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21/06/2000 | FRANCE | N°1999/00110

France | France, Cour d'appel d'Angers, 21 juin 2000, 1999/00110


COUR D'APPEL D'ANGERS 1ère CHAMBRE B YM/OJ ARRET N AFFAIRE N :

99/00110 AFFAIRE : LE X... C/ Y... Décision du T.G.I. LE MANS du 17 Novembre 1998

ARRÊT DU 21 JUIN 2000

APPELANT : Monsieur Yann LE X... né le 22 Février 1972 à VANNES (56000) ... représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assisté de Me LANDRY, avocat au MANS INTIME : Monsieur Vincent Y... né le 25 Juillet 1963 à ALENCON (61000) ... représenté par Me VICART, avoué à la Cour assisté de Me SORET, substituant Me GUIBERT, avocats au MANS COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS E

T DU DELIBERE Monsieur CHESNEAU, Président de Chambre, Monsieur MOCAER et Madame BA...

COUR D'APPEL D'ANGERS 1ère CHAMBRE B YM/OJ ARRET N AFFAIRE N :

99/00110 AFFAIRE : LE X... C/ Y... Décision du T.G.I. LE MANS du 17 Novembre 1998

ARRÊT DU 21 JUIN 2000

APPELANT : Monsieur Yann LE X... né le 22 Février 1972 à VANNES (56000) ... représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assisté de Me LANDRY, avocat au MANS INTIME : Monsieur Vincent Y... né le 25 Juillet 1963 à ALENCON (61000) ... représenté par Me VICART, avoué à la Cour assisté de Me SORET, substituant Me GUIBERT, avocats au MANS COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE Monsieur CHESNEAU, Président de Chambre, Monsieur MOCAER et Madame BARBAUD , Conseillers GREFFIER lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame PRIOU DEBATS : A l'audience publique du 24 Mai 2000 à 14 H 00 ARRET : contradictoire Prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 21 Juin 2000, à 14 H 00 date indiquée par le Président à l'issue des débats. - 2 -

ACTE INTRODUCTIF D'INSTANCE

Par acte d'huissiers du 10 décembre 1997, M. Yann, Raymond, Marcel LE X... a assigné le docteur Vincent Y..., aux fins de :

- vu l'article 1382 du code civil,

- condamner le docteur Vincent Y... à payer à M. LE X... la somme de 250 000 F à titre de dommages intérêts ;

- le condamner à la somme de 15 000 F en application de l'article 700 du NCPC ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamner le docteur Y... aux dépens dont distraction au profit de la SCP LANDRY-RENAULT.

DECISION DEFEREE A LA COUR

Par jugement du tribunal de grande instance du MANS du 17 novembre 1998, il a été statué en ces termes :

- déboute Yann LE X... de ses fins et conclusions ;

- le condamne aux frais et dépens ainsi qu'à payer à Vincent Y... un montant de 5 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC. * * *

Vu les dernières conclusions de Vincent Y... du 10 / 04 / 2000.

Vu les dernières conclusions de Yann LE X... du 04 / 04 / 2000.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 10 / 04 / 2000.

MOTIFS

Vincent Y..., chirurgien-dentiste, a soigné en octobre 1995 Madame LE X..., épouse de Yann LE X..., gendarme, et a facturé son intervention à la somme de 3.424,25 francs. Madame LE X... lui a remis un chèque de ce montant le 19 octobre 1995, mais ce chèque n'a été présenté à l'encaissement que le 31 décembre 1996. À cette date le compte des époux LE X... avait été clôturé et le chèque resta impayé. - 3 -

Le 23 juillet 1997 Vincent Y... écrivait au chef de corps de Yann LE X... ; celui-ci estimant que cette intervention constitue une faute qui lui a occasionné un préjudice, a assigné Vincent Y... devant le TGI du MANS qui l'a débouté de sa demande. Yann LE X... en est appelant. Il demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de condamner Vincent Y... à lui payer la somme de 250 000 francs à titre de dommages et intérêts et celle de 35.000 francs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vincent Y... conclut à la confirmation du jugement déféré et demande la condamnation de Yann LE X... à lui payer la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts et 8.000 francs au

titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel.

La faute de Vincent Y...

Les parties divergent sur les raisons pour lesquelles le chèque émis par Madame LE X... n'a été remis en banque que quatorze mois plus tard.

Vincent Y... soutient que Madame LE X... lui avait demandé de patienter jusqu'au remboursement de la Sécurité Sociale, tandis Yann LE X... affirme que Vincent Y... l'avait égaré.

La Sécurité Sociale mettant heureusement moins de quatorze mois à rembourser les soins, ce que le dentiste Vincent Y... ne peut ignorer, il n'est pas vraisemblable qu'il était attendu si longtemps dans ce seul but. A l'évidence, il l'avait égaré.

Yann LE X... soutient même que son épouse s'est rendue à plusieurs reprises au cabinet de Vincent Y... pour demander la raison pour laquelle ce chèque n'était pas encaissé et produit à l'appui de ses dires une attestation parfaitement détaillée de Isabelle Z... qui l'accompagnait. Les deux secrétaires de Vincent Y... affirment ne pas l'avoir vue, mais il s'agit d'une part de subordonnées de Vincent Y..., et d'autre part l'attestation d'une d'entre elles, Géraldine A..., est rédigée de la manière suivante : "Je soussignée (.) ne pas avoir reçu Madame LE X... à l'accueil du Cabinet plusieurs fois pour une réclamation d'un chèque fait à l'ordre de Monsieur Y..."

Ceci peut signifier qu'elle l'a reçue une fois pour une telle démarche, et n'est donc pas en contradiction avec le témoignage de Isabelle Z.... Il est ainsi établi que Madame LE X... a cherché à comprendre les raisons pour lesquelles son chèque n'avait pas été remis en banque, ce qui démontre qu'elle ne cherchait nullement à éviter de payer cette dette.

Lorsque le chèque a enfin été retrouvé et déposé en banque, il n'a pu être honoré puisque le compte était clôturé, mais, ce dont la banque aurait dû s'apercevoir immédiatement, il était périmé depuis plusieurs mois, le délai prévu par les articles 29 et 52 du Décret - Loi du 30 Octobre 1935 étant de 6 mois et 8 jours à compter de son émission. Cette prescription permettait à Yann LE X... de clôturer légitimement son compte.

La famille de Yann LE X... continuait à recevoir des soins du docteur Vincent Y..., qui était régulièrement payé, comme le démontrent les pièces médicales et comptables.

Le rejet du chèque et l'inscription qui s'en suivit à la Banque de France ont sans doute causé préjudice à Yann LE X..., qui en a tenu pour responsable Vincent Y.... Si celui-ci pouvait par courtoisie prendre contact avec lui avant de passer le chèque à l'encaissement, le véritable responsable de la situation est le banquier qui ne s'est pas aperçu de la prescription.

Il est établi que par la suite, Vincent Y... a demandé à Yann LE X... de lui régler le montant des soins délivrés à son épouse ; Yann LE X... le reconnaît dans une lettre du 26 juillet 1997 adressée à Vincent Y... et tente de se justifier en évoquant les ennuis bancaires qu'il avait connus à la suite du rejet du chèque. Même si Vincent Y... était fondé à considérer que Yann LE X... se trompait sur ce point, , il ne pouvait, compte tenu de la situation particulière du chèque et des paiements réguliers qu'il avait reçus jusque là mettre en doute son honnêteté.

Vincent Y... disposait de moyens légaux pour obtenir un titre de créance à l'encontre de Yann LE X... et de son épouse, permettant d'en obtenir règlement, mais il n'en a pas usé et préféré adresser le 23 juillet 1997 au chef du corps auquel appartient Yann LE X... une lettre lui demandant de " résoudre un problème d'ordre financier

".

Après avoir donné sa version des faits et insisté sur ses relances infructueuses il ajoutait : " Je tiens à vous informer de ce problème d'autant plus que Monsieur B... refuse désormais de régler quoi que ce soit. Il affirme que l'on ne peut plus rien contre lui ".

Yann LE X... soutient que ce faisant Vincent Y... a commis plusieurs fautes qui lui ont causé préjudice.

Il affirme d'abord que le débiteur de Vincent Y... est son épouse, mais la dette qui trouve son origine dans les soins reçus par celle-ci l'engage solidairement au titre de l'article 220 du Code civil.

Yann LE X... affirme ensuite que Vincent Y... a fait une relation inexacte du litige en omettant de mentionner la péremption du chèque et le fait qu'il l'avait égaré depuis plusieurs mois.. Si la prescription est une notion juridique qui pouvait échapper à Vincent Y... puisqu'elle a échappé à la banque, il est par contre exact que Vincent Y... n'a pas précisé qu'il existait un litige à la suite des conséquences du dépôt tardif de ce chèque. Il a présenté Yann LE X... comme un débiteur de particulière mauvaise foi qui tente de se prévaloir de sa qualité de gendarme pour ne pas régler ses dettes, ce qui ne correspond pas à la réalité et constitue une première faute.

Yann LE X... conteste aussi avoir promis un paiement, mais Carine C..., assistante de Vincent Y..., atteste du contraire ; il résulte de son témoignage que les promesses ont été faites par Madame LE X..., mais dans sa lettre litigieuse, Vincent Y... soutient seulement qu'il y a eu des promesses de règlement non tenues et il pouvait.donc s'agir de celles de Madame LE X... .

Yann LE X... estime enfin et surtout que le principe d'une intervention auprès de son chef de corps constitue une violation du

secret professionnel et du respect de la vie privée.

L'atteinte à la vie privée suppose que des éléments intimes de la vie personnelle et familiale de Yann LE X... aient été révélés à des tiers ; un litige au sujet du règlement d'une dette, même relative à des soins , ne présente pas un caractère assez intime pour relever de la vie privée. Par contre en révélant à des tiers le nom d'une cliente de son cabinet, Vincent Y... a violé le secret professionnel auquel il est astreint et commis une nouvelle faute.

Ces fautes s'inscrivent de surcroît dans un contexte particulièrement choquant, car en les commettant, il a entendu exercer une pression illégitime pour obtenir règlement d'une créance. en se dispensant de respecter le secret médical et en présentant les faits à sa manière, sans respect strict de la vérité, au supérieur de son débiteur.

La faute de Vincent Y... est ainsi constituée, et le jugement déféré sera infirmé.

Sur le préjudice subi par Yann LE X...

A son retour de vacances, le 24 juillet 1997, Yann LE X... a été placé aux arrêts pendant 20 jours. Le texte du Bulletin de punition rappelle très exactement la version des faits donnée par Vincent Y..., et conclut ainsi : "Cette attitude porte préjudice au renom de la gendarmerie, surtout dans une petite ville comme MAMERS, où les gendarmes sont un élément très important dans la vie de la cité."

De ce fait le voyage de Yann LE X... et de son épouse, prévu en GUADELOUPE en août 1997 dut être retardé ( préjudice financier 1950 F)

Ses notations étaient correctes jusque là, contrairement à ce que soutient Vincent Y..., puisque pour la période allant du 15 / 03 / 1997 au 05 / 01 / 1997, il était considéré comme un bon élément devant toutefois être motivé et surveillé en raison de problèmes familiaux qui influaient sur sa vie professionnelle. Il était très

mal noté à la suite de cette affaire, considérée dans le rapport de la période du 25 / 07 / 1997 au 24 / 07 / 1997 comme ayant "jeté le discrédit sur son unité et porté atteinte au renom de la gendarmerie. "

Les conséquences des fautes de Vincent Y... ont donc été très graves pour Yann LE X... qui a été durement sanctionné d'une part, et dont la carrière d'autre part a pâti. Ce préjudice sera réparé par une somme de 70 000 F.

Il sera condamné à payer à Yann LE X... la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NOUVEAU Code de Procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement.

Infirme le jugement déféré.

Statuant à nouveau,

Dit qu'en adressant à la hiérarchie de Yann LE X... une lettre en date du 23 juillet 1997, Vincent Y... a commis une faute causant préjudice à Yann LE X....

Le condamne à indemniser Yann LE X... de l'entier préjudice subi par le versement d'une somme de 70 000 F.

Déboute Vincent Y... de l'ensemble de ses demandes.

Le condamne à payer à Yann LE X... une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Condamne Vincent Y... aux entiers dépens de première instance et d'appel et en autorise le recouvrement conformément selon les dispositions de l'article 699 du NCPC. LE GREFFIER

LE PRESIDENT D. PRIOU

J. CHESNEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 1999/00110
Date de la décision : 21/06/2000

Analyses

BANQUE - Paiement - Présentation - Délai - Expiration

A commis une faute le chirurgien-dentiste qui, ayant soigné un patient, n'a pré- senté à l'encaissement le chèque de paiement des honoraires que quatorze mois plus tard, soit après que le compte du patient ait été clôturé de sorte que le chèque resta impayé. Il ressort de la situation que, même si le client a demandé au chirurgien-dentiste de patienter jusqu'au remboursement de la sé- curité sociale, celui-ci ne pouvait ignorer que la sécurité sociale mettait moins de quatorze mois à rembourser les soins. De plus, il ressort des attestations des secrétaires du chirurgien-dentiste que le client ne cherchait nullement à éviter de payer cette dette. Enfin, lorsque le chèque retrouvé a été déposé en banque, cette dernière aurait dû s'apercevoir immédiatement qu'il était périmé depuis plusieurs mois, le délai prévu par les articles 29 et 52 du Décret d'application de la loi du 30 octobre 1935 étant de 6 mois et 8 jours à compter de son émission, cette prescription permettant au client de clôturer légitimement son compte. La faute du chirurgien-dentiste est ainsi constituée dès lors qu'il disposait de moyens légaux pour obtenir un titre de créance à l'encontre de son client, permettant d'en obtenir règlement, n'en a pas usé, exerçant une pression illégitime pour obtenir règlement d'une créance, en se dispensant de respecter le secret médical. Ces fautes ont sans doute causé préjudice au dé- biteur, par le rejet du chèque et l'inscription qui s'en suivit à la Banque de France mais encore par le placement aux arrêts du conjoint du client pendant vingt jours. Les conséquences des fautes du chirurgien-dentiste ont donc été très graves pour le conjoint du client qui a été durement sanctionné d'une part et dont la carrière d'autre part a pâti. Le jugement déféré rejetant la responsabilité du chirurgien-dentiste doit en conséquence être


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2000-06-21;1999.00110 ?
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