COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Hospitalisation sans consentement
Chambre 1-11
ORDONNANCE
DU 7 MAI 2024
N° 2024/ 057
RG 24/00057
N° Portalis DBVB-V-B7I-BM7JO
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
C/
[B] [D]
LE PREFET DU VAR
Copie délivrée :
contre émargement
le : 7 Mai 2024
au patient
Copie adressée :
par télécopie le :
7 Mai 2024
à :
-Le Ministère Public
-Le directeur du CH
-L'avocat
-Le préfet
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de TOULON en date du 3 Mai 2024 enregistrée au répertoire général sous le n°388/2024.
APPELANT
Monsieur LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE TOULON, domicilié Tribunal Juidiciaire - [Adresse 5]
Représenté par Madame ValérieTAVERNIER, avocat général près de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence.
INTIMÉS :
Monsieur [B] [D]
né le 16 Février 1968 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]
Comparant, assisté et représente par Maître Johann LE MAREC, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, commis d'office
Monsieur LE PRÉFET DU VAR
Avisé et non représenté
*-*-*-*-*
DÉBATS
L'affaire a été débattue le 6 Mai 2024, en audience publique, devant Mme Nathalie MARTY, Conseiller, déléguée par ordonnance du premier président, en application des dispositions de l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique,
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD,
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 7 Mai 2024.
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 7 Mai 2024,
Signée par Mme Nathalie MARTY, conseiller et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire,
***
Vu la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,
Vu le décret n° 2011- 846 du 18 juillet 2011 relatif à la procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques,
Vu le décret n°2011-847 du 18 juillet 2011 relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,
Vu l'ordonnance rendue le 3 mai 2024 à 17heures 30 par le Juge des libertés et de la détention de Juge des libertés et de la détention de Toulon ordonnant la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques concernant Monsieur [B] [D] ;
Vu l'appel interjeté le 3 mai 2024 à 20heures 07 , par le procureur de la République de Toulon et sa demande tendant à voir déclarer son recours suspensif;
Vu l'ordonnance en date du 4 mai 2024 déclarant suspensif l'appel interjeté par le procureur de la République de Toulon ;
Vu le certificat médical de situation du Docteur [V] en date du 5 mai 2024 ;
***
Le 23 avril 2024, Monsieur [B] [D] était admis au service des urgences pour intoxication volontaire par médicaments psychotropes et produits stupéfiants, il disait avoir pris ces substances dans un but festif avant de commettre un attentat au cours duquel il allait probablement perdre la vie, précisant vouloir tuer des français pour venger les harkis injustement traités par l'état français, il était par ailleurs très agité, très tendu et présentait des troubles majeurs du jugement avec persécutions et idées de grandeur;
Au vu du certificat médical d'admission en soins psychiatrique du docteur [G] [M] en date du 23 avril 2024, décrivant des troubles occasionnant une importante dangerosité psychiatrique à court terme monsieur Monsieur [B] [D] était admis au Centre hospitalier de [Localité 6] suite à l'arrêté portant admission en soins psychiatriques de Monsieur le Maire [Localité 6] pris le jour même ;
Le 24 avril 2024, le docteur [J] notait une amélioration de son état constatant qu'il critiquait notamment son comportement de la veille, toutefois eu égard à la gravité des événements ayant conduit à son hospitalisation, à ses antécédents judiciaires et aux incertitudes vis-à-vis de son acceptation de la prise en charge, le médecin concluait à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques selon les mêmes modalités;
Monsieur le préfet du Var prenait un arrêté portant admission en son psychiatrique le 24 avril 2024 et un autre le 26 avril 2024 décidant de la forme de prise en charge en maintenant en hospitalisation complète monsieur [D] ;
Le 26 avril 2024, le docteur [Y] confirmait la nécessité de maintenir les soins malgré une nette amélioration en indiquant que sa conscience des troubles était mauvaises ainsi que sa coopération aux soins psychiatrique hospitaliers indispensables et que ses troubles mentaux occasionnaient une dangerosité psychiatrique significative à court terme, il notait qu'il restait persécuté et très préoccupé ;
Le 30 avril 2024 le docteur [J] dans son avis adressé au JLD mettait en doute le risque que monsieur [D] pouvait constituer pour l'ordre public, il notait toutefois la persistance de revendication véhémentes et récurrentes concernant les discriminations dont il aurait fait l'objet et donc une persistance des idées persécutoires, il concluait à la nécessité de maintenir les soins selon les mêmes modalités ;
Par ordonnance en date du 3 ai 2024 , le JLD ordonnait la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques dont faisait l'objet M. [B] [D] estimant que les critères de l'article L-3213-1 du code de la santé publique n'étaient pas réunis, le JLD a considéré qu'il ne ressort pas du certificat médical d'admission que M. [B] [D] présentait les troubles de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte, de façon grave, à l'ordre public et qu'en tout état de cause, ils n'étaient pas suffisamment caractérisés par les pièces du dossier monsieur [D] ayant lui même appelé les secours dans un contexte où il était fortement alcoolisé et sous l'emprise de produits stupéfiants.
Monsieur le Procureur faisait appel de cette décision ;
À L'AUDIENCE
Monsieur [D] ne s'oppose pas à la publicité des débats ;
Madame l'avocat général se référant à la déclaration d'appel requière l'infirmation de l'ordonnance querellée ; Elle souligne que les certificats médicaux indiquent que l'état de monsieur à l'heure d'aujourd'hui nécessite une hospitalisation complète ; qu'il y a toujours un doute par rapport à ce qu'on a pu reprocher à monsieur lors de son hospitalisation, soit le risque d'attentat ; que le juge n'est pas un psychiatrique ; que monsieur a besoin de soins en continue tant qu'existent des éléments inquiétants que le risque d'hétéroagressivité n'est pas écarté notamment en cas de consommation de toxiques ;
Maître LE MAREC Johann soutient que le jld s'est fondé sur le certificat médical du 30 avril qui ne mentionnait ni risque à la sécurité des personnes ni risque à l'ordre public dès lors il entend solliciter la confirmation de l'ordonnance, Il ajoute que l'attitude actuelle de monsieur ne fait pas craindre un risque à l'ordre public, alors qu'au demeurant il est d'accord pour poursuivre son traitement qu'il suit depuis un an que s'il a pu s'égarer lors de l'absorption de psychotropes, il a lui même appelé les pompiers, monsieur n'a jamais été agressif envers qui que ce soit, cela fait deux semaines qu'il a été hospitalisé, il n'est pas connu des services de police pour des faits d'agressions, son comportement s'améliore, les menaces proférées étaient sans doute seulement des paroles en l'air comme il le soutient ;
Monsieur [D] entendu en visio conférence, sans opposition de la part des parties, et compte tenu de l'impossibilité de transfert de monsieur par l'équipe soignante, celui-ci a déclaré 'Je suis français je veux régler mes comptes avec la France en portant plainte je n 'ai jamais fait d'agression physique de quelque nature que ce soit, Moi-même, je suis français, j'ai pas dit ça. Quand je dis que je veux régler mes comptes avec la France c'est au niveau juridique. J'ai jamais fait d'agression. Mon père était militaire a fait la l'Algérie et l'Indochine, mon frère était sous officier, moi j'ai fait mon service militaire dans les force françaises en Allemagne. Je doit rentrer chez moi, je paye mon loyer en espèce avant le dix du mois, je ne sais pas faire de virement par ce que je ne sais pas faire.
Sur votre question, j'ai appelé les pompier parce que j'ai pris moi-même une boîte de Lexomil parce que j'étais pas bien. Je voulais en finir J'avais rendez-vous chez mon psychiatre la semaine aprés
Je vis tout seul. J'ai eu une séparation douloureuse, je suis sorti chez moi et j'ai trouvé ma voiture toute cassée. Sur votre question, c'était le 1er fois que j'avais envie d'en finir. Je pensais à tout ça ma mère décédée à cause du Médiator et mon père qui a pris deux balles pour la France. Je suis pas quelqu'un de violent, j'ai juste eu des condamnations pour vol par nécessité. Je veux plus avoir à faire avec la justice';
Le préfet du Var régulièrement convoqué n'a pas comparu,
Monsieur le Directeur de l'hôpital régulièrement convoqué n'a pas comparu,
MOTIFS
1) Sur la recevabilité de l'appel
Selon les dispositions de l'article R3211-18 du code de la santé publique, 'L'ordonnance est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, dans un délai de dix jours à compter de sa notification.
Le ministère public peut, dans tous les cas, interjeter appel dans le même délai.'
Aux termes des dispositions de l'article R3211-19 du même code, 'Le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel. La déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l'heure.
Le greffier de la cour d'appel avise sur-le-champ le greffier du tribunal judiciaire qui lui transmet sans délai le dossier.
Le greffier de la cour d'appel fait connaître par tout moyen la date et l'heure de l'audience aux parties, à leurs avocats et, lorsqu'ils ne sont pas parties, au tiers qui a demandé l'admission en soins et au directeur d'établissement. Les deux derniers alinéas de l'article R. 3211-13 sont applicables.'
En l'espèce, l'ordonnance querellée a été rendue le le 3 mai 2024 à 17heures 30 et notifié au procureur de la République de Marseille le même jour Ce dernier a adressé au greffe de la cour le jour même à 20heures 07 une déclaration d'appel motivée. Son recours sera donc déclaré recevable.
2/Sur le bien fondé de la mesure d'hospitalisation sous contrainte
Vu l'article L 3213-1 du code de la santé publique,
Vu les pièces versées au dossier jugées suffisantes pour statuer,
Vu les débats,
Aucune irrégularité n'ayant été constatée ou soulevée,
Aux termes de l'article L. 3213-2 du CSP, lorsqu'il existe un danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire et, à [Localité 4], les commissaires de police, peuvent décider de mesures provisoires nécessaires à l'encontre de la personne responsable de ce danger et dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes.
Le danger imminent ne peut être attesté que par un avis médical.
Une fois les mesures provisoires prises, le maire, ou les commissaires de police, doivent en référer dans les
24 h au préfet qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'admission dans les formes de l'article L 3213-1.
En l'espèce monsieur [D] a été admis aux urgences pour avoir attenté à ses jours et avoir présenté un comportement véhément et revendicatif clamant vouloir commette un attentat ; l'ensemble des certificats médicaux versés à la procédure concluent à la nécessitée de poursuivre les soins psychiatrique selon les mêmes modalités faisant tous référence à son discours persistant empeint de revendications et d'éléments persécutoires ; A l'audience, monsieur admet n'avoir jamais été aussi mal que lors de son hospitalisation , il est apparu encore particulièrement fragile ; l'avis du docteur [V] fait état de propos particulièrement inquiétants et d'une tendance à la manipulation de sorte qu'il conviendra de dire que les soins psychiatriques dont Monsieur [B] [D] fait l'objet pourront se poursuivre sous la forme de l'hospitalisation complète et donc d'infirmer l'ordonnance rendue le 3 mai 2024 à 17heures 30 par le Juge des libertés et de la détention de Juge des libertés et de la détention de Toulon ordonnant la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques concernant Monsieur [B] [D] ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision réputée contradictoire, rendue en dernier ressort,
Déclarons recevable l'appel formé par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Toulon,
Infirmons la décision déférée rendue le 3 mai 2024 par le Juge des libertés et de la détention de Toulon .
Disons que les soins psychiatriques dont Monsieur [B] [D] fait l'objet pourront se poursuivre sous la forme de l'hospitalisation complète,
Disons que cette décision sera notifiée à Monsieur [B] [D] , Monsieur le préfet du Var, Monsieur le procureur général et à Monsieur le Directeur de l'établissement dans lequel les soins sont prodigués,
Laissons les dépens à la charge du trésor public.
Le greffier Le président