FL / DL ARRET N AFFAIRE N : 07 / 02354
jugement du 23 Octobre 2007 Tribunal de Commerce de SAUMUR no d'inscription au RG de première instance : 07 / 000919
ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2008
APPELANTS :
LA SOCIÉTÉ ETABLISSEMENTS ROCHER 95 rue de la Torpille Zone Industrielle 49400 SAUMUR
représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoué à la Cour-No du dossier 30364 assisté de Maître Corentin CRIQUET, avocat au barreau d'Angers
Maître Vincent X... pris en qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la Société ROCHER... 49018 ANGERS CEDEX 01
représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoué à la Cour assisté de Maître Corentin CRIQUET, avocat au barreau d'Angers
INTIMES :
LA S. A. ALSACE VÉHICULES INDUSTRIELS 77 rue des Vignes 67202 STRASBOURG
représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoué à la Cour-No du dossier 44704 assistée de Maître BOISNARD, avocat au barreau d'Angers substituant Maître GAMBERGER, avocat au barreau de Strasbourg
LA CGEA, gérant le régime AGS 5 cours Raphaël Binet Immeuble Le Magister 35069 RENNES CEDEX
représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoué à la Cour
Maître Bernard Y... pris en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SOCIETE ROCHER... 49400 SAUMUR
assigné n'ayant pas constitué avoué
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 janvier 2008 à 13h45 en audience publique, Madame LOURMET, Conseiller ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :
Madame FERRARI, Président de Chambre Madame LOURMET, Conseiller Madame BRETON, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU
Ministère public : L'affaire a été communiquée au Ministère Public.
ARRET : défaut
Prononcé publiquement le 19 février 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame FERRARI, Président, et Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La société Etablissements Rocher est spécialisée dans la fabrication, la vente de toutes constructions métalliques, plastiques stratifiées pour l'équipement maritime, ferroviaire, aéronautique, génie civil, la fabrication et le commerce de tous produits.
Le 21 avril 2006, elle a passé commande à la société Alsace véhicules industriels (dite la société AVI) d'un véhicule porteur Mercedes, destiné après transformation, à être livré, en tant que véhicule pompier dévidoir automobile hors route, au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Bas-Rhin.
La vente a été faite avec une clause de réserve de propriété.
Le véhicule commandé a été livré à la société Etablissements Rocher et, facturé, le 2 novembre 2006, par la société AVI pour 75 989, 06 euros. Il a été ultérieurement livré au SDIS du Bas-Rhin. La société Etablissements Rocher n'a pas réglé à la société AVI le prix du véhicule à elle livré.
Par jugement du 6 février 2007, le tribunal de commerce de Saumur a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société Etablissements Rocher.
La société AVI a déclaré sa créance à hauteur de 75 989, 06 euros et, a revendiqué le prix du véhicule Mercedes auprès de Maître X..., désigné en qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société Etablissements Rocher, qui n'a pas acquiescé à sa demande.
Le 21 mars 2007, la société AVI a saisi le juge-commissaire de la procédure collective de la société Etablissements Rocher de sa requête en revendication du prix du véhicule Mercedes soit 75 989, 09 euros, par application de l'article L 624-18 du Code de commerce.
Par ordonnance du 15 juin 2007, le juge-commissaire a déclaré la société AVI recevable, mais mal fondée en sa requête en revendication.
Sur le recours formé par la société AVI, le tribunal de commerce de Saumur a, par jugement du 23 octobre 2007 :
- déclaré la société AVI recevable et bien fondée en son recours ;
- infirmé l'ordonnance du 15 juin 2007 ;
- dit que Maître X..., ès qualités, devra verser à la société AVI la somme de 75 989, 06 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;
- condamné la société Etablissements Rocher aux dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire.
La société Etablissements Rocher et Maître X..., agissant en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société Rocher, ont interjeté appel de cette décision contre la société AVI, AGS (CGEA) et Maître Y..., pris en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Rocher.
Par ordonnance du 26 novembre 2007, la demande de jour fixe de la société Etablissements Rocher a été accueillie.
L'affaire a été communiquée au ministère public. ~ ~ ~ ~ Vu
-la requête en fixation d'un jour fixe de la société Etablissements Rocher et de Maître Vincent X..., agissant en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société Rocher en date du 22 novembre 2007 et leurs dernières conclusions en réplique du 14 janvier 2008, par lesquelles ils demandent à la cour d'annuler le jugement entrepris, subsidiairement de l'infirmer ; de dire la société AVI irrecevable et en tout cas mal fondée en ses demandes ; de décharger la société Etablissements Rocher des condamnations contre elle prononcées et de condamner la société AVI à lui verser la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- les dernières conclusions de la CGEA, gérant le régime AGS, du 8 janvier 2008 tendant à se voir donner acte, qu'en sa qualité de contrôleur de la procédure, elle donne pleine et entière adjonction aux écritures notifiées à la requête des appelants ; à s'en voir adjuger l'entier bénéfice et à voir condamner la société AVI à lui verser la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- les dernières conclusions de la société AVI du 9 janvier 2008 par lesquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf à condamner la société Rocher, représentée par Maître X..., à verser entre les mains du mandataire judiciaire, Maître X..., la somme de 75 989, 06 euros avec intérêts légaux à compter du 2 novembre 2006 et à condamner Maître X..., ès qualités, à lui remettre ladite somme assortie des intérêts légaux, à la date de versement par a société Rocher au compte de l'administrateur ; d'ordonner la capitalisation des intérêts ; de condamner la société Rocher à lui payer les sommes de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Assigné à domicile, par acte du 3 décembre 2007, Maître Y..., pris en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire de la société Etablissements Rocher, n'a pas constitué avoué.
SUR CE,
Après l'audience du 15 janvier 2008, la société AVI a communiqué, en cours de délibéré, une attestation établie le 17 janvier 2008 par son commissaire aux comptes, la société SECAL, dont le rejet est demandé par les appelants, comme constituant une note en délibéré, irrecevable en droit et violant le principe de la contradiction.
En tant que de besoin, il importe de relever qu'aucune note en délibéré n'a été demandée par la cour aux mandataires des parties.
Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
En l'occurrence, l'attestation dont il s'agit, a été tardivement communiquée, comme rappelé ci-dessus, si bien que la partie adverse n'a pas été en mesure de réagir utilement. Cette attestation produite tardivement par la société AVI, fait échec aux droits de la défense et au principe de la contradiction. Elle sera par conséquent rejetée.
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Les appelants demandent à la cour de dire nul le jugement entrepris et " d'évoquer " le dossier, par application de l'article 562 du nouveau Code de procédure civile.
Ils font valoir :
- que le tribunal a justifié la nomination du juge rapporteur par un motif de récusation qui procède d'une procédure spécifique et qui n'est pas au nombre de ceux visés à l'article 861 du nouveau Code de procédure civile ;
- que le jugement est nul, par application de l'article 430 du nouveau Code de procédure civile, pour avoir été rendu par le tribunal dont la composition est irrégulière ;
- que la société Etablissements Rocher n'a pas bénéficié de la garantie d'une juridiction impartiale.
La société AVI rétorque :
- que rien ne permet de considérer que la désignation d'un rapporteur, en vertu de l'article 861 du nouveau Code de procédure civile, par la juridiction, ait procédé d'une cause de récusation, ce motif n'ayant nullement été invoqué au moment de la désignation du juge rapporteur ;
- qu'informée de la composition de la juridiction, la société AVI et la société Etablissements Rocher n'ont pas sollicité la récusation de l'un quelconque des magistrats composant la juridiction ;
Subsidiairement, elle observe que l'exigence d'impartialité, impliquée par l'article 341 du nouveau Code de procédure civile, a été respectée au cas d'espèce où le tribunal a statué en faveur de la partie revendiquante.
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Il est établi que " Vu le fait que Monsieur Z..., président d'audience, est parallèlement expert-comptable de la SAS Ets Rocher, Vu la présence dans la composition du tribunal de ce jour, de Monsieur A..., juge-commissaire suppléant, au redressement judiciaire de la SAS Etablissements Rocher, lequel ne peut participer aux débats ", le tribunal de commerce de Saumur a, par décision du 24 juillet 2007, désigné, par application des dispositions des articles 861 à 869 du nouveau Code de procédure civile, Madame B..., en qualité de juge rapporteur.
Le 24 juillet 2007, l'affaire a été plaidée devant Madame B..., juge rapporteur et mise en délibéré au 23 octobre 2007.
Les contestations afférentes à la régularité de la composition de la juridiction doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement, faute de quoi aucune nullité ne pourra être ultérieurement prononcée de ce chef, même d'office (Article 430 alinéa 2 du Code de procédure civile).
En l'occurrence, le juge rapporteur a entendu seul les plaidoiries des conseils des parties. C'est à la lecture du jugement du 23 octobre 2007 que la société Etablissements Rocher et Maître X..., ès qualités, ont eu la révélation que la juridiction de jugement, à laquelle le juge rapporteur a rendu compte dans son délibéré, était composée de Monsieur Z..., expert-comptable de la société Etablissements Rocher et de Monsieur A..., juge-commissaire suppléant au redressement judiciaire de cette société.
Quant à ces juges, la contestation des appelants afférente à la régularité de la composition de la juridiction de jugement est recevable.
La lecture de la décision du 24 juillet 2007 sus rappelée, apprend, qu'au moins, en ce qui concerne Monsieur A..., juge-commissaire au redressement judiciaire de la société Etablissements Rocher, l'exigence d'impartialité n'était pas satisfaite puisqu'il y est expressément mentionné, qu'il ne peut participer aux débats, d'où la décision de désigner un juge rapporteur. La participation de Monsieur A... à la juridiction de jugement contrevient à l'exigence d'impartialité à laquelle la société Etablissements Rocher et Maître X..., ès qualités, étaient en droit d'attendre de la juridiction de jugement, en vertu des dispositions de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En conséquence, le jugement déféré encourt l'annulation sollicitée par les appelants.
En vertu de l'effet dévolutif de l'appel, tous les points du litige soumis au tribunal sont déférés à la connaissance de la cour, à laquelle il revient de statuer à nouveau. ~ ~ ~ ~
En second lieu, les appelants soutiennent que la demande en revendication, dont la copie n'a pas été adressée au mandataire judiciaire, Maître Y..., n'a pas été faite dans les formes prescrites par l'article R 624-13 du Code de commerce, et qu'elle ne peut produire effet.
La société AVI répond que la copie de sa requête en revendication a bien été envoyée à Maître Y..., comme le prouve la lettre de ce dernier en date du 10 décembre 2007.
En l'occurrence, la société AVI justifie avoir adressé à Maître Y..., mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Etablissements Rocher, une copie de sa demande en revendication, comme il est dit à l'article R 624-13 du Code de commerce, lequel l'a reçue le 23 février 2007 (cf ses pièces 23 et 24).
De ce chef, le moyen d'irrecevabilité soulevé ne peut aboutir.
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Au fond, les appelants se prévalent deux cessions de la créance qu'elle détenait sur le SDIS du Bas-Rhin au profit de la société GE FactoFrance, la première du 23 octobre 2006 à hauteur de 75 989, 06 euros ttc et la seconde du 28 décembre 2006 à hauteur de 85 539, 12 euros ttc. Ces deux cessions de créance ayant été réalisées antérieurement au redressement judiciaire et à l'engagement de la procédure de revendication, ils en déduisent que la société Etablissements Rocher ne détenait plus aucune créance du prix en son patrimoine de sorte que l'action en revendication dirigée à son encontre et contre Maître X... est mal fondée.
Ils ajoutent qu'antérieurement au jugement de redressement judiciaire, le SDIS du Bas-Rhin a réglé le 12 décembre 2006 à la société GE FactoFrance, la somme de 75 989, 06 euros correspondant à la facture de la société AVI et, qu'un tel règlement prive d'assiette l'action en revendication exercée ultérieurement.
La société AVI réplique que le paiement par le sous-acquéreur est postérieur à l'ouverture de la procédure collective et que la société Rocher ne peut sérieusement prétendre échapper à l'obligation de restitution, au seul motif qu'elle aurait cédé sa créance prétendue, et que d'ailleurs, elle ne peut avoir cédé une créance qui n'existait pas en vertu même de la propriété à elle réservée.
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La clause de réserve de propriété n'implique pas l'interdiction pour le débiteur de revendre la marchandise, objet de la clause.
Ainsi qu'il a été rappelé, la société Etablissements Rocher a revendu le véhicule Mercedes au SDIS du Bas-Rhin.
L'article L 624-18 du Code de commerce énonce que : " Peut être revendiqué le prix ou la partie du prix des biens visés à l'article L 624-16 qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé en compte courant entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure. "
L'article 115 du décret no 2005-1677 du 28 décembre 2005, devenu l'article R 624-16 du Code de commerce, prévoit qu'En cas de revendication du prix des biens en application de l'article L 624-18, les sommes correspondantes payées par le sous-acquéreur postérieurement à l'ouverture de la procédure doivent être versées par le débiteur entre les mains du mandataire judiciaire. Celui-ci les remet au créancier revendiquant à concurrence de sa créance.
Revendiquant, entre les mains du débiteur, le prix du véhicule vendu, la société venderesse AVI doit prouver que le prix a été payé par le sous-acquéreur au débiteur après le jugement d'ouverture de la procédure collective. Elle ne peut exercer sa revendication que sur le prix fixé lors de la convention conclue avec l'acquéreur originaire soit 75 989, 06 euros ttc.
En l'occurrence, il est établi que le prix du bien livré (75 989, 06 euros ttc) a été payé par le sous-acquéreur, le SDIS du Bas-Rhin, le 12 décembre 2006, pour un montant de 75 989, 06 euros à la société GE FactoFrance à laquelle la société Etablissements Rocher avait cédé sa créance (cf pièces 10 et 29 des appelants).
Ultérieurement et plus précisément le 14 février 2007, le SDIS du Bas-Rhin a réglé le solde de 85 539, 12 euros à la société GE FactoFrance.
Ainsi, avant le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Etablissements Rocher, le prix du véhicule Mercedes, tel qu'il résulte de la convention conclue avec l'acquéreur originaire, a été réglé par le sous-acquéreur, le SDIS du Bas-Rhin, entre les mains de la société d'affacturage GE FactoFrance.
Le prix ayant été payé par le sous-acquéreur avant la date du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Etablissements Rocher, il ne peut être utilement revendiqué par la société AVI entre ses mains, étant indifférent à cet égard que le solde de 85 539, 12 euros, sans rapport avec la convention conclue avec l'acquéreur originaire, ait été versé postérieurement au jugement d'ouverture.
En conséquence, la société AVI sera déboutée de sa demande en revendication.
Sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif n'est pas fondée. Elle en sera déboutée.
Par application de l'article 700 du Code de procédure civile, la société AVI sera condamnée à payer à la société Etablissements Rocher et à la CGEA une somme de 1 000 euros, à chacune, au titre de leurs frais irrépétibles.
Vu l'article 700 précité, la demande formée à ce titre par la société AVI sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par arrêt de défaut ;
Rejette l'attestation établie le 17 janvier 2008 par la Secal, commissaire aux comptes de la société Alsace véhicules industriels (dite la société AVI) ;
Annule le jugement déféré ;
Statuant à nouveau ;
Déboute la société AVI de sa demande en revendication du prix du véhicule Mercedes et de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;
Condamne la société AVI à payer à la société Etablissements Rocher et à la CGEA la somme de 1 000 euros, à chacune, au titre de leurs frais irrépétibles ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la société AVI aux dépens de première instance et d'appel qui, pour ces derniers, seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
D. BOIVINEAUI. FERRARI