RENVOI DE CASSATION
SC/IM ARRET N 170
AFFAIRE N : 07/01227
Jugement du 20 Décembre 2001Tribunal de Grande Instance de NANTES no d'inscription au RG de première instance 00/00511 Arrêt CA RENNES du 21/05/2003Arrêt C.CASS du 26/01/2005Arrêt CA ANGERS du 3/04/2006Arrêt C.CASS du 13/02/2007
APPELANTS :
Monsieur Jean-Luc X......
Madame Marie-Claude Y... épouse X......
LA SOCIETE D'ASSURANCES THELEM ASSURANCES anciennement MUTUELLES REGIONALES D'ASSURANCES (M.R.A.)Le Croc - BP 63130 - 45431 CHECY
représentés par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Courassistés de Me NATIVEL, avocat au barreau de NANTES
INTIMES :
Monsieur Jean-Pierre B......
LA COMPAGNIE D'ASSURANCES GROUPAMA LOIRE BRETAGNE3/5 rue Félibien - 44000 NANTES
représentés par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Courassistés de Me Philippe HUVEY, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Mars 2008 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame CHAUVEL, conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président en date du 12 décembre 2007 pour exercer les fonctions de président, ayant été entendue en son rapport, Monsieur MARECHAL, conseiller, et Madame JEANNESSON, vice-président placé faisant fonction de conseiller,
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 06 mai 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Madame CHAUVEL, président, et par Madame LEVEUF, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Le 13 novembre 1998, un incendie s'est déclaré dans les combles de la maison d'habitation sise ... (LOIRE ATLANTIQUE) que les époux X... avaient fait construire et dont les travaux d'électricité, plomberie et chauffage avaient été confiés à Jean-Pierre B.... Ils avaient souscrit auprès des Mutuelles Régionales d'Assurances (MRA) une police multirisques habitation.
Estimant que la responsabilité de Jean-Pierre B... pouvait être engagée, les époux X... ont assigné celui-ci ainsi que sa compagnie d'assurance GROUPAMA PAYS DE LOIRE devant le président du tribunal d'instance de NANTES, lequel, par ordonnance de référé en date du 11 février 1999, a désigné un expert judiciaire.
Après dépôt, le 7 juin 1999, du rapport d'expertise, les époux X... et la MRA ont, le 25 janvier 2000, fait assigner, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, Jean-Pierre B... et sa compagnie d'assurance GROUPAMA devant le tribunal de grande instance de NANTES, la seconde comme subrogée dans les droits de ses assurés à hauteur d'une somme de 130 116.91 € versée à titre d'indemnité d'assurance, les premiers pour obtenir l'allocation d'une somme de 9 888.41 € à titre de complément d'indemnisation.
Par jugement en date du 20 décembre 2001, cette juridiction, au motif que le sinistre était dû à une cause fortuite étrangère à l'installation électrique, les a déboutés de toutes leurs demandes.
Les époux X... ainsi que la MRA ont interjeté appel de cette décision.
Par arrêt en date du 21 mai 2003, la Cour d'Appel de RENNES a "ajoutant" audit jugement, déclaré la demande irrecevable, au motif que les maîtres de l'ouvrage ne démontraient pas être dans le délai de dix ans pour agir sur le fondement de la garantie décennale, a confirmé sur les autres dispositions et a condamné les appelants aux dépens ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure de 1 200 €.
Les époux X... ainsi que la MRA ont formé un pourvoi en cassation.
La Cour de Cassation, par arrêt en date du 26 janvier 2005, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt précité sur le moyen unique au visa de l'article 1315 et, ensemble, des articles 1792 et 2270 du code civil, aux motifs que :
- pour déclarer irrecevable leur demande l'arrêt retient qu'il appartient au maître de l'ouvrage qui engage une action sur le fondement de l'article 1792 du code civil, de démontrer qu'il est dans le délai de dix ans pour agir,
- qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'entrepreneur et à son assureur, qui contestaient la recevabilité de l'action des demandeurs, de rapporter la preuve que celle-ci était engagée après l'expiration du délai de garantie décennale, la Cour d'Appel a violé les textes susvisés.
Désignée comme cour de renvoi, la Cour d'Appel d'ANGERS a été saisie le 10 mars 2005 par Monsieur et Madame X... et la compagnie d'assurances THELEM ASSURANCES, nouvelle dénomination de la société MRA et a, par arrêt du 3 avril 2006, statué comme suit :
"Vu l'article 624 du nouveau code de procédure civile,
Se déclare saisie du litige en son entier par l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 26 janvier 2005 ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Rejette toutes les demandes des époux X... et de THELEM ASSURANCES ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum les époux X... et THELEM ASSURANCES à verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à Monsieur B... et la compagnie GROUPAMA ;
Les condamne sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance, d'appel devant la Cour d'Appel de RENNES et de la présente procédure d'appel, lesquels dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile."
Sur nouveau pourvoi formé contre ledit arrêt par les époux X... et la société THELEM ASSURANCES, anciennement dénommée les MUTUELLES REGIONALES D'ASSURANCES (MRA), la Cour de Cassation a, par arrêt du13 février 2007, * cassé et annulé en toutes ses dispositions cet arrêt du 3 avril 2006 et remis en conséquence les causes et les parties dans l'état où elles se trouvaient auparavant et, pour être fait droit, renvoyé l'affaire devant la Cour d'Appel d'ANGERS autrement composée, * et vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamné "ensemble Monsieur B... et la CRAMA DES PAYS DE LOIRE à payer aux époux X... et à la société THELEM ASSURANCES, ensemble, la somme de 2 000 €, * rejeté la demande de Monsieur B... et de la CRAMA DES PAYS DE LOIRE, et ce, au visa de l'article 1792 du code civil et dans les termes suivants :
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 3 avril 2006), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ. 26 janvier 2005, no 03-17.173) que les époux X... ont été victimes d'un incendie dans les combles de leur maison, le 13 novembre 1998 ; qu'ils ont assigné avec leur assureur multirisques les Mutuelles Régionales d'Assurances (MRA), dénommée désormais THELEM ASSURANCES, Monsieur B..., électricien, et son assureur, la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles (CRAMA) des Pays de Loire, exerçant sous l'enseigne Groupama Pays de Loire, aux fins d'obtenir la réparation des préjudices subis sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté que l'incendie dont les époux X... sont victimes soit d'origine électrique, que l'installation électrique s'est avérée, selon l'expert, conforme aux règles de l'art et la mise en oeuvre du matériel a été appropriée, que la cause du sinistre d'origine électrique est liée à un échauffement de la boîte de connexion électrique qui, compte tenu de l'absence d'altération des conducteurs, a pour cause probable unchoc ou un rongeur, que l'expert a établi l'existence d'une cause étrangère, que cette cause étrangère ne peut être assimilée à un cas de force majeure qui répond à des conditions particulières d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité, lesquelles ne sont pas démontrées, que la responsabilité de Monsieur B... ne peut donc être mise en cause sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, en retenant la cause étrangère pour écarter la responsabilité de plein droit de Monsieur B... sur le fondement de l'article 1792 du Code Civil tout en constatant que les conditions de la force majeure n'étaient pas démontrées et alors que le fait d'un tiers ou de la victime n'avait pas été invoqué, la Cour d'Appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé."
A la suite, les époux X... et la Compagnie d'Assurances THELEM ASSURANCES ont saisi la présente Cour, ainsi autrement composée, pour demander en commun, par voie d'infirmation totale du jugement du tribunal de grande instance de NANTES en date du 20 décembre 2001 et au visa des articles 1792 du code civil, L.124.3 et L.121.12 du code des assurances, de condamner in solidum Jean-Pierre B... et la CRCAM des PAYS DE LA LOIRE, dite "GROUPAMA PAYS DE LA LOIRE" à payer :
* aux premiers la somme de 9 888.41 €, en réparation du préjudice financier resté à leur charge,
* à la seconde, la somme de 130 116.96 € en remboursement de l'indemnité d'assurance versée à ses assurés,
lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance.
Jean-Pierre B... et la Compagnie d'Assurances GROUPAMA LOIRE BRETAGNE concluent au rejet de l'appel des époux X... et de la société THELEM ASSURANCES ; à titre subsidiaire, à "la réduction à un montant de pur principe, en tout cas dans les plus larges proportions, de l'indemnisation requise par les époux X..." ; "en toute hypothèse à la condamnation in solidum de leurs adversaires au paiement à leur profit de la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre "entiers dépens de première instance, d'appel devant la Cour d'Appel de RENNES et de la présente procédure d'appel "avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions des parties en date des 4 mars 2008 (époux X... et société THELEM ASSURANCES) et 18 février 2008 (Jean-Pierre B... et GROUPAMA LOIRE BRETAGNE) ;
MOTIFS
L'incendie est survenu le 13 novembre 1998, soit cinq ans après l'édification de l'immeuble et la réalisation des travaux d'électricité afférents.
Au terme de ses investigations, l'expert judiciairement commis, a considéré que l'origine de cet incendie se situait dans les combles de la maison et plus particulièrement dans l'environnement immédiat de la boîte de connexion électrique ; qu'il était permis d'exclure un court-circuit et "raisonnablement" un échauffement résultant de surcharge ou de résistance élevée ; que, "compte-tenu de l'absence d'altération des conducteurs au niveau de la boîte de connexion, la cause la plus probable était l'échauffement d'un conducteur altéré par un choc ou par un rongeur." Il a alors conclu que l'origine de l'incendie était l'échauffement d'un conducteur pour "cause fortuite",en précisant que l'installation électrique avait été mise en oeuvre dans les règles de l'art avec du matériel approprié et que, "de plus", tous les circuits possédaient des dispositifs de protection calibrés à 30 milliampères, ce qui allait au-delà des exigences réglementaires.
Son rapport ne fait l'objet d'aucune critique.
La seule discussion porte sur l'application de l'article 1792 du code civil, en ce qu'il dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître de l'ouvrage des dommages qui, affectant ledit ouvrage dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, rendent celui-ci impropre à sa destination ; qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
En l'espèce, le rapport d'expertise judiciaire sus-visé n'aboutit, loin s'en faut, ni à la révélation d'un vice intrinsèque de l'installation électrique, ni à un fonctionnement anormal de cette installation, de sorte que sans qu'il soit besoin d'aller plus avant, le jugement déféré doit être confirmé, faute par les époux X... de rapporter la preuve de ce que l'origine du sinistre trouve sa source dans un vice intrinsèque ou un fonctionnement anormal de l'installation d'électricité réalisée par Jean-Pierre B....
Il y a lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme requise par les intimés.
PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré, sauf à préciser que le dépens de première instance incluent les frais d'expertise ;
CONDAMNE in solidum les époux X... et la société THELEM ASSURANCES à verser à Jean-Pierre B... et la Compagnie d'Assurances GROUPAMA LOIRE BRETAGNE la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum les mêmes aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
C. LEVEUF S. CHAUVEL