COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 4e Chambre B
ARRÊT AU FOND DU 12 NOVEMBRE 2007
N° 2007 / 432
Rôle N° 06 / 00041
France X... épouse Y... LE GAEC LE MERINOS
C /
Isabelle Z... divorcée A... Robert Association SAFER
Grosse délivrée à : Me DEBEAURAIN Me PASCHAL Me JOLIN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de BARCELONNETTE en date du 20 Décembre 2005 enregistré au répertoire général sous le n° 51 04-1.
APPELANTS
Madame France X... épouse Y..., demeurant...
représentée par Me Jean DEBEAURAIN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, substitué par Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, demeurant 20, avenue de Lattre de Tassigny à 13090- AIX EN PROVENCE
LE GAEC LE MERINOS, pris en la personne de son représentant légal en exerice, demeurant Quartier Saint Clément-04140 BARLES
représentée par Me Jean DEBEAURAIN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, substitué par Me Julien DUMOLIE, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE demeurant 20, avenue de Lattre de Tassigny à 13090- AIX EN PROVENCE
INTIMEES
Madame Isabelle Z... divorcée A... Robert, demeurant...
représentée par Me Jérôme PASCHAL, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE substitué par Me Jean- Baptiste GOBAILLE, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, demeurant 3, rue Chastel à 13100- AIX EN PROVENCE
Association SAFER, demeurant Route de la Durance- BP 116-04101 MANOSQUE CEDEX
représentée par Me Yves JOLIN, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, demeurant 20, rue du 4 septembre à 13100- AIX EN PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Septembre 2007 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Didier CHALUMEAU, Président Madame Florence DELORD, Conseiller Monsieur Jean- Luc GUERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Novembre 2007.
ARRÊT
Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Novembre 2007.
Signé par Monsieur Didier CHALUMEAU, Président, et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS, MOYENS.
Par actes notariés des 31 août et 7 septembre 2002, Isabelle Z... a vendu à la SAFER une propriété rurale comprenant les bâtiments d'habitation et d'exploitation sise " LE FOREST " à AUZET (04280) cadastrée- section E- numéros 99, 157, 183, 185, 372, 374, 100, 233, 268, 278, 283, 6 et 13.
La SAFER a ultérieurement rétrocédé, par actes du 20 décembre 2002, à Jean- Paul B..., les parcelles cadastrées Section X- numéros 100 et 268 et à Christian J..., les parcelles cadastrées Section X- numéros 157, 374, 278 et 283.
Faisant valoir qu'elle est titulaire d'un bail rural sur les parcelles cadastrées X numéros 100, 268, 278 et 283 et qu'elle n'a pu faire valoir son droit de préemption, France Y... née X... a saisi ce Tribunal afin que soit reconnu le bail rural dont elle est titulaire et que soit annulée, sur les fondement des articles L. 412-1 et suivants, L. 412-10 du Code Rural, la vente consentie à la SAFER le 7 décembre 2002.
Elle a demandé que soit ordonnée la publication du jugement aux Hypothèques et que lui soit allouée une somme de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts et 800 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le GAEC LE MERINOS est intervenu volontairement à l'instance.
La SAFER a conclu à la nullité de la demande et, au fond, elle a fait valoir que Madame Y... était restauratrice et non pas exploitante agricole.
Par jugement du 20 décembre 2005, le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de BARCELONNETTE a déclaré l'action recevable mais infondée, car Madame Y... ne justifiait pas de la qualité d'exploitante agricole qui lui aurait permis de bénéficier d'un droit de préemption.
Le Tribunal a rejeté ses demandes et celles du GAEC LE MERINOS et les a condamnés à payer 500 € à chaque défenderesse.
Par acte du 13 janvier 2006, Madame Y... et le GAEC LE MERINOS ont fait appel de ce jugement.
Madame Y... et le GAEC LE MERINOS demandent à la Cour :
- d'ordonner la jonction des trois procédures, de réformer le jugement uniquement en ce qu'il a rejeté sa demande et d'annuler la vente des 31 août et 7 septembre 2002, d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, d'ordonner l'expulsion des parcelles de tous leurs occupants et de condamner les intimées à 5. 000 € à titre de dommages et intérêts et à 2000 € chacune au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Madame Z... a demandé la confirmation du jugement et 1. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SAFER a demandé à la Cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Madame Y... recevable et à titre subsidiaire, de confirmer le jugement et de condamner Madame Y... à 2. 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. A titre encore plus subsidiaire, elle a demandé à la Cour de dire que Madame Y... ne pouvait exercer son droit de préemption que sur les parcelles X 100, 268, 278 et 283 et de désigner un expert, pour en déterminer le prix.
MOTIFS de la DÉCISION
A titre préliminaire, la Cour rejette la demande de jonction des procédures qui n'apparaît pas nécessaire.
1°) Sur la validité de l'assignation du 15 / 01 / 2003
Cet acte a été signifié au Secrétariat- Greffe du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de BARCELONNETTE, qui a convoqué les parties à l'audience de conciliation du 15 / 04 / 2003, date à laquelle Madame Y... a été invitée, en application de l'article 670-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, à faire assigner Madame Z..., qui n'avait pas été touchée par la convocation et la SAFER, ce qui fut fait les 18 et 21 novembre 2003.
La saisine du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux est donc régulière et la Cour confirme le jugement sur ce point.
2°) Sur la prescription de l'action
La date de vente du bien est celle de l'acte définitif du 7 septembre 2002 et non pas celle de la promesse de vente.
En application de l'article L. 412-12 du Code Rural, Madame Y... disposait d'un délai de six mois à partir du jour où la vente lui était connue, pour engager une action en nullité.
La saisine parfaitement régulière du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux du 15 janvier 2003 a eu lieu avant l'expiration du délai de six mois et la forclusion n'est pas encourue.
La Cour confirme, sur ce point également, le jugement entrepris.
3°) Sur le fond
En application de l'article L. 411-1 du Code Rural, pour bénéficier du statut du fermage, il est nécessaire d'exploiter les terres mises à disposition, et d'y exercer une activité agricole.
De plus, le preneur doit avoir exercé, au moins pendant trois ans, la profession agricole et il doit justifier qu'il exploite le fonds par lui- même ou par sa famille (article L. 412-5 du même code).
Il résulte des pièces versées aux débats que le véritable exploitant des terres ayant appartenu à Madame Z... était le frère de Madame Y..., laquelle exploitait, en réalité, le fonds de commerce " Café- Restaurant- Transports " à BARLES (04), son mari, qui exerçait de son côté la profession d'entrepreneur de travaux, ne pouvant manifestement pas (au moment de la vente et durant les trois ans précédant cette vente) avoir les deux activités en même temps.
Certes, il n'est pas exclu de penser que madame Y... pouvait, quant à elle, aider son frère, ponctuellement, dans la mesure où l'activité du restaurant ne l'occupait pas à temps plein.
Toutefois, il lui appartient de justifier que son activité d'exploitante agricole était réelle, dans les trois ans ayant précédé la vente, qu'il s'agissait de son activité principale et qu'elle en tirait l'essentiel de ses revenus, tout en assurant en contrepartie l'essentiel des risques ou des pertes d'exploitation.
Ni devant le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux ni devant la Cour, Madame Y... n'a rapporté des pièces qui établiraient cette preuve.
La constitution d'un GAEC avec des membres de sa famille a été réalisée en novembre 1999 dès qu'elle a eu connaissance de la vente (elle avait rédigé une promesse unilatérale d'achat le 29 avril 1999), cet argument ne saurait donc être retenu pour avaliser une quelconque activité d'exploitation agricole.
Enfin, Madame Y... ne justifie d'aucune expérience professionnelle et d'aucun diplôme agricole.
Par ailleurs, l'adhésion à la MSA n'a pas valeur de présomption, la seule circonstance consistant à financer des achats de matériels agricoles ou de nourriture pour le bétail est insuffisante pour établir la preuve d'une activité agricole effective.
En conséquence, la Cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a décidé que Madame Y... n'avait pas la qualité de " preneur en place " au sens des articles L. 142-1 et suivants du Code Rural et ne pouvait donc pas invoquer le bénéfice d'un droit de préemption.
Le GAEC LE MERINOS, constitué en 1999, ne peut invoquer plus de droits que Madame Y... quant à la vente de septembre 2002. Sa demande est donc infondée.
La Cour confirme le jugement sur ce point également.
4°) Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
La Cour fait droit aux demandes des intimées, uniquement.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, Dit n'y avoir lieu à jonction des procédures sollicitée par les appelants, Confirme le jugement entrepris,
Et, y ajoutant,
Condamne in solidum Madame X... épouse Y... et le GAEC LE MERINOS à payer, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la somme de 1. 000 € (mille euros) à chaque intimée,
Déboutes les parties de leurs autres demandes,
Condamne les appelants aux dépens d'appel.