COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
6e Chambre A
ARRÊT AVANT DIRE DROIT
DU 06 DECEMBRE 2018
N° 2018/ 0475
Rôle N° RG 18/10936 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCWCF
Nadjate X... épouse Y...
C/
Z... Y...
MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
1 MP
Me Julien A...
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge aux affaires familiales d'AIX EN PROVENCE en date du 25 Mai 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/01532.
APPELANTE
Madame Nadjate X... épouse Y...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/008761 du 28/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [...] à OUED SLY (ALGERIE)
de nationalité Française,
demeurant [...]
représentée par Me Julien A... de la SCP ALAIN BADUEL ET JULIEN A..., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur Z... Y...
né le [...] à AIX EN PROVENCE (13100)
de nationalité Française,
demeurant [...] en provence
défaillant
MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE,
Palais Monclar - [...]
comparant en personne
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2018 en chambre du conseil. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Christine PEYRACHE, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Christophe RUIN, Président
Madame Christine PEYRACHE, Conseiller
Madame Monique RICHARD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Martine MEINERO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 22 Novembre 2018, puis prorogé au 06 décembre 2018.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Non susceptible de recours,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 décembre 2018.
Signé par Monsieur Christophe RUIN, Président et Madame Martine MEINERO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par ordonnance en date du 25 Mai 2018, le juge aux affaires familiales d'Aix en Provence a débouté Madame Nadjate X... épouse Y... de sa demande fondée sur l'article 515-9 du code civil et l'a condamnée aux dépens.
Appel en a été interjeté par son conseil le 29 juin 2018, après mention des chefs de jugement critiqués conformément à l'article 901-4 du code de procédure civile.
Par avis du greffe en date du 27 juillet 2018, il fut informé de ce que cette procédure était fixée à bref délai, sur le fondement de l'article 905 du code de procédure civile, avec rappel de ce qu'il lui appartenait, sous peine de caducité, de signifier sa déclaration d'appel à l'intimé dans les dix jours et de déposer ses conclusions dans le mois.
En l'absence de toute signification, il recevait un avis de caducité de la déclaration d'appel, émis par le greffe le 30 août 2018, avant qu'une ordonnance de clôture ne soit rendue le 25 septembre 2018 pour l'audience du 9 octobre 2018.
Monsieur Z... Y... n'a pas constitué avocat dans le cadre de l'instance d'appel.
Le ministère public auquel la procédure a été communiquée sur le fondement de l'article 425 du code de procédure civile a conclu à la confirmation de l'ordonnance déférée, sous réserve de la recevabilité de l'appel. Son avis a été communiqué par voie électronique le 27 septembre 2018.
A l'audience d'appel, le conseil de l'appelante est invité à déposer une note dans le cadre du délibéré sur la caducité de l'appel, ce d'autant qu'il justifie d'une demande d'aide juridictionnelle déposée le 27 juillet 2018 et favorablement accueillie le 28 septembre 2018.
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Une note a été communiquée par RPVA le 16 octobre 2018 par le conseil de l'appelante, formulant une question préjudicielle sur l'appréciation de la légalité de l'article 38 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 tel qu'issu du décret du 6 mai 2017.
Or, sur le fondement de l'article 442 du code de procédure civile, la note en délibéré ne vise qu'à fournir des explications de droit ou de fait estimées nécessaires à la juridiction de jugement, ce qui n'est pas le cas de celle communiquée le 16 Octobre 2018.
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Aux termes de l'article 905 du code de procédure civile dans sa version issue du décret du 6 mai 2017 applicable à l'espèce : 'Lorsque l'affaire semble présenter un caractère d'urgence ou être en état d'être jugée ou lorsque l'appel est relatif à une ordonnance de référé ou en la forme des référés ou à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l'article 776, le président de la chambre saisie, d'office ou à la demande d'une partie, fixe les jours et heures auxquels l'affaire sera appelée à bref délai; au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762.'.
L'article 905-1 du code de procédure civile précise à ce sujet : 'Lorsque l'affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l'appelant signifie la déclaration d'appel dans les dix jours de la réception de l'avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l'intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d'appel, il est procédé par voie de notification à son avocat. A peine de nullité, l'acte de signification indique à l'intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s'expose à ce qu'un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l'article 905-2, il s'expose à ce que ses écritures soient déclarées d'office irrecevables.'.
L'article 914 du code de procédure civile ajoute que la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou de la caducité de celle-ci.
Aux termes de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié par l'article 44 du décret 2017-891 du 6 mai 2017, applicable à compter du 11 mai 2017 :
' Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :
a) De la notification de la décision d'admission provisoire ;
b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;
c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;
d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.
Lorsque la demande d'aide juridictionnelle est déposée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile, ces délais courent dans les conditions prévues aux b, c et d.
Par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente.'.
La combinaison de ces deux articles conduirait à déclarer caduque la déclaration d'appel de Madame Nadjate X... épouse Y..., puisque sa demande d'aide juridictionnelle, favorablement accueillie depuis, a été déposée postérieurement à la déclaration d'appel et ne pourrait donc interrompre le délai de l'article 905-1 du code de procédure civile.
Pourtant, le délai applicable à l'appelant pour notifier ses conclusions sur le fondement de l'article 905-2 du code de procédure civile est pour sa part interrompu en cas de demande d'aide juridictionnelle en cours.
Par ailleurs, dans un avis du 12 juillet 2018, il a été considéré que sanctionner l'absence de notification entre avocats de la déclaration d'appel, dans le délai de l'article 905-1, d'une caducité de celle-ci, constituerait une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge consacré par l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Au regard de ce qui précède, il convient de s'interroger sur l'atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge par l'absence d'interruption des délais de l'article 905-1 du code de procédure civile en cas de demande d'aide juridictionnelle en cours - ce d'autant que l'absence de décision du bureau d'aide juridictionnelle ne permet pas à l'appelant de bénéficier de la prise en charge des frais d'huissier pour signifier sa déclaration d'appel.
Cette question de droit est nouvelle. Elle présente une difficulté sérieuse et se pose dans de nombreux litiges.
Il y a dès lors lieu, par application des articles L 441-1 et L.441-3 du code de l'organisation judiciaire, de solliciter l'avis de la cour de cassation. Il sera sursis à toute décision le fond de l'affaire jusqu'à réception de l'avis, ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai prévu par l'article 1031-1 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, en chambre du conseil, par décision non susceptible de recours, après débats non publics,
Sollicite l'avis de la cour de cassation sur la question de droit suivante :
L'absence d'interruption des délais de l'article 905-1 du code de procédure civile par une demande d'aide juridictionnelle en cours constitue-t-elle une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, sur le fondement de l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales'
Surseoit à statuer jusqu'à la réception de l'avis, ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai prévu par l'article 1031-3 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT