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05/07/2022 | FRANCE | N°21/00075

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 05 juillet 2022, 21/00075


ARRÊT DU

05 JUILLET 2022



NE/CO**



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N° RG 21/00075 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C3GY

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[P] [G] épouse [F]





C/





SAS CLINIQUE [5] [Localité 8]





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Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° 78 /2022







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par

mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le cinq juillet deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assistée de Chloé ORRIERE, greffier



La COUR d'APPEL D'AG...

ARRÊT DU

05 JUILLET 2022

NE/CO**

-----------------------

N° RG 21/00075 -

N° Portalis DBVO-V-B7F-C3GY

-----------------------

[P] [G] épouse [F]

C/

SAS CLINIQUE [5] [Localité 8]

-----------------------

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 78 /2022

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le cinq juillet deux mille vingt deux par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président assistée de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

[P] [G] épouse [F]

née le 19 décembre 1960 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Florence COULANGES, avocat inscrit au barreau d'AGEN

APPELANTE d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - formation paritaire d'AGEN en date du 19 janvier 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. F18/00134

d'une part,

ET :

La SAS CLINIQUE [5] [Localité 8] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1] et Mme [O]

[Localité 2]

Représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Aude GRALL, avocat plaidant inscrit au barreau d'AGEN

INTIMÉE

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 01 février 2022 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président de chambre et Nelly EMIN, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les parties ayant été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 12 avril 2022, lequel délibéré a été prorogé ce jour par mise à disposition. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés.

* *

*

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [P] [F] née [G] a été embauchée à temps complet le 10 août 2004 par la Société anonyme simplifiée Clinique [5] [Localité 8] en qualité d'agent des services hospitalier (ASH), position1 - niveau1 - groupe A - coefficient 176 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but lucratif.

Le 17 octobre 2016 la responsable du bloc opératoire était informée que des boîtes de matériel destinées au bloc opératoire étaient déstérilisées.

Par courrier du 24 octobre 2016, plusieurs salariés, dont Madame [P] [F], ont été convoqués à un entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement.

Cinq salariés ont fait l'objet d'un avertissement le 15 novembre 2016, mais aucune sanction n'a été prise à l'encontre de Madame [P] [F].

Le 7 décembre 2016 Madame [P] [F] a été placée en arrêt-maladie.

Le 16 décembre 2016 Madame [P] [F] a adressé un courrier au directeur de la clinique [5] [Localité 8] pour lui demander d'intervenir auprès de Madame [X], qui tiendrait selon elle des propos diffamatoires à son égard, la rendant responsable du sabotage des boîtes du bloc opératoire, et de s'assurer qu'une enquête interne soit réalisée.

Le 10 février 2017 a eu lieu un entretien collectif entre Madame [P] [F], le médecin du travail, des collègues - représentants du personnel - et la direction de la clinique [7].

Une rupture conventionnelle a été évoquée à cette occasion, mais Madame [P] [F] a informé son employeur par courrier du 9 mars 2017 qu'elle ne se rendrait pas au rendez-vous prévu à ce sujet le 14 mars 2017.

Le 16 octobre 2017, le médecin du travail a déclaré Madame [P] [F] inapte à son poste et à tout poste de l'entreprise, ajoutant que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi de l'entreprise.

Convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé au 15 janvier 2018, Madame [P] [F] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement au sein du groupe, médicalement constatée le 22 janvier 2018.

Par requête enregistrée au greffe le 6 septembre 2018, Madame [P] [F] a saisi le conseil des prud'hommes d'Agen pour voir, dans le dernier état de ses demandes, requalifier la rupture du travail en licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir paiement des indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour voir requalifier son emploi et obtenir paiement de rappels de salaire, pour voir condamner la clinique [5] [Localité 8] à lui payer des dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat.

Par jugement en date du 19 janvier 2021, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties en première instance et des motifs énoncés par les premiers juges, le conseil des prud'hommes a débouté Madame [P] [F] de l'intégralité de ses prétentions, à l'exception d'une condamnation de la clinique [5] [Localité 8] à lui verser la somme de 301,10 euros au titre de la régularisation de cinq jours de congés payés, et a condamné Madame [P] [F] à verser à la clinique la somme de 800,14 euros au titre d'un trop-perçu dans le cadre du solde de tout compte, en disant que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas critiquées et par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 1er février 2021, Madame [P] [F] a relevé appel de l'intégralité des dispositions de ce jugement.

La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 2 décembre 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

I. Moyens et prétentions de Madame [P] [F], appelante principale

Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 28 octobre 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelante, Madame [P] [F] conclut :

1°) à l'infirmation du jugement sur la rupture du contrat de travail en demandant à la cour de dire et juger son licenciement nul, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en faisant valoir :

- qu'elle a été visée à plusieurs reprises par des agissements constituant des actes de harcèlement moral au sein de la structure ;

- que dès 2013 elle s'était émue d'avoir à supporter de la part d'une ancienne chef de bloc les reproches des insultes et des menaces qui avaient provoqué divers arrêts de travail et que nonobstant le signalement fait à la direction aucune réponse ne lui avait été donnée ;

- qu'elle n'entend pas se prévaloir de ces faits, aujourd'hui prescrit, pour obtenir la nullité du licenciement mais simplement démontrer la négligence à l'époque de son employeur ;

- qu'à la suite des événements d'octobre 2016, les vieux démons (sic) de 2013 sont remontés à la surface, que certains personnels dont Madame [X], récemment nommée en qualité de responsable de la stérilisation du matériel du bloc opératoire, ont fait courir le bruit que Madame [P] [F] était à l'origine de ces actes et qu'il était impossible de lui faire confiance ;

- que les bruits de couloir n'ont pas été étouffés par l'absence de sanction prise à son encontre ;

- qu'elle reproche à son employeur de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour faire taire les rumeurs de couloir à son encontre ;

- que l'employeur n'est pas coupable lui-même de harcèlement mais porte la responsabilité de ne pas avoir fait cesser les agissements de harcèlement dont elle était victime ;

- qu'après l'entretien collectif du 10 février 2017, l'employeur plutôt que de chercher les véritables coupables et faire cesser les propos diffamatoires répandus sur son compte a préféré lui proposer le déplacement de son poste de travail ;

- que compte tenu de son poste extrêmement sensible il lui était impossible de travailler dans ce contexte de suspicion ;

- qu'elle justifie non seulement de faits matériellement établis qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral , mais qu'elle rapporte également la preuve que ces faits ont altéré sa santé mentale ;

- que l'inaptitude à tous les postes de l'entreprise constatée par la médecine du travail trouvant sa cause dans le harcèlement moral dont elle a été victime et la négligence de l'employeur pour la faire cesser, son licenciement doit être déclaré nul et de nul effet ;

- que subsidiairement son licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, la faute commise par l'employeur étant d'avoir négligé la protection qu'il devait à la salariée, ce d'autant qu'il avait été alerté par Madame [P] [F] ;

2°) de condamner en conséquence la clinique [Localité 8] à lui payer :

- la somme de 23'380 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en exposant que son préjudice est important, qu'elle a 13 ans d'ancienneté au sein de l'entreprise, qu'elle est âgée de 57 ans et que son reclassement dans la vie active sera extrêmement difficile, qu'elle a été traumatisée et qu'elle est toujours privée d'emploi ;

- la somme de 3898 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 389 euros au titre de congés payés afférents ;

- la somme de 10'000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

3°) d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives à sa demande de classification et de dire et juger que doit lui être octroyée la classification de technicienne A, et de condamner en conséquence la clinique à lui payer un rappel de salaire de 17'510,19 euros, outre 1750 euros au titre des congés payés afférents, en faisant valoir :

- que ses bulletins de salaire mentionnent la qualification d'agent de service hospitalier, coefficient 198, mais que les tâches qu'elle effectuait ne correspondent pas à la fiche de poste concernant les ASH produite par la clinique ;

- que les attestations établissent qu'elle effectuait la gestion de la logistique du bloc opératoire et la coordination entre la pharmacie et le bloc ;

- que la nature de son poste et ses responsabilités relèvent de manière réglementaire d'un cadre de santé ;

- qu'au regard de la grille applicable au niveau de la convention collective et par rapprochement avec sa qualification et ses responsabilités son salaire aurait du a minima correspondre à celui d'un technicien de catégorie A, soit un salaire brut mensuel de 1949 euros, générant un rappel de salaire de 17'510,19 euros ;

4°) à la confirmation du jugement condamnant la clinique à lui payer la somme de 300,10 euros au titre de la régularisation de cinq jours de congés payés, l'employeur ne pouvant prendre en compte les congés payés dont elle avait demandé à bénéficier en décembre 2017 dès lors que l'article L.1226-4 du code du travail prévoyant la reprise du versement des salaires à l'issue d'un délai de 30 jours après la visite de reprise est d'ordre public ;

5°) de condamner la clinique [5] [Localité 8] aux entiers dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 3000 euros.

II. Moyens et prétentions de la Clinique [5] [Localité 8]

Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 29 juillet 2021, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'intimée, la clinique [5] [Localité 8] conclut :

1°) à la confirmation des dispositions du jugement déboutant Madame [P] [F] de sa demande de reclassification et de ses demandes de rappel de salaire en faisant valoir que le fait qu'elle réalisait le lien entre la pharmacie et le bloc opératoire n'en faisait pas une responsable logistique pour autant et que le simple fait qu'elle était aisément remplacée par ses collègues ASH lors de ses absences suffit à démontrer que son poste n'impliquait pas davantage de qualification qu'une ASH classique ;

2°) à la confirmation des dispositions du jugement ayant débouté Madame [P] [F] de ses demandes au titre du licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses demandes en dommages-intérêts au titre du harcèlement moral et de la violation de l'obligation de sécurité en exposant :

- que les agissements dont Madame [P] [F] se prétend victime ne reposent que sur ses seules affirmations et ne sont corroborés par aucune pièce probante, ce qui suffit à écarter tout harcèlement ainsi que l'a justement retenu les premiers juges ;

- que Madame [P] [F] est incapable de faire état de fait 'précis, objectifs, concrets et concordants' au sens de la jurisprudence relative au harcèlement moral, se contentant de faire usage de termes généraux, sans aucun exemple précis et sans produire aucune pièce ;

- que les remarques figurant sur le certificat médical établi par le Docteur [M] ne relèvent pas de constatations médicales et ne reposent que sur les propos de Madame [P] [F] ;

- qu'en l'absence de harcèlement moral, la nullité du licenciement n'est pas encourue de sorte que les demandes en dommages-intérêts formées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;

- que pour étayer la violation de l'obligation de protection de la santé et de la sécurité par l'employeur Madame [P] [F] se contente de se référer aux mêmes arguments sur le fond que ceux concernant ses demandes au titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

- que Madame [P] [F] a été déclarée inapte par le médecin du travail sans possibilité de reclassement en interne et que dès lors son licenciement est parfaitement justifié et légitime ;

3°) à l'infirmation du jugement l'ayant condamné à payer à Madame [P] [F] la somme de 300,10 euros à titre de rappel de congés payés, dès lors que ces congés avaient été fixés sur demande de la salariée faite 29 septembre 2016, soit avant sa déclaration d'inaptitude et que ces congés payés devaient être pris en compte dans le cadre du versement du salaire prévu (sic) ;

4°) à la confirmation des dispositions du jugement condamnant Madame [P] [F] à lui rembourser la somme de 800,14 euros correspondant à un trop-versé dans le cadre de solde de tout compte, disposition à l'encontre de laquelle Madame [P] [F] n'élève pas la moindre contestation ;

5°) à la condamnation de Madame [P] [F] aux entiers dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 2500 euros.

MOTIVATION DE L'ARRÊT

A titre liminaire, il convient de relever que si elle a interjeté appel de l'intégralité des dispositions du jugement, Mme [P] [F] ne formule aucune observation sur sa condamnation à payer à la Clinique la somme de 800,14 euros au titre d'un trop-perçu et ne sollicite pas sa réformation dans le dispositif de ses écritures, de sorte que cette disposition ne peut qu'être confirmée.

I. SUR L'EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

A. Sur la classification de l'emploi

A titre liminaire il convient de rappeler :

- qu'en cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, il convient de rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu'il requiert ;

- qu'il n'y a pas lieu de s'attacher aux mentions portées sur le contrat de travail, les bulletins de salaire ou les organigrammes, mais à la réalité des fonctions exercées par le salarié ;

- que c'est à celui qui revendique une classification conventionnelle ou un coefficient différent de celui figurant sur son contrat de travail ou son bulletin de salaire de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il estime être la sienne.

En l'espèce Mme [P] [F], embauchée en qualité d'agent de service hospitalier, classé EA (= employé groupe A), coefficient 196 selon les bulletins de salaire produits, soutient qu'au regard de ses missions et des responsabilités qu'elle assumait, elle devait bénéficier de la classification de Technicienne de catégorie A, et qu'il lui est dû un rappel de salaire de 17510,19 euros et une indemnité compensatoire de congés payés de 1751 euros afférente à ce rappel.

Pour confirmer le jugement entrepris en ses dispositions déboutant Mme [F] de cette prétention et de sa demande en payement d'un rappel de salaire et de congés payés afférents, il suffira de relever :

- que les techniciens hospitaliers exercent des missions de préparation et de contrôle d'opérations techniques ou scientifiques, qu'ils participent à l'élaboration des projets de travaux et à la gestion logistique de services techniques dans le domaine de l'informatique ou des systèmes d'information ;

- que leur recrutement est assuré par voie de concours ou d'examen professionnel ;

- que si diverses attestations mentionnent que Mme [F] faisait le lien entre le bloc opératoire et le service pharmacie de l'établissement hospitalier, force est de constater qu'il résulte de ces attestations qu'elle ne faisait que répondre à des demandes de matériel et de médicaments, parfois urgentes, formulées par les anesthésistes et les médecins du bloc opératoire ;

- qu'elle ne disposait d'aucune initiative, ni d'autonomie dans cette tâche de sorte qu'il ne peut être retenu qu'elle assurait la logistique du bloc opératoire ;

- que certes cette tâche n'entrait pas dans ses attributions d'agent de service hospitalier, consistant à assurer l'entretien et l'hygiène des locaux de soins, la prophylaxie des maladies contagieuses, mais que son exécution ne correspond pas à l'emploi d'un technicien hospitalier, précédemment défini, et ne permet pas de lui accorder la classification de technicien hospitalier qu'elle revendique, étant rappelé qu'il appartient seulement à la Cour de déterminer si l'emploi exercé correspond à la (ou le cas échéant les) classification(s) revendiquée(s) par le salarié dans la procédure qui lui est soumise et non à une quelconque autre classification.

B. Sur la régularisation des jours de congés - payés

C'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas utilement critiqués par la Clinique [5] [Localité 8] qui se borne à reprendre une argumentation justement écartée par les premiers juges , que ceux-ci l'ont condamné à payer à Mme [F] la somme de 301,10 euros indûment retenue sur son salaire de décembre par imputation injustifiée de jours de congés payés.

La confirmation du jugement de ce chef s'impose.

C. Sur le harcèlement moral

Mme [F] sollicite la condamnation de la clinique [5] [Localité 8] à lui payer la somme de10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

A titre liminaire il convient de rappeler :

- que l'article L.1152-1 du code du travail dispose que 'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

- que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et dans l'affirmative d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [F] a indiqué tout d'abord qu'elle n'entendait pas revenir sur les faits de harcèlement dont elle avait été victime en 2013, en raison de leur prescription, ni sur sa convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire que lui a adressé l'employeur le 24 octobre 2016 à la suite d'un incident survenu quelques jours avant, convocation ressortant du pouvoir de direction et d'enquête de l'employeur.

Mme [F] invoque ensuite l'existence de bruits de couloir propagés selon elle par Mme [X], responsable de la stérilisation depuis début novembre 2016, lui imputant la responsabilité de cet incident, le courrier qu'elle a adressé le 16 décembre 2016 à son employeur pour lui faire part de sa souffrance psychique, le courrier du 2 octobre 2017 du Dr [M], médecin psychiatre faisant état d'un état anxio-dépressif et d'une souffrance cliniquement significative imputée par Mme [F] à un grave conflit professionnel, l'absence de mesures prises par l'employeur pour faire cesser le harcèlement.

Si ce dernier reproche relève du manquement à l'obligation de protection de la santé et de la sécurité reproché par ailleurs à l'employeur, qui sera évoqué ultérieurement, les autres éléments sont de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La Clinique [5] [Localité 8] fait justement observer qu'à la suite de l'incident 5 salariés ont été sanctionnés d'un avertissement alors que Mme [F], après l'entretien préalable, n'a fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire, ce qui suffit à établir que sa responsabilité a été totalement dégagée par son employeur et à écarter toute dégradation de ses conditions de travail.

Par ailleurs force est de constater que l'allégation relative aux bruits de couloir propagés par Mme [X] n'est corroborée que par une seule attestation faisant état d'une unique déclaration de Mme [X] exprimant sa conviction que Mme [F] était responsable de l'incident, de sorte que la répétition des agissements exigée pour caractériser le harcèlement moral fait défaut.

Enfin, le courrier du Dr [M], s'il a établi un état anxio-dépressif, n'a fait que relater les propos de Mme [F] sur son origine, et est donc dépourvu de toute valeur probante à cet égard.

Dès lors l'existence d'un harcèlement moral n'est pas établi et les dispositions du jugement entrepris déboutant Mme [F] de sa demande en payement d'une indemnité de 10 000 euros, ne peuvent qu'être confirmées.

D. Sur l'obligation de protection de la santé et de la sécurité

Mme [F] sollicite la condamnation de la Clinique [5] [Localité 8] à lui payer la somme de 11694 euros à titre de dommages et intérêts pour violation par l'employeur d'une obligation de sécurité de résultat, en reprochant à celui-ci de ne pas, après avoir été informé de sa souffrance psychique par son courrier du 16 décembre 2016, pris des mesures appropriées pour faire la faire cesser, la proposition de transférer son bureau valant reconnaissance de l'existence d'un problème, mais ne constituant pas une solution appropriée.

A titre liminaire, il convient de rappeler d'une part, que l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dont il lui appartient d'assurer l'effectivité et qui lui impose de prendre toutes les mesures de prévention visées aux articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, mais également toutes les mesures propres à faire cesser les agissements mettant en péril la santé ou la sécurité des salariés, d'autre part, que ni l'existence d'un risque au travail, ni sa réalisation ne peuvent par eux même caractériser un manquement de l'employeur à cette obligation de sécurité, qui lui impose seulement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.

C'est par des motifs pertinents, que la Cour s'approprie, que les premiers juges ont écarté tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

En effet, après avoir rappelé que Mme [F] avait été placée en arrêt de travail à partir du 6 décembre 2016 et n'avait jamais repris le travail, ils ont relevé qu'après avoir été alerté par le courrier de Mme [F] du 16 décembre lui demandant d'intervenir auprès de Mme [X] pour faire cesser ses propos diffamatoires et rétablir son honneur et sa réputation, l'employeur s'est entretenu à plusieurs reprises avec elle pour envisager les mesures lui permettant de reprendre le travail dans des conditions adaptées, puis a organisé le 10 février 2017 un entretien en présence du médecin du travail, de représentants du personnel et de Mme [X] pour trouver une solution aux difficultés évoquées par la salariée, avant de proposer à l'issue de cette réunion le transfert de Mme [F] dans un autre bureau, auquel Mme [F] a répondu en indiquant qu'elle souhaitait une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Il suffira d'ajouter que face à la situation décrite par la salarié, l'employeur n'est pas resté indifférent, qu'il a cherché une solution en s'entretenant avec la salarié et en organisant une réunion en présence de représentants du personnel et du médecin du travail et que si l'efficacité de la mesure préconisée pour mettre fin à ce qui s'apparentait au vu des débats lors de cette réunion à un conflit relationnel entre Mme [F] et Mme [X] n'a pu être démontrée, c'est parce que Mme [F] n'a jamais repris le travail.

La violation par l'employeur à son obligation de protection de la santé et de la sécurité de Mme [F] n'étant pas caractérisée, il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement déboutant Mme [F] de sa demande en payement de la somme de 11 694 euros à titre de dommages et intérêts.

II. SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

A. Sur la nullité du licenciement

Mme [F] soutient que l'inaptitude à tous les postes de l'entreprise constatée par la médecine du travail trouvant sa cause dans le harcèlement moral dont elle a été victime et la négligence de l'employeur pour la faire cesser, son licenciement doit être déclaré nul et de nul effet.

Pour confirmer le jugement en ses dispositions déboutant Mme [F] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement, il suffira de relever :

- que lorsque l'inaptitude résulte d'un manquement de l'employeur à l'obligation de protection de la santé et de la sécurité du salarié, le licenciement pour inaptitude prononcé par l'employeur n'est pas nul, mais est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- que par suite le moyen tiré par Mme [F] du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité manque en droit ;

- que le licenciement d'un salarié victime de harcèlement moral est nul dès lors qu'il présente un lien avec les faits de harcèlement, soit parce que le licenciement trouve directement son origine dans ces faits de harcèlement moral ou dans leur dénonciation, soit parce que le licenciement est dû à la dégradation de l'état de santé du salarié ayant conduit à la déclaration d'inaptitude à son poste ou ayant provoqué des absences perturbant l'organisation de l'entreprise et nécessitant son remplacement définitif ;

- qu'en l'absence d'établissement d'un lien entre la situation de harcèlement moral et le motif du licenciement, la nullité du licenciement ne peut être prononcée.

Il résulte des motifs précédemment énoncés qu'aucun harcèlement moral n'est caractérisé.

Par suite, l'inaptitude ne pouvant trouver son origine dans un harcèlement moral non caractérisé, la demande de nullité du licenciement ne peut qu'être écartée. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [F] de cette demande et de ses demandes en indemnités et dommages et intérêts.

B. Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du Code du Travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur ; forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiable.

En l'espèce, Mme [F] soutient , a titre subsidiaire, que son licenciement est dépouvu de cause réelle et sérieuse en faisant valoir que son inaptitude trouve son origine dans le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

En l'espèce, il résulte des motifs précédemment énoncés qu'aucune violation par l'employeur de l'obligation d'assurer la protection de la santé et la sécurité des travailleurs n'est caractérisée.

Dès lors que l'inaptitude ne trouve pas son origine dans un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, le licenciement pour inaptitude médicalement constatée est justifiée par une cause réelle et sérieuse.

Par suite il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement déboutant Mme [F] de ses demandes tendant à faire juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de ses demandes en payement d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.

III. SUR LES FRAIS NON-RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS

Mme [F], qui succombe en son appel, ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et devra supporter les entiers dépens d'appel.

L'équité n'impose pas d efaire appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la clinique [5] [Localité 8].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions

y ajoutant ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives en payement d'une indemnité de procédure ;

CONDAMNE Mme [F] aux entiers dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00075
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;21.00075 ?
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