COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Correctionnelle Arrêt correctionnel no 673 du 29 novembre 2005 (No PG : 05/ 00343) LE MINISTÈRE PUBLIC Y... André C/ B...Monique Marguerite Marie-Josèphe épouse B... Arrêt prononcé publiquement, le mardi 29 novembre 2005 en présence de Monsieur AURIEL, substitut général, occupant le siège du Ministère Public et de Madame THEOLIER, greffier. Sur appel d'un jugement du TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE LAVAL en date du 19 mai 2005.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Monsieur VERMORELLE, président de chambre, Monsieur MIDY, conseiller et Monsieur TURQUET, Vice-Président placé.
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
PRÉVENUE B...Monique Marguerite Marie-Josèphe épouse B... née le 3 Avril 1939 à PEUTON Fille de B...Joseph et de C...Marguerite, de nationalité française, mariée, retraitée-jamais condamnée Demeurant ...-53000 LAVAL LIBRE-APPELANT (23 Mai 2005) COMPARANTE, assistée de Maître LAIGNEAU, avocat au barreau de LAVAL-demeurant 10, rue de la Cale-53006 LAVAL Cédex. Dépôt de conclusions.
PARTIE CIVILE Y... André demeurant ... de LAVAL-...53000 LAVAL APPELANT (27 Mai 2005) COMPARANT-assisté de Maître DELAFOND, avocat au barreau de LAVAL-demeurant 103 résidence d'Argencé-BP 65-53102 MAYENNE Cédex. Dépôt de conclusions. LE MINISTÈRE PUBLIC : APPELANT (25 Mai 2005)
DÉBATS Les débats ont eu lieu à l'audience publique du 25 octobre 2005, en présence de Madame PITEUX, substitut général, occupant le siège du Ministère Public, et de Madame THEOLIER, greffier. Le président a vérifié l'identité de la prévenue et a fait son rapport.
Il a interrogé la prévenue. La prévenue, appelante, a sommairement indiqué les motifs de son appel. La partie civile, appelante, a été entendue en ses observations. Le conseil de la partie civile a présenté ses observations. Le Ministère Public a requis. Le conseil de la prévenue a plaidé. La prévenue a eu la parole le dernier. A l'issue des débats, le Président a indiqué que l'affaire était mise en délibéré et que l'arrêt serait prononcé le 29 Novembre 2005 à QUATORZE heures. A cette date, il a été procédé à la lecture de l'arrêt par l'un des magistrats ayant participé aux débats et au délibéré.
RAPPEL DE LA PROCÉDURE
La prévention
B...Monique Marguerite Marie-Josèphe épouse B... est prévenue d'avoir à LAVAL (53), les 21 et 25 mai 2004, en tout cas courant mai 2004, allégué ou imputé un fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'André Y..., pris en sa qualité de citoyen chargé d'un mandat public, en l'espèce d'adjoint au maire de la commune de LAVAL, en distribuant largement par voie postale et en lisant dans une réunion publique, la lettre intitulée en son recto :
" La fondation de France a été trompée, bas les masques Monsieur Y... " commençant par : " Monsieur Y... affirme... " et s'achevant par "... le temps du repentir soit venu ",
Intitulée en son verso
" Lettre ouverte à M. le Procureur de la République " débutant par
" Pour dénoncer l'injustice " et s'achevant par " ministère du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice "
Et comportant les passages suivants :
En son recto
" Pourquoi, Monsieur Y... n'a-t-il pas respecté les hommes et les femmes au travail ä... beaucoup d'anciens employés qui ont subi la tyrannie de Mr Y... les dégâts sur la santé du personnel,... les syndicats qui ont été étouffés,... Mr Y... a toujours cherché à dissimuler sa véritable image, mais nous ne sommes pas dupes. A moins que pour lui le temps du repentir soit venu... "
En son verso :
"... un courrier dénonçant le mépris avec lequel il traite les agents. E ce qui me concerne, dossier tronqué, mensonges, et... ce document a-t-il bien été rédigé à la date du 27 avril 1998, ou, ne l'a-t-on pas plutôt fabriqué après ma grève de la faim en mars 2002 ä ".
Le jugement
Le TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE LAVAL, par jugement du 19 Mai 2005 :. SUR L'ACTION PUBLIQUE-a relaxé Madame B...Monique, Marguerite épouse B... du chef des faits du 25 Mai 2004, la réunion au cours de laquelle elle se mit à lire l'écrit litigieux ne pouvant pas être considérée comme une réunion publique ;- l'a condamnée du chef des faits du 21 Mai 2004 caractérisant une campagne de diffamation publique dirigée contre Monsieur André Y..., adjoint au Maire de LAVAL ;- en répression, l'a condamnée à une amende de 5. 000 euros qui sera intégralement assortie du sursis ;. SUR L'ACTION CIVILE-a reçu Monsieur André Y... en sa constitution de partie civile ;- a condamné Madame Monique B... à payer à Monsieur Y... :. la somme de 2. 000 euros, en réparation de son préjudice moral ;. une indemnité de 1. 000 euros au titre au titre de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ;- a condamné Madame Monique B... aux dépens de l'action civile ;
Les appels
Appel a été interjeté par : Madame B...Monique, le 23 Mai 2005 sur les dispositions pénales et civiles. Monsieur le Procureur de la République, le 25 Mai 2005. Monsieur Y... André, le 27 Mai 2005.
LA COUR
La partie civile conclut à la condamnation de la prévenue pour les faits du 24 Mai 2004, et à la confirmation pour le surplus.
Elle réclame 4. 500 euros à titre de dommages et intérêts et 2. 000 euros en application de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale devant la Cour.
Le Ministère Public requiert condamnation pour le tout.
La prévenue conclut à la relaxe pour l'ensemble des faits reprochés. MOTIFS Rappel des faits constants.
Madame Monique B... fut agent municipal de la ville de LAVAL à partir de 1977.
Elle occupait un poste d'animatrice d'accueil et de surveillance inter-classes dans une école primaire privée, celle des Cordeliers.
Pendant des années, elle a surveillé seule la cour de récréation de l'école à l'heure de l'après-déjeuner des élèves. En 1997, elle estime qu'elle se trouve bien seule pour y procéder, car les jeunes élèves sont au fil des ans de plus en plus difficiles.
Elle va découvrir toujours en 1997 que deux enseignantes de l'école reçoivent un surcroît de rémunération spécialement versé par la municipalité pour assumer cette surveillance à tour de rôle en concours avec elle, mais ne le font pas.
Elle mène alors un combat dans l'école pour dénoncer cette carence, mais rien n'aurait bougé, selon elle.
Elle alerte alors les parents des élèves.
Il lui aurait été fait alors diverses propositions, dont celle d'alléger ses effectifs d'enfants à surveiller, en conduisant une partie à la bibliothèque de l'école, qui aurait alors été sous la surveillance de l'agent de bibliothèque recruté par l'O. G. E. C., avec un échange des gardes entre elle et cet agent pour qu'elle ne fût pas seulement cantonnée à la surveillance par tous les temps de la cour de récréation.
Elle n'aurait donné aucune suite à ces offres, et aurait continué d'exiger que les deux enseignantes susvisées fussent mises à contribution pour cette surveillance.
Toujours est-il que le 22 Mai 1998, la ... de LAVAL, via Monsieur l'adjoint Y..., chargé alors des seules questions de l'enseignement, lui a retiré ce poste pour, dit-elle, la mettre au placard dans un service financier discret où elle n'aurait plus l'occasion de faire du bruit.
Elle y restera jusqu'à sa retraite prise en l'an 2000.
" Je n'ai jamais accepté cette injustice. Aujourd'hui encore, cela me donne toujours la nausée " écrit-elle dans une lettre ouverte à
Monsieur Y... (pièce D 3) couverte par la prescription des trois mois.
C'est à la suite de ces " évènements ", et en tout cas dans ce contexte, qu'est intervenu l'écrit litigieux. Sur le fond.
L'argumentation de la Cour sera brièvement résumée.
Elle peut d'ailleurs reprendre celle du Tribunal exposée en page 5 du jugement, sous le titre : " examen de l'écrit litigieux " ;
En effet Monsieur Y... y est présenté comme un tyran dans ses relations avec les employés municipaux, avec conséquences fâcheuses sur la santé de ceux-ci, comme un tyran également dans ses relations avec les syndicats qui ont été " étouffés ", comme un dissimulateur ayant toujours cherché à cacher sa propre image ;
Madame B... évoque enfin une possibilité très éventuelle de repentir de Monsieur Y..., ce qui suppose évidemment un " pêché " à l'origine.
Elle évoque également le " mépris " avec lequel il traite les agents, pour terminer sur une histoire de dossier " fabriqué " la concernant.
Les termes utilisés, volontairement péjoratifs, et se référant à des faits, ou soit-disant faits particuliers, sont de toute évidence diffamatoires, au sens de la loi de 1881 sur la presse, et de la jurisprudence consécutive.
L'exception de vérité n'a pu être mise en oeuvre, ainsi que l'a rappelé le Tribunal ; Madame B... en a été a juste titre déclarée déchue, et cet élément n'est pas repris devant la Cour.
La prévenue maintient cependant sa référence à l'article 10 de la C. E. D. H., pour soutenir que la loi de 1881, doit céder le pas devant la nécessaire liberté d'expression garantie par ce texte communautaire.
Or les grands principes évoqués, sont quelque peu en porte à faux, par rapport à ces " évènements " Mayennais d'une facture très d'exposer. mais présentés par la prévenue comme l'expression d'une lutte considérable et inexpiable. Le débat n'a rien de politique, les libertés fondamentales ne sont pas en cause, et les péripéties d'une surveillante de cour de récréation avec le responsable local de l'affaire, ne permettait pas de se référer utilement à l'article 10 de la C. E. D. H.
C'est ainsi que Madame B... a organisé ce qu'il faut bien appeler une campagne de diffamation, en diffusant 1094 exemplaires de son écrit par le biais d'un contrat postal du 19 Mai 2004 pour la somme de 328, 50 euros.
Elle a également lu l'écrit litigieux le 25 Mai 2004 lors d'une réunion du C. O. S. E. M. (Comité des Oeuvres Sociales des employés municipaux) au vieux château de LAVAL.
Les faits sont donc parfaitement constitués tant pour la diffusion postale, que pour la réunion du C. O. S. E. M.. La Cour infirmera donc la relaxe partielle sur ce dernier point, en relevant que selon une jurisprudence déjà ancienne, dès lors que les entrées à une réunion ne sont pas réglementées, ou restrictives, l'élément de publicité existe, nonobstant le fait que les personnes présentes à la dite réunion, sont liées par une communauté d'intérêt. Tel était bien le cas pour la réunion du C. O. S. E. M. le 25 Mai 2004.
La peine prononcée, soit 5. 000 euros d'amende avec sursis, est adéquate à la nature, consternante, des faits, et à la personnalité de la prévenue.
Les dispositions civiles sont également adaptées, et aucun élément nouveau en cause d'appel n'en permet une appréciation différente.
Enfin une nouvelle somme de 1. 000 euros au profit de la partie civile, sera équitablement fixée en cause d'appel pour les frais irrépétibles que celle-ci s'est trouvée contrainte d'exposer.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement.
Déclare les appels recevables en la forme.
Réformant partiellement le jugement déféré.
Déclare la prévenue coupable de l'ensemble des faits reprochés.
Confirme la peine et les dispositions civiles du jugement.
Condamne Madame B... à payer à Monsieur Y..., 1. 000 euros pour frais irrépétibles d'appel.
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable le condamné, conformément aux dispositions de l'article 1018- A du Code Général des Impôts.
Ainsi jugé et prononcé par application des articles les articles 31 AL. 1, 23 AL. 1, 29 AL. 1, 42 de la Loi DU 29/ 07/ 1881.
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT, rédigé par Monsieur VERMORELLE JC