COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS
ARRÊT AU FOND DU 16 JANVIER 2014
No2014/ 04
Rôle No 12/ 00012
Francis X... Béatrice Y... épouse X...
C/
M. LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT DE MARSEILLE Organisme DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE-CONSEIL GENERAL
réf Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'expropriation de MARSEILLE en date du 07 Mars 2012, enregistré au répertoire général sous le no 10/ 00038.
APPELANTS
Monsieur Francis X... né le 03 Septembre 1954 à LILLE (59), demeurant ...-13. 440 CABANNES
représenté par Maître Ornella RICCIOTTI, avocat au Barreau de MARSEILLE
Madame Béatrice Y... épouse X... née le 15 Juin 1955 à ROUBAIX (59), demeurant ...-13. 440 CABANNES
représentée par Maître Ornella RICCIOTTI, avocat au Barreau de MARSEILLE
INTIMES
Organisme DEPARTEMENT DES BOUCHES DU RHONE-CONSEIL GENERAL, demeurant 5é Avenue de Saint Just-13. 256 MARSEILLE
représentée par Maître Jorge MENDES CONSTANTE, avocat au Barreau de MARSEILLE substitué par Maître Alexa DUBARRY, avocat au Barreau de MARSEILLE
MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT DE MARSEILLE, demeurant HOTEL DES IMPOTS DE SAINTE ANNE-38 boulevard Baptiste Bonnet-13. 285 MARSEILLE CEDEX 8
représenté par Monsieur Christian GREGOIRE, Commissaire du Gouvernement,
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Novembre 2013 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre SERMANSON, Président désigné pour présider la Chambre des Expropriations, en qualité de titulaire, par ordonnance de la Première Présidente de la Cour d'Appel d'Aix en Provence.
Madame Françoise BARBET, Vice-Présidente au Tribunal de Grande Instance de TOULON, Monsieur André TOUR, Vice-Président au Tribunal de Grande Instance de DIGNE LES BAINS, spécialement désignés comme juges de l'Expropriation.
Greffier lors des débats : Monsieur Maurice NGUYEN
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au Greffe le 16 Janvier 2014
Les avocats présents ont été entendus.
Le Commissaire du Gouvernement a été entendu en ses réquisitions.
Après clôture des débats, la Cour a mis l'affaire en délibéré.
Puis les mêmes magistrats ont délibéré de l'affaire, conformément à la loi, hors la présence du Commissaire du Gouvernement et du Greffier.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé publiquement le 16 Janvier 2014 et signé par Monsieur Pierre SERMANSON, Président et Monsieur Maurice NGUYEN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le département des Bouches-du-Rhône a envisagé la création d'une nouvelle voie d'environ 3 km de longueur à l'ouest de la commune de Cabannes afin de supprimer la traversée de la commune par notamment les véhicules poids lourds, en aménageant la route départementale numéro 24.
Ce projet comprend la création de trois carrefours giratoires permettant la DCA de chemins communaux ainsi que la réalisation d'un ouvrage d'art pour le passage des piétons et cyclistes.
Par arrêté en date du 8 avril 2003, le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d'utilité publique sur le territoire de la commune de CABANNES la réalisation des travaux nécessaires à la désignation de la route départementale RD 24, les opérations, l'acquisition, l'expropriation, et a autorisé le président du conseil général à acquérir les immeubles concernés par ladite opération.
L'enquête préalable d'utilité publique s'est déroulée du 12 mars au 15 avril 2002.
A la suite d'un arrêté préfectoral du 5 juin 2009, une nouvelle enquête parcellaire s'est déroulée du 29 juin au 13 juillet 2009.
Les notifications individuelles du dossier d'enquête parcellaire en mairie de la commune de CABANNES ont été effectuées par lettre recommandée aux propriétaires concernés et notamment à Monsieur et Madame X..., qui sont propriétaires d'une propriété dénommée « Mas de l'air », d'une superficie de plus de 24 ha acquise suivant acte du 6 mai 2003.
L'emprise de la désignation prévue par l'aménagement de la route départementale numéro 24 sépare cette propriété en deux parties et forme une bande de 270 mètres de long environ et 30 à 40 mètres de large, avec une emprise de 250 mètres de long sur 10 à 15 mètres de large. L'emprise représente une surface totale de 10. 918 mètres carrés.
Par arrêté en date du 11 mai 2010 le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré cessibles pour cause d'utilité publique les parcelles visées par l'arrêté du 5 juin 2009 nécessaires pour l'exécution des travaux.
Par ordonnance en date du 18 octobre 2010, le juge d'expropriation a déclaré expropriées les parcelles et immeubles visées par l'arrêté.
Le 3 décembre 2010 le juge de l'expropriation a été saisi d'une requête en fixation des indemnités revenant aux époux X....
La visite des lieux s'est déroulée le 7 avril 2011.
Le département des Bouches-du-Rhône a proposé une indemnité de dépossession de 29. 309 euros.
Le commissaire du gouvernement, a estimé que devait être offert aux expropriés une somme totale de 1. 051. 700 euros.
Par un mémoire en défense déposé devant la juridiction de l'expropriation, les époux X... ont rejeté l'offre de l'autorité expropriante et réclamé une somme de 1. 051. 700 euros à titre d'indemnité de dépossession.
Par jugement en date du 7 mars 2012, le juge de l'expropriation des Bouches-du-Rhône a :- fixé à la somme de 150. 000 euros l'indemnité totale revenant aux époux X... pour l'ensemble de leur bien, et a laissé les dépens à la charge de l'autorité expropriante.
Les époux X... ont relevé appel de cette décision en reprenant leurs premières prétentions.
Le département des Bouches-du-Rhône sollicite la confirmation du jugement dont s'agit.
Le commissaire du gouvernement se prononce également pour la confirmation du jugement.
SUR CE
Attendu qu'il y a lieu de constater que le premier juge a fait une description complète du bien dont s'agit et qui ne soulève aucune discussion de la part des parties ;
Attendu que les appelants soutiennent que le jugement serait irrégulier au motif qu'en considération des dispositions de l'article R 12-2-1 du code de l'expropriation le juge aurait dû surseoir à statuer du fait du recours déposé par eux devant le tribunal administratif de Marseille le 12 décembre 2011 ;
Qu'ils allèguent également le fait que l'emprise du tracé du projet aurait été modifiée en cours d'expropriation sans qu'ils en aient été tenus informés ;
Qu'ils prétendent que le département des Bouches-du-Rhône ne leur aurait notifié aucune offre indemnitaire d'éviction ni un quelconque acte de la procédure d'expropriation à l'égard de leur locataire, la société SCEA ... ;
Que de même, ils affirment ne pas avoir été informés de la proposition indemnitaire déposée par le département des Bouches-du-Rhône le 12 juillet 2010 ;
Qu'à titre subsidiaire, ils estiment dérisoire l'indemnité retenue par le premier juge ;
Sur l'irrégularité de la procédure d'expropriation :
Attendu que les reproches formulées par les époux X... à l'encontre du déroulement de la procédure jusqu'à l'offre de l'autorité expropriante du 7 décembre 2009, concernent la phase administrative de la procédure d'expropriation pour l aquelle le juge judiciaire est incompétent, pour en apprécier la validité ;
Attendu que les époux X... ne justifient pas avoir informé en temps voulu l'autorité expropriante de l'existence et de l'identité d'un locataire sur la propriété dont s'agit,
Que son reproche sur ce point est donc infondé ;
Sur la valeur des biens expropriés :
- concernant les modifications du tracé de l'emprise :
Attendu qu'il résulte de l'article L 13-8 du code de l'expropriation que « lorsqu'il existe une contestation sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité ¿ ¿ le juge règle l'indemnité indépendamment de ces constatations et difficultés sur lesquelles les parties sont renvoyées à se pourvoir devant qui de droit » ;
Qu'ainsi le juge l'expropriation n'est pas compétent pour modifier les limites les dimensions de l'emprise du bien exproprié ou statuer sur les dimensions mêmes du bien concerné ;
Qu'en conséquence la contestation élevée par les expropriés sur ce point ne saurait être accueillie favorablement ;
- concernant la date de référence :
Attendu que les appelants soutiennent que la date de référence pour apprécier l'usage effectif du bien ne se situerait pas un an avant l'ouverture de l'enquête publique ou la déclaration d'utilité publique de l'opération dont s'agit, mais à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété, soit le 18 octobre 2010, tout en faisant observer que ladite ordonnance ne leur avait été notifiée que le 10 octobre 2011 ;
Attendu que rien ne vient établir qu'il soit dérogé à l'application des dispositions de l'article L 13-15-1 du code de l'expropriation ;
Qu'il convient de rappeler en effet que ce texte dispose que « sera seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et les droits immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L11-1 » du même code ;
Qu'en conséquence, ce moyen soulevé par les appelants sur ce plan est inopérant ;
- concernant la sécurisation des lieux et le problème qui est du bruit :
Attendu que les appelants font valoir que le centre équestre sera séparé du centre-ville par une route départementale sur laquelle circuleront des véhicules à une vitesse limitée à 90 km ou 110 km/ heure et que les cavaliers en promenade et les enfants se rendant au centre équestre seront soumis au risque de cette traversée ;
Qu'ils sollicitent qu'un grillage de protection soit élevé pour éviter tout accident aux frais de l'autorité expropriante,
Qu'ils produisent un devis de pose de clôture d'un montant de 111. 957, 56 euros ;
Que de même, ils réclament une somme de 250. 000 euros hors-taxes pour la mise en place d'une protection acoustique ;
Attendu qu'eux seuls sont indemnisables par les juridictions d'expropriation des dommages qui résultent directement de la dépossession, indépendamment du préjudice causé par la présence et le fonctionnement de l'ouvrage public ;
Qu'ainsi le juge judiciaire est incompétent pour apprécier les dommages résultants du fonctionnement de l'ouvrage public du fait de la mesure d'expropriation ;
- concernant la dévalorisation de la propriété :
Attendu que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté les prétentions des époux X... sur ce point en observant que les experts qui ont évalué la propriété, l'ont fait en tenant compte des améliorations actuelles alors que l'état de celle-ci doit être considérée, en application du texte qui régissait la matière, en 2001 ;
Que la cour rappelle à cet égard qu'une plus-value ne peut résulter des dépenses effectuées pour l'entretien courant du bien et de l'achat de matériel nécessaire à son exploitation ; élément qui n'a pas été pris en considération par des experts mandatés par les époux X... ;
Attendu que par les motifs tout à fait pertinents que la cour fait siens, en prenant en considération les caractéristiques du bien concerné, sa situation, la superficie de la propriété ainsi que les différents et nombreux éléments de comparaison produits par les parties et par le commissaire du gouvernement, le premier juge a fixé de façon juste et équitable l'indemnité revenant aux époux X..., soit 150. 000 euros ;
Attendu qu'il y a lieu de confirmer l'allocation de la somme de 2. 500 euros aux époux X..., en application de l'article 700 du code de procédure civile, la juridiction a pu apprécier les éléments produits à cet égard ;
Attendu qu'en revanche, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont éventuellement avancés en cause d'appel ;
Que leurs demandes respectives à ce titre, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées ;
PAR CES MOTIFS
La cour, Statuant publiquement, contradictoirement, et par mise à disposition au greffe,
Déclare recevable l'appel des époux X..., (Béatrice Y... épouse et Francis X...),
Confirme le jugement en date du 7 mars 2012 du juge de l'expropriation des Bouches-du-Rhône en ce qu'il a :- fixé la somme de 150. 000 euros revenant aux époux X... à titre d'indemnisation de dépossession pour l'ensemble de leur bien sis à Cabannes, cadastré section E numéro 524-534-536-541-543-544 et 546,- alloué aux époux X... la somme de 2. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les déboute du surplus de leurs demandes ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives en cause d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse les dépenses à la charge de l'autorité expropriante.