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19/12/2007 | FRANCE | N°06/02352

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre sociale, 19 décembre 2007, 06/02352


ARRET

No

SA BM CHIMIE

C/

X...

FB/DAR.

COUR D'APPEL D'AMIENS

5ème chambre sociale cabinet B

PRUD'HOMMES

ARRET DU 19 DECEMBRE 2007

*************************************************************

RG : 06/02352

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES d'HIRSON en date du 13 septembre 2004

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE ET INTIMEE

SA BM CHIMIE

Cap West

7/9, Allée de l'Europe

92615 CLICHY CEDEX

Représentée, concluant et plaidant par Me Estelle BATAILLER, avocat au barreau d

e PARIS.

ET :

APPELANT ET INTIME

Monsieur Etienne X...

...

88200 REMIREMONT

Représenté, concluant et plaidant par Me Christophe SORY, avocat au barreau de LIL...

ARRET

No

SA BM CHIMIE

C/

X...

FB/DAR.

COUR D'APPEL D'AMIENS

5ème chambre sociale cabinet B

PRUD'HOMMES

ARRET DU 19 DECEMBRE 2007

*************************************************************

RG : 06/02352

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES d'HIRSON en date du 13 septembre 2004

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE ET INTIMEE

SA BM CHIMIE

Cap West

7/9, Allée de l'Europe

92615 CLICHY CEDEX

Représentée, concluant et plaidant par Me Estelle BATAILLER, avocat au barreau de PARIS.

ET :

APPELANT ET INTIME

Monsieur Etienne X...

...

88200 REMIREMONT

Représenté, concluant et plaidant par Me Christophe SORY, avocat au barreau de LILLE.

DEBATS :

A l'audience publique du 26 Septembre 2007 ont été entendus les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives devant Mme DARCHY, Président de chambre, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du nouveau Code de procédure civile sans opposition des parties qui a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 14 novembre 2007 pour prononcer l'arrêt par mise à disposition au greffe de la copie.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DARCHY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, cabinet B de la Cour composée en outre de :

Mme SEICHEL, Conseiller,

Mme LECLERC-GARRET, Conseiller,

qui en a délibéré conformément à la loi.

A l'audience publique du 14 novembre 2007, la Cour a décidé de prolonger le délibéré et a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 19 décembre 2007 pour prononcer l'arrêt.

PRONONCE :

A l'audience publique du 19 Décembre 2007, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme DARCHY, Président de chambre et Mme LEROY, Greffier, présente lors du prononcé.

*

* *

DECISION :

Vu le jugement rendu le 13 septembre 2004 par le Conseil de Prud'hommes d'HIRSON qui a :

- constaté que la S.A. BM CHIMIE vient aux droits de la S.A. INNOCENTI ROYER,

- condamné la S.A . BM CHIMIE à verser à Etienne X... les sommes de :

• 37.689,21 € à titre de rappel de salaire,

• 53.904,44 € à titre d'indemnité de préavis,

• 32.342,66 € à titre d'indemnité de licenciement,

avec intérêt au taux légal à compter du 30.01.1995, date de réception par la défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes de VALENCIENNES, ces condamnations étant exprimées en brut et l'exécution devant s'effectuer en net sur présentation des bulletins de salaire,

• 291.084,32 € à titre d'indemnité contractuelle,

• 53.904,44 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêt au taux légal à compter du jugement,

• 4.573 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- condamné la S.A. BM CHIMIE au remboursement des indemnités de chômage perçues par Etienne X... dans la limite de 6 mois.

Vu les appels interjetés le 25 octobre 2004 par la S.A. BM CHIMIE et par Etienne X... de cette décision notifiée par le greffe le 30 septembre 2004 ;

Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience du 26 septembre 2007 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés devant la Cour;

Vu les conclusions enregistrées au greffe, soutenues à l'audience, par lesquelles la S.A. BM CHIMIE demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé condamnation contre elle, de débouter Etienne X... de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en faisant essentiellement valoir:

- que si Etienne X... bénéficiait d'une clause de garantie d'emploi dans ses fonctions actuelles, cette clause ne pouvait imposer à l'employeur le maintien à l'identique de Etienne X... dans ses fonctions pendant 10 ans (nombre d'années le séparant de l'âge de la préretraite), sans tenir compte de l'évolution de la société, notamment de sa croissance et de l'augmentation du nombre de salariés,

- qu'il a été proposé à Etienne X... de devenir l'un des responsables du service comptable, à l'instar de plusieurs autres salariés et que dans le cadre du poste qui lui était proposé, ses fonctions étaient très proches de celles qu'il avait occupées au sein de la société Transports Cyrille et surtout il ne lui était enlevé aucune responsabilité et son salaire était maintenu à l'identique,

- qu'en refusant tout aménagement de ses conditions de travail, Etienne X... s'est de fait dispensé de toute prestation de travail,

- que l'employeur ne pouvant le maintenir à son poste initial de chef comptable, ce poste ayant disparu du fait de la réorganisation de la société, il l'a à bon droit et sans méconnaître la clause de garantie d'emploi, muté sur un poste de même nature, avec des fonctions équivalentes et à un niveau de rémunération constant,

- que dans ces conditions, le refus de Etienne X... qui avait une clause de mobilité, de se présenter sur son nouveau lieu de travail ne pouvait être justifié par la clause de garantie d'emploi et c'est dès lors à juste titre qu'il a été licencié pour faute grave,

- subsidiairement, que la somme réclamée au titre de cette garantie est excessive dès lors que cette garantie n'était prévue que jusqu'à "l'âge" de la préretraite,

- que compte tenu du refus persistant de Etienne X... d'accepter toute mutation, refus fautif, assimilable à un abandon de poste, ses demandes sont injustifiées, étant toutefois ajouté que l'indemnité contractuelle de licenciement et l'indemnité contractuelle de préavis, cette dernière fixée à 12 mois, sont assimilables à des clauses pénales susceptibles de réduction ;

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 27 mars 2006, reprises à l'audience, par lesquelles, contestant et réfutant les moyens et l'argumentation de l'employeur, Etienne X... demande à la Cour de condamner la Société BM CHIMIE à lui payer avec intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes, les sommes de :

- 37.689,21 € à titre de rappel de salaire,

- 53.904,45 € à titre de préavis,

- 32.342,67 € à titre d'indemnité conventionnelle,

- 291.084,32 € à titre d'indemnité contractuelle,

- 53.904,45 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

- 980.028,23 € au titre de la garantie d'emploi,

- 50.000 € à titre de préjudice moral,

- 6.075 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

en faisant principalement valoir :

- que le repreneur n'avait pas l'intention de le conserver à l'effectif et la dégradation de la situation qui lui a été réservée s'est manifestée par une rétrogradation dans ses fonctions et des agissements de harcèlement,

- que depuis le 9 avril 2002 aucune possibilité ne lui a été donnée de reprendre son poste, de sorte qu'il s'est trouvé définitivement écarté de la société ,

- que la modification de son contrat de travail, qu'il a refusée, ne comportait pas seulement une modification du lieu de travail mais également une rétrogradation et à tout le moins une modification de la nature de l'emploi,

- qu'ainsi il ressort de son bulletin de salaire qu'il a été déclassé à un emploi de chef de bureau, et a été relégué à un poste subalterne avant d'être exclu de l'entreprise,

- qu'il était parfaitement en droit de refuser des modifications substantielles de son contrat de travail sans que son refus caractérise un comportement fautif,

- qu'en outre l'employeur a méconnu l'obligation qu'il avait de maintenir son pouvoir d'achat, son salaire n'ayant pas été revalorisé depuis 1991,

-que son licenciement lui a causé un important préjudice, notamment moral compte tenu des agissements de harcèlement dont il a été victime et de la plainte pénale que l'employeur a déposé contre lui, qui a abouti à une relaxe,

- que compte tenu de son ancienneté, de ses divers préjudices, de la méconnaissance par l'employeur de ses obligations, notamment contractuelles, ses demandes sont justifiées ;

SUR CE :

Attendu que Etienne X... a été engagé le 20 mai 1977 par la Société Transports Cyrille en qualité de comptable, ses attributions étant ainsi définies :

"Comptabilité générale :

-toutes les opérations depuis la passation des écritures jusqu'à l'établissement de la balance générale, des bilans, comptes d'exploitation, inventaires et stocks,

- toutes déclarations et tous calculs fiscaux et sociaux,

- suivi de toutes les opérations de contrôle par les administrations fiscales et sociales,

- prévisions de travaux et liaison avec les offres et...

- présentation annuelle de la comptabilité au commissaire au compte".

Attendu qu'en ce qui concerne la rémunération, la lettre d'engagement indiquait :

"Vous bénéficierez d'un salaire mensuel brut de 4.400 F ainsi que le 31 décembre de chaque année d'un 13ème mois et le 31 mars de chaque année d'un quatorzième mois (prime de bilan)" ;

Attendu qu'un avenant au contrat de travail était signé le 27 mai 1977 indiquant :

"Nous nous engageons en cas de licenciement ou de rupture de notre fait de votre contrat de travail, sauf faute lourde, à ajouter aux droits et indemnités auxquelles vous pourriez prétendre une indemnité complémentaire égale au dixième de votre rémunération annuelle par année de présence (les avantages annexes à votre contrat de travail devant être inclus dans le calcul).

Cette indemnité sera doublée si le licenciement intervenait dans les 3 années suivant un changement de majorité de notre capital social actuellement contrôlé par la Société Lesaffre et Cie (Groupe Lesaffre).

Elle serait doublée si elle intervenait après votre 45 ème anniversaire et dans les deux cas, si la majorité du capital social actuellement contrôlé par Lesaffre et Cie (Groupe Lesaffre) venait à changer de mains.

En cas de rupture du contrat de travail votre préavis sera de 6 mois et de 12 au cas où la majorité du capital social actuellement contrôlé par Lesaffre et Cie (Groupe Lesaffre) changeait de mains".

Attendu que, alors que Etienne X... qui travaillait à MARCQ EN BAREUIL (Nord) avait été promu chef comptable, la société Transports Cyrille était cédée par le Groupe Lesaffre auquel elle appartenait, à la société des Transports ROYER dont le siège social était à FAGNIERES (51), par accord du 27.09.2001 ;

Attendu que cet accord qui prévoyait la cession des actions, notamment celles des consorts X... (l'entreprise étant dirigée par Monsieur Charles X..., frère d'Etienne X...), indiquait en ce qui concerne le personnel :

"La reprise du personnel avec tous ses droits et avantages constitue aux yeux des vendeurs un élément essentiel du présent accord.

La société acquéreuse des titres Transports Cyrille ou toute société qui viendrait à lui succéder, s'engage à maintenir lesdits droits et avantages et à faire évoluer les rémunérations de façon normale, c'est-à-dire à garantir au minimum le maintien du pouvoir d'achat.

Il est spécialement convenu...

b) que Monsieur Etienne X..., chef comptable, travaillant à MARCQ EN BAREUIL et Madame.... bénéficieront d'une garantie d'emploi dans leurs fonctions actuelles jusqu'à l'âge de la préretraite, à moins que les conditions soient telles que la société ROYER et Cie propose à Monsieur Etienne X... ou à Madame... un autre accord qu'ils acceptent.

Le lieu de travail de Monsieur Etienne X... pourra être modifié, celui de Madame A... ne devrait normalement pas l'être".

Attendu qu'en janvier 1992, il était demandé à Etienne X... qui avait été muté à THIANT, de transférer la comptabilité à FAGNIERES (51) ;

Attendu que suite au rapprochement des sociétés INNOCENTI et ROYER, une réorganisation de l'entreprise était décidée prévoyant le regroupement à CHALONS SUR MARNE des centres administratifs, comptables et informatiques ;

Attendu qu'après échange entre les parties d'un abondant courrier, Etienne X... se disant victime de harcèlement et estimant manquer de garantie quant au maintien de son emploi, de ses fonctions, de ses droits et avantages, son employeur lui écrivait le 09 avril 1992 :

"C'est avec mon accord qu'à compter du 15 avril 1992 vous êtres dispensé de vous rendre à THIANT et ce jusqu'au 3 août 1992, date prévue de votre arrivée à FAGNIERES";

Attendu que la société ROYER était absorbée avec effet au 1er octobre 1992 par la Société INNOCENTI et devenait la Société INNOCENTI-ROYER ;

Attendu que le 21 février 1994, le siège social de la société était transféré de FAGNIERES (51) à LE PONTET dans le Vaucluse ;

Attendu que l'échange de correspondances ayant persisté entre les parties et après des discussions l'employeur écrivait à Etienne NOEL le 14 avril 1994 :

"Je vous rappelle que le 21 janvier 2004, nous vous avons fait connaître votre mutation à un poste de responsable de la section Comptabilité Client au PONTET et ce à compter du 1er février 1994.

Vous n'avez pas cru déférer à cette mutation.

Nous vous mettons par la présente en demeure de vous présenter dans nos bureaux au PONTET pour prendre vos fonctions le lundi 2 mai prochain à 9 heures.

Il s'agit là de notre dernière mise en demeure d'avoir à occuper votre poste".

Attendu que Etienne X... n'ayant pas déféré à cette mise en demeure, il était convoqué par lettre en date du 3 mai 1994 à un entretien préalable au licenciement, entretien fixé au 11 mai 1994 ; qu'il était licencié pour faute grave par une lettre en date du 16 mai 1994 ainsi rédigée :

"Nous vous reprochons de ne pas avoir repris votre activité de chef comptable, le 2 mai 1994 à 9 heures, comme nous vous l'avions spécifié par notre courrier du 14 avril 1994.

Nous avons été contraints d'embaucher une autre personne pour pallier votre absence";

Attendu que contestant son licenciement intervenu selon lui en violation de la clause de garantie d'emploi dont il bénéficiait et soutenant que son employeur avait voulu lui imposer une modification substantielle de son contrat de travail qu'il était en droit de refuser, Etienne X... a saisi de diverses demandes le Conseil de Prud'hommes qui a statué dans les termes ci-dessus indiqués par un jugement en date du 13 septembre 2004 dont il a été régulièrement interjeté appel;

Attendu qu'en vertu de l'accord du 27 septembre 1991 concernant la cession de la S.A. Transports Cyrille à la Société ROYER, Etienne X..., devenu chef comptable, bénéficiait d'une garantie d'emploi dans ses "fonctions actuelles jusqu'à l'âge de la préretraite", assortie d'une clause de mobilité puisqu'il y était précisé que son lieu de travail pourrait être modifié ;

Attendu que cette garantie d'emploi assurée jusqu'à l'âge de la préretraite devait assurer au salarié la garantie de son emploi durant cette période, sauf cas de faute grave ou force majeure;

Attendu que Etienne X... ayant été licencié durant cette période de garantie d'emploi, il convient de rechercher à qui en incombe le non-respect ;

Attendu qu'en présence d'une clause de mobilité indissociable de la garantie d'emploi, l'employeur ne peut se voir reprocher d'avoir proposé à Etienne X... un poste d'abord à FAGNIERES (51), puis à LE PONTET (84), ces propositions s'inscrivant dans le cadre de la nécessaire réorganisation de l'entreprise à la suite des cessions d'actions et de sociétés ;

Attendu qu'initialement Etienne X... avait été embauché comme comptable ; que ses fonctions relevaient, selon la lettre d'engagement du 20 mai 1977 valant contrat de travail, de la comptabilité générale ;

Attendu qu'il est devenu chef comptable sans que ses nouvelles fonctions aient été contractuellement définies ; qu'elles ont cependant été nécessairement élargies par rapport à ses fonctions initiales ;

Attendu que la mention "Chef de bureau" apposée sur les bulletins de salaire après la cession est insuffisante à établir qu'il aurait été déclassé, son salaire ayant été maintenu ;

Attendu que les instructions qui lui ont été adressées le 17 mars 1992 et le 18 mars 1992 par notes écrites ayant pour objet l'attribution d'un bureau, l'exécution d'une mission précise, les horaires, les absences, une formation, ne peuvent être analysées comme des actes de harcèlement, Etienne X... étant en effet soumis en raison du lien salarial au pouvoir de direction de l'employeur et aucun élément objectif ne permettant de retenir qu'il se serait vu imposer des conditions de travail dégradantes ou incompatibles avec l'exécution de ses fonctions;

Attendu que Etienne X... ne peut davantage se dire victime d'une mise à l'écart alors que c'est à la suite d'un échange de courriers entre les parties concernant ses fonctions au sein de la société ROYER, que celle-ci lui a écrit le 9 avril 1992, révélant ainsi l'existence d'un accord : "C'est avec mon accord qu'à compter du 15 avril 1992 vous êtes dispensé de vous rendre à THIANT et ce jusqu'au 3 août 1992 date prévue de votre arrivée à FAGNIERES. J'ai pris bonne note que vous prendrez vos congés en Juillet à des dates qu'il vous reste à m'indiquer".

Attendu que dès le 16 avril 1992, l'employeur adressait à Etienne X... une proposition à laquelle celui-ci n'a répondu que le 20 mai 1992 en réclamant des avantages nullement prévus par les clauses de garantie d'emploi et de mobilité : location d'un logement, prise en charge de frais de transport ;

Attendu que la liste des tâches à charge des différents services comptables adressée par l'employeur à Etienne X... jointe à la proposition du 16 avril 1992 n'est aucunement incompatible avec des fonctions de chef comptable et relève de ces fonctions ;

Attendu en outre qu'il résulte d'un courrier en date du 5 juin 1992 de Etienne X... qu'un entretien a eu lieu avec l'employeur le 22 mai 1992 où il lui aurait été proposé les fonctions suivantes :

- facturation,

- comptabilité clients,

- recouvrement clients,

- clients (et tractionnaires) douteux et interdits,

fonctions relevant des compétences d'un chef comptable ;

Attendu que dans ce courrier Etienne X... qui n'y a pas invoqué un déclassement, a soumis son acceptation à des conditions fixées par lui : prise en charge par l'employeur d'un logement, de frais de transport, insertion d'une clause prévoyant, en cas d'échec dans ses nouvelles fonctions, son retour dans son poste occupé à la date de cession de l'entreprise ;

Attendu que l'employeur a répondu à ses courriers de réclamations portant sur sa rémunération, ses salaires, sa prime de bilan, ses bulletins de salaire...; que Etienne X... n'a pas considéré ses reproches à ces divers titres suffisamment sérieux pour justifier la rupture puisque à aucun moment il n'a pris acte de la rupture, ni même envisagé de le faire.

Attendu qu'après de longues discussions, et un entretien le 20 janvier 2004 à MARCQ EN BAREUIL, l'employeur écrivait le 21 janvier 2004 à Etienne X... :

"L'ensemble des services comptables et administratifs de la société sont centralisés au PONTET (Vaucluse) et nous stoppons toutes activités comptables tant à FAGNIERES que dans tout autre centre.

En conséquence, je vous propose une mutation à un poste de responsable de la section Comptabilité Client au PONTET, sous la direction de Monsieur Franck B..., à compter du 1er février 1994.

Conformément à nos accords, via la Société Lesaffre, nous maintiendrons votre rémunération actuelle".

Attendu que Etienne X... rappelait alors ses courriers antérieurs et faisait part de sa méfiance à l'égard de son employeur compte tenu de son attitude dans la relation contractuelle;

Attendu qu'après un nouvel échange de correspondance, l'employeur mettait en demeure Etienne X..., par courrier du 14 avril 1994, de se présenter pour prendre ses fonctions le lundi 2 mai 1994 ;

Attendu que si la garantie accordée à Etienne X... était de le maintenir dans ses fonctions actuelles, les fonctions qui lui étaient proposées, précisément décrites par l'employeur, relevaient de la compétence d'un chef comptable expérimenté, peu important la terminologie employée pour qualifier le poste ;

Attendu que cette garantie qui visait à assurer la stabilité de l'emploi du salarié, ne pouvait avoir pour effet de figer la situation, d'autant que la cession des actions et de l'entreprise à une autre société qui avait déjà des services administratifs et comptables, allait nécessairement entraîner une réorganisation de ces services dans lesquels Etienne X..., bénéficiant d'une garantie d'emploi, devait être incorporé ;

Attendu que dès lors que les fonctions confiées à Etienne X... relevaient de sa qualification de chef comptable et ne différaient pas réellement et fondamentalement de celles exercées auparavant, il n'y avait pas changement de ses fonctions actuelles ;

Attendu que s'il bénéficiait d'une garantie d'emploi, il n'était pas aux termes de l'accord du 24 septembre 1991 autorisé à poser ses conditions, et les doutes émis dans ses courriers quant à son avenir et à son poste ne relevaient en l'état que du procès d'intention ;

Attendu d'ailleurs que dans ses derniers courriers, il n'alléguait nullement une modification de son contrat de travail ;

Attendu que n'ayant pas rejoint le poste qui lui avait été proposé à l'issue de longues discussions, le non respect de la clause de garantie d'emploi lui est donc imputable ;

Attendu que dans ces conditions son refus d'occuper le poste proposé était constitutif d'une faute grave justifiant son licenciement immédiat ;

Attendu en effet que l'employeur ne pouvait conserver davantage, même pendant la durée limitée du préavis, un salarié qui, sans motif légitime, refusait d'occuper son poste, faisant ainsi preuve d'insubordination ;

Attendu en conséquence que Etienne X... doit être débouté de ses demandes d'indemnité de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages intérêts pour non respect de la garantie d'emploi ;

Attendu que dans le contexte ci-dessus exposé, les agissements de l'employeur ne peuvent être considérés comme fautifs, ni constitutifs de harcèlement ; qu'il n'est pas établi que la plainte pénale invoquée par Etienne X... à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ait été portée avec intention de nuire ou relève au regard des circonstances de l'espèce d'un abus de droit ; que dès lors le salarié doit être débouté également de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Attendu que dans l'accord du 27 septembre 2001, la Société ROYER s'était engagée à faire évoluer les rémunérations du personnel repris "de façon normale, c'est-à-dire à garantir au minimum le maintien du pouvoir d'achat" ;

Attendu que cet accord ne précisait nullement le mode de calcul de la réévaluation du salaire ;

Attendu que Etienne X... prétend que son salaire n'a pas été revalorisé depuis 1991 ;

Attendu que le coefficient de revalorisation qu'il applique de son propre chef au soutien de sa demande de rappel de salaire, obtenu en se fondant sur la revalorisation du plafond de sécurité sociale, sur la même période soit 11,15 %, ne saurait être retenu dès lors qu'il ne correspond pas à la perte d'un pouvoir d'achat dont l'intéressé ne justifie par aucun élément de référence ou de comparaison ; que dans son courrier du 20 novembre 1993, il n'allègue d'ailleurs qu'une diminution de sa rémunération nette ;

Attendu que la prime du 14ème mois, était une prime de bilan payable le 31 mars ; que la prime du bilan arrêté en 1991 a été versée en 1992 ; que l'employeur ne justifie pas avoir versé celles de 1992 et de 1993 ; que Etienne X... ayant été licencié le 16 mai 1994, il ne peut revendiquer une prime de bilan 1994 ;

Attendu qu'il convient donc de lui allouer la somme de 39.160F, soit 5.969,90 €, au titre des primes de bilan 1992 et 1993 et des congés payés y afférents ;

Attendu qu'aucune pièce justificative n'est produite au soutien de la demande relative aux avantages en nature ;

Attendu que Etienne X... ne s'explique pas sur sa demande de salaire concernant le mois de mai 1994 alors qu'il verse aux débats une fiche de salaire couvrant la période du 1er mai 2004 au 16 mai 2004 ; que le 13ème mois étant payable le 31 décembre de l'année et Etienne X... ayant été licencié le 16 mai 2004, il ne peut prétendre au paiement du 13ème mois 1994, n'étant plus présent dans l'entreprise los du paiement de ce 13ème mois ;

Attendu que l'avenant du 27 mai 1977 prévoyait en cas de licenciement, sauf faute lourde du salarié, non retenue en l'espèce, ni d'ailleurs alléguée, d'une indemnité contractuelle de licenciement;

Attendu que si cette indemnité pouvait être doublée si le licenciement intervenait après le 45 ème anniversaire du salarié et s'il intervenait dans les 3 ans de la cession, l'avenant ne fait état que d'un doublement et non d'un triplement, de sorte qu'il ne peut être appliqué deux fois un doublement ;

Attendu dans ces conditions qu'il convient d'allouer de ce chef à Etienne X... qui avait 17 années d'ancienneté la somme de 847.820 F, soit 129.167 € ;

Attendu que les sommes ainsi alloués porteront intérêt au taux légal à compter du 30 janvier 1995 date de réception par la société INNOCENTI ROYER de sa convocation en conciliation ;

Attendu que succombant pour partie la Société BM CHIMIE sera déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, réglera de ce chef à Etienne X... la somme de 1.000 € pour l'ensemble de la procédure et supportera les dépens de 1ère instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels réguliers en la forme,

Au fond,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Etienne X... repose sur une faute grave,

Condamne la Société BM CHIMIE venant aux droits de la SA INNOCENTI ROYER à payer à Etienne X... les sommes de:

- 5.969,90 € à titre de rappel de salaire, (primes de bilan et congés payés y afférents)

- 129.167 € à titre d'indemnité contractuelle de licenciement,

ces sommes avec intérêt au taux légal à compter du 30 janvier 1995,

- 1.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Société BM CHIMIE venant aux droits de la Société INNOCENTI ROYER aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER : LE PRESIDENT :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06/02352
Date de la décision : 19/12/2007
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 24 mars 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 mars 2010, 08-40.913, Inédit

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Hirson, 13 septembre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2007-12-19;06.02352 ?
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