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13/12/2022 | FRANCE | N°21/00667

France | France, Cour d'appel d'Agen, Chambre sociale, 13 décembre 2022, 21/00667


ARRÊT DU

13 DECEMBRE 2022



PF/CR



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N° RG 21/00667

N° Portalis DBVO-V-B7F-C46B

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S.A.S.U. [C]





C/





[U] [Y]





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Grosse délivrée

le :



à

ARRÊT n° /2022







COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale







Prononcé par mise à disposition au greffe de la

cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le treize Décembre deux mille vingt deux par Pascale FOUQUET, Conseiller, assistée de Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière



La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMB...

ARRÊT DU

13 DECEMBRE 2022

PF/CR

-----------------------

N° RG 21/00667

N° Portalis DBVO-V-B7F-C46B

-----------------------

S.A.S.U. [C]

C/

[U] [Y]

-----------------------

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° /2022

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le treize Décembre deux mille vingt deux par Pascale FOUQUET, Conseiller, assistée de Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

S.A.S.U. [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Carine LAFFORGUE, avocate inscrite au barreau du GERS

APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUCH en date du 14 Juin 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/0070

d'une part,

ET :

[U] [Y]

né le 23 Novembre 1983 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Nathalie DUGAST, avocate inscrite au barreau D'AGEN

INTIME

d'autre part,

A rendu l'arrêt réputé contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 11 Octobre 2022 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller rapporteur, assisté de Chloé ORRIERE, greffière. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre lui-même, de Benjamin FAURE, Conseiller et de Jean-Yves SEGONNES, Conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

* *

*

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 4 janvier 2010, M. [U] [Y] a été embauché en qualité d'employé de chai par la société [C] [F], aux droits de laquelle vient désormais la société [C], qui produit et commercialise des vins et spiritueux et exerçait son activité dans son établissement secondaire à [Localité 3] (32).

Par avenant du 1er janvier 2017, M. [U] [Y] a été nommé opérateur de chai polyvalent, statut employé niveau II échelon C.

Courant 2019, la société a été cédée par M. [F] [C] à l'actuel dirigeant, M. [B] [L].

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des vins, cidres, jus de fruits, sirops, spiritueux et liqueurs de France.

Suite à un incident intervenu au mois de novembre 2019, M. [U] [Y] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé le 29 novembre 2019.

Par courrier du 6 décembre 2019, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire.

M. [U] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes d'Auch le 18 août 2020 en contestation de son licenciement.

Par jugement du 14 juin 2021, le conseil de prud'hommes d'Auch, section Industrie, a':

- dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné en conséquence la société [C] à lui payer à les sommes suivantes':

- 4 286 euros (quatre mille deux cent quatre vingt six euros) à titre d'indemnité de préavis,

- 428,60 euros (quatre cent vingt huit euros soixante centimes) à titre de congés payés sur préavis,

- 779,82 euros (sept cent soixante dix neuf euros quatre vingt deux centimes) à titre de rappel de salaire de la mise à pied du 19 au 30 novembre 2019,

- 77,98 euros (soixante dix sept euros quatre vingt dix huit centimes) à titre de congés payés y afférent,

- 1 041,93 euros (mille quarante et un euros quatre vingt treize centimes) au titre des rappels de salaires pendant la mise à pied conservatoire du 1er au 17 décembre 2019,

- 104,19 euros (cent quatre euros dix neuf centimes) au titre de congés payés y afférent,

- 1 000 euros (mille) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral suite au caractère vexatoire de la mise à pied conservatoire,

- 2 703,57 euros (deux mille sept cent trois euros cinquante sept centimes) à titre d'indemnité de licenciement,

-21 438 euros (vingt et un mille quatre cent trente huit euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2 500 euros (deux mille cinq cent euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné à la société [C] de lui remettre les documents de fin de contrat rectifiés,

l'a débouté de ses autres demandes,

- débouté la société [C] de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société [C] aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 25 juin 2021, la société [C] [F] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions en visant les chefs de jugement critiqués qu'elle cite dans sa déclaration d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juillet 2022 et l'affaire a été fixée pour plaider à l'audience du 11 octobre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

I. Moyens et prétentions de la société [C], appelante principale et intimée sur incident

Dans ses dernières conclusions, reçues au greffe le 18 mai 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant, la société [C] demande à la cour de'déclarer son appel recevable en la forme et bien fondé et :

- réformer purement et simplement le jugement entrepris,

- juger que le licenciement prononcé le 6 décembre 2019 à l'encontre de M. [U] [Y] était fondé sur une cause réelle et sérieuse, en l'occurrence une faute grave,

- en conséquence, le débouter de l'ensemble de ses demandes,

- en tant que besoin, ordonner la restitution par Monsieur [Y] à la société [C] de toutes les sommes versées par cette dernière au titre de l'exécution provisoire,

- condamner M. [U] [Y] à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- subsidiairement, réduire les demandes indemnitaires de Monsieur [Y] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité de préavis à de plus justes proportions,

- condamner Monsieur [U] [Y] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que':

Sur le licenciement

La lettre de licenciement contient une erreur matérielle concernant la date des faits. Il s'agit du 18 et non du 19 novembre 2019.

La lettre de convocation à un entretien préalable datée du 19 novembre fait référence à des faits commis «'la veille'» ce qui démontre que l'erreur est purement matérielle.

Il ne lui est pas reproché un abandon de poste le 19 novembre, puisque qu'à son arrivée le 19, M. [Y] s'est vu notifier sa mise à pied. C'est donc pour cette raison qu'il est rentré à son domicile après avoir été reçu par sa hiérarchie. Le grief soulevé dans la lettre de licenciement concerne l'abandon de poste qui a eu lieu la veille, le 18 novembre.

Cet argument concernant la date des faits soulevé par le salarié démontre sa mauvaise foi.

- le salarié a commis un abandon de poste le 18 novembre et un acte d'insubordination,

- le 18 novembre, il a refusé de se rendre à [Localité 4] pour effectuer une livraison urgente au marché de Noël et a ainsi brutalement abandonné son poste pour ne revenir que le lendemain désorganisant le fonctionnement de la société,

- la société employeur a fait appel en urgence à un autre salarié M. [X] dont elle produit l'attestation,

- son statut d'opérateur de chai polyvalent lui permettait de le charger de cette livraison jusqu'à [Localité 4] d'autant plus qu'il effectuait déjà et régulièrement des livraisons avec le véhicule de la société,

- l'article 2 du contrat de travail de M. [Y] prévoyait que ses fonctions pouvaient varier selon les impératifs de l'activité et l'organisation du travail,

- la société [C] est de petite taille et compte une vingtaine de salariés polyvalents

- les attestations que produit le salarié, notamment celle de M. [X] sont inopérantes puisqu'il n'est nullement contesté qu'il était effectivement à son poste de travail le 19 novembre et ne sont pas en lien avec les griefs reprochés,

- elle n'a jamais été informée de la «'phobie sociale'» invoquée par le salarié l'empêchant de conduire en grandes agglomérations et celui-ci ne justifie pas lui avoir communiqué l'information,

- ce n'est qu'en cause d'appel que le salarié produit un certificat médical émanant d'un médecin psychiatre daté du 14 septembre 2021 évoquant une prétendue phobie sociale sans être affirmatif,

- ce certificat médical, établi 2 ans après le licenciement, ne peut être retenu pour fonder l'existence d'une «'pathologie'» au moment des faits.

Subsidiairement, sur le préjudice

- en première instance, le salarié n'a pas justifié d'un préjudice subi au moment du licenciement et n'a produit aucune pièce relative à sa situation personnelle depuis son licenciement

- il produit en cause d'appel des justificatifs de son inscription auprès de pôle emploi de février 2020 à mars 2021 mais ne justifie pas de refus d'embauche avant ce dernier emploi

- le conseil de prud'hommes a commis une erreur car son salaire brut moyen était de 1 900€ et non de 2 375,53€ comme l'affirme le salarié

Sur la demande reconventionnelle de la société [C]

- M. [Y] fait preuve de malhonnêteté en engageant une procédure judiciaire en se fondant sur une simple erreur matérielle, il y a lieu de le condamner pour procédure abusive.

II. MOYENS ET PRÉTENTIONS DE M. [Y], intimé sur appel principal et appelant sur incident

Dans ses uniques conclusions reçues au greffe le 15 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens et prétentions, M. [U] [Y] demande à la cour de':

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Auch le 14 juin 2021 en ce qu'il a jugé que son licenciement pour faute grave ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse avant de condamner la société [C] à payer diverses sommes à ce titre,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné la société [C] à remettre les documents de fin de contrats rectifiés,

- débouter la société [C] de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la [C] à lui payer la somme de 3 000euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société [C] aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Nathalie Dugast.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que':

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

- aucun avertissement ou sanction ne lui a été appliqué depuis son embauche

les livraisons ne relèvent pas de sa fiche de poste «'détaillée'»,

- ses collègues, Mme [S] et M. [X], attestent que M. [Y] n'effectuait pas de livraisons et conduisait uniquement sur de courtes distances pour se rendre à la déchetterie de [Localité 3],

- M. [X] atteste qu'il conduisait personnellement le camion jusqu'à [Localité 4] chaque année,

- son ancien employeur, M. [F] [C], atteste de ses qualités et que, connaissant son manque de confiance en lui, il ne le chargeait pas des transports jusqu'à [Localité 4], de surcroît, lors de périodes de forte affluence,

- il a bénéficié d'une promotion le 1er janvier 2017

- à la suite de la reprise de la société en 2019, la volonté du nouvel employeur a été de réduire la masse salariale et plusieurs salariés ont été licenciés ou ont quitté volontairement la société,

- l'établissement secondaire où il travaillait à [Localité 3] a été fermée le 1er avril 2020

- l'employeur, connaissant sa phobie, l'a poussé à la faute

- il ne peut y avoir de faute dans la mesure où sa fiche de poste ne prévoyait pas de livraisons de marchandises

- malgré leur connaissance de sa phobie des transports dans les grandes villes, la précédente direction comme la nouvelle n'ont jamais modifié sa fiche de poste,

- s'il lui est arrivé d'effectuer quelques transports, il s'agissait de livraisons exceptionnelles pour des clients installés à proximité de l'entreprise ou de déplacements à la déchetterie de [Localité 3] mais jamais de livraisons régulières,

- l'employeur ne justifie pas de la livraison urgente à [Localité 4] le 18 novembre et ne produit aucun bordereau de livraison correspondant à des livraisons qu'il aurait effectuées,

- le médecin psychiatre qui l'a examiné indique qu'il présente des troubles d'anxiété et qu'il semble souffrir de phobie des transports typiques, avec éléments anxio dépressifs et perte de confiance en lui

- il était à son poste de travail le 19 novembre. Aucun abandon de poste ne peut lui être reproché. Il produit des attestations démontrant qu'il avait débuté sa journée à 8h30 ,

- tous les salariés connaissaient sa phobie des transports,

- le 18 novembre, aucun déplacement n'était prévu,

- en lui demandant d'effectuer une livraison dans une grande agglomération, la direction l'a exposé à une situation de danger à laquelle il ne pouvait pas résister,

- il a été tellement mis à mal par cet épisode qu'il est rentré à son domicile, occasionnant ainsi un préjudice moral,

- aucun abandon de poste ni d'insubordination n'est établi

- son salaire mensuel moyen était de 2 375,53€ et non de 1 900€ comme le soutient l'employeur

MOTIVATION

I. Sur la rupture du contrat de travail

Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du Code du Travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ,et qu'en cas de litige relatif au licenciement , le juge auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles .Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties , l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables .

Toutefois, s'il invoque une faute grave pour justifier le licenciement, l'employeur doit en rapporter la preuve, étant rappelé que la faute grave, privative de préavis et d'indemnité de licenciement, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ,même pour la durée limitée du délai-congé .

Par courrier du 6 décembre 2019, qui fixe les limites du litige, M. [U] [Y] a été licencié pour faute grave en ces termes :

«'Le 19 novembre dernier, alors que nous vous avions demandé d'effectuer une livraison en urgence au Marché de Noël de [Localité 4] pour un de nos clients qui se trouvait en difficultés, vous avez non seulement refusé de l'effectuer mais vous avez, qui plus est, brutalement quitté l'entreprise et êtes rentré chez vous sans y avoir été autorisé.

Cet abandon de poste ainsi que votre insubordination ont placé notre entreprise en grandes difficultés en nous obligeant à trouver une solution pour vous remplacer au pied-levé et ainsi, notamment assurer la livraison prévue.

Nous vous avons convoqué à un entretien qui s'est tenu le vendredi 29 novembre 2019. Les explications que vous nous avez donné lors de cet entretien n'ont pas permis de modifier notre appréciation sur les faits qui vous étaient reprochés.

Leur gravité rend impossible votre maintien dans l'entreprise.

C'est la raison pour laquelle nous vous notifions par la présente, un licenciement pour faute grave à effet immédiat.

Nous vous rappelons que vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée du 19 novembre à ce jour, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée.

Les sommes vous restant dues vous seront adressées par courrier ainsi que votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation pôle-emploi.

Vous avez la possibilité de faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les 15 jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de 15 jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement.'»

Il ressort de la lettre de licenciement deux griefs, à savoir un abandon de poste et un fait d'insubordination :

L'employeur verse :

- la facture et le bordereau de livraison du 18 novembre au marché de Noël de [Localité 4] pour justifier de la réalisation de la livraison

- l'attestation de M. [D], salarié de l'entreprise, démontrant que le salarié était parti sans prévenir ses collégues qui eux-mêmes le cherchaient.

Le salarié produit :

- sa fiche de poste détaillée d'opérateur de chai polyvalent qui ne mentionne pas les livraisons

- les attestations de ses collégues M. [X], M. [F] [C], Mme [S] témoignant de ce qu'il ne conduisait jamais sur de longues distances et en agglomération

- le certificat médical d'un médecin psychiatre, le docteur [E], en date du 4 septembre 2021 faisant état de ses difficultés psychologiques et déclarant contre indiqué la conduite de camions

En premier lieu, la cour constate que la date des faits inscrite dans la lettre de licenciement résulte d'une erreur matérielle.

En effet, les faits reprochés ont eu lieu le 18 novembre 2019 comme cela résulte de la lettre de convocation à entretien préalable remise en main propre contre décharge, le 19 novembre 2019, rédigée en ces termes : 'A la suite de l'abandon de poste commis hier (')'.

En second lieu, un abandon de poste, comme des retards et des absences non autorisées ou non justifiées par des motifs légitimes, constituent des manquements que l'employeur est fondé à sanctionner en vertu de son pouvoir discipinaire ou encore en licenciant le salarié.

En l'espèce, il est établi que M. [Y] a quitté l'entreprise le 18 novembre 2019, de manière précipitée pendant le temps de travail comme en témoigne son collégue M. [D].

Le fait que les livraisons n'étaient pas prévues dans sa fiche de poste et qu'il souffrait d'un syndrome de phobie sociale le mettant en difficulté lors de la conduite dans de grandes agglomérations particulièrement encombrées, ne justifie pas qu'il pouvait quitter son poste brutalement à l'insu de son employeur et même de ses collégues.

Il ne justifie pas non plus avoir informé son employeur de son blocage psychologique tenant la conduite en grande agglomération. Par conséquent, il n'est pas établi que son employeur avait connaissance de ses difficultés alors que le salarié conduisait de temps à autre pour procéder à des livraisons chez des clients comme il le reconnaît lui-même dans ses conclusions ou pour se déplacer à la déchetterie de [Localité 3] comme en atteste ses collégues, Mme [S] et M. [X].

De plus, ce brusque départ a perturbé l'organisation de la société car l'employeur a dû requérir en urgence un remplaçant, M. [X], assistant commercial, pour mener à bien le transport qui ne pouvait attendre en cette période de fêtes, jusqu'à [Localité 4].

Aucun danger immédiat pour le salarié n'était avéré justifiant un départ immédiat, si ce n'est une peur panique qu'il allègue ( je rajouterai une nuance parce qu'il ne me semble pas que l'existence de cette phobie soit prouvée à l'époque des faits, le CM est bien postérieur) générée par la conduite en grande agglomération en période de forte affluence.

Le grief d'abandon de poste est établi en sa matérialité et peut donc servir de base au licenciement du salarié sans qu'il y ait lieu d'examiner le grief tenant à un acte d'insubordination.

Le jugement du conseil de prud'hommes d'Auch sera infirmé de ce chef.

Cependant, la faute n'est pas suffisamment grave pour rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La cour prononce donc le licenciement pour cause réelle et sérieuse.

II- Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

Le salarié produit ses derniers bulletins de salaire permettant d'établir que pendant les trois derniers mois précédant la rupture, le montant total de sa rémunération brute était de 7 126,59€ en tenant compte du salaire qui aurait dû être versé pendant la période de mise à pied conservatoire, soit un salaire mensuel de 2 375,53 €.

En effet, si la procédure aboutit à une sanction autre qu'un licenciement pour faute grave ou lourde, le salarié est fondé à obtenir paiement des salaires pendant la période de mise à pied conservatoire.

La cour confirme les condamnations de la société [C] par le conseil de prud'hommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés sur préavis, des rappels de salaire pendant la mise à pied conservatoire du 19 novembre au 30 novembre 2019, des congés payés afférents, des rappels de salaire pendant la mise à pied conservatoire du 1er décembre au 17 décembre 2019, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement.

Il sera ordonné à la société [C] de remettre à M. [Y] les documents de fin de contrat rectifiés conformes au présent arrêt.

Sur la demande au titre du préjudice moral en raison du caractère vexatoire de la mise à pied conservatoire

Le caractère du licenciement justifie la mise à pied. Le salarié ne démontre aucune faute de l'employeur dans la mise en oeuvre de la procédure choisie ni de préjudice distinct causé par des procédés qui auraient été employés par la société.

Dès lors, il y a lieu de débouter le salarié de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.

La cour infirme le jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive

La société [C] ne rapporte pas la preuve de ce que M. [Y] aurait fait un usage abusif de son droit d'agir en justice et d'exercer un recours ou aurait commis une faute dans la conduite des procédures de première instance et d'appel.

Dès lors il y a lieu de la débouter de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.

La cour confirme le jugement entrepris de ce chef.

Sur les demandes accessoires

La société [C], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et la cour confirme la condamnation prononcée à ce titre en première instance.

L'équité commande de laisser à chaque partie la charge des frais non répétibles par elle exposés.

PAR CES MOTIFS

La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi,par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 14 juin 2021 en ce qu'il a :

- condamné la société [C] à payer à M. [Y] les sommes de :

- 4 286€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 428,60€ au titre des congés payés sur préavis

- 779,82€ au titre des rappels de salaire du 19 novembre au 30 novembre 2019

- 77,98€ au titre de rappel des congés payés afférents

- 1 041,93 € au titre des rappels de salaire du 1er décembre au 17 décember 2019

- 104,19€ au titre de rappel des congés payés afférents

- 2 703,57 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

- ordonné à la société [C] de remettre à M. [Y] les documents de fin de contrat rectifiés conformes au jugement

- condamné la société [C] aux dépens

INFIRME le jugement du 14 juin 2021 en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [U] [Y] était dépourvu de cause réelle et sérieuse

- condamné la société [C] à payer à M. [U] [Y] les sommes de :

- 21 438 euros (vingt et un mille quatre cent trente huit euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral suite au caractère vexatoire de la mise à pied conservatoire

- 2 500 euros (deux mille cinq cent euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DECLARE que le licenciement de M. [U] [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE M. [U] [Y] de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE à la société [C] de remettre M. [U] [Y] les documents de fin de contrat rectifiés conformes au présent arrêt,

DEBOUTE M. [U] [Y] de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral,

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE la société [C] aux dépens d'appel dont distraction au profit de M° Dugast.

Le présent arrêt a été signé par Pascale FOUQUET, Conseiller, et Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière.

LE GREFFIER LE CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Agen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00667
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;21.00667 ?
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