COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
6e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 17 MARS 2016
N°2016/138
Rôle N° 15/04340
[E], [W] [J] épouse [B]
C/
[K], [U], [T] [B]
Grosse délivrée
le :
à :
Me BOUSQUET
Me CAVIGIOLO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 25 Juillet 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 10/01645.
APPELANTE
Madame [E], [W] [J] épouse [B]
née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
comparante en personne,
représenté par Me Annabelle BOUSQUET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Pascaline WEBER de la SCP CABINET DEBRE & WEBER, avocat au barreau de STRASBOURG,
INTIME
Monsieur [K], [U], [T] [B]
né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 2]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
comparant en personne,
représenté par Me Nathalie CAVIGIOLO, avocat au barreau de NICE substitué par Me Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2016, en Chambre du Conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Joël MOCAER, Président, et Madame Monique RICHARD, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur Joël MOCAER, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Joël MOCAER, Président
Madame Christine PEYRACHE, Conseiller
Madame Monique RICHARD, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie BERTOCCHIO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2016.
Signé par Monsieur Joël MOCAER, Président et Madame Valérie BERTOCCHIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel interjeté le 17 mars 2015 par Madame [E] [J] à l'encontre d'un jugement rendu le 25 juillet 2014 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nice,
Vu les dispositions de l'article 388-1 du code de procédure civile en vertu desquelles les parties ont été avisées de ce que l'enfant en âge de discernement pouvait être entendu et assisté d'un avocat,
Vu les conclusions de Madame [E] [J] en date du 4 janvier 2016,
Vu les conclusions de Monsieur [K] [B] en date du 17 décembre 2015,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 2 février 2016 pour l'affaire fixée à l'audience du 2 février 2016.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [E] [J] et Monsieur [K] [B] se sont mariés le [Date mariage 1] 1999 par devant l'officier d'Etat-civil de la commune de [Localité 3], sans contrat préalable.
De cette union sont issus trois enfants :
- [B], née le [Date naissance 3] 2000 à [Localité 4],
- [H], née le [Date naissance 4] 2001 à [Localité 4],
- [S], née le [Date naissance 5] 2003 à [Localité 4].
Le 22 mars 2010, Monsieur [K] [B] a déposé une requête en divorce.
Une ordonnance de non conciliation a été rendue le 22 juillet 2010 et les parties ont signé le procès-verbal d'acceptation.
En ce qui concerne les époux, l'ordonnance, a :
- attribué la jouissance du domicile conjugal, bien commun, à l'épouse jusqu'au 31 mars 2010, à titre onéreux, à charge pour les époux de partager les échéances du crédit immobilier ;
- attribué la jouissance du domicile conjugal, bien commun, au mari à compter du premier septembre 2010, a titre onéreux, à charge pour Monsieur [K] [B] de régler les échéances du crédit immobilier à charge de récompense au moment des opérations de liquidation ;
- attribué la gestion du gîte commun au mari ;
- dit que Monsieur [K] [B] assumera en conséquence le crédit immobilier et les charges et en percevra les revenus locatifs éventuels ;
- attribué la gestion du studio commun à l'épouse ;
- dit que Madame [E] [J] assumera le règlement du crédit immobilier et les charges et percevra les revenus locatifs éventuels ;
- débouté Madame [E] [J] de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours ;
- ordonné la remise des vêtements.
En ce qui concerne les enfants, l'ordonnance a :
- constaté que l'autorité parentale a l'égard des enfants était commune ;
- Avant dire droit, une mesure d'enquête sociale a été confiée a l'UDAF et en attendant la résidence des enfants a été fixée au domicile de la mère et le père pouvait héberger les enfants comme suit :
* durant la totalité des vacances scolaires, les vacances de Noël et d'été étant partagées;
* avec un partage pour moitié des frais de transport occasionnés par l'éloignement des parties ;
- condamné M. [K] [B] a verser une contribution à l'entretien et l'éducation des enfants d'un montant de 150 € par enfant, soit la somme de 450 € par mois.
L'enquête sociale a préconisé le maintien des mesures provisoires telles que fixées par le juge conciliateur.
Par assignation du 20 mars 2012, Madame [E] [J] a déposé une requête en divorce.
Le 14 octobre 2012, elle a saisi le juge de la mise en état, en accord avec son mari pour demander le transfert de la résidence des enfants chez le père.
Une ordonnance du 20 décembre 2012 a :
° pour la période du premier septembre 2012 au 20 décembre 2012,
- fixé la résidence des enfants au domicile du père,
- supprimé la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants,
- condamné Madame [E] [J] à rembourser les allocations familiales pour la même période,
- attribué à Monsieur [K] [B] la jouissance gratuite du domicile conjugal, à charge pour lui d'assumer le remboursement du crédit,
° à compter du 20 décembre 2012,
- fixé la résidence des enfants chez Madame [E] [J],
- fixé comme suit le droit de visite et d'hébergement du père :
* hors périodes de vacances scolaires, les 1er, 3ème et 5ème fins de semaine de chaque mois du vendredi soir sortie des classes au dimanche 19 heures,
* la première moitié des petites et grandes vacances scolaires de plus de cinq jours les années paires et la seconde moitié les années impaires,
- fixé la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants à la somme mensuelle de 215 € par enfant,
- attribué à Monsieur [K] [B] la gestion du domicile conjugal,
- attribué à Madame [E] [J] la jouissance gratuite du gîte eu titre du devoir de secours.
Par jugement du 25 juillet 2014, le juge aux affaires familiales a :
- prononcé le divorce des époux [B]/[J] en acceptation du principe de la rupture conformément aux dispositions des articles 233 et suivants du code civil,
- fixé la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère,
- octroyé au père un droit de visite et d'hébergement classique,
- fixé la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants à la somme mensuelle de 215 € par enfant,
- débouté Madame [E] [J] de sa demande de prestation compensatoire,
- débouté Madame [E] [J] de sa demande tendant à conserver le nom de son époux.
Par acte en date du 17 mars 2015, Madame [E] [J] a interjeté appel de cette décision.
Elle sollicite la condamnation de Monsieur [K] [B] au paiement d'une somme mensuelle de 500 € par enfant au titre de sa contribution à leur entretien et leur éducation.
Elle demande également sa condamnation au paiement d'une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 100 000 € et, à titre subsidiaire, elle sollicite l'attribution du domicile conjugal, à charge pour elle d'assumer le solde des emprunts.
Elle demande également à être autorisée à conserver l'usage de son nom marital.
Elle sollicite enfin la condamnation de Monsieur [K] [B] au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [K] [B] sollicite une diminution de sa contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants à un montant mensuel 75 € par enfant.
Il sollicite également la condamnation de Madame [E] [J] au paiement de la somme de 3 000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les trois mineures ont été entendues le 19 janvier 2016. Elles déclarent que les droits de visite et d'hébergement, qui sont exercés irrégulièrement, ne se passent pas bien. Elles dénoncent l'agressivité du père et son caractère violent et affirment qu'elles ne s'entendent pas bien avec sa nouvelle compagne.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Bien que l'appel soit général, les parties ont entendu limiter le débat devant la cour aux questions relatives à la prestation compensatoire, la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants et
l'usage du nom marital.
En conséquence, les autres dispositions de la décision déférée seront confirmées.
Sur la prestation compensatoire
En application de l'article 270 du code civil l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus par l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.
Aux termes de l'article 271 du code civil, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
A cet effet, le juge prend en considération la durée du mariage, l'âge et la santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelle, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants ou prévisibles, leur situation respective en matière de pensions de retraite, en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution ses droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au 6ème alinéa.
Madame [E] [J] et Monsieur [K] [B] sont tous les deux âgés de 43 ans. Il se sont mariés le [Date mariage 1] le [Date mariage 1] 1999. Ils sont donc mariés depuis plus de 16 ans, étant ici rappelé que l'ordonnance de non conciliation est intervenue le 22 juillet 2010.
De leur union sont nés trois enfants respectivement âgés de 16, 14 et 12 ans.
Le couple a fait l'acquisition en 2002 d'un bien immobilier à [Localité 5] au prix de 200 000 €, constitué d'un atelier qui a été transformé en gîte avec une maison d'habitation qui est devenue le domicile familial. Il a également acquis en 2009 un studio à [Localité 6] au prix de 70 000 €.
Madame [E] [J] exerce des vacations en qualité de professeur. Elle perçoit un salaire mensuel de 1 575,64 €, des prestations sociales pour un montant de 561,77 €, une aide au logement pour un montant de 165,31 € et une aide au retour à l'emploi pour un montant de 257,90 €, soit un revenu mensuel global de 2 560,62 €.
Outre ses charges courantes, elle assume les dépenses suivantes :
- charges studio : 358,04 €
- prêt studio : 593,29 €
- prêt voiture : 235,31 €
- frais d'orthodontie : 206,50 €
- mutuelle : 122,35 €
outre les dépenses liées aux activités extra scolaires des enfants. A noter que si Madame [E] [J] précise l'importance des charges du studio, elle ne donne pas d'indication sur les produits éventuels. Il est en effet permis d'imaginer que le studio de [Localité 6] doit être loué puisqu'il n'est occupé par aucun des époux.
Elle occupe le gîte qui lui a été attribué à titre gratuit au titre du devoir de secours.
Madame [E] [J] est porteuse de la maladie de sarcoïdose qui est une maladie inflammatoire systémique qui atteint préférentiellement les poumons mais peut atteindre n'importe quel organe.
Madame [E] [J] voulait exercer la profession d'avocat. Elle expose n'avoir pu concrétiser son projet, ayant dû suivre son mari qui était muté à [Localité 5] en qualité d'enseignant. Par la suite, elle s'est trouvée dans l'incapacité de préparer l'examen d'admission à la profession d'avocat compte tenu des naissances successives de ses trois filles. Après la séparation des époux, Madame [E] [J] a repris ses études au Luxembourg mais a dû les interrompre, son mari lui ayant fait savoir qu'il n'entendait plus assurer la garde des enfants.
Monsieur [K] [B] était professeur certifié jusqu'à la fin de l'année 2014. Il a demandé sa mise en disponibilité de l'éducation nationale pour créer sa propre activité de photographie avec drones.
Alors que son avis d'imposition 2015 sur les revenus 2014 mentionnait un revenu annuel de 19 659 € soit 1638 € par mois, il justifie pour l'année 2015 d'un chiffre d'affaires d'un montant de 14 000 € et d'un montant de 10 500 € de revenu net, soit un revenu mensuel de 875 €.
Madame [E] [J] accuse Monsieur [K] [B] d'organiser son insolvabilité et fait valoir qu'il aurait pu bénéficier d'une indemnité de départ volontaire d'un montant de 37 680 €. Par ailleurs, tenant compte à la fois des tarifs pratiqués par son mari et de ses clients institutionnels elle met en doute la modicité du chiffre d'affaires réalisé par son mari.
La cour considère qu'en versant aux débats ses déclarations trimestrielles de chiffre d'affaire pour l'année 2015, Monsieur [K] [B] justifie suffisamment de sa situation financière professionnelle et qu'il n'y a pas lieu de lui enjoindre de produire les extraits de l'ensemble des comptes détenus par le couple, comme Madame [E] [J] le sollicite.
Monsieur [K] [B] admet que son activité doit se développer et un chiffre d'affaire limité à l'issue d'une première année d'exercice n'est pas une chose surprenante.
S'agissant de l'indemnité de départ volontaire de l'éducation nationale, Monsieur [K] [B] déclare ne pas l'avoir perçue, expliquant que le décret relatif aux dispositifs indemnitaires d'accompagnement dans la fonction publique a abrogé le versement de cette indemnité pour projet personnel.
Outre ses charges courantes, il règle un loyer mensuel de 200 €.
Madame [E] [J] soutient que Monsieur [K] [B] vivrait en concubinage ce qui est contesté par l'intéressé.
En l'absence d'élément de preuve de la réalité de cette situation, il ne saurait être question d'enjoindre à Monsieur [K] [B] de produire les revenus de sa supposée compagne.
Monsieur [K] [B] est suivi médicalement pour une hépatite chronique virale C. Selon ses médecins il reste exposé à l'évolution de sa maladie et à ses complications.
Au regard de l'ensemble des éléments ci-dessus examinés, la cour considère que la rupture du mariage ne crée pas de disparité dans la situation respective des parties.
C'est à bon droit que le premier juge a débouté Madame [E] [J] de sa demande de prestation compensatoire. Cette décision sera confirmée.
Sur la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants
Compte tenu de la situation respective des parties telle qu'elle a été examinée et de la modicité des revenus de Monsieur [K] [B], son offre de verser 75 € par mois et par enfant apparaît satisfactoire. Elle sera entérinée.
Sur l'usage du nom marital
Aux termes de l'article 264 du code civil, à la suite du divorce, chacun des époux reprend l'usage de son nom. Toutefois, l'un des époux pourra conserver l'usage du nom de l'autre soit avec l'accord de celui-ci, soit avec l'autorisation du juge, s'il justifie d'un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants.
En l'espèce, Monsieur [K] [B] s'oppose à ce que Madame [E] [J] puisse conserver l'usage de son nom.
Le seul. souhait de Madame [E] [J] de conserver le même nom patronymique que ses filles ne saurait constituer l'intérêt particulier exigé par la loi.
La décision déférée sera confirmée de ce chef.
Sur les frais et dépens
Aucune circonstance d'équité ne justifie qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu du caractère familial du litige, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel, ceux de première instance restant répartis conformément à la décision entreprise.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après débats non publics,
CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants,
et statuant à nouveau de ce chef,
FIXE la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants à la somme mensuelle de 75 € par enfant,
Dit que ladite pension sera payable chaque mois avant le cinq et d'avance au domicile du parent gardien et sans frais pour celui-ci, même pendant les périodes où le parent non gardien exercera le cas échéant son droit d'hébergement,
Dit que cette pension sera indexée sur l'indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains, hors tabac, dont le chef est ouvrier ou employé (poste de dépense : 295 série France entière publié par l'INSEE), la revalorisation devant intervenir à la diligence du débiteur le premier janvier de chaque année, en fonction de l'indice du mois de novembre précédent, l'indice de référence étant celui en cours au jour de la présente décision, selon la formule suivante :
montant initial de la pension x nouvel indice
indice initial
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que les parties conserveront chacune la charge des dépens d'appel par elles exposés.
LE GREFFIERLE PRESIDENT