1ère CHAMBRE AVJ / IM
ARRET N 80
AFFAIRE N : 06 / 02610
Jugement du 23 Novembre 2006
Tribunal paritaire des baux ruraux d'ANGERS
no d'inscription au RG de première instance 06 / 00004
ARRET DU 04 MARS 2008
APPELANTS :
Monsieur Christian X...
...
Madame Huguette Y... épouse X...
...
Monsieur Eric X...
...
régulièrement convoqués, comparants,
représentés par Me J. C. LOISEAU, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMES :
Monsieur Régis X...
...
régulièrement convoqué, non comparant,
représenté par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour
assisté de Me Dominique BOUCHERON, avocat au barreau d'ANGERS
Madame Evelyne A... épouse B...
...
Monsieur Joël A...
...-49170 ST GEORGES SUR LOIRE
Monsieur Michel A...
...
Monsieur Raymond A...
...
Monsieur Yannick A...
...-49480 SAINT SYLVAIN D'ANJOU
régulièrement convoqués, non comparants
représentés par Me Patrick BEUCHER, avocat au barreau d'ANGERS
Monsieur Pierre X...
... EN VALLEE
régulièrement convoqué, non comparant
non représenté
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Janvier 2008 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame CHAUVEL, conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président en date du 12 décembre 2007 pour exercer les fonctions de président, Madame VERDUN, conseiller, et Madame JEANNESSON, vice-président placé faisant fonction de conseiller, ayant été entendue en son rapport
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 04 mars 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Madame CHAUVEL, président, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
I-Exposé du litige
Monsieur Pierre X... et Madame Paule X... née D..., parents de Christian, Régis, Michèle et Pierre X..., ont exercé une activité d'exploitants agricoles. A leur départ en retraite, l'exploitation familiale a été reprise par Monsieur Christian X... jusqu'en 1997, puis par son épouse, Madame Huguette Y... épouse X... à partir de 1998.
Monsieur Pierre X... et son épouse sont décédés respectivement en janvier 1997 et en octobre 2001.
Le 1er octobre 2002, Madame Huguette Y... épouse X... a cédé son bail rural à son fils, Monsieur Eric X....
Par exploit en date des 27 janvier et 2 février 2004, Monsieur Christian X... et Madame Huguette Y... épouse X... ont fait assigner les trois autres frères et soeur héritiers devant le Tribunal de grande instance d'Angers aux fins de voir ordonner les opérations de compte liquidation et partage de la succession des époux X...- D... et de la communauté ayant existé entre eux, Monsieur Christian X... sollicitant l'attribution préférentielle de l'exploitation agricole.
Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 22 avril 2005 au greffe du Tribunal paritaire des baux ruraux d'Angers, Monsieur Régis X... a engagé une procédure visant à faire constater la nullité de la cession de bail intervenue entre Madame Huguette Y... épouse X... et Monsieur Eric X..., arguant de la violation de l'article L 411-35 du code rural.
Madame Michèle X... étant décédée, et après radiation de l'affaire, Monsieur Régis X... a repris la procédure en appelant à la cause les héritiers de celle-ci, les consorts A.... Les parties ont été convoquées à l'audience de conciliation qui n'a pas abouti et l'affaire a été renvoyée devant la juridiction de jugement.
Par jugement en date du 23 novembre 2006, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Angers a constaté la nullité de la cession intervenue en violation des dispositions d'ordre public de l'article L 411-35 du code rural entre Monsieur Eric X... et Madame Huguette Y... épouse X..., condamné Monsieur Eric X... à restituer les biens exploités en vertu de cette cession dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement, condamné in solidum Monsieur Christian X..., Monsieur Eric X... et Madame Huguette Y... épouse X... à payer sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la somme de 900 € à Monsieur Régis X... et celle de 600 € aux consorts A....
Monsieur Christian X..., Madame Huguette Y... épouse X... et Monsieur Eric X... ont interjeté appel de cette décision le 15 décembre 2006.
A l'audience de la Cour, les conseils des parties ont repris dans leur intégralité leurs conclusions déposées le 16 novembre 2007 pour Messieurs Eric X... et Christian X..., et pour Madame Huguette Y... épouse X..., le 31 décembre 2007 pour les consorts A... et le 28 septembre 2007 pour Monsieur Régis X.... Monsieur Pierre X..., non représenté, n'est pas comparant.
***
II-Motifs
Les appelants concluent à l'infirmation du jugement et sollicitent de :
- dire et juger l'action irrecevable, en conséquence débouter les consorts A... et Monsieur Régis X... de leurs demandes,
- subsidiairement, dire et juger qu'il existe un bail rural entre l'indivision successorale et Monsieur Eric X..., en conséquence débouter les consorts A... et Monsieur Régis X... de leurs demandes,
- à titre reconventionnel,
- condamner les intimés à leur verser la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,
- condamner les mêmes à leur payer des frais irrépétibles et les condamner aux dépens.
Ils font valoir :
- qu'est applicable au cas d'espèce la règle de l'unanimité prévue à l'article 815-3 ancien du Code Civil et non la loi no 2006-728 du 23 juin 2006,
- qu'est irrecevable la demande de nullité du bail rural dès lors que Madame Huguette Y... épouse X... intervient à la procédure devant le Tribunal paritaire des baux ruraux comme preneuse de bail n'ayant pas la qualité de co-indivisaire, et dans la procédure de liquidation-partage comme créancière de l'indivision se prévalant d'une créance de salaire différé à l'encontre de la succession, et que s'agissant d'une indivision successorale, toute action à l'encontre de la preneuse à bail suppose l'accord unanime des co-indivisaires en application de l'article 815-3 ancien du code civil, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dès lors que Monsieur Christian X... s'oppose à l'action,
- subsidiairement, que si l'action était cependant recevable, il ressort des pièces versées que l'indivision successorale était informée de la cession de bail et que si la cession était prohibée, un nouveau bail s'est substitué comme il en ressort de la facturation par Maître F..., notaire en charge des intérêts de la succession, directement entre les mains de Monsieur Eric X....
Monsieur Régis X... sollicite de dire les consorts X... non fondés en leur appel, en tous cas non recevables et non fondés en leurs demandes et de les en débouter.
Il soutient que son action devant le Tribunal paritaire des baux ruraux est recevable dès lors que tout indivisaire, pour assurer la protection de ses droits indivis, peut agir seul en justice à l'encontre d'un autre indivisaire ayant passé un acte sans son consentement et au mépris des dispositions de l'article 815-3 du code civil (Civ 3ème 15 juin 1994), qu'en l'espèce, Madame Huguette Y... épouse X... a cédé le bail rural à son fils Eric X... sans le consentement des autres indivisaires et qu'il s'agit d'un acte de disposition relatif à un bien indivis nécessitant l'accord des co-indivisaires.
Les consorts A... concluent à la confirmation du jugement. Ils font valoir que Monsieur Christian X... et Madame Huguette Y... épouse X... ont cédé leur bail à leur fils sans avoir sollicité l'autorisation des bailleurs co-indivisaires, qu'en conséquence Monsieur Eric X... est occupant sans droit ni titre et soutiennent que leur action est recevable en citant la jurisprudence susmentionnée.
Sur l'application de la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités
Aux termes de l'article 47- II de la loi nouvelle, " les dispositions des articles 813 à 814-1 du Code Civil tels qu'ils résultent de la présente loi sont applicables, dès l'entrée en vigueur de la présente loi, aux indivisions existantes et aux successions ouvertes non encore partagées à cette date.
Par dérogation à l'alinéa précédent, lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation. "
L'article 47- I de la loi nouvelle prévoit son entrée en vigueur au 1er janvier 2007.
En l'espèce, la présente instance a été engagée par Monsieur Régis X... antérieurement au 1er janvier 2007. C'est donc la loi ancienne qui est applicable.
Sur la recevabilité de l'action de Monsieur Régis X... et des consorts A...
Il ressort des écritures et des éléments du dossier que les parents X... maintenant décédés avaient loué à leur fils Christian X... l'exploitation agricole et que celui-ci a cédé son bail rural à son épouse lors de son départ à la retraite.
Il est constant que Madame Huguette Y... épouse X..., qui avait repris seule l'exploitation en 1998, a cédé seule le bail rural dont elle bénéficiait à son fils Eric X... le 1er octobre 2002. Ce n'est donc pas une cession effectuée par Monsieur Christian X... et Madame Huguette Y... épouse X... et c'est de cette cession de bail qu'il est sollicité la nullité.
L'article 815-3 ancien du Code Civil dispose que " Les actes d'administration et de disposition relatifs aux biens indivis requièrent le consentement de tous les indivisaires. Ceux-ci peuvent donner à l'un ou à plusieurs d'entre eux un mandat général d'administration. Un mandat spécial est nécessaire pour tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis, ainsi que pour la conclusion ou le renouvellement des baux... "
En l'espèce, l'action qui vise à la nullité de la cession de bail est intentée plus précisément à l'encontre de Madame Huguette Y... épouse X... et de Monsieur Eric X... qui ne sont pas co-indivisaires. La jurisprudence citée par les intimés ne trouve pas à s'appliquer. De surcroît, la cession de bail est intervenue le 1er octobre 2002, après le décès de Madame Paule X..., et ce n'est que le 22 avril 2005 que Monsieur Régis X... a intenté son action, laquelle ne peut en conséquence relever d'une mesure conservatoire, mais consiste bien plutôt en un acte d'administration au sein de l'indivision, alors que de plus, elle intervient seulement après une assignation en liquidation partage de l'indivision aux fins d'attribution préférentielle de l'exploitation agricole à Monsieur Christian X... qui l'a exploitée dès le départ en retraite de ses parents puis a cédé le bail à son épouse sans qu'aucun de ses frères et soeur ne s'y soit opposé. L'unanimité requise pour cette action en application de l'article 815-3 ancien du Code Civil n'est pas atteinte dès lors que Monsieur Christian X..., co-indivisaire, s'oppose à cette action.
Dans ces conditions, il y a lieu de dire l'action de Monsieur Régis X..., de Monsieur Pierre X... et des consorts A... irrecevable.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Dès lors que la demande des intimés a prospéré en première instance, il ne sera pas fait droit à la demande.
***
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Christian X..., de Madame Huguette Y... épouse X... et de Monsieur Eric X... les frais irrépétibles qu'ils ont engagés pour faire valoir leurs droits. Monsieur Régis X... et les consorts A... seront condamnés à leur payer la somme de 1 800 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Ils seront également condamnés aux dépens.
***
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
DIT n'y avoir lieu à application de la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités,
DÉCLARE irrecevable l'action de Monsieur Régis X..., Monsieur Pierre X... et des consorts A...,
CONDAMNE in solidum Monsieur Régis X..., Monsieur Pierre X... et les consorts A... à payer à Monsieur Christian X..., Madame Huguette Y... épouse X... et Monsieur Eric X... la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum Monsieur Régis X..., Monsieur Pierre X... et les consorts A... aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
C. LEVEUF S. CHAUVEL