COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N
EM / SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 00410.
Jugement Au fond, origine Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MANS, décision attaquée en date du 17 Janvier 2007, enregistrée sous le no 18601
ARRÊT DU 06 Mai 2008
APPELANTE :
l'URSSAF DE LA SARTHE
178 avenue de Bollée
72048 LE MANS CEDEX 9
représentée par madame Marianne X..., qui a remis un pouvoir
INTIMEES :
la S. A. GROUPE MARCEL TABUR
60 Bd Pierre Lefaucheux
72029 LE MANS CEDEX
représentée par la SCP SELAFA FIDAL (Me MOULAY), avocats au barreau de CHARTRES
en la cause :
la DRASS DES PAYS DE LOIRE
6 rue René Viviani-Beaulieu
44062 NANTES CEDEX 2
sans observations
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Eric MARECHAL chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur BOTHOREL, président
Monsieur JEGOUIC, conseiller
Monsieur MARECHAL, conseiller.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie LE GALL,
ARRÊT :
prononcé le 06 Mai 2008, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame Sylvie LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
Le groupe Marcel TABUR a fait l'objet d'un contrôle comptable d'assiette à la suite duquel l'URSSAF de la Sarthe lui a notifié un redressement pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2001 et des années 2002 et 2003 suivant lettre d'observations du 15 novembre 2004 pour un rappel de cotisations d'un montant de
1 026 791 € en principal.
Le 3 février 2005 la société GROUPE MARCEL TABUR a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de ce redressement portant sur l'intéressement, les frais professionnels afférents aux grands déplacements de certains salariés et aux déblocages anticipés et la participation.
Par décision du 9 juin 2005 la commission de recours amiable a :
- confirmé la partie du redressement concernant la participation et les déblocages anticipés pour un salarié pour lequel aucun motif n'avait été fourni,
- confirmé le chef de redressement portant sur l'accord d'intéressement,
- maintenu le redressement portant sur les frais professionnels.
La SA GROUPE MARCEL TABUR ayant déféré cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du MANS, cette juridiction, par jugement du 17 janvier 2007, a :
- déclaré la société G. M. T. recevable et partiellement bien fondée en son recours,
- maintenu le redressement notifié au titre de l'intéressement versé en application de l'avenant no4 au contrat d'intéressement du 30 avril 2001 portant sur l'exercice 2003 et dit qu'il y a lieu de réintégrer dans l'assiette des cotisations sociales l'ensemble des sommes versées au titre de cet avenant,
- maintenu également le redressement notifié au titre des déblocages de fonds avant l'expiration des délais applicables en cas d'accord de participation et dit qu'il y a lieu de réintégrer dans l'assiette des cotisations sociales les sommes versées de ce chef à monsieur Y...,
- pour le surplus déclaré les causes du redressement notifié à la société GMT non justifiées et annulé ce redressement.
L'URSSAF DE LA SARTHE a interjeté appel de ce jugement par déclaration formée par lettre recommandée postée le 16 février 2007, appel portant sur le point relatif à l'intéressement concernant l'année 2002 et représentant un redressement de cotisations de 277 325 € ainsi que sur le point relatif aux frais professionnels représentant 7 264 € de cotisations, le tout sans préjudice des majorations de retard légalement dues.
Le Groupe MARCEL TABUR a interjeté appel de ce jugement par déclaration formée par lettre recommandée postée le 19 février 2007, appel limité à la partie du jugement ayant maintenu le redressement afférent à l'intéressement versé en application de l'avenant no4 du contrat d'intéressement du 30 avril 2001 portant sur l'exercice no3.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 20 mars 2007.
L'URSSAF DE LA SARTHE demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a maintenu le redressement relatif à l'intéressement au titre de l'année 2003,
- de l'infirmer pour la partie de l'intéressement relative à l'année 2002,
- de confirmer le jugement d'annulation pour le chef de redressement relatif aux frais professionnels pour les deux salariés ayant maintenu leur domicile à l'extérieur du département pour une durée supérieure à 9 mois pour lequel elle accepte la décision,
reconventionnellement,
- de condamner la SA MARCEL TABUR au versement des redressements maintenus ou à maintenir, soit :
- au titre de l'intéressement pour l'année 2002 : 277 325 € en cotisations
-au titre de l'intéressement pour l'année 2003 : 354 178 € en cotisations
sans préjudice des majorations de retard dues, échues ou à échoir, en application de l'article R. 243-18 code de la sécurité sociale pour l'ensemble des chefs de redressement maintenus.
Le Groupe MARCEL TABUR demande à la cour d'infirmer le jugement du 17 janvier 2007 du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Sarthe en ce qu'il a maintenu le redressement notifié au titre de l'intéressement versé en application de l'avenant no4 au contrat d'intéressement du 30 avril 2001, portant sur l ‘ exercice 2003, de confirmer le jugement pour le surplus, de condamner l'URSSAF de la Sarthe à lui verser une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS
Au vu des conclusions et observations des parties les appels respectivement formés par L'URSSAF DE LA SARTHE et la société GROUPE MARCEL TABUR ne portent plus que sur le redressement relatif à l'intéressement concernant l'année 2002 et sur le redressement relatif à l'intéressement concernant l'année 2003.
Le jugement sera confirmé sur le point relatif aux frais professionnels contesté dans l'acte d'appel pour lequel l'URSSAF indique dorénavant accepter la décision.
1- Sur le redressement relatif à l'intéressement concernant l'année 2002
L'URSSAF DE LA SARTHE reproche au tribunal des affaires de sécurité sociale de ne pas avoir tiré les conséquences qui s'imposaient de sa constatation de ce que l'avenant de mise en conformité concernant les objectifs 2002 n'avait été déposé par la SA MARCEL TABUR que le 22 octobre 2002 soit bien au delà du délai prévu par l'article L. 441-2 alinéa 9 du code du travail et au delà du délai qui lui avait été imparti par la Direction départementale du travail et de l'emploi. Elle rappelle que le dispositif légal prévoit que les intéressements retenant une période de calcul annuelle doivent, pour ouvrir droit aux exonérations fiscales et sociales, être conclus avant le premier jour du septième mois suivant la date de leur prise d'effet et que si, comme en l'espèce, l'accord retient des périodes de calcul infra-annuelles, il doit impérativement être conclu avant que la première moitié de la première période de calcul ne s'achève soit, dans ce cas, au plus tard le 31 juillet 2002 et déposés à la Direction départementale du travail et de l'emploi dans les 15 jours. L'URSSAF DE LA SARTHE estime que le tribunal des affaires de sécurité sociale ne pouvait tirer argument de l'absence d'observation de la Direction départementale du travail et de l'emploi lors du dépôt de l'avenant de mise en conformité alors que cela ne saurait lui interdire de remettre en cause a posteriori les exonérations.
Force est de constater que la discussion se présente sur ce point devant la cour, sans apport d'élément nouveau, dans les mêmes termes que ceux soumis au premier juge qui l'a exactement tranchée.
En effet, l'avenant a été signé et déposé à la Direction départementale du travail et de l'emploi le 28 mars 2002. Contrairement à ce que soutient l'URSSAF, la demande formulée par lettre simple adressée le 21 mai 2002 pour solliciter de la société GROUPE MARCEL TABUR qu'elle complète son accord (avenant no2 à l'accord du 30 / 04 / 2001) dans le délai d'un mois ne vaut pas demande formelle de mise en conformité au sens de la lettre circulaire no2002-032 émanant de la Direction de la réglementation et des orientations du recouvrement du 30 janvier 2002. Cette circulaire indique en effet dans sa partie " contrôle sur le fond des accords d'intéressement " que la DDTEFP est habilitée à demander le retrait ou la modification des dispositions de l'accord qui seraient irrégulières et qu'il importe que cette demande, assortie des arguments juridiques, soit notifiée à l'entreprise par lettre recommandée avec accusée de réception. Il est encore précisé que si l'entreprise n'accède pas à cette demande de mise en conformité dans le délai qui lui aura été indiqué, les irrégularités pourront donner lieu à une remise en cause rétroactive des exonérations par l'URSSAF.
La demande de la Direction départementale du travail et de l'emploi du 21 mai 2002 ne vise nullement au retrait ou à la modification de dispositions qui seraient contraires à la législation en vigueur mais à obtenir un calcul qui soit conforme à la périodicité de calcul qui doit être au moins trimestrielle, la production d'élément de comparaison et des objectifs chiffrés pour l'année 2002 et à rappeler que les sommes non distribuées du fait d'absences doivent être réparties entre les salariés bénéficiaires et non être versées au budget aide sociale du comité d'entreprise.
Cette simple demande ne valant pas mise en demeure de se mettre en conformité ne saurait avoir les conséquences en terme de formalisme que lui prête l'URSSAF DE LA SARTHE. Le jugement sera confirmé sur ce point et l'URSSAF déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'intéressement 2002.
2- Sur le redressement relatif à l'intéressement concernant l'année 2003
La SA MARCEL TABUR estime en premier lieu à tort que les dispositions de l'article R. 243-59 alinéa 8 s'opposeraient à un redressement dès lors que l'URSSAF aurait, en ne contestant pas la pratique de l'entreprise, implicitement validé la conformité du mode d'intéressement pratiqué dans l'entreprise au regard du caractère aléatoire de l'intéressement. Elle tire argument de la lettre du 11 décembre 2001 adressé par l'URSSAF à la suite d'un premier contrôle comptable d'assiette sur la période du 1er janvier 1998 au 60 juin 2001. En effet, ainsi que l'a rappelé le premier juge, l'URSSAF est admise, après le contrôle administratif de l'accord d'intéressement, à contrôler la conformité de la mise en oeuvre de l'accord d'intéressement ce qui lui permet de vérifier s'il n'est pas porté atteinte à son caractère collectif et aléatoire ou au principe de non substitution.
De la même manière le dépôt régulier de l'avenant no4 auprès de la Direction départementale du travail et de l'emploi qui en a accusé réception le 14 mai 2003 sans formuler aucun réserve quant à sa conformité et sans que l'URSSAF ne fasse d'observation dans le délai de 4 mois qui lui était imparti ne saurait interdire à l'URSSAF DE LA SARTHE, en application de l'article L. 441-2 alinéa 8 du code du travail, d'arguer d'une violation du principe de non substitution. En effet l'irrégularité de fait portant sur la mise en oeuvre de l'accord d'intéressement notamment en cas de non respect du principe de non substitution pouvant se révéler lors d'un contrôle en entreprise ne peut être couverte par la procédure de validation implicite et, en conséquence, donner lieu à remise en cause des exonérations des cotisations afférentes aux exercices concernés. Ce moyen inopérant sera rejeté.
Sur le fond, la discussion devant la cour se présente sur ce point également sans apport d'élément nouveau, dans les mêmes termes que ceux soumis au premier juge, lequel l'a exactement tranchée au terme d'une complète analyse des documents au débat et d'une motivation pertinente en droit que la cour adopte.
En effet, le tribunal des affaires de sécurité sociale a, à juste titre retenu, que le contrôle de l'URSSAF avait permis de mettre en évidence d'une part que la société avait volontairement influé sur les critères retenus par les accords en modifiant les formules de calcul pour l'intéressement dans le but de mettre en place un mode de calcul plus favorable pour les salariés et d'autre part que la pratique de versement de primes complémentaires avait visé à contourner les principes du caractère aléatoire de l'intéressement et de non substitution d'un élément du salaire par l'intéressement.
La modification de la périodicité du calcul de l'intéressement a en effet conduit la SA MARCEL TABUR à mettre en place au sein de la société en 2002 un système de versement de primes complémentaires visant à garantir le montant des sommes versées aux salariés ce qui a abouti en 2003 à la substitution d'un élément de salaire par un intéressement supérieur à celui de la période précédente sans respect du délai d'un an obligatoire entre la suppression de l'éléments de salaire et le versement de l'intéressement.
La SA MARCEL TABUR soutient subsidiairement que dans ce cas où la cour retiendrait la violation du principe de non substitution qu'il n'y aurait pas lieu, conformément à ce que prévoit la circulaire du 22 novembre 2001 relative à l'épargne salariale, de réintégrer la totalité des versements d'intéressement dans l'assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale mais de limiter la réintégration desdits versements à hauteur des primes complémentaires versées dans le cadre de l'exercice 2002 afin d'accompagner la mutation du système mensuel vers le système semestriel, étant précisé que ces primes auraient déjà soumises à charges sociales.
Toutefois il résulte des dispositions de l'article L. 441-4 du code du travail que pour bénéficier de l'exonération de cotisations prévue par ce texte, les sommes versées au titre de l'intéressement ne peuvent se substituer, même partiellement, à aucun élément de salaire. Ainsi la réintégration dans l'assiette des cotisations de la totalité des primes litigieuses résulte de ce que les conditions de l'exonération n'étaient pas remplies de sorte que le redressement ne saurait être limité au montant des sommes excédant le montant des anciennes primes mais doit s'étendre à toutes les sommes versées par application de l'avenant no3.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions. Il sera en outre fait droit à la demande reconventionnelle de l'URSSAF DE LA SARTHE visant à la condamnation de la SA MARCEL TABUR à lui payer la somme de 354 178 € au titre des cotisations dues au titre de l'intéressement pour l'année 2003 outre les majorations de retard dues, échues ou à échoir, en application de l'article R. 243-18 code de la sécurité sociale.
La SA MARCEL TABUR qui succombe sur son appel sera tenue aux dépens de l'appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Mans du 17 janvier 2007.
Y ajoutant,
CONDAMNE la SA MARCEL TABUR à payer à l'URSSAF DE LA SARTHE la somme de 354 178 € au titre des cotisations dues au titre de l'intéressement pour l'année 2003 outre les majorations de retard dues, échues ou à échoir, en application de l'article R. 243-18 code de la sécurité sociale.
DÉBOUTE l'URSSAF DE LA SARTHE du surplus de ses demandes.
DÉBOUTE la SA MARCEL TABUR de ses demandes.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLPhilippe BOTHOREL