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25/03/2008 | FRANCE | N°07/01258

France | France, Cour d'appel d'Angers, 25 mars 2008, 07/01258


Chambre Sociale

ARRÊT N
GT / CG

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 01258

type de la décision déférée à la Cour,
juridiction d'origine,
date de la décision déférée,
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, décision attaquée en date du 16 Mai 2007
enregistrée sous le no 05 / 00386

ARRÊT DU 25 Mars 2008

APPELANTE :

L'E. U. R. L. PHARMACIE LEGALL
27 rue Hoche
49100 ANGERS



représentée par Maître André FOLLEN, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

Madame Chantal X...
Y...


...

49100 ANGERS

r...

Chambre Sociale

ARRÊT N
GT / CG

Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 01258

type de la décision déférée à la Cour,
juridiction d'origine,
date de la décision déférée,
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, décision attaquée en date du 16 Mai 2007
enregistrée sous le no 05 / 00386

ARRÊT DU 25 Mars 2008

APPELANTE :

L'E. U. R. L. PHARMACIE LEGALL
27 rue Hoche
49100 ANGERS

représentée par Maître André FOLLEN, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMEE :

Madame Chantal X...
Y...

...

49100 ANGERS

représentée par Maître Philippe GOUPILLE, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Février 2008, en audience publique, devant la cour, composée de :

Monsieur Philippe BOTHOREL, président de chambre
Madame Hélène RAULINE, conseiller
Monsieur Gérard TRAVERS, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie LE A...,

ARRÊT :
du 25 Mars 2008 contradictoire et mis à disposition au greffe,

Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame LE A..., greffier présent lors du prononcé

******

FAITS ET PROCÉDURE

Embauchée par l'EURL Pharmacie LE A... le 2 septembre 2002 en qualité d'employée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, Mme Chantal X...
Y... a été chargée de la responsabilité de la parapharmacie selon avenant du 11 avril 2003 à effet du 1er mars 2003.

En arrêt de travail à compter du 19 avril 2003, elle a été déclarée définitivement inapte à son poste et à tout emploi dans l'entreprise par le médecin du travail lors de la visite de reprise du 4 avril 2005 et a été licenciée le 28 avril 2005 pour inaptitude physique.

Au motif que son employeur, M. LE A..., s'est livré à son égard à du harcèlement moral et sexuel, elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir condamner l'EURL Pharmacie LE A... à lui payer la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, ainsi que celle de 1 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 16 mai 2007, rendu sous la présidence du juge départiteur, le Conseil de Prud'hommes d'ANGERS a fait droit à ses demandes.

L ‘ EURL Pharmacie LE A... a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L ‘ EURL Pharmacie LE A..., appelante, demande à la Cour de réformer le jugement entrepris, de débouter Mme X...
Y... de toutes ses demandes et de la condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle rappelle qu'il incombe à Mme X...
Y... de rapporter la preuve de faits qui permettent de présumer l'existence du harcèlement qu'elle reproche. Elle observe que, si celle-ci a connu un état dépressif important à partir du 19 avril 2003, aucun document médical contemporain des faits n'établit que celui-ci pourrait être en relation avec un harcèlement. Elle soutient que, de même, les témoignages produits par son ancienne salariée ne sont ni probants, ni crédibles. Elle relève notamment à cet égard que Mme B... n'a fait aucune demande à ce titre lors du procès qu'elle a engagé à la suite de son licenciement, que Mme C... est revenue proposer ses services à la pharmacie après avoir démissionné, que Mme D... est restée travailler après ses deux années d'apprentissage. Elle souligne plus particulièrement que ces trois témoins ont affirmé des choses précises, qui sont totalement contredites par les témoignages qu'elle-même verse aux débats, notamment l'existence de prétendues photos à caractère pornographique sur l'ordinateur de M. LE A... et d'une ambiance générale dégradée par son comportement. Elle note également que, non seulement Mme X...
Y... n'a émis aucune plainte ni critique à l'époque où elle travaillait dans l'entreprise et n'en a pas parlé à des personnes auprès desquelles elle était en confiance, mais elle a au contraire tenu des propos positifs sur M. LE A..., qui sont exclusifs de toute réalité de harcèlement. Elle ajoute que le consultant en ressources humaines avait émis un avis défavorable à l'embauche de Mme X...
Y... en raison de ses traits de personnalité et précise que celle-ci traversait à l'époque une période particulièrement difficile sur le plan personnel et familial. Elle en conclut que les éléments qu'elle produit aux débats établissent ainsi l'inexactitude des accusations portées à l'encontre de son dirigeant ou, à tout le moins, l'existence d'un sérieux doute en ce qui concerne les faits allégués.

Mme X...
Y..., intimée, demande quant à elle à la Cour de confirmer le jugement et de condamner l'EURL Pharmacie LE A... à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Contestant la force probante des attestations adverses, elle fait valoir que l'ensemble des éléments qu'elle produit sont pertinents et suffisants pour établir, en tout cas pour laisser présumer que M. LE A... l'a harcelée tant moralement, par des actes de pression répétitifs, que sexuellement, par des propos et des attitudes déplacées répétées, et pour démontrer le lien entre la dégradation de son état de santé et une souffrance psychique au travail. Elle souligne qu'elle présente un syndrome dépressif majeur depuis le 19 avril 2003, qu'elle est toujours suivie, que la COTOREP lui a signifié son impossibilité d'exercer une activité professionnelle et qu'elle n'a pas encore pu retrouver d'emploi.

MOTIFS

Aux termes de l'article L. 122-52 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'application des articles L. 122-46 et L. 122-49 (concernant le harcèlement sexuel et le harcèlement moral), dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de ses allégations, Mme X...
Y... a en l'espèce versé aux débats des attestations émanant d'amis et de salariées de la pharmacie, ainsi que plusieurs certificats médicaux. Au vu de ces éléments, les premiers juges ont retenu que les faits de harcèlement moral et sexuel reprochés à l'EURL Pharmacie LE A... en la personne de son dirigeant, M. LE A..., étaient suffisamment caractérisés. L'EURL Pharmacie LE A... conteste la véracité des accusations.

Les documents médicaux, notamment les certificats du Dr E..., médecin du travail, et du Pr F..., chef du service de pathologie professionnelle au CHU d'ANGERS, rapprochés des attestations des époux G... et de Mmes H..., Z... et V..., mettent en évidence que Mme X...
Y..., qui était jusqu'alors active et dynamique malgré une vie difficile après son divorce et son retour d'Afrique, a vu son état de santé se dégrader nettement postérieurement à son embauche par l'EURL Pharmacie LE A... et présente depuis avril 2003 un syndrome dépressif majeur qui est en lien, selon les deux médecins, avec une souffrance psychologique au travail. Ces pièces, d'ailleurs comme d'habitude non contradictoires, ne sont pas toutefois de nature à démontrer que cet état dépressif est la conséquence d'un harcèlement de l'employeur, qui n'est envisagé que comme une possibilité dans le signalement du Pr F....

Pour preuve de tels faits, Mme X...
Y... produit aux débats quatre attestations qui sont à la fois concordantes et circonstanciées :

- deux attestations de Mme B... et Mme D..., dans lesquelles elles rapportent, d'une part, qu'elle était surchargée de tâches par M. LE A... et " usée " par son travail, qui comportait le port de charges lourdes et absorbait tout son temps, d'autre part, qu'elle faisait l'objet de propos et de gestes déplacés de la part de M. LE A... qui, par son comportement, créait une ambiance de travail " malsaine ",

- une attestation de Madame I..., qui a travaillé à la pharmacie LE A... du 16 octobre 2001 au 15 avril 2005, et atteste qu'il y avait vraiment trop de travail et qu'elle a subi personnellement beaucoup de pression de la part de M. LE A... qui la poussait toujours à faire plus,

- et une attestation de Madame C..., employée à la pharmacie du 3 mai au 31 août 2004, dans laquelle elle se plaint de conditions de travail dégradantes, voire humiliantes, et déclare être partie suite à cette ambiance malsaine.

Indépendamment des raisons ci-après, il apparaît toutefois que l'attestation de Madame C... ne présente aucune crédibilité au vu des attestations, non démenties, de Mme J... et de Mme K..., qui indiquent qu'elle a démissionné sur le champ en expliquant qu'elle avait trouvé un autre emploi, qu'elle a ultérieurement exprimé son regret d'avoir quitté précipitamment son poste et surtout qu'elle est revenue proposer ses services à M. LE A..., ce qui est totalement incompatible avec les agissements graves, notamment de violences, qu'elle rapporte.

Les attestations de Mme B... et Mme D... doivent quant à elles être reçues avec circonspection, alors que Mme B... a engagé un procès devant le Conseil des prud'hommes contre l'EURL Pharmacie LE A... à la suite de son licenciement, a elle-même produit une attestation de Mme X...
Y... et n'a formé aucune demande du chef du harcèlement dont elle se dit aussi victime dans son attestation, que de son côté Mme W..., non gardée à l'expiration de son contrat, est restée à la Pharmacie LE A... après les deux années d'apprentissage, sur lesquelles porte son témoignage, et termine celui-ci en disant que, si elle avait été sûre d'être payée de ses heures supplémentaires, elle en aurait fait le double.

Plusieurs faits précis dénoncés par ces témoignages, qui ne peuvent avoir eu lieu sans avoir été constatés par le reste du personnel, sont par ailleurs et surtout formellement contredits par de nombreuses attestations de personnes travaillant à l'officine ou y ayant travaillé, notamment à la même époque que Mme X...
Y....

Ainsi :

- alors que Mme C... atteste que, pendant la période de quatre mois où elle a été employée au secrétariat de la pharmacie, M. LE A... était violent verbalement et physiquement, criait des injures, ne faisait que des allusions par rapport au sexe, s'octroyait " tous les droits même les mains baladeuses ou les frottements dans l'officine ", tenait un journal avec des annotations sur la vie intime de son personnel dont il se servait pour se moquer " devant tout le monde "..., que Mme D... indique que M. LE A... venait souvent déranger Mme X...
Y... " il la touchait, les épaules, le cou, les hanches..., il la flattait, c'était permanent... ", que Mme B..., comme Mme C..., incrimine une ambiance de travail malsaine et dégradante, aucun des témoins de l'EURL n'a constaté de tels faits et tous sont unanimes pour dire au contraire que M. LE A... était à l'écoute et que l'ambiance au sein de la pharmacie était conviviale et agréable, ce qui n'est nullement contredit par la note de service de janvier 2003 faisant état de mauvaises relations entre des collègues de travail et non avec M. LE A... ;

- alors que Mme B... écrit que M. LE A... placardait des photos de sexe masculin en érection dans l'arrière réserve de la pharmacie où étaient pris les repas le midi et que Mme C..., Mme B... et Mme D... déclarent que des images à caractère pornographique se situaient sur l'ordinateur de la pharmacie servant à la rédaction des courriers clientèle, plusieurs employés précisent que les seules images affichées étaient en réalité des panneaux publicitaires (M. L..., M. M..., Mme N...) et démentent la présence de photos sur l'ordinateur qui était accessible à tous (Mme O..., M. L...) ;

- alors encore que Mme B... indique qu'il était obligatoire d'assister à une réunion par semaine hors temps de travail et de boire de l'alcool une à plusieurs fois par semaine et que Mme D... allègue que les apéritifs étaient fréquents le soir et les employés forcés de prendre un verre, ce dernier fait est expressément démenti par Mme O... et plusieurs autres salariés précisent que les réunions n'avaient aucun caractère obligatoire (M. M..., M. P..., M. Q..., Mme R...).

La fausseté de certains faits est ainsi démontrée, tandis que d'autres apparaissent déformés.

La charge de travail est en revanche confirmée par Mme S..., M. T... et M. Q..., mais n'est pas en soi constitutive de harcèlement moral, qui n'est pas en l'espèce établi, alors que Mme B... ne caractérise pas les pressions répétées qu'elle allègue autrement que par l'ampleur des tâches confiées et met au contraire en avant que M. LE A... répétait quotidiennement que Mme X...
Y... était la meilleure et l'a nommée responsable de la parapharmacie après avoir sollicité son avis.

Il résulte par ailleurs des attestations de Mme K..., Mme U... et Mme WW... LE A... que Mme X...
Y..., non seulement n'a jamais protesté contre le comportement de M. LE A... jusqu'à son licenciement, mais a au contraire tenu devant elles des propos positifs à son égard qui sont, sinon exclusifs de toute réalité de harcèlement, en tout cas impropres à la corroborer.

Les pièces produites par Mme X...
Y... apparaissent dans ces conditions insuffisamment probantes pour faire présumer l'existence du harcèlement moral et sexuel qu'elle reproche à M. LE A....

Le jugement déféré doit en conséquence être infirmé.

L'équité ne commande pas en revanche de faire droit à la demande présentée par l'EURL Pharmacie LE A... sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Déboute Mme X...
Y... de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute l ‘ EURL Pharmacie LE A... de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Mme X...
Y... aux entiers dépens ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sylvie LE A... Philippe BOTHOREL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Numéro d'arrêt : 07/01258
Date de la décision : 25/03/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Angers


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-25;07.01258 ?
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