'un seul et unique message électronique du 19 septembre 2013 ;

- que si elle fait ensuite état du courrier adressé à l'employeur en mars 2016 elle ne produit aucune attestation de ses collègues ou de clients pour corroborer ses allégations ;

- qu'elle ne justifie pas davantage par des documents que les troubles dont elle a souffert pouvaient être imputés à ses conditions de travail, son médecin traitant n'ayant fait que reprendre ses dires de l'appelante et les attestations de ses amis qui utilisent exactement les mêmes formules et expressions, n'étant que de pure complaisance ;

- qu'après réception du courrier du 1er mars 2016, elle a réagi immédiatement, en organisant un entretien qui s'est déroulé le 7 mars, puis en prenant des mesures pour faire cesser ce qui n'était qu'une mésentente entre salariés en autorisant Madame [U] à ne plus avoir désormais de contact avec Monsieur [K], toute communication entre eux devant passer par son intermédiaire ;

- qu'il est parfaitement faux de prétendre que la mesure prise après la réunion du 7 mars 2016 était inadaptée et que l'appelante et M. [K] travaillaient ensemble et ne pouvaient donc s'éviter, dès lors que Monsieur [K], poseur, travaillait essentiellement à l'extérieur de l'entreprise et que Madame [U] pouvait parfaitement faire appel à un autre poseur et ne jamais avoir affaire à Monsieur [K] ;

- que cette mesure était parfaitement adaptée à la situation et de nature à permettre de faire cesser la mésentente entre les deux salariés ;

- que l'incident du 18 novembre 2016 évoqué par Mme [U] trouve son origine dans le fait que celle-ci n'a pas respecté les consignes de l'employeur, qu'elle est venue sur le parking pour provoquer une dispute avec M. [K] afin de se constituer une preuve ;

- que Madame [U] a cherché à faire reconnaître ces faits comme un accident du travail, ce que la caisse primaire d'assurance-maladie, puis la commission de recours amiable, a refusé, Mme [U] s'étant abstenue de contester cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ;

- que Madame [U] s'entête à vouloir faire porter l'entière responsabilité de la mésentente sur Monsieur [K], mais qu'en réalité la responsabilité des incidents ne peut pas plus être imputée à Monsieur [K] qu'à Mme [U], dans la mesure où chacun se déclare victime de l'autre ;

2°) que la demande de nullité du licenciement pour inaptitude ne peut qu'être écartée en l'absence de tout harcèlement moral ;

3°) que, subsidiairement , en cas d'infirmation des dispositions de la décision rejetant la demande de nullité du licenciement, la Cour ne pourra que constater que l'appelante ne justifie pas de son préjudice et faire application de l'article L.1235 -3-1 du code du travail aux termes duquel lorsque le licenciement est frappé de nullité et que le salarié ne demande pas sa réintégration le juge octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

4°) que Madame [U] cherche à battre monnaie en alléguant de prétendus préjudices ouvrant droit à des réparations spécifiques alors qu'en réalité elle ne démontre pas l'existence de préjudices distincts et ne fait que scinder artificiellement le préjudice allégué au titre de son licenciement ;

5°) qu'en matière de classification c'est au salarié qui se prévaut d'un niveau supérieur de rapporter la preuve qu'il remplit les conditions visées par la convention collective :

- que le fait de prendre des notes au cours de réunions commerciales ne constitue pas la preuve qu'elle animait les équipes d'employés et que sa fonction relevait de la catégorie agent de maîtrise, le bac professionnel étant dépourvu de toute force probatoire ;

- que Madame [U] ne démontre pas satisfaire aux critères d'autonomie d'initiative et de responsabilité prévus par la convention collective et qu'elle ne peut prétendre au statut d'agent de maîtrise ;

6°) que la convention collective applicable ne précisant pas si la prime d'ancienneté doit être prise en compte pour apprécier si le salarié a perçu un salaire au moins égal au salaire minimum conventionnel, la confirmation du rejet des demandes de rappel de salaire formulées par Mme [U] s'impose ;

7°) que le rejet de la demande de reclassification niveau V échelon 2 a pour conséquence directe le rejet de la demande de paiement d'un rappel de prime d'ancienneté sur cette base, mais également le rejet de la demande de rappel sur prime d'ancienneté au regard de sa classification contractuelle ;

8°) que si Madame [U] a perçu une prime de fin d'année en 2007 et 2008 puis de 2010 à 2013, le montant de celle-ci a varié, qu'aucun montant ou mode de calcul n'étaient fixés :

- que cet avantage était attribué discrétionnairement par l'employeur et ne présentait pas un caractère de fixité suffisant pour établir l'existence d'un usage que la prime versée à Madame [U] certaines années constituait une libéralité et pouvait donc être supprimée par l'employeur ;

9°) qu'elle a communiqué à Madame [U] les décomptes des prestations versées par la caisse de prévoyance durant son arrêt maladie et que par conséquent la confirmation du rejet de la prétention formulée à ce titre s'impose.

MOTIVATION DE L'ARRÊT

I. SUR L'EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

A. Sur la classification et les rappels de salaire afférents

A titre liminaire il convient de rappeler :

- qu'en cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, il y a lieu de rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu'il requiert ;

- qu'il n'y a pas lieu de s'attacher aux mentions portées sur le contrat de travail ou les organigrammes, mais à la réalité des fonctions exercées par le salarié ;

- que c'est à celui qui revendique une classification conventionnelle ou un coefficient différent de celui figurant sur son contrat de travail ou son bulletin de salaire de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il estime être la sienne.

En l'espèce Mme [U] soutient qu'elle exerçait de façon permanente des fonctions de niveau V, échelon 2, coefficient 310 de la convention collective.

Aux termes de l'article 13-1 de la convention collective applicable, le niveau V agents de maîtrise concerne 'l'ensemble des emplois techniques (quelle que soit la filière) et /ou nécessitant la capacité d'animer une équipe composée d'employés', l'échelon 2 revendiqué par Mme [U] visant plus particulièrement les emplois impliquant le choix et la mise en oeuvre de méthodes et de moyens en fonction d'objectifs à atteindre selon des directives déterminées, requérant un niveau de connaissances et de compétences en liaison avec l'emploi occupé, acquis soit par expérience professionnelle d'au moins 3 ans, soit par un certificat de branche ou un titre et requérant en outre le contrôle et la gestion d'une unité de vente ou de pose, ainsi que la capacité de proposer des solutions pour améliorer les résultats tant qualitatifs que quantitatifs de l'unité de vente.

Mme [U] produit l'avenant au contrat de travail signé le 1er décembre 2016, décrivant ses fonctions et attributions, qui précise qu'elle était la responsable commerciale des performances de son équipe, qu'elle devait mettre en place les outils commerciaux pour atteindre les objectifs fixés, proposer et mettre en place les animations commerciales, animer les réunions des équipes, participer à la fixation des objectifs, participer au recrutement et à l'évaluation des résultats commerciaux.

Force est de constater tout d'abord que l'employeur n'a jamais formulé la moindre observation à ce sujet et n'a jamais reproché à Mme [U] une quelconque carence dans l'exécution de ses tâches.

Par ailleurs, si l'employeur soutient à hauteur de cour que Mme [U] n'animait pas les réunions, mais se contentait de prendre des notes lors de celles-ci, cette allégation est contredite non seulement par l'attestation de Mme [M] [I] qui a indiqué que Mme [U], qui lui avait été présentée comme sa responsable, réunissait tous les mardis les vendeurs pour faire le point sur les objectifs et les actions à mener, mais également par l'étude de poste réalisée le 1er décembre 2016 par le Dr [E], médecin du travail.

En effet celui-ci a mentionné que le travail de Mme [U] consistait pour 90 % à assurer la conception des plans de cuisine, l'accueil des clients, l'animation des réunions avec ses vendeurs pour fixer les résultats et les objectifs. L'employeur n'est pas fondé à remettre en cause cette description des fonctions de Mme [U] dès lors que cette étude de poste, portant sur les fonctions réellement exercées par la salariée a été effectuée en compagnie de M. [O], le directeur de l'établissement.

En outre Mme [U], titulaire d'un B.T.S. de management d'unité commerciale, disposait d'un expérience professionnelle de près de10 années et avait suivi une formation professionnelle complémentaire de management afin de pouvoir animer une équipe de vente.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [U] disposait d'une expérience professionnelle ancienne, qu'elle participait à la fixation des objectifs et disposait de la capacité de choisir et mettre en oeuvre, de manière autonome, les moyens et les actions commerciales pour les atteindre, qu'au travers des réunions hebdomadaires elle assurait le contrôle et la gestion d'une unité de vente, qu'elle exerçait donc de manière permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant du niveau V échelon 2 de la convention collective.

Selon l'avenant n°9 à la convention collective, relatif aux salaires conventionnels, le salaire minimum pour les emplois de niveau V échelon 2 coefficient 310 s'élèvait à 2263 euros bruts à compter du 1er janvier 2013, porté à 2 287, 80 euros bruts à compter du 1er janvier 2015 par l'avenant n° 10.

En l'absence de dispositions particulières dans la convention collective, la prime d'ancienneté perçue par Mme [U], qui ne constitue pas la contrepartie d'un travail, n'a pas à être prise en considération pour déterminer si les dispositions relatives au salaire minimum ont été respectées par l'employeur.

Sur ses bases il apparaît que la rémunération de Mme [U] -hors prime d'ancienneté, n'a pas atteint le minimum conventionnel en août 2014 ( - 231,88 euros) en septembre 2014 ( - 459,32 euros), en novembre 2014 ( - 459, 32 euros ), en janvier 2015 ( - 484, 12 euros), en mai 2015 ( - 484, 12 euros), en août 2015 (-419, 91 euros) en décembre 2015 ( - 484,12), en mars 2016 ( - 790,47euros), en mai 2016 (- 272,66 euros) en juin 2016 ( - 192,70 euros) en septembre 2016 (- 468,99 euros).

Par suite il y a lieu d'infirmer le jugement de ce chef et de condamner la Sarl JMC Cuisine à payer à Mme [U] un rappel de salaire de 4747,61 euros, majorés d'une indemnités compensatrice de congés-payés afférente à ce rappel de salaire s'élevant à 474,76 euros.

Par ailleurs il résulte des articles 14.2 et 6.3 de la convention collective que les salariés non cadre ont droit à une prime d'ancienneté de 6% pour les salariés ayant une ancienneté de 6 à 8 ans et de 9% pour une ancienneté supérieure à 8 ans, dont l'assiette est le salaire minimum conventionnel.

Du fait du non-respect des dispositions conventionnelles relatives au salaire minimum certains mois, la prime, calculée sur les salaires versés et non sur le salaire minimum conventionnel, a été sous évaluée, de sorte que Mme [U] est fondée à obtenir un rappel de 701,87 euros à ce titre, majoré de l'indemnité de congés payés afférente, soit 70,18 euros.

B. Sur les rappels pour heures supplémentaires

Il résulte du bulletin de salaire du mois de juillet 2017, que l'employeur a réglé 39,75 heures supplémentaires au taux normal alors qu'elles auraient du être majorées de 25 %, ce que l'intimée ne conteste pas.

Compte tenu du taux horaire applicable, après reclassification au niveau 5, échelon 2, coefficient 310, le montant de la majoration s'élève à 292,95 euros montant que l'intimée sera condamnée à verser à Mme [U].

C. Sur la prime de fin d'année

Mme [U] sollicite la condamnation de l'intimée à lui payer la somme de 3 534 euros au titre des primes de fin d'année à compter de l'année 2014.

À titre liminaire, il convient de rappeler que pour que le versement d'une prime acquière la valeur contraignante d'un usage, dont les salariés pourront se prévaloir, il est nécessaire que ce versement réponde à des caractères de généralité, de constance et de fixité, que c'est à celui qui se prévaut d'un tel usage de rapporter la preuve que la pratique invoquée réunit ces trois conditions cumulatives.

Pour confirmer le rejet de cette prétention, il suffira de relever :

- que Mme [U], sur qui pèse la charge de la preuve de la réunion des conditions exigées pour conférer au versement de la prime la valeur d'un usage, tente vainement d'inverser la charge de la preuve en reprochant à l'employeur de ne pas expliciter les conditions d'octroi de la prime litigieuse, alors que celui-ci se borne à indiquer que le versement avait un caractère purement discrétionnaire ;

- qu'elle ne justifie d'aucune manière que l'attribution de cette prime était subordonnée à des critères fixes, précis et connus des salariés, ni qu'une prime de fin d'année était versée chaque année à l'ensemble des salariés ;

- que le fait qu'elle se fonde sur une moyenne pour déterminer le montant de sa réclamation confirme l'absence de critères et de fixité ;

- qu'il résulte de ses écritures, d'une part, qu'elle même ne percevait pas régulièrement une prime de fin d'année, aucun versement n'étant intervenu en 2009, puis à partir de 2014, d'autre part, que les années où elle l'a perçu, le montant de la prime était variable ;

- que sa carence dans l'administration de la preuve du caractère de fixité et de généralité de la prime qu'elle revendique ne peut conduire qu'au rejet de sa prétention.

D. Sur le maintien du salaire pendant l'arrêt maladie

A titre liminaire il convient de rappeler, en droit :

- que l'article L.1226-1 du code du travail dispose que tout salarié ayant une année d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de la maladie, d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière prévue à l'article L.321-1 du code de la sécurité sociale, dont le taux, les délais et les modalités de calcul sont déterminés par voie réglementaire ;

- que l'article D.1226-3 du code du travail précise que cette indemnité est égale pendant les 30 premiers jours à 90 % de la rémunération brute que le salarié aurait perçu s'il avait continué à travailler et pendant les trente jours suivants, deux tiers de cette même rémunération.

Il résulte des pièces produites :

- que Mme [U] a été placée en arrêt maladie à compter du 21 novembre 2016 ;

- que la société JMC Cuisines ayant fait jouer la subrogation, les indemnités journalières lui ont été directement versées par l'organisme de sécurité sociale ;

- que les indemnités dues à la salarié au titre du contrat d'assurance groupe souscrit par son assureur et auquel elle avait adhéré pour garantir le maintien de sa rémunération en cas d'arrêt maladie, ont été également versées directement à l'employeur, à charge pour lui de les reverser à la salariée ;

- que sur le fondement de la rémurération effectivement perçue par Mme [U] et après déduction des indemnités journalières, l'indemnité complémentaire due à la salariée en application des textes précités s'élevait pour les deux premiers mois à (555,13 + 159,94 =) 715,07 euros ;

Mme [U] reconnait avoir perçu au titre du maintien du salaire 136,01 euros en novembre 2016 et 680,04 euros en décembre 2016, de sorte qu'il apparaît que pour les deux premiers mois elle a été plus que rempli de ses droits au titre de l'indemnité complémentaire.

Par ailleurs, il résulte encore des pièces produites que du 19 novembre 2016 au 19 mai 2017 la Caisse d'assurance maladie a directement versé à l'employeur, subrogé dans les droits de Mme [U], au titre des indemnités journalières, la somme totale de 7061,26 euros bruts, soit après déduction de la CSG et du RDS la somme de 6587,78 euros nets.

Mme [U] soutient que sur cette somme, il ne lui a été reversé que 3980,55 euros. Le principe de l'obligation de reverser les indemnités journalières au salarié n'étant pas discutable, ni discuté, il appartient à l'employeur d'établir qu'il s'est libéré de cette obligation en réglant non pas seulement la somme que la salariée reconnait avoir perçu à ce titre, mais l'intégralité des sommes dues.

Force est de constater qu'il ne rapporte pas cette preuve et ne fournit d'ailleurs aucune explication ou argumentation à ce sujet. Par suite la demande en payement apparaît fondée à hauteur de (6587,78 - 3980,55 = ) 2607,23 euros.

L'employeur a également perçu en vertu du contrat de groupe couvrant les incapacités de travail, auquel Mme [U] avait adhéré, une somme de 6634,24 euros destinée à assurer à la salariée le maintien de sa rémunération pendant la durée de son arrêt -maladie.

Il résulte des pièces produites que outre les sommes de 136,01 euros en novembre 2016 et 680,04 euros perçues en décembre 2016, l'employeur a encore versé à Mme [U] les sommes de 156,94 euros en janvier 2017, 487,69 euros en février 2017, 799,74 euros en avril 2017 et 1833,95 euros en juillet 2017, montants qui doivent venir en déduction de la somme versée par la caisse de prévoyance, de sorte que l'employeur reste débiteur du solde (6634,24 -4094,37=) 2 539,87 euros, dont il ne justifie pas du payement, le chèque de 3500 euros émis le 18 juillet 2017 au profit de Mme [U] ne pouvant en tenir lieu dès lors que cette somme a été ensuite déduite du solde de tout compte établi après la rupture du contrat de travail , solde qui n'incluait pas les sommes dues par l'employeur au titre du maintien de la rémunération pendant l'arrêt maladie.

Au vu de ces motifs il y a lieu d'infirmer le jugement qui, sans la moindre explication ni motivation, a rejeté la demande et de condamner la société JMC Cuisines à payer à Mme [U] la somme de ( 2607,23 + 2539,87 = ) 5147,10

euros.

E. Sur la demande en dommage et intérêts pour harcèlement moral

Pour confirmer le jugement entrepris en ses dispositions déboutant Mme [U] de sa demande de condamnation de la société JMC CUISINES à lui payer la somme de 10'000 euros au titre des faits de harcèlement moral, il suffira de relever :

- qu'il résulte des écritures de l'appelante que celle-ci ne se plaint pas d'agissements de son employeur constitutifs de harcèlement moral, mais invoque exclusivement des agissements de son collègue de travail, M. [K] ;

- que dès lors, l'employeur n'étant pas l'auteur du harcèlement moral allégué, sa responsabilité ne peut être recherchée à ce titre, mais exclusivement pour ne pas avoir pris les mesures pour prévenir ou faire cesser ce harcèlement ou pour avoir manqué à son obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

F. Sur la demande en dommages et intérêts pour violation de l'article L.1152-4 du code du travail

Aux termes de l'article L.1152-4 du code du travail, l'employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement moral subis par un salarié.

En l'espèce, Mme [U] réclame une indemnité de 10 000 euros pour non-respect par l'employeur de cette obligation.

Cette demande est parfaitement recevable dès lors que les obligations résultant des articles L.1152-4 et L.1152-1 du code du travail sont différentes et que le préjudice causé par la constatation de l'absence de toute intervention et mesures prises par l'employeur pour prévenir ou faire cesser le harcèlement moral est distinct de celui résultant du harcèlement subi du fait des agissements d'un collègue.

Par courrier électronique du 19 septembre 2013, Mme [U] a informé son employeur 'en tirant la sonette d'alarme' que le comportement de [G] [K] et ses critiques permanentes ('mon travail n'est pas bien fait, je dis n'importe quoi à mes clients, je suis de mauvaise foi, il n'y a que des problèmes sur mes chantiers, je ne suis pas organisé' ) s'apparentaient pour elle à du harcèlement moral, rejailllissant sur son état physique et psychologique, qu'elle ne pouvait continuer à travailler dans ces conditions et demandait à son employeur d'intervenir pour faire cesser cette situation.

Il résulte de l'attestation de M. [Y] qu'il ne s'agissait pas d'une simple mésentente entre deux salariés d'une même entreprise, celui-ci ayant indiqué que lors de la réalisation des travaux à son domicile, M.[K] avait dénigré le travail de sa collègue, en indiquant qu'elle commettait fréquemment des erreurs. Au surplus il n'est allégué, et a fortiori justifié d'aucun comportement inapproprié de Mme [U] à l'égard de M. [K] qui aurait pu être à l'origine du comportement de celui-ci.

Force est de constater que l'employeur ne justifie, ni avoir effectué une enquête au sujet des faits dénoncés par la salariée, ni avoir pris une quelconque mesure pour prévenir le renouvellement des faits dénoncés.

Cette inertie de l'employeur a eu pour conséquence la poursuite des agissements de M. [K] dont les critiques et remarques malveillantes sont établies non seulement par la propre attestation de M. [K], produite par l'employeur, dans laquelle il ne fait état que de l'incompétence de Mme [U], sans jamais citer un exemple précis pour illustrer celle-ci ce qui ôte tout crédit à ses allégations, mais également par l'attestation de Mme [I] qui a indiqué avoir assisté à une scène en juillet 2015 au cours de laquelle M. [K] avait agressé verbalement Mme [U], en présence du dirigeant de l'entreprise, qui n'avait pas réagi, et avoir entendu à plusieurs reprises M. [K] dénigrer le travail de Mme [U].

Ce n'est qu'à la suite de l'arrêt de travail prescrit le 22 février 2016 à Mme [U] par son médecin traitant, que, pour la première fois, l'employeur a réagi en la convoquant à un entretien en vue de 's'entretenir avec elle de la mésentente' existant entre elle et M. [K].

Cet entretien n'a une nouvelle fois été précédé d'aucune enquête pour déterminer les responsabilités respectives des deux salariés et à l'issue de celle-ci l'employeur s'est borné à demander à Mme [U] de ne plus avoir de contact avec M. [K], de ne plus lui programmer de pose et de faire transiter par son intermédiaire toutes informations destinées à M. [K].

Il résulte de ces éléments que l'employeur n'avait entrepris aucune action , ni mis en oeuvre aucune mesure pour prévenir des faits de harcèlement moral dans l'entreprise et que ce n'est que plusieurs années après la première dénonciation de tels faits par Mme [U], sans enquête, sans même confronter les intéressés pour connaître leurs versions respectives, qu'il a réagi en prenant une mesure à l'évidence insuffisante puisqu'il n'a pas sanctionné le comportement de M. [K], ni même invité celui-ci à modifier un comportement constitutif de harcèlement moral dès lors que sont établis des agissements répétés de celui-ci à l'origine directe de la dégradation des conditions de travail de Mme [U] , celui-ci ayant d'ailleurs indiqué dans son attestation qu'il avait 'mal parlé' à Mme [U] lors de l'incident du mois de novembre 2016.

Ce manquement de l'employeur à l'obligation impartie par l'article L.1152-4 du code du travail, a causé à Mme [U] un préjudice résultant de la persistance du harcèlement moral pendant plusieurs années en raison de l'inertie de son employeur, qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 6 600 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef et la société JMC Cuisines sera condamnée à payer à Mme [U] la somme de 6 600 euros à titre de dommages et intérêts.

G. Sur la demande en dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

L'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dont il lui appartient d'assurer l'effectivité. Elle lui impose de prendre toutes les mesures de prévention visées aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, mais également toutes les mesures propres à faire cesser les agissements mettant précisément en péril la santé ou la sécurité des salariés.

En l'espèce, Mme [U] sollicite le payement d'une indemnité de 10 000 euros, en se bornant à indiquer qu'elle a subi un préjudice distinct en raison de la violation de cette obligation.

Pour confirmer le rejet de cette prétention il suffira de constater que non seulement elle ne développe pas la moindre argumentation sur la violation de cette obligation et la distinction qu'il y aurait lieu d'opérer avec la violation de l'obligation de prévenir les faits de harcèlement moral, mais que, alors qu'il lui appartient d'établir non seulement le principe, mais également le montant du préjudice, elle ne fournit pas le moindre élément de nature à caractériser, et a fortiori à justifier le préjudice dont elle sollicite réparation.

II. SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

A. Sur la nullité du licenciement

Selon l'article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2 du code du travail, toute disposition ou acte contraire est nul.

Le licenciement d'un salarié victime de harcèlement est nul dès lors qu'il présente un lien avec des faits de harcèlement soit parceque le licenciement trouve directement son origine dans ces faits de harcèlement moral ou leur dénonciation, soit parceque le licenciement est dû à la dégradation de l'état de santé du salarié ayant conduit à la déclaration d'inaptitude à son poste ou ayant provoqué des absences perturbant l'organisation de l'entreprise et nécessitant son remplacement définitif.

En l'espèce, il est soutenu par Mme [U] que le harcèlement moral dont elle a été victime a entraîné une dégradation de son état de santé physiqe et psychique, qui est à l'origine de son inaptitude à son poste de travail.

Si les agissements répétés de M. [K] ont entraîné une dégradation des conditions de travail de Mme [U] et sont constitutifs de harcèlement moral dans la mesure où le dénigrement et les critiques auprès de tiers ont porté atteinte à sa dignité, force est de constater que Mme [U] n'établit pas qu'ils sont à l'origine de la dégradation de sa santé physique ou mentale et de l'inaptitude relevée par le médecin du travail. Ce lien ne peut être déduit de la concommittance entre l'incident qui s'est produit le 18 novembre 2016, lorsque M. [K] a refusé de donner suite à la demande de Mme [U] d'intervenir chez une cliente, et l'arrêt de travail du 19 novembre, dès lors qu'il s'agissait d'un incident mineur, provoqué par le fait que, contrairement aux instructions reçues de son employeur, Mme [U] s'est adressé directement à M. [K] pour lui demander d'intervenir chez une cliente.

Il ne peut pas davantage être déduit du fait allégué par l'appelante que l'inaptitude ne saurait avoir une autre cause, qui ne constitue qu'un postulat de principe et non une démonstration.

En l'absence de document médical permettant de retenir que l'inaptitude trouve son origine dans un harcèlement moral, la confirmation des dispositions du jugement rejetant la demande de nullité du licenciement, et par voie de conséquence, la demande en dommages et intérêts afférente, s'impose.

B. Sur le solde de l'indemnité légale de licenciement

Si Mme [U] a relevé appel de l'intégralité des dispositions du jugement, et donc également de la condamnation de la société JMC Cuisines à lui payer la somme de 843,73 euros à titre de solde sur indemnité de licenciement, force est de relever que si la Cour est saisie de ce chef par la déclaration d'appel, cette disposition n'est critiquée ni par l'appelent, ni par l'intimée. Dès lors la Cour ne peut que la confirmer.

III. SUR LES FRAIS NON-RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS

La société JMC Cuisines, dont la succombance apparaît dominante en appel, sera déboutée de sa demande en payement d'une indemnité de procédure et condamnée aux entiers dépens d'appel.

L'équité justifie l'allocation à Mme [U] d'une indemnité de procédure de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement, par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

INFIRME le jugement entrepris en ses dispositions :

- déboutant Mme [U] de sa demande en payement d'un rappel de salaire et des congés payés afférents ;

- déboutant Mme [U] de sa demande en payement d'un rappel de prime d'ancienneté et de congés payés afférents ;

- condamnant la société JMC Cuisines à lui payer les sommes de 113,29 euros au titre de la majoration des heures supplémentaires ;

- déboutant Mme [U] de sa demande relative au maintien de la rémunération durant l'arrêt maladie ;

- déboutant Mme [U] de sa demande en payement d'une indemnité pour violation de l'obligation de prévention de actes de harcèlement ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

CONDAMNE la société JMC Cuisines à payer à Mme [U] les sommes de :

- 701,87 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté, majorés de 70,18 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

- 4747,61 euros à titre de rappel de salaire, majorés de 474,76 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés-payés afférente à ce rappel de salaire;

- 292,95 euros au titre de la majoration des heures supplémentaires ;

- 5147,10 euros au titre du maintien de la rémunération durant l'arrêt-maladie ;

- 6 600 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation des dispositions de l'article L.1152-4 du code du travail ;

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société JMC Cuisines à payer à Mme [U] une indemnité de procédure de 2 000 euros ;

DÉBOUTE la société JMC Cuisines de sa demande en payement d'une indemnité de procédure ;

CONDAMNE la société JMC Cuisines aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00004
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;21.00004 ?
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