Chambre Sociale
ARRÊT N
BA / SLG
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 01694.
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes d'ANGERS, décision attaquée en date du 11 Juillet 2007, enregistrée sous le no 06 / 00159
ARRÊT DU 25 Novembre 2008
APPELANT :
Monsieur Bernard X...
...
49100 ANGERS
présent, assisté de Maître Pieter-Jan PEETERS, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S. A. S. ARTUS
Chemin du Champs des Martyrs-BP 20009
49240 AVRILLE CEDEX
représentée par Monsieur Y..., président directeur général, assisté de Maître Gilles PEDRON, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Octobre 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant madame Brigitte ANDRE, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur BOTHOREL, président
Madame ANDRE, conseiller
Madame LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame LE GALL,
ARRÊT :
prononcé le 25 Novembre 2008, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
I / Exposé du litige, moyens et prétentions des parties
Bernard X... a été engagé le 21 juillet 2003 en qualité de directeur général du site d'Avrillé avec une qualification de cadre III-C de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie par la société ARTUS société concevant et fabriquant des équipements électroniques pour l'industrie aéronautique civile et militaire,
Il a été convoqué pour un entretien avant une éventuelle mesure de licenciement qui s'est tenu le 3 février 2006 et a été licencié le 9 février suivant pour cause personnelle,
Contestant cette mesure il a saisi le conseil de prud'hommes pour faire juger son licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et obtenir des dommages intérêts,
Par jugement du 11 juillet 2007, le conseil de prud'hommes d'Angers a débouté Bernard X... de l'ensemble de ses demandes après avoir considéré que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse,
Bernard X... a relevé appel de ce jugement,
Il critique point par point les griefs énoncés dans la lettre de licenciement et demande à la cour d'infirmer le jugement pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il demande 550000 Euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article L122-14-4 du code du travail, et 50000 Euros pour perte d'une chance de réaliser une plus value sur les options qui lui avaient été consenties sur le fondement de l'article 1382 du code civil, outre 1500 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La société ARTUS soutient sa procédure de licenciement en faisant valoir l'insuffisance professionnelle de Bernard X... et reprenant les griefs articulés dans la lettre de licenciement, elle demande la confirmation de la décision et de condamner Bernard X... au paiement de la somme de 5000 Euros sur le fondement de l'article 700 du cpc,
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure il sera renvoyé au jugement critiqué et aux écritures des parties, soutenues oralement devant la cour à l'audience de plaidoirie,
II / Motifs de la décision
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reproche au salarié les griefs suivants :
- non-respect du devoir de reporting et d'alerte sur des affaires critiques de recherche et de développement et ce malgré différentes demandes pressantes
-manquement à l'obligation de loyauté
-insuffisances professionnelles en matière de recherche et de développement
-insuffisances dans les autres composantes de sa mission de direction générale notamment sur les secteurs production, qualité, finances et ressources humaines
ces insuffisances ayant été traduites par une dégradation des résultats,
- le non respect du devoir de reporting et d'alerte sur des affaires critiques de recherche et de développement et ce malgré différentes demandes pressantes,
Bernard X... a été dispensé de l'exécution de son préavis qui lui a été réglé à échéance normale.
Il résulte des éléments versés aux débats que le 10 janvier 2006 Robert Y... président directeur général de la société a formé une demande à Bernard X... d'avoir une présentation des documents qui seraient présentés à AIRBUS lors de la réunion avec le client,
Il est acquis que lors de cette réunion, à laquelle participait Bernard X... un glissement du planning de 11 mois pour la disponibilité du BCRU a été annoncé à AIRBUS,
La société ARTUS reproche le fait d'avoir annoncé ce report de délai sans avoir prévenu sa direction qui n'en a été informée que par le mécontentement de la cliente,
En cause d'appel Bernard X... affirme que Robert Y..., président de la société ARTUS, était présent et que c'est lui qui a informé la société AIRBUS de ce retard dans le planning, il invoque un courriel adressé par Patrick B..., cadre de la société AIRBUS, le 18 janvier 2006 qui accréditerait sa version,
Le 18 janvier 2006 Robert Y... annonçait a AIRBUS qu'il ne pouvait être là, à la réunion du 19 janvier, il n'aborde pas un glissement du planning mais au contraire forme des voeux sur l'aboutissement des négociations commerciales amorcées et devant trouver leur épilogue au 31 janvier 2006,
Or AIRBUS l'informait qu'il avait été annoncé le lundi 16, lors de la réunion préparatoire entre les équipes d'AIRBUS et celles de ARTUS un glissement du planning lui écrivant " si vous estimez que d'avoir annoncé lundi dernier un décalage de 11mois de la disponibilité du BCRU pouvait remettre en question ces engagements, je pense qu'effectivement vous avez des raisons de vous inquiéter ",
Or ce courriel ne contredit pas la version de la société ARTUS puisque par courriel du 24 janvier 2008 Bernard X... écrit " saint amans est témoin que ce planning a été présenté avec toutes les précautions nécessaires... "
C'est donc bien Bernard X... qui a informé l'équipe d'AIRBUS le 16 janvier du report de 11 mois du délai contractuellement arrêté entre les parties en novembre 2005,
Aucune trace écrite à sa direction du report du délai prévu initialement et pouvant mettre à mal les relations commerciales avec la cliente, la société AIRBUS, n'est versée aux débats par Bernard X... qui n'affirme même pas avoir prévenu préalablement à cette réunion, son supérieur hiérarchique qui s'est trouvé ainsi devant le fait accompli,
Bernard X... a manqué à son obligation d'alerter sa direction sur un délai reporté concernant une affaire sensible,
Ce grief est établi.
Le manquement à l'obligation de loyauté :
La société ARTUS fait le reproche à son salarié d'avoir accepté la réorganisation de l'ensemble du groupe ARTUS décidé en décembre 2005 et présenté au comité d'entreprise le 16 janvier 2006 et d'avoir refusé d'exposer cette réorganisation lors du comité de direction du 20 janvier 2006 malgré une demande explicite d'un collaborateur et s'être contenté de faire une information par courriel le lundi suivant alors que mention avait été faite aux directeurs de faire une présentation précise et en détail devant les salariés,
Bernard X... conteste cette faute faisant valoir qu'il attendait une autorisation pour diffuser cette information,
Or, le 17 janvier 2006 a été diffusée à l'attention de chacun des directeurs généraux des sociétés, une note intitulée " objet : Evolution de la structure du groupe ARTUS SAS au bas de la note était mentionné " je remercie chaque destinataire de diffuser l'information et de relayer celle-ci vers les équipes administratives, ressources humaines, finances et opérationnelles,
Cette note a été expédiée à Bernard X... le 17 janvier à 8H46 et rediffusée le 19 janvier 2006,
Les salariés ont fait connaître au directeur des achats qu'ils souhaitaient que soit abordée à la réunion CPAI du 20 janvier 2006, la nouvelle organisation du groupe ARTUS sur le site d'Avrille,
Cet événement a été mis à l'ordre du jour de la réunion CPAI du 20 janvier 2006
Or à la réunion CPAI du 20 janvier il a été mentionné " note non présentée en séance sera diffusée par e-mail au comité de pilotage ",
Bernard X... confondu par ces documents prétend qu'il n'a pas lu cette note car son envoi était tardif et qu'il pensait que ce document était identique à celui dont il avait eu connaissance en décembre 2006,
Cette argumentation n'est pas pertinente car, d'une part, dans une société un envoi à 17H59 ne peut être considéré comme tardif, et surtout, d'autre part, lors de l'envoi de la note le 17 janvier 2006 un courrier accompagnait la pièce jointe " je te joins la dernière version j'avais prévu de la diffuser aujourd'hui "
Aussi Bernard X... était en possession, bien avant la réunion, de la nouvelle note d'organisation et il avait été avisé que sa diffusion était possible,
Ce n'est qu'acculé qu'il a diffusé cette note, et par courriel, sans explication aux salariés, contrairement aux demandes de sa direction, et ce parce qu'il désapprouvait cette réorganisation,
Cette façon de faire est un manque de loyauté à l'égard de l'entreprise,
Ce grief est établi.
Concernant l'insuffisance professionnelle :
La société fait le reproche à Bernard X... de ne pas avoir enrayé les retards constatés sur les programmes Recherches et Développement d'importance malgré la reconnaissance par le salarié en février 2005 de ses faiblesses de management aucune évolution notable n'a été constatée ce qui a conduit des clients autre qu'AIRBUS à faire valoir leur insatisfaction sur la conduite de leurs projets Recherche et Développement,
Le compte rendu de la réunion du 4 janvier 2006 met en avant les points de dissension entre la direction et Bernard X... qui notamment a fait état qu'il venait de lancer un exercice avec son équipe destiné à obtenir une photographie des ressources par projets,
Le courriel marque l'insatisfaction de la direction,
Cependant la société ne rapporte aucun élément concret sur l'insatisfaction de la clientèle,
Ce grief n'est pas rapporté.
Sur l'insuffisance professionnelle relative au secteur de la production Qualité, Finances et Ressources Humaines :
Bernard X... fait état de résultats accomplis par lui, supérieurs à ceux de ses prédécesseurs et successeurs,
Cependant les chiffres mentionnés par Bernard X... sont faussés par le taux de change Euro / dollar et la simple comparaison mathématique à change constant fait apparaître que le résultat d'exploitation a diminué de près de 30 %, la société sous la direction de Bernard X... a présenté une augmentation du niveau des stocks, une augmentation du besoin en fond de roulement fragilisant sa trésorerie ainsi qu'une augmentation du délai de créance client, tous ces éléments démontrent une dégradation en matière de gestion de l'entreprise dont la pérennité ne dépend pas seulement de la qualité mais également de la productivité,
Ce sont ces éléments que Robert Y... mettait en avant lors de la réunion du 4 janvier 2006 sans qu'une amélioration ne soit venue,
De sorte que l'ensemble des griefs allégués et prouvés par la société a justifié le licenciement de Bernard X... pour cause réelle et sérieuse,
Le jugement sera en conséquence confirmé,
Il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement.
Condamne Bernard X... à payer à la société ARTUS la somme de 1500 Euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne le même aux dépens de la procédure d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALL Philippe BOTHOREL