COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE COMMERCIALE
MBB / DL
ARRET N : 238
AFFAIRE N : 07 / 01408
jugement du 25 Juin 2007
Tribunal de Grande Instance de LAVAL
no d'inscription au RG de première instance 05 / 01240
ARRET DU 1er JUILLET 2008
APPELANTS :
LA CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE
26 place Thiers
BP 34
53500 ERNEE
représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoué à la Cour-No du dossier 44253
assistée de Maître Yves MOULIERE, avocat au barreau de Laval
Monsieur Maurice X...
...
53380 ST HILAIRE DU MAINE
Madame Andrée Y... épouse X...
...
53380 ST HILAIRE DU MAINE
représentés par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoué à la Cour-No du dossier 30009
assistés de Maître Jean LANDRY, avocat au barreau de Laval
INTIMÉE :
Madame Laurence Z... épouse X...
...
53380 ST HILAIRE DU MAINE
représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoué à la Cour-No du dossier 29948
assistée de Maître Jean LANDRY, avocat au barreau de Laval
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2008 à 13 H 45, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame BRETON, Conseiller, qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame FERRARI, Président de chambre
Madame LOURMET, Conseiller
Madame BRETON, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur BOIVINEAU
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 1er juillet 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame FERRARI, Président, et par Monsieur BOIVINEAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 30 octobre 2003 la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE a consenti à monsieur Denis X... et madame Laurence Z..., son épouse, un prêt professionnel de 20 000 euros remboursable en 48 mensualités de 460, 13 euros au taux effectif global 6, 695 %.
Par acte du même jour monsieur Maurice X... et madame Andrée Y... son épouse se sont portés caution solidaire et indivisible des engagements de monsieur Denis X... et madame Laurence Z... à hauteur de la somme de 26 000 euros.
Monsieur Denis X... a été placé en redressement judiciaire par jugement du 6 avril 2005 et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE a déclaré sa créance à la procédure collective pour un montant de 15 174, 30 euros.
Par acte du 6 juillet 2005 la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE a assigné madame Laurence Z..., monsieur Maurice X... et madame Andrée Y... devant le Tribunal de Grande Instance de LAVAL en paiement des sommes de 15 535, 72 euros arrêtée au 9 février 2006 avec intérêts au taux contractuel sur 13 364, 03 euros et au taux légal pour le surplus ainsi que la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 7OO du code de procédure civile.
Par jugement du 25 juin 2007 le Tribunal de Grande Instance de LAVAL a condamné solidairement monsieur Maurice X... et madame Andrée Y... à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE la somme de 15 174, 30 euros avec intérêts au taux contractuel sur 13 364, 03 euros et au taux légal sur la clause pénale de 47, 80 euros à compter de l'assignation du 6 juillet 2005, condamné madame Laurence Z... à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE la somme de 15 174, 30 euros avec intérêts au taux contractuel sur 13 364, 03 euros et au taux légal sur la clause pénale de 47, 80 euros à compter de l'assignation du 6 juillet 2005, condamné la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE à payer à madame Laurence Z..., à titre de dommages et intérêts, une somme d'un montant égal au montant, pour toutes causes, des condamnations prononcées contre elle, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 7OO du code de procédure civile, condamné monsieur Maurice X... et madame Andrée Y... aux dépens comprenant le coût de l'inscription d'hypothèque judiciaire.
LA COUR
Vu l'appel formé par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE, monsieur Maurice X... et madame Andrée Y... contre ce jugement ;
Vu les dernières conclusions du 1er avril 2008 par lesquelles la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE demande à la cour d'infirmer le jugement en ses dispositions lui faisant grief, de condamner madame Laurence Z... à lui payer 15 535, 72 euros avec intérêts au taux de 7, 95 % sur
13 364, 03 et au taux légal sur le surplus à compter du 6 juillet 2005, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à madame Laurence Z..., à titre de dommages et intérêts, une somme égale au montant des condamnations prononcées contre cette dernière, débouter madame Laurence Z... de ses demandes de ce chef, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné monsieur X... et madame Andrée Y... solidairement, condamner monsieur Maurice X... et madame Andrée Y... à lui payer 15 535, 72 euros avec intérêts au taux de 7, 95 % sur 13 364, 03 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 6 juillet 2005, condamner madame Laurence Z..., monsieur Maurice X... et madame Andrée Y... à lui payer 3 000 euros en application des dispositions de l'article 7OO du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions du 21 avril 2008 par lesquelles monsieur Maurice X..., madame Andrée Y... et madame Laurence Z... demandent à la cour de confirmer le jugement en ses dispositions concernant madame Laurence Z... sauf à ordonner la compensation judiciaire entre les sommes dues entre la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE et elle-même, l'infirmer en ses dispositions faisant grief à monsieur Maurice X... et madame Andrée Y... et constater l'extinction de la créance de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE suite à la compensation intervenue entre la créance de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE et celle de madame Laurence Z..., débouter la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE de ses demandes à leur encontre, condamner la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE à leur payer
1 200 euros au titre des frais de procédure de première instance et 2 500 euros au titre des frais de procédure d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;
DISCUSSION
Attendu que madame Laurence Z... conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, en ce qui la concerne sauf à y ajouter en ordonnant la compensation judiciaire de toutes les sommes pouvant être dues entre elle-même et la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE ;
Attendu que par acte sous seing privé du 30 octobre 2003 madame Laurence Z... a souscrit un emprunt de 20 000 euros auprès de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE en qualité de co emprunteuse en autorisant, aux termes des conditions générales annexées au contrat, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE à affecter les fonds directement à l'objet qui leur est destiné par la convention, savoir, fonds de roulement supplémentaires liés à l'accroissement de l'activité professionnelle de monsieur Denis X... ; qu'elle ne prétend ni ne justifie que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE n'aurait pas respecté cette affectation de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'elle se trouvait débitrice des sommes dues à la banque en exécution du prêt ;
Attendu que le tribunal a limité le montant des sommes dues par madame Laurence Z... en exécution du prêt à la somme de 15 174, 30 euros en retenant que la créance de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE a été admise pour ce montant au passif de la procédure collective de monsieur Denis X... ;
Attend que l'article 1208 du code civil énonce que le codébiteur solidaire, poursuivi par le créancier, peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de l'obligation et toutes celles qui lui sont personnelles, ainsi que celles qui sont communes à tous les débiteurs ;
Que les limites fixées à l'action du créancier à l'encontre des cautions d'un codébiteur, par la décision d'admission de la créance du créancier commun au passif de la procédure collective de ce codébiteur, ne résultent pas de la nature de l'obligation et ne constituent pas une exception commune aux codébiteurs pouvant être opposée au créancier par un codébiteur solidaire ;
Que, s'agissant de la somme due par madame Laurence Z... en sa qualité de co emprunteuse le montant doit en être déterminé au regard des obligations qu'elle a contractées dans le contrat de prêt et non par rapport au montant admis au passif de son co débiteur ;
Attendu qu'il ressort du décompte de créance arrêté au 9 février 2006 que la somme due par madame Laurence Z... en exécution du contrat de prêt s'élève à 15 535, 72 euros qui portera intérêts au taux contractuellement prévu sur 13 364, 03 euros et au taux légal sur le surplus à compter de l'assignation ;
Attendu que madame Laurence Z... présente une demande reconventionnelle contre la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE, fondée sur la responsabilité de celle-ci, à laquelle elle reproche d'avoir manqué envers elle à son devoir d'information et de mise en garde ; qu'elle fait valoir que, compte tenu des prêts précédemment consentis par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE, la charge mensuelle de remboursement du prêt considéré, d'un montant de 460, 13 euros, était disproportionnée par rapport à son revenu professionnel s'élevant à 711, 85 euros par mois ;
Attendu que la banque, sur qui repose la charge de rapporter la preuve que l'emprunteur auquel elle a consenti un prêt est un emprunteur averti, se borne à affirmer que madame Laurence Z..., épouse, commune en biens de monsieur Denis X..., doit être considérée comme un emprunteur averti ; que ce faisant, elle n'en administre par la preuve ; que madame Laurence Z..., employée en qualité d'agent d'entretien, n'ayant aucune expérience dans la gestion d'une entreprise, ne disposait d'aucune compétence pour apprécier par elle-même la pertinence du montage financier et les perspectives d'avenir de l'entreprise de transports routiers de monsieur Denis X..., son mari ; qu'elle est une emprunteuse profane ;
Attendu que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE a envers madame Laurence Z... un devoir de mise en garde consistant à attirer son attention sur les risques que lui fait encourir l'engagement de remboursement qu'elle contracte personnellement alors que ses ressources personnelles, justifiées pour un montant mensuel de 735 euros, se trouvaient déjà engagées, à concurrence de 636, 71 euros, par ses précédents engagements et que le prêt considéré correspondait un engagement global de 1 079, 28 euros ;
Attendu que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE ne verse au débat aucun élément démontrant qu'elle a satisfait à son devoir de mise en garde ; qu'elle a ainsi commis une faute qui a pour conséquence directe de placer madame Laurence Z... dans l'obligation de faire face seule au remboursement de l'emprunt ainsi contracté ; que le préjudice qui en résulte consiste en la perte de chance de n'avoir pas contracté cet engagement et doit être estimé à la somme de 15 800 euros ;
Attendu que la créance de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE à l'encontre des cautions est déterminée par le montant de l'admission de la créance au passif de la procédure collective de monsieur Denis X... par une décision définitive du 6 novembre 2006 pour la somme de 15 174, 30 euros ;
Attendu qu'au soutien de leur appel monsieur Maurice X... et madame Andrée Y... font valoir que, dès lors que, par compensation, la créance de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE est éteinte, la banque est mal fondée à en réclamer paiement aux cautions, l'extinction de la créance constituant une exception opposable par la caution au créancier ;
Attendu que l'article 1294 du code civil, invoqué par monsieur Maurice X... et madame Andrée Y..., énonce que la caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur ;
Mais attendu que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE poursuit monsieur Maurice X... et madame Andrée Y... en leur qualité de caution de monsieur Denis X... ; que la créance de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE, telle qu'admise au passif de la procédure collective de monsieur Denis X... n'est compensée par aucune créance établie de monsieur Denis X... contre la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE ; que le moyen est mal fondé et doit être rejeté ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné solidairement monsieur Maurice X... et madame Andrée Y... à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE la somme de 15 174, 30 euros avec intérêts au taux contractuel sur 13 364, 03 euros et au taux légal sur le surplus à compter du 6 juillet 2005 ;
Attendu qu'aucune considération d'équité ne commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties ;
Attendu que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE, qui succombe en grande partie en son appel, en supportera les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement :
CONFIRME le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE contre madame Laurence Z..., contre monsieur Maurice X... et contre madame Andrée Y..., en ce qu'il a fait droit, en son principe à la demande reconventionnelle de madame Laurence Z... contre la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE, ainsi que sur le montant de la condamnation prononcée solidairement contre monsieur Maurice X... et madame Andrée Y... et en ses dispositions relatives aux frais de procédure et aux dépens.
Le réformant sur le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de madame Laurence Z... et sur le montant des dommages et intérêts alloués à madame Laurence Z... :
CONDAMNE madame Laurence Z... à payer à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE la somme de 15 535, 72 euros avec intérêts au taux contractuel sur 13 364, 03 euros et au taux légal sur le surplus à compter du 6 juillet 2005.
CONDAMNE la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE à payer à madame Laurence Z... la somme de 15 800 euros à titre de dommages et intérêts.
ORDONNE la compensation entre la créance de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE à l'égard de madame Laurence Z... et la créance de madame Laurence Z... à l'égard de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE à concurrence de la plus faible.
REJETTE les demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL ERNEE BOCAGE aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions fixées par l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
D. BOIVINEAU I. FERRARI