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16/09/2022 | FRANCE | N°21/02014

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Tarification, 16 septembre 2022, 21/02014


ARRET

N° 146





S.A.S. [3]





C/



CARSAT DES PAYS DE LA LOIRE













COUR D'APPEL D'AMIENS



TARIFICATION





ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2022



*************************************************************



N° RG 21/02014 - 22/01362 et 22/01975



DECISION DE LA CARSAT PAYS DE LA LOIRE EN DATE DU 01 janvier 2020





PARTIES EN CAUSE :





DEMANDEUR





S.A.S.

[3] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]





Représentée et plaidant par Me Agathe MARCON, avocat au barreau de PARIS substituant Me Corinne POTIER, avocat au barreau de PAR...

ARRET

N° 146

S.A.S. [3]

C/

CARSAT DES PAYS DE LA LOIRE

COUR D'APPEL D'AMIENS

TARIFICATION

ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2022

*************************************************************

N° RG 21/02014 - 22/01362 et 22/01975

DECISION DE LA CARSAT PAYS DE LA LOIRE EN DATE DU 01 janvier 2020

PARTIES EN CAUSE :

DEMANDEUR

S.A.S. [3] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et plaidant par Me Agathe MARCON, avocat au barreau de PARIS substituant Me Corinne POTIER, avocat au barreau de PARIS

ET :

DÉFENDEUR

CARSAT DES PAYS DE LA LOIRE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et plaidant par Mme Nadia MELLOULT dûment mandatée

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 Avril 2022, devant M. Renaud DELOFFRE, Président assisté de M. OUTREBON et M. HASSANI, assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la Première Présidente de la Cour d'appel d'Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.

[D] [O] a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 16 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mélanie MAUCLERE

PRONONCÉ :

Le 16 Septembre 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Renaud DELOFFRE, Président et Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

Monsieur [H] [B] a travaillé pour le compte de la Société [3] du 4 juillet 1957 au 31 octobre 1993 en qualité d'ajusteur puis de mécanicien pneumaticien hydraulicien, de chef d'équipe de maintenance, de chef de secteur qualité et enfin d'agent de maîtrise.

Monsieur [B] a établi en date du 24 novembre 2017 une déclaration de maladie professionnelle relative à une pathologie relevant du tableau 30 bis, à savoir un cancer broncho pulmonaire, dont les incidences financières ont été imputées sur le compte employeur 2018 de la Société [3].

Par courrier du 2 mai 2018, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Sarthe a notifié à la Société [3] sa décision de prise en charge de cette maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.

A la suite de la réception de son taux de cotisation 2020 la Société [3] a, par acte délivré le 28 février 2020 à la CARSAT Pays de la Loire demandé à titre principal à la Cour de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du contentieux général concernant l'opposabilité de la maladie professionnelle de Monsieur [B] à son encontre et, à titre subsidiaire, d'ordonner l'inscription sur le compte spécial des incidences financières de la maladie professionnelle déclarée le 17 novembre 2017 par Monsieur [B] sur le fondement des dispositions des articles 2 2° et 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995.

Cette affaire a été enregistrée sous la référence RG 20/02202.

Compte tenu du contexte sanitaire et des mesures de confinement imposées par le Gouvernement, l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoirie du 26 juin 2020.

Lors de l'audience du 26 juin 2020 la Société [3] a sollicité le retrait du rôle de son affaire.

C'est dans ces conditions que par ordonnance du 26 juin 2020 la Magistrate déléguée a ordonné le retrait du rôle de l'affaire à la demande de la société.

Puis, cette affaire a été réinscrite au rôle de l'audience du 29 avril 2022 à la demande de la société [3] sous le numéro 21/02014.

Par courrier du 1er janvier 2021, la CARSAT Pays de la Loire a notifié à la Société [3] son taux de cotisation AT/MP au titre de l'exercice 2021, lequel prend en compte les conséquences financières de la maladie professionnelle déclarée le 24 novembre 2017 par Monsieur [B].

Par acte délivré le 16 février 2022 à la CARSAT Pays de la Loire pour l'audience du 29 avril 2022 , la société [3] sollicite l'imputation sur le compte spécial des incidences financières de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur [B] le 24 novembre 2017 sur le fondement des dispositions de l'article 2 3° et 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 et d'ordonner la révision des taux impactés par ce retrait.

Cette assignation a fait l'objet d'un double enrôlement sous les numéros 22/01362 et 22/01975.

Par conclusions numéro 2 visées par le greffe à l'audience du 29 avril 2022 et soutenues oralement par son avocate, la société [3] réitère les prétentions résultant de son assignation du 16 février 2022.

Elle fait valoir que :

Sur la demande d'imputation au compte spécial des frais de la maladie de Monsieur [B] sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article 2 de l'arrêté .

En droit, l'article 2 alinéa 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 prévoit que les dépenses afférentes à une maladie professionnelle sont inscrites au compte spécial si cette maladie professionnelle :

« a fait l'objet d'une première constatation médicale postérieurement à la date d'entrée en vigueur du tableau la concernant, mais la victime n'a été exposée au risque de cette maladie

professionnelle qu'antérieurement à la date d'entrée en vigueur dudit tableau. »

La date d'entrée en vigueur du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles est le 19 juin 1985 (Cass. Ass. Plén., 12 juillet 2013, n°11-18.735 ; Cass. civ. 2, 28 novembre 2013, n° 11-18.734 et n° 11-18.373).

En l'espèce, il résulte de l'enquête mise en oeuvre par la CPAM que Monsieur [B] a exercé différentes activités au sein de la Société [3], dont celles de chef d'équipe en maintenance, chef du secteur qualité et d'agent de maîtrise à compter de 1971.

Pièce 3

Ainsi, Monsieur [B] a cessé d'être exposé au risque lié à l'inhalation de poussières d'amiante en 1971, date à laquelle il a exercé des fonctions de responsable qualité.

En l'état d'une exposition au risque exclusivement antérieure au 19 juin 1985, les frais relatifs à la maladie de Monsieur [B] doivent être inscrits au compte spécial, conformément aux dispositions de l'article 2 alinéa 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995

Sur la multi-exposition de Monsieur [B] au risque allégué

En droit, selon l'article 2, 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995, sont imputés au compte spécial les frais de la maladie professionnelle d'un assuré exposé « au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie ».

En l'espèce, la Société [3] a indiqué dans le cadre de l'enquête mise en oeuvre par la CPAM que Monsieur [B] a travaillé au sein de la Marine Nationale du 15 avril 1955 au 31 mai 1957 en qualité de mécanicien. Pièce 3

Une étude récente a relevé un risque très supérieur de survenue d'une affection liée à l'amiante chez le personnel de la Marine Nationale (de l'ordre de 6.9). Pièce 8

Ainsi, Monsieur [B] a été exposé au risque à l'origine de sa maladie chez un précédent employeur de sorte que les dispositions de l'article 2 alinéa 4 de l'arrêté du 16 octobre 1995 doivent s'appliquer.

Par conséquent, il est demandé à la Cour d'imputer au compte spécial, par application de l'article 2 alinéa 4 de l'arrêté du 16 octobre 1995, les frais relatifs à la maladie de Monsieur [B].

Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 25 avril 2022 et soutenues oralement par sa représentante, la CARSAT DES PAYS DE LA LOIRE demande à la Cour de :

Prononcer la jonction du présent recours avec les recours enregistrés sous les références RG 20/02202 et 21/02014 ;

constater que la date de première constatation médicale de la maladie professionnelle de Monsieur [H] [B] déclarée le 24 novembre 2017 a été fixée par le Médecin-conseil de la CPAM au 4 octobre 2017 ;

constater que la date d'entrée en vigueur du tableau du cancer broncho-pulmonaire, pathologie dont souffre Monsieur [H] [B], est le 19 juin 1985 ;

constater que Monsieur [H] [B] a été exposé au risque de sa pathologie jusqu'au 31 octobre 1993 ;

constater que la Société [3] est le dernier employeur ayant exposé Monsieur [H] [B] au risque de sa maladie professionnelle déclarée le 24 novembre 2017 ;

constater que la Société [3] ne justifie pas que Monsieur [H] [B] a été exposé au risque de sa maladie professionnelle déclarée le 24 novembre 2017 au sein d'autres entreprises ;

Et, en conséquence de :

dire et juger que les deux conditions cumulatives d'application de l'article 2 2° et de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 ne sont pas remplies ;

dire et juger que c'est à bon droit que la CARSAT Pays de la Loire a inscrit et maintenu sur le compte employeur (le la Société [3] les incidences financières de la maladie professionnelle de Monsieur [H] [B] déclarée le 24 novembre 2017 ;

- rejeter le recours de la Société [3].

Elle fait valoir que :

L'inscription au compte spécial des incidences financières d'une maladie professionnelle sur le fondement des dispositions de l'article 2 2° de l'arrêté dul6 octobre 1995 suppose la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir :

la date de première constatation médicale de la maladie doit être postérieure à la date d'entrée en vigueur du tableau dont elle relève ;

la victime ne doit avoir été exposée au risque de sa maladie qu'antérieurement à la date d'entrée en vigueur de ce tableau.

En l'espèce, la Société [3] sollicite le retrait de son compte employeur des incidences financières de la maladie professionnelle de Monsieur [B] déclarée 24 novembre 2017 et leur inscription au compte spécial en application des dispositions de l'article 2 2° de l'arrêté du 16 octobre 1995 précitées.

Le 24 novembre 2017, Monsieur [B] a déclaré une maladie professionnelle relative à une pathologie relevant du tableau 30 bis, cancer broncho pulmonaire, dont la date de première constatation médicale été fixée par le Médecin-conseil de la CPAM au 4 octobre 2017. (Pièce adverse n° I et pièce n° I)

La date d'entrée en vigueur du tableau de la pathologie dont souffre Monsieur [B] est le 19 juin 1985, ce qui n'est pas contesté en l'espèce.

Il ne fait donc aucun doute en l'espèce que la première condition posée par le 2° de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 est valablement remplie.

En revanche, et contrairement à ce que soutient la Société [3], la seconde condition posée par le texte n'est pas valablement remplie puisque Monsieur [B] a été exposé au risque de sa maladie postérieurement au 19 juin 1985.

Pour s'en convaincre, il convient en effet de se référer à la synthèse de l'enquête administrative de la CPAM qui fixe la date de cessation d'exposition de Monsieur [B] au risque de sa maladie au 31 octobre 1993. (Pièce n° I précitée).

Il résulte de ce qui précède que Monsieur [B] a bien été exposé au risque de sa pathologie antérieurement et postérieurement à la date d'entrée en vigueur du tableau de sa maladie professionnelle le 19 juin 1985 de sorte que les deux conditions cumulatives posées par le 2° de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 ne sont pas valablement remplies.

La Société [3] sollicite également le retrait de son compte employeur des incidences financières de la maladie professionnelle déclarée le 24 novembre 2017 par Monsieur [B] sur le fondement des dispositions de l'article 2 4°° de l'arrêté du 16 octobre 1995.

A ce stade, il convient de préciser que pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995, la Cour de cassation a précisé qu'une maladie devait être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve que la victime a été exposée chez un précédent employeur. (Pièce n° 2 : Cour de cassation, 2ème civ, 22 novembre 2005, n° 04-11.447)

Cette position a été réitérée dans un arrêt en date du 7 mai 2014 dans lequel la Cour de cassation a rappelé que pour exiger l'inscription d'une maladie professionnelle au compte spécial, le dernier employeur devait rapporter la preuve que la victime avait également été exposée au risque chez ses employeurs précédents. (Pièce n° 3 : Cour de cassation, 2ème civ, 7 mai 2014, n° 13-14.018)

Il incombe dès lors au dernier employeur ayant exposé la victime au risque de la maladie déclarée, de prouver que la victime a été exposée au risque de sa maladie par un ou plusieurs autres employeurs.

La Cour se rallie à cette interprétation en indiquant :

« qu'il appartient donc à cette société de renverser la présomption d'imputabilité de la maladie à l'activité du salarié à son service en établissant que la victime a été exposée au risque chez d'autres employeurs ». (Pièce n° 4)

Au moment de la première constatation médicale de la maladie, le 4 octobre 2017, le dernier employeur ayant exposé Monsieur [B] au risque de sa pathologie est la Société [3] au sein de laquelle il a exercé son activité d'ajusteur puis de mécanicien pneumaticien hydraulicien, de chef d'équipe de maintenance, de chef de secteur qualité et enfin d'agent de maîtrise du 4 juillet 1957 au 31 octobre 1993.

Pour solliciter l'inscription au compte spécial des incidences financières de la maladie professionnelle déclarée le 24 novembre 2017 par Monsieur [B], la Société [3] se fonde sur un courrier qu'elle a adressé à la CPAM en date du 20 décembre 2017 dans le cadre de l'enquête administrative et dans lequel elle précise que son salarié a travaillé pour le compte de la Marine Nationale du 15 avril 1955 au 31 mai 1957 en qualité de mécanicien, affirmation dont elle ne justifie au demeurant pas. (Pièce adverse n°3)

Il est d'ailleurs intéressant de relever que sur sa déclaration de maladie professionnelle, Monsieur [B], ne fait pas état d'une période d'emploi au sein de la Marine Nationale.

La Société [3] ajoute qu'une étude récente a relevé un risque très supérieur de survenue d'une affection liée à l'amiante au sein du personnel de la Marine Nationale. (Pièce adverse n° 8)

La Société [3] déduit de ces éléments que Monsieur [B] aurait été exposé au risque de sa maladie lorsqu'il exerçait son activité de mécanicien pour le compte de la Marine Nationale.

En tout état de cause, l'étude versée aux débats par la Société [3] est un document de portée générale qui ne permet de pas démontrer que les conditions réelles d'exercice d'activité de Monsieur [B] l'ont bien exposé au risque de sa maladie.

Or, et ainsi qu'il a déjà été exposé, il appartient au dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, qui demande l'imputation au compte spécial de la maladie conformément aux dispositions de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 de rapporter la preuve que la victime a été exposée chez un précédent employeur.

À ce sujet, la Cour a précisé que :

« la seule référence à la liste des emplois de son salarié ne peut constituer une preuve de l'exposition au risque, en l'absence d'autres éléments, établissant en particulier les conditions de travail ». (Pièce n° 5)

Ainsi, les éléments produits par la Société [3] ne permettent pas de démontrer que les conditions réelles de travail de Monsieur [B] au sein de la Marine Nationale l'ont exposé au risque de sa pathologie ; elle ne se base en effet que sur de simples présomptions.

Il résulte donc de tout ce qui précède que c'est à bon droit que la CARSAT Pays de la Loire a maintenu sur le compte employeur de la Société [3] les incidences financières de la maladie professionnelle déclarée le 24 novembre 2017 par Monsieur [H] [B].

MOTIFS DE L'ARRET.

Attendu que les procédures 21/02014, 22/01362 et 22/01975 portant sur la même demande de retrait des coûts de la maladie de Monsieur [B] du compte employeur 2018 de la société [3] et sur les conséquences qu'il convient de tirer sur les taux de cotisations impactés du retrait ainsi sollicité, il s'ensuit qu'elles présentent un caractère de connexité qui en justifie la jonction.

Attendu que les articles D.242-6-5 alinéa 4 et D.242-6-7 alinéa 4 du code de la sécurité sociale [issus du décret n°2010-753 du 5 juillet 2010 fixant les règles de tarification des risques accidents du travail et maladies professionnelles (ci-après AT/MP)] prévoient que les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par un arrêté ministériel ne sont pas comprises dans la valeur du risque ou ne sont pas imputées au compte employeur mais sont inscrites à un compte spécial.

Qu'aux termes des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 (relatif à la tarification des risques accidents du travail et maladies professionnelles) pris pour l'application de l'article D.242-6-5 précité sont inscrites au compte spécial les maladies professionnelles dans les cas suivants:

1° La maladie professionnelle a fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er janvier 1947 et la date d'entrée en vigueur du nouveau tableau de maladies professionnelles la concernant ;

2° La maladie professionnelle a fait l'objet d'une première constatation médicale postérieurement à la date d'entrée en vigueur du tableau la concernant, mais la victime n'a été exposée au risque de cette maladie professionnelle qu'antérieurement à la date d'entrée en vigueur dudit tableau, ou la maladie professionnelle reconnue en application des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale a été constatée postérieurement au 29 mars 1993, mais la victime n'a été exposée au risque de cette maladie professionnelle qu'antérieurement au 30 mars 1993 ;

3° La maladie professionnelle a été constatée dans un établissement dont l'activité n'expose pas au risque mais ladite maladie a été contractée dans une autre entreprise ou dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de la sécurité sociale ;

4° La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie ;

5° La maladie professionnelle reconnue en application des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale a été constatée entre le 1er juillet 1973 et le 29 mars 1993.

Qu'il résulte notamment du 2° de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 que lorsque le tableau a fait l'objet de modifications successives notamment en ce qui concerne la désignation des maladies la date d'entrée en vigueur du tableau doit s'entendre de la date d'entrée en vigueur du texte intégrant la maladie litigieuse au tableau pour la première fois ( en ce sens les arrêts du 21 janvier 2016 de la 2ème Chambre civile n° de pourvoi: 15-13097 et n° de pourvoi: 15-13094 )

Attendu qu' il résulte des textes précités que s'agissant du cancer broncho-pulmonaire primitif, la date d'entrée en vigueur du tableau n'est pas celle du tableau 30 bis dans sa rédaction résultant du décret du 14 avril 2000 applicable au moment de la déclaration de la maladie et qui régissait les conditions de sa reconnaissance, avec un délai de prise en charge de 40 ans sous réserve d'une durée d'exposition de 10 ans et avec une liste limitative des travaux, mais le tableau 30 E dans sa rédaction résultant du décret du 19 juin 1985 dans lequel la maladie est apparue pour la première fois et aux termes duquel il était prévu un délai de prise en charge de 15 ans sans délai minimal d'exposition et avec une liste indicative des principaux travaux (Ass. plén., 12 juillet 2013, pourvoi n° 11-18.735, Ass. plén, Bull. 2013, n° 5 ; 2e Civ. ; 28 novembre 2013, deux arrêts sur pourvoi n°11-18.373 et pourvoi n° 11-18.734).

Attendu qu'en application de l'article 1315 du Code Civil devenu 1353 du Code Civil la charge de la preuve en matière de tarification pèse sur l'employeur ( Soc., 18 février 1999, pourvoi n° 97-12.198, Bull. 1999, V, n° 83) et qu'il en va notamment ainsi en matière d'inscription au compte spécial ( 2e Civ., 1 juillet 2010, pourvoi n° 09-66.592 / dans le même sens, entre autres arrêts, 2e Civ., 21 juin 2012, pourvoi n° 11-17.824 2e Civ., 22 novembre 2005, pourvoi n° 04-11.447, Bull. 2005, II, n° 302 au visa des articles L. 461-1 du code de la sécurité sociale et 9 du code de procédure civile et 2e Civ., 7 avril 2022, pourvoi n° 20-20.892 rappelant qu'il appartient à l'employeur sollicitant l'inscription au compte spécial de rapporter la preuve des conditions exactes de travail de la victime chez d'autres employeurs. Ce principe est rappelé avec une force particulière par la Cour de Cassation dans quatre arrêts du 3 juin 2021 ( pourvoi n° 19-24.864 ) du 21 octobre 2021, ( pourvoi n° 20-14.860 ) du 6 janvier 2022 ( pourvoi n° 20-13.690 ) et du 7 avril 2022, ( pourvoi n° 20-23.147) dans lesquels la Cour de Cassation casse quatre arrêts de la Cour spécialement désignée pour avoir inversé la charge de la preuve incombant à l'employeur en retenant l'existence d'une exposition à l'amiante chez un employeur précédent après avoir relevé que la CARSAT n'apportait aucune preuve contraire à la présomption d'exposition à l'amiante résultant de l'inscription de ce dernier sur la liste de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante).

Attendu qu'en l'espèce la société [3] soutient que le salarié aurait cessé d'être exposé au risque de l'amiante en 1971, date à laquelle il a exercé des fonctions de responsable de qualité, et elle produit à l'appui de cette affirmation en pièce n° 3 son courrier du 20 décembre 2017 à la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe faisant état des activités successives du salarié à son service et qu'elle présente dans ses écritures comme un des éléments de l'enquête de la caisse.

Qu'il ne résulte cependant aucunement de ce courrier que le salarié n'ait plus été exposé au risque à partir de 1971, ce courrier faisant seulement état d'intitulé de postes mais n'apportant aucune information sur la nature effective et précise des tâches confiées au salarié en sa qualité de chef d'équipe à partir de 1971 puis de chef du secteur qualité à partir de 1986 puis d'agent de maîtrise et n'étant au surplus étayé par aucun élément objectif extrinsèque aux déclarations de la société.

Qu'aucune des pièces produites par la demanderesse ne faisant apparaître que le salarié n'ait plus été en contact de l'amiante après l'entrée en vigueur du décret du 19 juin 1985, il s'ensuit qu'elle n'établit aucunement le bien-fondé de sa demande d'inscription au compte spécial sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre1995 ce qui justifie le rejet de sa demande de ce chef.

Attendu ensuite que la société [3] présente une demande d'inscription au compte spécial sur le fondement du 4° de l'arrêté précité.

Qu'il lui appartient donc d'établir en premier lieu que le salarié a été exposé au risque dans plusieurs établissements d'entreprises différentes et, en second lieu, qu'il n'est pas possible de déterminer l'entreprise dans laquelle il a contracté la maladie.

Attendu que la preuve des faits juridiques est libre.

Qu'aux termes de l'article 1353 du Code civil devenu 1382 du Code Civil  les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol.

Qu'il appartient donc à la Cour d'apprécier la valeur probatoire des éléments invoqués par l'employeur au soutien de sa demande.

Attendu que la société [3] fait valoir à l'appui de la multiexposition du salarié dont elle se prévaut que ce dernier a travaillé au sein de la Marine Nationale du 15 avril 1955 au 31 mai 1957 en qualité de mécanicien et qu'une étude récente a relevé un risque très supérieur de survenue d'une affection liée à l'amiante chez le personnel de la Marine Nationale (de l'ordre de 6.9).

Que si la société [3] ne s'en prévaut pas expressément, il apparaît qu'outre l'exposition de Monsieur [B] lorsqu'il était mécanicien dans la Marine Nationale, elle se prévaut implicitement mais nécessairement de l'exposition de ce dernier à son service jusqu'en 1971, laquelle est expressément reconnue par la CARSAT.

Qu'il appartient donc à la société [3] d'établir l'exposition du salarié par la Marine Nationale.

Attendu en premier lieu qu'il n'est aucunement établi par la demanderesse que Monsieur [B] ait travaillé pour la Marine Nationale du 15 avril 1955 au 31 mai 1957 en qualité de mécanicien.

Que comme le remarque à juste titre la CARSAT Monsieur [B] ne fait pas état dans sa déclaration de maladie professionnelle d'une période d'emploi au service de la Marine Nationale et qu'il sera ajouté qu'il n'est pas fait état dans le rapport d'enquête de la caisse d'une telle période d'emploi qui aurait précédé l'embauche chez la demanderesse.

Attendu en outre que les conditions précises et concrètes de travail de Monsieur [B] alors qu'il était prétendument employé en qualité de mécanicien par la Marine Nationale pendant la période précitée ne sont absolument pas connues.

Que le résumé produit en pièce n°8 par la demanderesse d'une étude sur l'exposition à l'amiante des personnels de la Marine Nationale fait apparaître que ce risque serait bien supérieur à celui encouru par la population générale des travailleurs mais précise que les données épidémiologique sont fonction de trois variables importantes à savoir l'emploi occupé, l'année d'armement du navire et la durée d'embarquement.

Que ce constat d'un risque accru sur le plan statistique ne peut cependant se substituer à la connaissance des conditions concrètes de travail de Monsieur [B], à supposer qu'il ait été employé par la Marine Nationale en qualité de mécanicien, et ce d'autant moins que l'année d'armement du navire sur lequel il aurait embarqué n'est pas connue.

Que l'exposition de Monsieur [B] au risque au service de la Marine Nationale et donc sa multiexposition ne sont donc pas établies .

Qu'il convient en conséquence de dire que la société [3] n'établit pas que les conditions d'inscription des dépenses de la maladie de Monsieur [B] au compte spécial soient remplies et de la débouter de sa demande en ce sens ainsi que de sa demande correlative en rectification des taux de cotisation impactés 2020 à 2022 et de dire par voie de conséquence qu'il y a lieu de dire bien fondée la décision de la CARSAT DES PAYS DE LA LOIRE de maintenir les conséquences financières de la maladie de ce salarié sur son compte employeur.

PAR CES MOTIFS.

La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Ordonne la jonction des procédures 21/02014, 22/01362 et 22/01975 et dit qu'elles seront désormais suivies sous le numéro le plus ancien 21/02014.

Dit que la société [3] n'établit pas que les conditions d'inscription des dépenses de la maladie de Monsieur [H] [B] au compte spécial soient remplies et la déboute de sa demande en ce sens ainsi que de sa demande en rectification des taux de cotisations AT/MP 2020,2021 et 2022 impactés par les coûts litigieux.

Dit que c'est en conséquence à juste titre que la CARSAT Pays de la Loire a inscrit et maintenu sur le compte employeur de la Société [3] les incidences financières de la maladie professionnelle de Monsieur [H] [B] déclarée le 24 novembre 2017 ;

Condamne la société [3] aux dépens de la présente procédure.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Tarification
Numéro d'arrêt : 21/02014
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;21.02014 ?
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