ARRÊT DU
05 JUILLET 2022
NE/CO**
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N° RG 21/00039 -
N° Portalis DBVO-V-B7F-C3CW
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[G] [B] épouse [M]
C/
ASSOCIATION CENTRE DELESTRAINT FABIEN
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Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 77 /2022
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le cinq juillet deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assistée de Chloé ORRIERE, greffier
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
[G] [B] épouse [M]
née le 30 janvier 1961 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Camille GAGNE, avocat inscrit au barreau d'AGEN
APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - formation paritaire d'AGEN en date du 15 décembre 2020 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00121
d'une part,
ET :
L'ASSOCIATION CENTRE DELESTRAINT FABIEN prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Guy NARRAN, avocat posulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Emilie MARTIN, avocat plaidant inscrit au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 01 février 2022 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président de chambre et Nelly EMIN, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les parties ayant été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 12 avril 2022 lequel délibéré a été prorogé ce jour par mise à disposition. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés.
* *
*
FAITS ET PROCÉDURE
Le centre Delestraint Fabien (ci-après l'association) est une association qui gère un centre de soin de suite et de réadaptation. Elle exerce son activité au [Adresse 5].
L'association a embauché Mme [M] par une succession de contrats à durée déterminée sur la période du 8 août 2011 au 30 novembre 2017, récapitulés dans le tableau qui suit :
TABLEAU RECENSANT L'ENSEMBLE DES CDD
Date de signature du contrat
Période de travail visée par le contrat
Salarié remplacé selon le contrat
Motif mentionné dans le contrat
1
08/08/2011
Du 8 au 26 août 2011
[X] [H]
Congés annuels
2
08/12/2011
Du 1er au 8 décembre 2011
Surcroit d'activité
3
26/01/2012
Du 26 au 27 janvier 2012
[K] [L]
Repos
4
21/02/2012
Du 21 au 29 février 2012
Surcroit d'activité
5
21/02/2012
Du 1 mars au 1 juillet 2012
[K] [L]
Congés maternité
6
11/03/2013
Du 11 au 14 mars 2013
[E] [Z]
[K] [L]
Congés annuels
Congés annuels
7
02/05/2013
Du 2 au 28 mai 2013
[K] [L]
[E] [Z]
[X] [H]
Congés annuels
Congés annuels
Congés annuels
8
19/06/2013
Du 19 au 27 juin 2013
[X] [H]
[H]
Congés annuels
9
04/07/2013
du 4 au 23 juillet 2013
[K] [L]
Congés annuels
10
31/07/2013
Du 2 au 29 août 2013
[E] [Z]
[K] [L]
[X] [H]
Congés annuels
Congés annuels
Congés annuels
11
02/05/2014
Du- 2 au 23 mai 2014
[E] [Z]
[K] [L]
[X] [H]
Congés annuels
Repos puis congés
Congés annuels
12
02/06/2014
Le 6 juin 2014
[E] [Z]
Repos compensateur
13
02/06/2014
Du 10 au 16 juin 2014
[X] [H]
Repos compensateur
14
10/07/2014
Le 10 juillet 2014
[K] [L]
Congé enfant malade
15
18/07/2014
Du 21 au 24 juillet 2014
[X] [H]
Congés payés
16
18/07/2014
Du 18 au 28 juillet 2014
[K] [L]
Arrêt maladie
17
18/07/2014
Du 29 au 30 juillet 2014
[E] [Z]
Congés annuels
18
29/07/2014
Du 1 au 13 août 2014
[E] [Z]
Congés annuels
19
29/07/2014
Les 4 au 14 août 2014
[K] [L]
Arrêt maladie
20
29/07/2014
Du 18 au 28 août 2014
[X] [H]
Congés payés
21
29/08/2014
Du 1 au 15 septembre 2014
[K] [L]
Arrêt maladie
22
29/09/2014
Du 22 au 29 septembre 2014
[K] [L]
Arrêt maladie
23
17/09/2014
Du 22 au 26 septembre 2014
[K] [L]
Arrêt maladie
24
06/10/2014
Du 6 octobre au 28 novembre 2014
[K] [L]
Arrêt maladie
25
28/10/2014
Le 10 novembre 2014
[E] [Z]
Repos compensateur
26
27/11/2014
Le 15 décembre 2014
[E] [Z]
Repos compensateur
27
24/11/2014
Du 22 au 24 décembre 2014
[E] [Z]
Congés annuels
28
27/11/2014
Du 1er décembre 2014 au 2 janvier 2015
[K] [L]
Arrêt maladie
29
07/01/2015
Du 8 janvier au 6 février 2015
[K] [L]
Arrêt maladie
30
07/02/2015
Du 9 février au 6 mars 2015
[K] [L]
Arrêt maladie
31
07/02/2015
Du 23 au 25 février 2015
[E] [Z]
Repos compensateur
32
09/03/2015
Du 9 mars au 3 avril 2015
[K] [L]
Arrêt maladie
33
31/03/2015
Du 1er au 2 avril 2015
[X] [H]
Repos compensateur
34
30/03/2015
Du 7 au 10 avril 2015
[E] [Z]
Congés annuels
35
31/03/2015
Du 20 au 24 avril 2015
[X] [H]
Congé annuels
36
22/04/2015
Du 9 avril au 5 juin 2015
[K] [L]
Arrêt maladie
37
38
22/04/2015
04/06/2015
Du 4 au 6 mai 2015
DU 18 au 21 mai 2015
[E] [Z]
[X] [H]
Congés annuels
Congés annuels
39
10/08/2015
Du 20 juillet au 7 août 2015
[E] [Z]
Congés annuels
40
16/07/2015
Du 8 juin au 7 août 2015
[K] [L]
Arrêt maladie
41
11/09/2015
Du 10 août au 10 septembre 2015
[K] [L]
Arrêt maladie
42
09/10/2015
Du 11 septembre au 9 octobre 2015
[K] [L]
Arrêt maladie
43
22/10/2015
Du 6 octobre au 30 novembre 2015
[K] [L]
Arrêt maladie
44
2/12/2015
Du 9 au 13 novembre 2015
[E] [Z]
Repos compensateur
45
28/12/2015
Du 3 au 28 décembre2015
[K] [L]
Arrêt maladie
46
04/01/2016
Le 29 décembre 2015
[X] [H]
Absence
47
16/02/2016
Du 4 janvier au 4 mars 2016
[K] [L]
Congés annuels
48
07/03/2016
Le 17 février 2016
[E] [Z]
Repos compensateur
49
07/03/2016
Du 7 mars au 6 mai 2016
[K] [L]
Arrêt maladie
50
11/07/2016
Du 9 mai au 8 juillet 2016
[K] [L]
Arrêt maladie
51
12/07/2016
Du 11 au 15 juillet 2016
[K] [L]
Absence
52
12/07/2016
Du 21 juillet au 5 septembre 2016
[K] [L]
Arrêt maladie
53
08/09/2016
Du 8 septembre au 4 novembre 2016
[K] [L]
Arrêt maladie
54
09/11/2016
Du 10 novembre 2016 au 6 janvier 2017
[K] [L]
Arrêt maladie
55
09/01/2017
Du 10 au 27 janvier 2017
Pas de remplacement
Formation
56
01/02/2017
Du 10 au 27 janvier 2017
Pas de remplacement
Formation
57
01/02/2017
Du 9 au 31 janvier
[K] [L]
Arrêt maladie
58
10/04/2017
Du 2 février au 3 mars 2017
[K] [L]
Absence
59
10/05/2017
Du 9 mars au 5 mai 2017
[K] [L]
Arrêt maladie
60
06/03/2017
Du 11 au 12 avril 2017
Pas de remplacement
Formation nouveau logiciel
61
05/07/2017
Du 11 mai au 30 juin 2017
[K] [L]
Arrêt maladie
62
07/09/2017
Du 3 juillet au 3 septembre 2017
[K] [L]
Arrêt maladie
63
08/11/2017
Du 7 septembre au 3 novembre 2017
[K] [L]
Arrêt maladie
64
08/11/2017
Du 9 novembre au 30 novembre 2017
[K] [L]
Arrêt maladie
Le 4 janvier 2018, Mme [M] a postulé sur un emploi de secrétaire médicale, renouvelant sa candidature le 4 février 2018.
Par courrier du 12 février 2018 l'association, sous la signature de la directrice, Mme [O], a informé Mme [M] qu'elle n'entendait pas donner suite à sa candidature au motif que les choses se sont progressivement détériorées au fil des remplacements que la salariée lui reprochait abusivement de faire durer, qu'elle n'avait pas cessé de se plaindre après le changement de logiciel informatique, que durant les derniers mois de présence elle avait délibérément cessé d'effectuer certaines des tâches confiées en répondant que celles-ci ne servaient à rien, que son comportement lors des derniers contrats n'a pas donné satisfaction à la structure et a démontré qu'elle ne disposait pas des qualités attendues pour occuper le poste de secrétaire médicale.
Selon requête déposée le 10 septembre 2019, Mme [M] a saisi le Conseil des prud'hommes d'Agen pour voir requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée, la rupture de ladite relation en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir payement de diverses indemnités de requalification, de rupture et pour exécution déloyale du contrat de travail.
Par jugement en date du 15 décembre 2020, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour plus ample exposé des faits, de la procédure, moyens et prétentions des parties en première instance et des motifs énoncés par les premiers juges, le Conseil des prud'hommes d'Agen a :
- déclaré la demande de requalification recevable seulement pour les deux derniers contrats à durée déterminée et requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 7 septembre 2017 ;
- dit que la moyenne des salaires des trois derniers mois de travail est de 329,95 euros brut ;
- condamné l'association à payer à Mme [M] les sommes de :
1°) 450 euros à titre d'indemnité de requalification ;
2°) 1600 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
3°) 412, 50 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
4°) 659,90 euros au titre du préavis et 65,99 euros au titre des congés payés afférents ;
5°) 1300 euros à titre d'indemnité de procédure ;
- débouté Mme [M] de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;
- ordonné à l'association de remettre un bulletin de salaire global et les documents de fin de contrat rectifiés ;
- condamné l'association aux dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 15 janvier 2021, Mme [M] a relevé appel de toutes les dispositions du ce jugement, à l'exception des dispositions relativesau versement d'une indemnité de procédure et aux dépens.
La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnace du 16 décembre 2021 et l'affaire fixée à l'audience du 1er février 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
I. MOYENS ET PRÉTENTIONS DE MME [M], APPELANTE
Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la Cour le 29 novembre 2021, Mme [M] conclut :
1°) à l'infirmation du jugement requalifiant la relation de travail à compter du 7 septembre 2017, en demandant à la Cour de requalifier la relation de travail la liant à l'association en contrat à durée indéterminée à compter du 2 mai 2013 et de lui octroyer à titre d'indemnité de requalification la somme de 1074, 32 euros en faisant valoir :
- que ce n'est qu'à la suite de la succession abusive de contrats à durée déterminée que le salarié peut constater les faits lui permettant d'exercer son droit ;
- que le point de départ du délai de prescription est donc la fin du dernier contrat à durée déterminée, le 30 novembre 2017, et que l'action tendant à la requalification à compter du 2 mai 2013 est parfaitement recevable ;
- que les contrats 36, 38, 39, 40, 41, 43, 44, 45 et 46 font apparaître une date de signature postérieure au début du contrat et ne satisfont pas aux exigences de l'article L.1242-13 du code du travail ;
- que les contrats 7, 10 et 11 mentionnent expressément le remplacement de plusieurs salariés absents, en violation des dispositions de l'article L. 1242-2-1° qui impose l'unicité de motif ;
- que le fait que l'association ait eu systématiquement recours, pendant trois ans, à des contrats à durée déterminée pour des remplacements prévisibles s'apparente inévitablement à pourvoir à l'activité normale et prévisible de l'entreprise, notion incompatible avec le contrat à durée déterminée ;
- que la permanence du besoin de remplacement sur des postes identiques est révélatrice d'une sous-évaluation du volume des emplois permanents dans l'entreprise ;
- que vu le nombre de contrats à durée déterminée signés par Mme [M] en 6 ans il apparaît de manière assez évidente qu'ils avaient pour effet de pourvoir durablement à l'activité normale et permanente de l'association ;
- que cette appréciation est confortée par la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne qui impose de rechercher s'il existe un motif objectif de recours au contrat à durée déterminée et considère que « la conclusion de plusieurs contrats à durée déterminée successifs notamment sur une période particulièrement longue, tend à démontrer que la prestation requise du travailleur concerné ne constitue pas un simple besoin temporaire » ;
- qu'elle est fondée à solliciter l'octroi au titre de l'indemnité de requalification de la somme de 1074, 32 euros correspondant au salaire moyen brut des 12 derniers mois travaillés ;
2°) à l'infirmation des dispositions relatives à la rupture des relations de travail, à la requalification de celle-ci en licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la condamnation de l'association à lui payer les sommes de 2 148,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 214,86 euros au titre des congés payés afférents au préavis, de 1 230,90 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, en exposant :
- que du fait de la requalification la rupture de la relation contractuelle équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse lui ouvrant droit à indemnisation ;
- que son indemnisation doit être chiffrée sur la base du salaire moyen brut des 12 derniers mois travaillés ;
3°) à la condamnation de l'association à lui payer la somme de 12891,84 euros, nette, subsidiairement celle de 5371,60 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices professionnels financiers et moraux subis dans le cadre du licenciement, en exposant :
- que le barème d'indemnisation prévu par l'article L.1235-3 du code du travail doit être écarté parcequ'il est contraire à l'article 10de la Convention 158 de l'Organisation Internationale du travail (OIT) et à l'article 24 de la Charte Européenne du 3 mai 1966, qui sont d'application directe en droit français,
- qu'en effet il ne permet pas une réparation intégrale des préjudices subis par le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse et n'édicte pas une sanction suffisamment dissuasive ;
- que l'ancienneté acquise n'est qu'un des éléments à prendre en compte pour évaluer le préjudice du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse ;
- que malgré ses recherches actives elle n'a pas été en mesure de retrouver un emploi, que jusqu'en septembre 2019 elle a subi une perte mensuelle nette de 165,57 euros et que depuis lors elle ne perçoit plus que l'allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant de 444 euros maximum ;
- que les indemnités chômage n'ouvrant droit à une prise en compte au titre des cotisations de retraite que pour une durée limitée de 6 trimestres, la rupture de la relation contractuelle engendre une perte certaine sur les droits futurs à retraite ;
- que cette rupture lui fait perdre en outre le bénéfice des avantages sociaux octroyés par l'entreprise ;
- qu'en raison de son âge, de son faible niveau de formation il lui sera extrêmement difficile de retrouver un emploi pérenne et qu'elle subit un préjudice important lié à l'humiliation du chômage et à la perte d'emploi ;
- qu'à défaut d'écarter le barème, la cour devra pour le moins lui allouer une indemnité de 5 371,60 euros ;
4°) à l'infirmation des dispositions rejetant sa demande d'indemnisation pour exécution déloyale du contrat de travail et à la condamnation de l'association à lui payer une indemnité de 5 000 euros à ce titre, en indiquant :
- que les circonstances de la rupture des relation contractuelles ont été brutales, l'association ayant remis en question tant ses qualités personnelles que professionnelles, après plus de 6 ans de relation ;
- qu'elle avait suivi des formation d'adaptation au poste qui lui avait été promis et que l'employeur a usé d'un stratagème pour l'évincer ;
- que si elle avait rencontré le médecin du travail, celui-ci aurait pu diagnostiquer plus tôt la discopathie associée à un arthrose dont elle souffre et qu'elle subit donc un préjudice de ce fait, tiré de la perte de la chance d'un traitement adapté et efficace ;
5°) à la condamnation de l'association, outre aux entiers dépens, à lui remettre les documents de fin de contrats rectifiés et à lui payer une indemnité de procédure de 2 000 euros.
II. MOYENS ET PRÉTENTIONS DE L'ASSOCIATION CENTRE DELESTRAINT FABIEN
Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la Cour le 29 juin 2021, l'association conclut :
1°) à la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé prescrites les demandes de Mme [M] antérieures au 10 septembre 2017 en soutenant :
- que l'absence de mention du motif du recours ou la mention d'un motif erroné, la remise ou la signature tardive sont des irrégularités de forme que le salarié a pu constater dès la remise du contrat ;
- que c'est donc à cette date que la prescription biennale de l'article L.1471-1 du code du travail a commencé à courir ;
- que Mme [M] n'ayant saisi le CPH d'Agen que le 10 septembre 2019, toutes ses demandes ne peuvent porter sur une période antérieure au 10 septembre 2017 ;
- que dès lors seules doivent être soumis à l'appréciation de la Cour les contrats conclus du 7 septembre au 3 novembre et du 9 au 30 novembre 2017, les autres ayant fait l'objet de coupures entre les contrats de sorte qu'en application de l'article L.1243-11 du code du travail et de la circulaire DRT du 29 août 1992 il n'y a pas lieu à reprise d'ancienneté ;
- que la demande de requalification des contrats pour la période antérieure au 7 septembre 2017 est irrecevable comme prescite ;
2°) à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu un salaire de référence de 329,95 euros brut, en exposant que les premiers juges ont retenu à bon droit la moyenne des salaires perçus au cours des trois derniers mois, l'association ayant été contrainte de réduire le nombre de jours travaillés par Mme [M] en raison du caractère inapproprié de son comportement ;
3°) à l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la requalification des relations contractuelles en contrat à durée déterminée et au rejet de cette prétention et au débouté de l'ensemble des prétentions de Mme [M], en soutenant :
- que la spécificité de l'activité de l'association impose une continuité des soins nécessitant le remplacement systématique de tous les salariés absents ;
- que ce soit pour la période non-prescrite ou la période antérieure, Mme [M] a été embauchée pour pallier aux remplacements de Mme [L], salariée en arrêt maladie pour une durée prolongée, et de Mme [Y], et ce afin d'assurer la continuité de l'accueil en leur absence ;
- que sur la demande expresse de Mme [M], elle a consenti à ce que celle-ci assure le remplacement de Mme [H] ;
- qu'antérieurement à l'arrêt-maladie de longue durée de Mme [L], les contrats de Mme [M] ont connu de nombreuses coupures, ce qui démontre qu'elle n'avait pas vocation à occuper un emploi permanent de l'entreprise ;
- que le fait que Mme [L] n'ait pas repris son poste au terme de son arrêt-maladie est sans influence sur le litige, la cessation définitive du contrat du titulaire du poste entraînant de plein droit celle du contrat à durée déterminée de remplacement ;
- qu'en l'absence de requalification Mme [M] ne peut prétendre ni à indemnité de requalification, ni à indemnité de rupture ;
- que subsidiairement, l'ancienneté ne saurait excéder 2 mois et 21 jours, que Mme [M] ne justifie d'aucun préjudice, d'aucune recherche sérieuse d'emploi, et qu'en toute hypothèse l'indemnité ne saurait excéder le montant fixé par l'article L.1235-3 du code du travail, qui ne saurait être écarté, dans la mesure où il ne contrevient à aucun engagement international de la France et demeure parfaitement dissuasif ;
- que Mme [M] sollicite une indemnité de 5 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail, en invoquant des circonstances déloyales et brutales des relations contractuelles sans justifier d'un préjudice distinct de celui résultant de la rupture pour lequel elle réclame déjà 12 mois de salaire ;
- que Mme [M] ne justifie pas davantage d'un quelconque préjudice lié au fait qu'elle n'a jamais rencontré le médecin du travail pendant la relation contractuelle ;
4°) à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
5°) à la condamnation de Mme [M] aux dépens de première instance et d'appel et au payement d'une indemnité de procédure de 5 000 euros.
MOTIVATION DE L'ARRÊT
I. SUR LA REQUALIFICATION DE LA RELATION CONTRACTUELLE
A. Sur la prescription
A titre liminaire, il convient de rappeler :
- que l'action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, portant sur l'exécution du contrat de travail, est soumise au délai de prescription de 2 ans de l'article L.1471-1 du Code du travail, qui court à compter du jour où celui qui exerce l'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ;
- que la prescription de l'action en requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur des irrégularités de forme du contrat court donc à compter de la signature du contrat ou de la remise de l'écrit le constatant par l'employeur au salarié, dès lors que c'est à cette date que ce dernier a connu ou aurait dû connaître l'irrégularité ;
- qu'en l'absence de remise par l'employeur du contrat de travail à durée déterminée dans le délai fixé par l'article L.1242-13 du code du travail soit dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche, le délai de prescription de l'action fondée sur cette absence de remise court à compter de l'expiration de ce délai légal ;
- que par contre la prescription de l'action en requalification fondée sur le recours abusif par l'employeur à une succession de contrats de travail à durée déterminée ne court qu'à compter du dernier contrat.
En l'espèce, Mme [M] fonde tout d'abord son action sur la violation de l'article L.1242-13 du code du travail en exposant que les contrats 36, 38, 39, 40, 41, 43, 44, 45 et 46 font apparaître une date de signature et donc une remise postérieure au début du contrat et ne satisfont pas aux exigences de forme de l'article L.1242- 13 du code du travail.
Force est de constater que c'est à l'expiration du délai dans lequel les contrats à durée déterminée auraient dû lui être remis qu'elle a eu connaissance ou aurait du avoir connaissance de l'irrégularité qu'elle invoque . Dès lors le délai de prescription a commencé à courir pour chacun des contrats à l'expiration du délai fixé par l'article L.1242-13 précité, et pour le dernier contrat à compter du 29 décembre 2015.
L'action engagée sur ce fondement le 10 septembre 2019, est donc prescrite pour n'avoir pas été engagée dans le délai de deux ans fixé par l'article précité.
Mme [M] fonde ensuite son action sur la violation de l'article L.1242-2-1° du code du travail en soutenant que les contrats 7, 10 et 11 mentionnent expressément le remplacement de plusieurs salariés absents, en violation des dispositions de l'article précité, qui impose l'unicité de motif.
Là encore, force est de constater que c'est lors de la remise des contrats ou au plus tard à l'expiration du délai dans lequel les 3 contrats à durée déterminée litigieux lui ont été remis ou auraient dû lui être remis que l'appelante a eu connaissance ou aurait du avoir connaissance de l'irrégularité affectant les dits contrats. Dès lors le délai de prescription a commencé à courir pour chacun des contrats au plus tard à l'expiration du délai fixé par l'article L.1242-13 précité, et pour le dernier contrat au plus tard à compter du 4 mai 2014.
Par suite, l'action engagée sur ce fondement le 10 septembre 2019, est prescrite pour n'avoir pas été engagée dans le délai de deux ans fixé par l'article L.1471-1 du Code du travail.
Toutefois, il ne s'agit pas des seuls fondements de l'action en requalification engagée par Mme [M]. En effet , tant dans ses conclusions devant le conseil des prudhommes, que dans ses conclusions d'appel , Mme [M] fonde également sa demande de requalification sur le recours abusif par l'employeur à une succession de contrats à durée déterminée pour pourvoir un emploi permanent et durable de l'entreprise.
Dès lors que ce n'est qu'en raison de la succession de contrats à durée déterminée que le salarié a pu constater les faits lui permettant d'exercer ses droits, la prescription de l'action en requalification fondée sur le caractère abusif de cette succession de contrats n'a pu commencer à courir qu'à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée, soit en l'espèce le 30 novembre 2017.
Par suite la demande en requalification formée dans le cadre de la présente procédure par requête déposée au conseil des prud'hommes le 10 septembre 2019, avant expiration du délai biennal ayant commencé à courir le 30 novembre 2017, apparaît recevable.
B. Sur le fond
A titre liminaire, il convient de rappeler :
- que selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ;
- que le besoin temporaire en personnel de remplacement peut constituer un juste motif de recours au contrat à durée déterminée et que le seul fait pour l'employeur, tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos compensateur que leur accorde la loi, de recourir à des contrats à durée déterminée de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique au contrat à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre et pourvoir ainsi durablement à un emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ;
- qu'il en va différemment et que la relation doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée en cas de reconduction systématique, durant de longues années de contrats de remplacement dans le cadre desquels le salarié occupe, sous la même qualification, le même emploi quel que soit le salarié remplacé, et bénéficie de la même rémunération, et cela même si les contrats se sont succédés avec de courtes périodes d'interruption.
En l'espèce, il convient de relever :
- que Mme [M] sollicite la requalification en contrat à durée indéterminée à compter du 2 mai 2013 ;
- que selon les contrats de travail produits, elle a été embauchée en qualité d'agent d'accueil pour les 4 premiers contrats, s'échelonnant du 2 mai au 31 juillet 2013, mais que le contrat suivant, conclu le 2 mai 2014, soit plus de 8 mois après la fin du 4e contrat, le 29 août 2013, visait une qualification différente, d'employée administrative ;
- qu'en l'absence de qualification similaire et compte tenu de la durée prolongée d'interruption de 8 mois , il n'apparaît pas que ces 4 contrats aient été conclu pour pourvoir à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ;
- que par contre selon les contrats produits, Mme [M] a été systématiquement embauchéeà partir du 2 mai 2014 sous la qualification d'employée administrative, bénéficiant toujours de la même rémunération (indice 352 de la convention collective applicable) ;
- qu'il résulte des propres écritures de l'intimée que l'embauche de Mme [M] permettait d'assurer la continuité de l'accueil de l'association, ce dont il se déduit que Mme [M] occupait systématiquement le même emploi quel que soit le salarié remplacé ;
- que le tableau des contrats figurant en tête du présent arrêt permet de constater que le recours aux contrats de remplacement était systématique de mai 2014 à novembre 2017, les contrats se succédant avec de courtes interruptions ;
- que dès lors il apparaît que le centre Delestraint Fabien a eu recours de manière systématique à partir du 2 mai 2014 au contrat à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre et pourvoir ainsi durablement à un emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Par suite, il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de requalifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2014.
Par ailleurs il y a lieu de le réformer également en ce qui concerne le montant de l'indemnité de requalification, qui en application de l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail qui précise qu'elle ne peut être inférieure à un mois de salaire , et que la Cour fixera au montant du salaire brut moyen des 12 derniers mois travaillés, soit 1074,32 euros.
II. SUR LA RUPTURE DE LA RELATION CONTRACTUELLE
La rupture de la relation contractuelle est intervenue le 30 novembre 2017, au terme du dernier contrat , l'association ayant refusé de conclure avec Mme [M] un nouveau contrat.
Du fait de la requalification en contrat à durée indéterminée, la rupture intervenue sans forme et sans respect de la procédure de licenciement , s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges.
Celui-ci ouvre droit au bénéfice de Mme [M] d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.
Force est de constater que si le centre Delestraint Fabien conteste le principe de cette indemnisation, il ne discute pas les montants réclamés par Mme [M] à ces titres, qui apparaissent justifiés au regard de l'ancienneté de la salariée qui doit être retenue à compter du 2 mai 2014, compte tenu de la requalification.
Le jugement entrepris, qui avait évalué ces indemnités en fonction d'une ancienneté de 2 mois sera réformé en conséquence.
Mme [M] réclame en outre une indemnité de 12 891,84 en réparation du préjudice résultant de la rupture de la relation de travail.
C'est vainement qu'elle demande à la cour d'écarter les dispostions de l'article 1235-3 du code du travail qui fixe une fourchette d'indemnisation en fonction de l'ancienneté du salarié et de la taille de l'entreprise.
En effet, d'une part, ces dispositions permettent une réparation adéquate et dissuasive du préjudice résultant de la rupture et ne sont pas contraires aux dispositions de l'article 10 de la convention 158 de l'Organisation Internationale du Travail, d'autre part, les dispositions de l'article 24 de la Charte Sociale Européenne ne sont pas d'application directe en France dans les litiges entre particuliers.
Compte tenu de l'ancienneté (3 ans et 6 mois) de Mme [M], acquise à compter du 2 mai 2014, et de la taille de l'entreprise, qui emploie habituellement plus de 11 salariés, l'article 1235-3 prévoit une indemnisation comprise entre 3 et 4 mois de salaire brut.
Sur la base d'un salaire brut de référence de 1074 euros correspondant au salaire moyen des 12 derniers mois travaillés, il sera alloué à Mme [M] qui a justifié n'avoir pu retrouver un emploi dans l'année ayant suivi la rupture de la relation contractuelle, une indemnité de 4 300 euros.
III. SUR L'EXECUTION DELOYALE DU CONTRAT DE TRAVAIL
Mme [M] réclame une indemité de 5 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail en soutenant que les circonstances de la rupure des relations contractuelles ont été déloyales et brutales, l'association ayant remis en cause ses qualités personnelles et professionnelles, en la privant du poste qui lui avait été promis et en utilisant un stratagème pour l'évincer du processus de recrutement, ce qui a été particulièrement humiliant pour elle.
Pour confirmer le jugement en ses dispositions déboutant Mme [M] de cette prétention, il suffira de relever, d'une part, que les arguments évoqués ne concernent pas l'exécution du contrat de travail, qu'ils ne caractérisent aucun manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles, puisque celles-ci n'impliquaient nullement de lui attribuer le poste de secrétaire médicale auquel elle postulait, d'autre part, que le préjudice résultant de la perte de son emploi a fait l'objet par ailleurs d'une indemnisation .
IV. SUR LES FRAIS NON-RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS
L'association Centre DELESTRAINT FABIEN , dont la succombance demeure dominante, sera condamnée aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande en payement d'une indemnité de procédure.
L'équité justifie l'allocation à Mme [M] d'une indemnité de procédure de 2000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;
CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions :
- déboutant Mme [M] de sa demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- condamnant l'association Centre DELESTRAINT FABIEN à payer à Mme [M] la somme de 1300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamnant l'association Centre DELESTRAINT FABIEN aux dépens de première instance ;
INFIRME Le jugement entrepris pour le surplus ;
statuant à nouveau des chefs infirmés,
DÉCLARE irrecevable la demande en requalification formée sur le fondement de la violation de l'article L. 1242-2-1°du code du travail et formée sur le fondement de la violation de l'article L.1242-13 du code du travail ;
DÉCLARE recevable la demande en requalification formée sur le fondement du recours abusif par l'employeur à une succession de contrats à durée déterminée pour pourvoir un emploi permanent et durable de l'entreprise ;
REQUALIFIE la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2014 ;
CONDAMNE l'association Centre DELESTRAINT FABIEN à payer à Mme [M] une indemnité de requalification de 1074,32 euros ;
DIT et JUGE que la rupture de la relation contractuelle s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE l'association Centre DELESTRAINT FABIEN à payer à Mme [M] les sommes de :
- 2 184,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 214,86 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés-payés sur préavis,
- 1230,90 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 4 300 euros à titre de dommmages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ORDONNE la remise par l'association Centre DELESTRAINT FABIEN à Mme [M] des documents de fin de contrat, bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi, certificat de travail, rectifiés conformément au présent arrêt ;
CONDAMNE l'association Centre DELESTRAINT FABIEN à payer à Mme [M] une indemnité de procédure de 2000 euros ;
CONDAMNE l'association Centre DELESTRAINT FABIEN aux entiers dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT