ARRET
No
X...
C/
Association DE GESTION DE FORMATION PROFESSIONNELLE
JL/SEI.
COUR D'APPEL D'AMIENS
5ème chambre sociale cabinet B
PRUD'HOMMES
ARRET DU 10 OCTOBRE 2007
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RG : 06/04717
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES de BEAUVAIS en date du 26 octobre 2006
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur Patrice X...
...
60210 DARGIES
Représenté, concluant et plaidant par la SELARL HAMEAU-GUERARD, avocats au barreau de BEAUVAIS, substituée par Me Isabelle CARRON, avocat au barreau de BEAUVAIS.
ET :
INTIMEE
Association DE GESTION DE FORMATION PROFESSIONNELLE
15 Rue d'Ognes
60440 NANTEUIL LE HAUDOUIN
Représentée, concluant et plaidant par Me Marie-Françoise TARRAZI, avocat au barreau de LYON.
DEBATS :
A l'audience publique du 19 Juin 2007 ont été entendus les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives devant Mme SEICHEL, Conseiller, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du nouveau Code de procédure civile sans opposition des parties qui a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 10 Octobre 2007, pour prononcer l'arrêt par mise à disposition au greffe de la copie.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme SEICHEL en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, cabinet B de la Cour composée en outre de :
Mme DARCHY, Président de chambre,
Mme BESSE, Conseiller,
qui en a délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
A l'audience publique du 10 Octobre 2007, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme DARCHY, Président de chambre et Mme LEROY, Greffier, présente lors du prononcé.
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DECISION :
Patrice X... a été engagé par l'Association de Gestion de Formation Professionnelle par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er août 1993 en qualité de Technicien Responsable d'Exploitation à la ferme école de ROUVROY LES MERLES.
Il a été élu membre titulaire du Comité d'entreprise, collège Cadre, et délégué du personnel suppléant.
Le 13 juillet 2004, il était convoqué pour participer à une réunion de travail où le ton a rapidement monté.
Le jour même, il était convoqué à un entretien préalable au licenciement et mis à pied à titre conservatoire.
L'entretien préalable s'est tenu le 20 juillet 2004.
Le 4 août 2004, l'Inspecteur du Travail autorisait le licenciement de Patrice X..., décision confirmée suite au recours hiérarchique introduit par ce dernier.
Il a été licencié pour faute grave le 6 août 2004.
Contestant son licenciement, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de BEAUVAIS, qui, par un jugement du 26 octobre 2006, s'est déclaré incompétent sur la demande d'indemnité pour licenciement irrégulier, a débouté Patrice X... de l'intégralité de ses demandes et a débouté l'Association de Gestion de formation Professionnelle de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile.
Cette décision a été notifiée le 25 novembre 2006 à Patrice X... qui en a relevé appel le 7 décembre 2006.
Par des conclusions du 7 mai 2007, régulièrement communiquées et soutenues à l'audience du 19 juin 2007, Patrice X... demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement,
- de se déclarer compétente pour se prononcer sur la question du pouvoir de signature de la lettre de licenciement,
- de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et, à ce titre, ne repose pas sur une faute grave,
- de condamner en conséquence l'Association de Gestion de Formation Professionnelle à lui payer les sommes suivantes :
o 4.175,00 euros à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire,
o 471,50 euros au titre des congés payés y afférents,
o 8.636,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
o 863,60 euros à titre de congés payés y afférents,
o 6.350,00 à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
o 17.272,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou
o à titre subsidiaire, 2.879,57 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier,
o 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Patrice X... fait valoir :
- qu'il soulève deux types de demandes : l'une relative au pouvoir du signataire de la lettre de licenciement, rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou pour le moins irrégulier, la seconde relative au degré de sanction prononcée ; que la question du pouvoir du signataire de la lettre de licenciement ne relève pas de l'autorité administrative puisqu'elle ne se pose évidemment qu'après l'autorisation administrative ; que le principe de la séparation des pouvoirs n'empêche pas la Cour de vérifier le pouvoir de licencier du signataire de la lettre et de sanctionner l'irrégularité ;
- que de façon encore plus évidente, la juridiction prud'homale était parfaitement compétente pour apprécier le degré de gravité de la faute, ou plutôt de celle ayant conduit l'Inspection du Travail à autoriser le licenciement ;
- que la lettre de licenciement a été signée par une personne non habilitée à représenter l'employeur rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette irrégularité constituant une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte et en entraînant la nullité ;
- qu'à titre subsidiaire, la Cour estimera que l'absence de pouvoir entraîne l'irrégularité du licenciement ;
- que M. A... avait la signature pour procéder aux licenciements des cadres responsables de service, sous la seule réserve d'avoir préalablement soumis son projet au Président de l'Association ; que non seulement celle-ci fait une fausse interprétation de la délégation de signature du 24 janvier 2002, mais n'établit pas avoir soumis la lettre de licenciement à son Président ;
- qu'en cas de licenciement d'un salarié protégé l'Inspection du Travail doit apprécier si la faute est suffisamment grave pour justifier un licenciement ; que seul le ou les motifs retenus par l'autorité administrative pour autoriser le licenciement disciplinaire peuvent le justifier ;
- qu'il résulte du principe de la séparation des pouvoirs que lorsque le licenciement a fait l'objet d'une autorisation administrative, le salarié protégé n'est pas recevable à contester devant la juridiction prud'homale le bien fondé de la rupture ; qu'il peut en revanche lui demander d'apprécier le degré de gravité des faits qui lui sont reprochés afin d'évaluer ses droits à indemnités de rupture ; que cette appréciation ne peut porter que sur les seules fautes retenues par l'autorité administrative dans sa décision ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement invoque des faits non retenus par l'Inspection du travail.
Par des conclusions du 15 juin 2007, régulièrement communiquées et développées à l'audience du 19 juin 2007, l'Association de Gestion de Formation Professionnelle, demande à la Cour :
- de confirmer le jugement,
- de se déclarer incompétente en vertu des principes de séparation des pouvoirs concernant la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement irrégulier,
- de dire que le licenciement de Patrice X... repose sur une faute grave,
- de débouter Patrice X... de l'intégralité de ses demandes ,
- de condamner Patrice X... à lui payer une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'Association de Gestion de Formation Professionnelle fait valoir :
- qu'il est de jurisprudence constante qu'en l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement ; qu'en vertu du même principe, le juge judiciaire ne peut pas plus apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie avant la saisine de l'Inspection du Travail, ce dernier étant le seul compétent pour vérifier cette régularité sous le contrôle éventuel de la juridiction administrative ; que dès lors l'autorisation de l'inspecteur du travail de licencier le salarié s'oppose à ce que celui-ci puisse contester devant le Conseil de Prud'hommes la régularité de la procédure suivie avant la saisine de l'Inspecteur du Travail, ainsi que la cause réelle et sérieuse de son licenciement ;
- que le licenciement a été autorisé ; que cette autorisation a été confirmée par l'autorité administrative compétente ; que les juridictions de l'ordre judiciaire ne peuvent se prononcer sur le versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette faculté étant réservée aux juridictions administratives ; que l'autorité administrative n'a relevé aucune irrégularité dans la procédure qui a été suivie ; que la Cour d'Appel est incompétente pour apprécier la régularité du licenciement ; qu'elle ne peut en conséquent statuer sur le versement d'une indemnité pour licenciement irrégulier ; que la Cour ne pourra que se déclarer incompétente sur ces demandes ;
- qu'en outre, M. A... était parfaitement habilité à prononcer le licenciement, dans la mesure où il bénéficiait d'une délégation de signature en date du 24 janvier 2002 ; qu'il pouvait procéder au licenciement des cadres responsables de service, sous la seule réserve d'avoir préalablement soumis son projet au Président de l'Association ; qu'en l'espèce, il s'est strictement conformé à cette exigence puisqu'il avait recueilli l'aval de M. RUTY, Président de l'Association ;
- que les griefs retenus ne sont pas contestés par Patrice X... qui les a reconnus lors de l'enquête contradictoire, ainsi que cela ressort de la décision du Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité ; qu'ils justifient bien un licenciement pour faute grave ; que la réitération de faits fautifs autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris déjà sanctionnés pour caractériser la faute grave ; que le dénigrement par un salarié de sa hiérarchie, le comportement injurieux et violent, le refus d'obtempérer aux ordres et aux consignes donnés par la hiérarchie constituent une faute grave ;
- que le licenciement est bien fondé sur les motifs pour lesquels l'autorisation administrative est donnée, puisque cette dernière fondait sa décision sur le refus d'obtempérer aux ordres et aux consignes donnés par la hiérarchie, le dénigrement de la hiérarchie en contestant notamment sa compétence, la répétition d'incidents de même nature ayant fait l'objet d'observations et de sanction ; que cette autorisation a été confirmée ; que la lettre de licenciement reprend les motifs retenus par l'autorité administrative quand bien même ils auraient été replacés dans leur contexte aux fins d'illustrer le comportement de Patrice X... ; que celui-ci ne conteste pas les faits visés dans la lettre de licenciement, faits qu'il a reconnus ; qu'il a fait l'objet de nombreux courriers pour des faits similaires ;que son comportement risquait de remettre en cause le maintien de la certification ISO 9001 de l'association.
SUR QUOI :
Sur la compétence de la juridiction prud'homale
Attendu qu'en présence d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement, ni la régularité de la procédure de licenciement suivie avant la saisine de l'Inspecteur du Travail auquel il appartient de vérifier cette régularité sous le contrôle éventuel de la juridiction administrative ;
Que le licenciement de Patrice X... a été autorisé par décision de l'Inspection du Travail en date du 4 août 2004, confirmée par décision du Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité en date du 24 janvier 2005 ;
Attendu qu'il apparaît des pièces versées aux débats que M. A... a mené l'intégralité de la procédure de licenciement, à savoir, convocation de Patrice X... à l'entretien préalable au licenciement, réunion extraordinaire du Comité d'Entreprise pour recueillir son avis sur le licenciement, saisine de l'Inspection du Travail afin d'obtenir l'autorisation de le licencier en raison de sa qualité de salarié protégé, enfin signature et envoi de la lettre de licenciement ;
Qu'il a donc été en charge de la procédure de licenciement avant la saisine de l'Inspection du Travail ;
Que le contrôle de la régularité de la procédure de licenciement concerne non seulement la procédure postérieure à la saisine de l'Inspection du Travail, mais également la régularité de la procédure antérieure à cette saisine ;
Que le contrôle de la régularité de la procédure antérieure à la saisine de l'Inspection du Travail appartient à cette autorité administrative sous le contrôle éventuel de la juridiction administrative ;
Que dans ces conditions en application du principe de la séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut vérifier la régularité de la procédure, celle-ci ayant été menée dans son intégralité, c'est à dire avant la saisine de l'Inspection du Travail, par M. A... dont Patrice X... conteste les pouvoirs ;
Attendu qu'il appartenait à Patrice X... de soulever ce problème dès son recours hiérarchique à l'encontre de l'autorisation de l'Inspecteur du Travail de le licencier, ce qu'il n'a pas fait ;
Que le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour contrôler la régularité de la procédure de licenciement ;
Sur la gravité de la faute
Attendu qu'en présence de l'autorisation de licencier, la juridiction prud'homale ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement, et ne peut que contrôler le degré de gravité de la faute ;
Que l'autorisation de licencier accordée par l'Inspection du Travail écarte des griefs motivant le licenciement les faits du 13 juillet 2004, ainsi que les faits de dénigrement et retient le refus d'obtempérer aux ordres et aux consignes de la hiérarchie et la répétition d'incidents de même nature ayant fait l'objet d'observations et de sanctions ;
Que la décision de confirmation de l'autorisation de licencier, retient quant à elle outre les motifs retenus par l'Inspection du Travail, le dénigrement par Patrice X... de sa hiérarchie notamment de sa compétence ;
Qu'en conséquence, il apparaît à la lecture de la lettre de licenciement que celle-ci, bien qu'elle fasse référence aux faits du 13 juillet 2004, fonde le licenciement sur les motifs retenus par l'autorité administrative pour autoriser le licenciement ;
Que seuls ceux-ci seront examinés pour déterminer la gravité de la faute ;
Attendu que la réalité du refus d'obtempérer aux ordres et consignes de la hiérarchie par Patrice X..., du dénigrement de sa hiérarchie et notamment de sa compétence et de la réitération de tels faits malgré les nombreuses mises en garde et sanctions adressées au salarié, est établie par les nombreuses pièces versées aux débats par l'employeur, mais également par les lettres adressées par Patrice X... au Conseil d'Administration de l'Association que ce dernier produit ;
Que la réitération de tels faits, qui en eux-mêmes présentent une réelle gravité, et ce malgré les mises en garde et les sanctions prononcées à l'encontre du salarié par l'Association démontre que les relations salariales étaient de plus en plus obérées, cette situation rendant impossible le maintien du lien salarial même pendant la période du préavis ;
Que le licenciement pour faute grave apparaît donc tout à fait justifié ;
Qu'en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était justifié par une faute grave ;
Sur les demandes de Patrice X...
Que Patrice X... ne pouvait prétendre, la faute grave les excluant, au paiement du salaire correspondant à la mise à pied, au préavis, ainsi qu'à l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Que compte tenu de ce qui précède, il ne pouvait non plus réclamer des dommages et intérêts ni pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ni pour irrégularité de la procédure de licenciement ;
Qu'en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que Patrice X..., qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel et débouté de la demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de condamner Patrice X... à verser à l'Association de Gestion de Formation Professionnelle une indemnité de 500 euros sur le même fondement ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR ,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Au fond,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Patrice X... aux dépens d'appel,
Déboute Patrice X... de la demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne Patrice X... à verser à l'Association de Gestion de Formation Professionnelle une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER : LE PRESIDENT :