Chambre Sociale
ARRÊT N
PB/AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/01099.
type de la décision déférée à la Cour,
juridiction d'origine,
date de la décision déférée,
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes du MANS, décision attaquée en date du 20 Avril 2007, enregistrée sous le no 06/00497
ARRÊT DU 06 Mai 2008
APPELANTE :
Madame Suzanne X...
...
72000 LE MANS
aide juridictionnelle partielle (55%) du 26 février 2008 (numéro BAJ : 2007/009744)
représentée par Maître Martine FOURRIER, avocat au barreau du MANS,
INTIMEE :
S.A.R.L. AGETI
29 chemin des Tuileries
13015 MARSEILLE 15
représentée par Maître Florent HERNECQ, substituant Maître Didier BARAULT, avocat au barreau de MARSEILLE,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur BOTHOREL, président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur BOTHOREL, président
Monsieur JEGOUIC, conseiller
Madame RAULINE, conseiller.
Greffier , lors des débats : Madame Annick TIJOU,
ARRÊT :
prononcé le 06 Mai 2008, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame Sylvie LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DES FAITS. PROCÉDURE. OBJET DU RECOURS.
Le 18 mai 2007, Suzanne X..., ancienne salariée de la société "Ageti", a formé appel d'un jugement rendu le 20 avril précédent par le conseil de prud'hommes du Mans, jugement auquel il est au besoin renvoyé pour un plus ample exposé des données du présent litige et dont les auteurs, après avoir notamment estimé qu'elle n'avait jamais exercé au service de cette société que l'emploi de voyageur-représentant-placier (V.R.P.), n'a en conséquence condamnée la même société qu'à lui verser la somme arbitrée dans le dispositif de ce jugement avant de la débouter de toutes ses autres prétentions, soit à l'époque, et pour l'essentiel, d'une demande de rappel de salaires.
Dans le dernier état de ses écritures, dont elle repris la teneur à l'audience, elle sollicite finalement la condamnation de la société Ageti à lui verser les sommes détaillées dans le dispositif de ses écritures, mais cette fois-ci, et toujours pour l'essentiel, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Après avoir souligné que les prétentions de Suzanne X... sont pour la plupart nouvelles en appel -ce qui ne présente d'ailleurs qu'un intérêt relatif au regard de l'article R 516-2, alinéa premier, du code du travail-, la société Ageti conteste pour sa part, point par point, le bien-fondé de ces actuelles prétentions.
MOYENS PROPOSÉS PAR LES PARTIES
Considérant qu'à l'appui de son recours, Suzanne X... fait tout d'abord valoir (dans l'ordre logique) que ce n'est pas elle qui aurait signé "l'exemplaire (de son) contrat de travail, (tel que) versé aux débats par la société Ageti";
Qu'elle entend en conséquence obtenir réparation du "préjudice moral" correspondant, soutient en outre que, dès lors que cette société ne justifie pas en particulier de la nécessité à laquelle elle aurait été confrontée, à l'époque de son licenciement pour maladie, de la remplacer de manière définitive, ce licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse et considère par ailleurs, en particulier, être en droit de réclamer à la société Ageti la somme correspondant à la contrepartie financière de la clause de non-concurrence incluse dans son contrat de travail;
Considérant que la société Ageti, qui estime pour sa part que Suzanne X... aurait clairement renoncé en première instance à certaines de ses actuelles prétentions et adopte au besoin les motifs de la décision déférée, estime par ailleurs notamment démontrer que le licenciement de Suzanne X... était bien fondé sur une cause réelle et sérieuse;
MOTIFS DE L'ARRÊT.
Considérant en premier lieu que si la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut dès lors résulter que d'actes manifestant sans équivoque cette volonté de renoncer, il n'en reste pas moins qu'un telle renonciation est valable lorsqu'elle est formellement exprimée en justice;
Or, considérant qu'il résulte en l'espèce, non seulement de la page 5, paragraphe 3, de la décision déférée, mais encore de la pièce 29 du dossier de première instance, qu'en première instance, Suzanne X..., alors déjà assistée d'un avocat, a expressément "renonc(é) à (son) indemnité de préavis: 5.040 euros et congés payés afférents";
Que, pour ce seul motif, la demande correspondante formée à ce titre en appel par Suzanne X... doit être déclarée irrecevable;
Considérant par contre que le seul fait, pour un salarié, de déclarer devant un conseil de prud'hommes "ne pas contester (son) licenciement" (cf cette fois-ci la pièce 7 bis du dossier de première instance) ne lui interdit nullement de discuter ultérieurement en appel du caractère réel et sérieux des motifs de ce licenciement, et ce par application de l'article précité du code du travail;
Considérant, cela étant, que Suzanne X... ne peut sérieusement solliciter aujourd'hui, surtout à hauteur de 10.000 euros, la réparation du prétendu préjudice moral que lui aurait occasionné le simple fait que ce ne serait pas elle, mais on ne sait qui, qui aurait signé son contrat de travail initial au service de la société Ageti (étant précisé que la société Ageti affirme pour sa part, sans être utilement contredite que ce n'est en tout état de cause pas elle qui est l'auteur de cette signature), dès lors en particulier:
- que, quoiqu'elle en dise, la signature figurant encore une fois sur "l'exemplaire (de son) contrat de travail, (tel que) versé aux débats par la société Ageti" (et les annexes de celui-ci) ressemble étrangement à celles qu'elle avait apposées sur divers documents antérieurs à son embauche par cette société (cf en particulier ses propres pièces 6 et suivantes);
- que, pendant près de cinq ans, Suzanne X..., qui se caractérise d'ailleurs par sa tendance à ne signer aucun document contractuel (cf par exemple son solde de tout compte faisant l'objet de la pièce no11 de la société Ageti) n'a jamais soit sollicité la communication, par son ancien employeur, de ce contrat -ce qui ne peut être un hasard- soit contesté sa qualification contractuelle (alors que la quasi-totalité de ses bulletins de salaire mentionne bien sa qualité de "V.R.P. exclusif" au service de la société Ageti);
- que rien ne démontre encore une fois que ce serait la société Ageti qui serait à l'origine de la prétendue "fausse signature" invoquée par son ancienne salariée;
- que d'ailleurs, Suzanne X... ne peut, sans contradiction, d'une part, prétendre, au moins implicitement, que le contrat litigieux ne lui serait pas opposable, mais, de l'autre, non seulement ne plus contester actuellement sa qualification contractuelle de V.R.P., mais encore se prévaloir du même contrat, notamment pour solliciter le paiement d'une indemnité financière en contrepartie de la clause de non-concurrence incluse dans ce contrat;
- et que la société Ageti souligne à juste titre que Suzanne X... n'a pu en tout état de cause subir aucun préjudice du fait (par hypothèse) de l'absence de signature de son contrat, encore une fois exécuté sans la moindre réserve pendant près de cinq ans, dès lors que le statut de V.R.P. est un statut légal d'ordre public qui s'impose aux parties à un tel contrat de travail, quelles que soient la teneur du contrat conclu par ces parties;
Considérant par ailleurs que, faute d'apporter le moindre commencement de preuve, qui lui incombe, du fait qu'elle aurait créé et/ou étendu une clientèle au bénéfice de la société Ageti, alors surtout que cette clientèle n'a plus été visitée, au moins par elle, pendant plusieurs mois avant son licenciement, Suzanne X... n'est pas fondée à émettre une quelconque réclamation à ce titre;
Considérant en outre que, quoiqu'en dise là encore Suzanne X..., il a été à nouveau vérifié qu'elle a bien été remplie de ses droits au titre de son indemnité de licenciement;
Considérant par contre que, sans même rentrer dans le détail des pièces produites aux débats par l'une ou l'autre des parties (et, notamment, de témoignages de divers pharmaciens s'étonnant en particulier de n'avoir plus reçu aucun commercial de la société Ageti depuis le mois de juillet 2005), force est de constater que la société Ageti reconnaît elle-même, en page 7, paragraphe 10, de ses écritures d'appel, qu'elle n'a pas "remplacé définitivement" Suzanne X..., contractuellement affectée à la prospection des départements du Calvados, de la Manche, de la Mayenne, de l'Orne et de la Sarthe, en concédant expressément que deux de ses autres salariés ne se seraient vu confier (au mieux) que l'exploitation du troisième et du cinquième de ces départements;
Que, pour ce seul motif, et abstraction faite dès lors du moyen tiré par la société Ageti "des spécificités du statut des V.R.P.", il doit donc être fait droit, au moins en son principe, à la demande de dommages et intérêts formée par Suzanne X... pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ce par application de l'article L 1235-3 du code du travail;
Considérant de plus qu'abstraction faite de ce que l'employeur se serait réservé de réclamer à son ancienne salariée en cas de violation, par celle-ci, d'une clause de de non-concurrence....que Suzanne X... conteste à titre principal avoir approuvée, l'indemnité due à ce titre par la société Ageti à son ancienne salariée ne peut être, en application du texte et des éléments de fait visé ou détaillés par cette société en pages 9 et 10 de ses écritures d'appel, que de 1.600,09 euros, comme il l'a été vérifié (peu important toutefois que Suzanne X... "n'ait pas repris, en raison de sa maladie, d'activité professionnelle", ce seul élément étant sans portée, dès lors que, dans tous les cas de figure, il aurait appartenu à la société Ageti de délier Suzanne X... de cette clause de non-concurrence);
Qu'il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée, mais dans ces seules limites;
Considérant enfin qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Suzanne X... les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens;
DÉCISION
PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires ayant déterminé les premiers juges, qu'elle adopte,
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirmant partiellement la décision déférée et statuant à nouveau,
Condamne la société Ageti à verser à Suzanne X... les sommes de:
- 6.000 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- et 1.600,09 euros à titre d'indemnité compensatrice de sa clause de non concurrence,
Confirme la même décision en ses autres dispositions,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société Ageti aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Philippe BOTHOREL