COUR D'APPEL
D'ANGERS
Chambre Sociale
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N
CLM / AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 01277.
type de la décision déférée à la Cour,
juridiction d'origine,
date de la décision déférée,
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes de SAUMUR, décision attaquée en date du 26 Avril 2007, enregistrée sous le no 06 / 00155
ARRÊT DU 06 Janvier 2009
APPELANT :
Monsieur Mario X...
...
3510 VISEN-PORTUGAL
représenté par Maître Claudy VALIN, avocat au barreau de LA ROCHELLE,
INTIMEE :
S. A. R. L. TRANSPORT INTERNATIONAUX GAZEAU
ZA Bel Air
49110 CHAUDRON EN MAUGES
représentée par Maître Bertrand CREN, avocat au barreau d'ANGERS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame LECAPLAIN-MOREL, conseiller, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur BOTHOREL, président
Madame ANDRE, conseiller
Madame LECAPLAIN-MOREL, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame TIJOU,
ARRÊT :
prononcé le 06 Janvier 2009, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur BOTHOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
Le 20 novembre 1991, la SARL TRANSPORTS GAZEAU a engagé M. Mario X... en qualité de chauffeur routier, groupe 6, coefficient 138, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée courant jusqu'au 20 février 1992, moyennant un salaire brut mensuel de 6 800 F (1 036, 65 €).
Il ne fait pas débat que la relation contractuelle de travail s'est poursuivie après l'échéance du terme du CDD de sorte qu'en application des dispositions de l'article L 122-3-10 du code du travail (devenu l'article L 1243-11), celui-ci est devenu un contrat de travail à durée indéterminée.
Par courrier en date du 20 septembre 1999, la SARL TRANSPORTS GAZEAU a fait connaître à la société AMPAFRANCE qu'elle ne pouvait pas accéder à sa demande de compression de ses coûts de transports avec sa filiale portugaise au motif que les tarifs sollicités étaient inférieurs au seuil de rentabilité.
Le 5 octobre suivant, la SA AMPAFRANCE lui signifiait l'interruption de leur partenariat.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 septembre 1999, la SARL TRANSPORTS GAZEAU a fait connaître à M. X... que, suite à la perte de l'un de ses clients assurant un volume d'affaires très important en provenance du Portugal, elle était amenée à réduire ses rotations internationales et qu'elle lui proposait une réorganisation de son travail consistant à assurer des transports en trafic national au départ de son siège et ce, dans l'urgence, à compter du 5 octobre 1999.
L'employeur indiquait à son salarié qu'à défaut de réponse favorable avant cette date, il pourrait bénéficier d'une convention de conversion dans le cadre du licenciement pour motif économique susceptible d'être mis en oeuvre.
Par lettre du 3 octobre 1999, soulignant qu'il travaillait pour la SARL TRANSPORTS GAZEAU depuis 8 ans " à condition de demeurer au Portugal " et qu'un délai de réflexion de onze jours lui paraissait insuffisant pour tout abandonner dans ce pays, M. X... sollicitait le respect du délai légal de réflexion de 30 jours applicable en cas de modification substantielle du contrat de travail.
Le 8 octobre 1999, l'employeur lui répondait que les dispositions de l'article L 321-1-2 du code du travail ne trouvaient pas à s'appliquer dès lors que, selon lui, sa proposition n'entraînait pas de modification substantielle de son contrat de travail dans la mesure où il avait été embauché en tant que résident en France et où une mobilité permanente procédait de la nature même de ses fonctions.
Néanmoins, il acceptait de lui laisser un délai de réflexion supplémentaire jusqu'au 15 octobre 1999 pour lui faire tenir sa réponse et il lui précisait qu'en cas de refus de sa proposition d'un travail en trafic national, il serait amené à mettre en oeuvre à son encontre une procédure de licenciement pour motif économique.
Par courrier du 7 octobre 1999, dont la SARL TRANSPORTS GAZEAU a accusé réception le 11 octobre suivant, M. Mario X... a fait connaître à son employeur qu'il ne refusait pas de travailler pour lui mais que c'est lui qui refusait de lui donner du travail conformément aux conditions antérieures ; que, dès lors, il lui demandait de procéder à son licenciement pour motif économique comme il le lui avait annoncé.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement qui s'est déroulé le 29 octobre 1999, par lettre du 4 novembre suivant, M. Mario X... s'est vu notifier son licenciement pour motif économique.
Le 29 janvier 2001, il a contesté cette mesure devant le conseil de prud'hommes de CHOLET qu'il a saisi également d'une demande de rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateurs et d'une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant pour lui de la rétention d'une partie de son salaire.
Par jugement du 5 décembre 2002, cette juridiction a, avant dire droit sur l'ensemble des demandes, ordonné une mesure d'expertise confiée à M. Michel Y... auquel mission était donnée de faire les comptes entre les parties et de déterminer les sommes éventuellement dues au salarié à titre de rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, outre l'incidence sur les congés payés.
L'expert a établi son rapport le 15 septembre 2004. Par ordonnance du 10 janvier 2005, Madame le premier président de la cour d'appel d'Angers a désigné le conseil de prud'hommes de Saumur, en sa formation de jugement, en qualité de juridiction de renvoi suite à l'abstention des conseillers prud'hommes de la section commerce du conseil de prud'hommes de Cholet.
M. Mario X... est régulièrement appelant de l'ensemble des dispositions d'un jugement du conseil de prud'hommes de Saumur du 26 avril 2007 qui :
- a dit que son licenciement était justifié par un motif économique,
- a donné acte à la SARL TRANSPORTS GAZEAU de ce qu'elle offrait de lui payer, à titre de rappel de salaire, la somme de 1 217, 81 € et, à défaut, l'a condamnée au paiement de cette somme,
- l'a débouté du surplus de ses demandes et a laissé les dépens à la charge de la SARL TRANSPORTS GAZEAU, excepté les frais d'expertise.
Il demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que son licenciement pour motif économique reposait sur une cause réelle et sérieuse et de condamner la SARL TRANSPORTS GAZEAU à lui payer la somme de 36 759 € à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article L 122-14-4 du code du travail (devenu l'article 1235-3),
- de réformer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL TRANSPORTS GAZEAU à lui payer la somme de 1 217, 81 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, de juger que le rapport d'expertise de M. Michel Y... est entaché d'erreurs d'interprétation et de droit et de dire que ses conclusions ne pourront pas être retenues comme base d'étude du dossier et de condamner la SARL TRANSPORTS GAZEAU à lui payer les sommes suivantes avec intérêts de droit à compter du jour de la demande :
¤ rappel d'heures supplémentaires :
19964 620, 23 €
19975 062, 43 €
19983 925, 59 €
19991 200, 81 €
¤ incidence sur congés payés :
1996462, 02 €
1997506, 24 €
1998392, 56 €
1999120, 08 €
¤ rappel de repos compensateurs :
1996561, 14 €
1997 1 045, 03 €
1998954, 96 €
1999273, 21 €
¤ incidence sur congés payés :
1996 56, 14 €
1997 104, 50 €
1998 92, 50 €
1999 27, 32 €
¤ dommages et intérêts en réparation 2 286 €
du préjudice financier résultant de la
rétention d'une partie du salaire.
Il sollicite en outre une indemnité de procédure de 1 200 € et la condamnation de l'intimée aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.
Au soutien de sa position selon laquelle son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. Mario X... :
- invoque le non-respect de la procédure, et plus précisément du délai, prévus par l'article L 321-1-2 du code du travail (devenu L 1222-6) alors, selon lui, que la proposition formulée par son employeur emportait bien modification substantielle de son contrat de travail,
- conteste le motif économique allégué et la réalité de la suppression de son poste, arguant, notamment, de ce qu'il n'était pas affecté au client AMPAFRANCE,
- oppose que, dans le cadre de la présente instance, la SARL TRANSPORTS GAZEAU ne peut pas invoquer la nécessité de réorganiser l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité alors que ce motif n'apparaît pas dans la lettre de licenciement,
- invoque l'absence de tentative de reclassement, le courrier de la SARL TRANSPORTS GAZEAU en date du 23 septembre 1999 ne constituant pas, selon lui, une offre de reclassement mais une proposition de modification de son contrat de travail.
La SARL TRANSPORTS GAZEAU demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Mario X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice financier lié à la rétention d'une partie de son salaire,
- de l'infirmer s'agissant des rappels de salaire pour heures supplémentaires et repos compensateurs et de fixer, de ce chef, la créance de l'appelant à la somme de 1 217, 81 € calculée par l'expert,
- subsidiairement, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. Z... la somme de 1 217, 81 € qu'elle a offert de régler depuis le début de la procédure,
- de condamner ce dernier à lui verser une indemnité de procédure de 1 500 € et à supporter les entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise.
Sur le licenciement, la SARL TRANSPORTS GAZEAU fait valoir :
- que M. Mario X... a toujours été domicilié en France, et que le fait qu'il ait pu avoir une résidence au Portugal procédait d'un choix de vie personnel,
- que le salarié ne soutient pas même que son affectation sur une ligne France-Portugal aurait été une condition de son embauche ni un élément substantiel de son contrat de travail,
- qu'elle n'a jamais tenté de lui imposer une modification de son contrat de travail, de sorte qu'elle estime que les dispositions de l'article L 321-1-2 du code du travail ne trouvaient pas à s'appliquer,
- qu'en tout état de cause, l'appelant a bénéficié d'un délai bien supérieur à un mois,
- que M. X... a refusé la proposition de reclassement qu'elle lui a faite de sorte qu'elle n'a pas eu d'autre solution que de le licencier,
- que le motif économique tenant aux mauvais résultats de l'entreprise en 1999, et à la perte du client AMPAFRANCE est justifié,
- que la perte de ce marché ne pouvait qu'entraîner la suppression des six postes de chauffeurs créés pour assurer le transport des marchandises de cette société entre la France et le Portugal,
- que dans un contexte de concurrence exacerbée, elle a définitivement perdu tous ses contrats vers le Portugal et a cédé le site qu'elle avait ouvert sur place à LOURCAL,
- qu'on ne saurait lui reprocher d'avoir réorganisé son activité en réduisant les rotations internationales et en supprimant la ligne du Portugal, devenue sans objet, et ce, afin de préserver les emplois et d'assurer la pérennité de l'entreprise,
- que le moyen tiré du non-respect de l'obligation de reclassement est inopérant dans la mesure où il n'y a eu aucune modification du contrat de travail de M. X..., et où la proposition consistant à l'affecter à un travail régulier en trafic national respectait très exactement les fonctions de chauffeur routier définies dans le contrat, de sorte que le refus de l'intéressé d'accepter ces nouvelles conditions de travail aurait pu justifier un licenciement pour faute grave.
Sur le préjudice financier lié à la rétention d'une partie du salaire, l'intimée fait valoir que seules sont applicables les dispositions de l'article 1153-1 du code civil et que seuls peuvent être dus des intérêts moratoires au taux légal.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le licenciement :
Attendu que la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est en l'espèce ainsi libellée : " Pour faire suite à notre entretien du 29 octobre 1999, nous avons le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour le motif économique suivant : la perte d'un client sur le Portugal assurant un volume d'affaires très important, ainsi que la conjoncture économique, nous ont amené à réduire nos rotations internationales et à supprimer cette ligne sur le Portugal devenue sans objet.
Cette évolution entraînait la suppression de votre poste, mais nous avons cherché immédiatement à vous reclasser en vous assurant un travail régulier en trafic national.
Notre proposition n'entraînait pas une modification substantielle de votre contrat de travail, puisque vous aviez été embauché en tant que résident en France et qu'une mobilité est de la nature même de vos fonctions.
Malgré le délai supplémentaire que nous vous avons accordé, vous avez refusé notre proposition, et aucune solution de reclassement n'est envisageable, comme en ont convenu les délégués du personnel.
Lors de notre entretien du 29 octobre 1999 vous avez maintenu votre refus, ce que nous regrettons, et qui nous contraint à mettre fin à votre collaboration... " ;
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L 321-1 du code du travail applicable au moment de la notification du licenciement litigieux, " constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques " ;
Attendu que M. Mario X... invoque en premier lieu le non-respect des dispositions de l'article L 321-1-2 du code du travail (devenu l'article L 1222-6) ;
Attendu que la procédure prévue par ce texte ne trouve à s'appliquer qu'à la condition que la proposition de l'employeur affecte de manière substantielle le contrat de travail ; que l'appelant soutient qu'en l'espèce, la proposition de la SARL TRANSPORTS GAZEAU emportait bien une modification substantielle de son contrat de travail en ce que ce dernier ne comportait pas de clause de mobilité et en ce que son employeur lui avait imposé d'établir son domicile au Portugal ;
Attendu que le contrat de travail conclu entre les parties ne mentionne aucune adresse du chef du salarié et ne fixe aucune obligation de domicile à ce dernier ; que M. X... indique lui-même qu'au moment de son embauche, il demeurait en France, plus précisément à Champigny sur Marne, comme mentionné sur l'ensemble de ses bulletins de salaire ; que c'est d'ailleurs cette adresse qu'il a indiquée dans son acte de saisine du conseil de prud'hommes de Cholet ;
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise, qu'effectuant des transports uniquement vers le Portugal, M. X... y passait ses week-ends entre un chargement opéré en France le vendredi et un déchargement réalisé au Portugal le lundi ;
Attendu que s'il appert des pièces versées aux débats que l'appelant avait une résidence au Portugal où la SARL TRANSPORTS GAZEAU lui a adressé plusieurs courriers, et notamment la convocation à l'entretien préalable (lequel s'est déroulé sur le site portugais de la société intimée) ainsi que la lettre de licenciement, pour autant, rien ne permet d'accréditer sa thèse selon laquelle son employeur lui aurait demandé, et encore moins imposé, d'établir son domicile au Portugal de sorte que cet élément serait devenu une condition de son contrat de travail ;
Attendu, de même, que cet acte ne précise nullement que M. Mario X... aurait été engagé pour assurer des transports exclusivement sur la ligne France-Portugal et retour ; qu'ayant été engagé en tant que chauffeur routier par une société de transports internationaux assurant des liaisons dans toute l'Europe, son emploi consistait à effectuer des transports sur l'ensemble de ce secteur géographique ; que, si dans les faits M. X... a toujours circulé sur la ligne France / Portugal, rien ne permet de considérer que ce trajet serait devenu un élément ou une condition de son contrat de travail ; que d'ailleurs, il ne le soutient pas ;
Attendu en conséquence que le fait pour la SARL TRANSPORTS GAZEAU d'affecter M. Mario X... en trafic national au départ de son siège ne constituait pas une modification substantielle, ni même une quelconque modification, de son contrat de travail, mais consistait en une réorganisation de son travail, en un changement de ses conditions de travail, opérés dans le cadre du pouvoir normal de gestion et de direction de l'employeur ;
Que le moyen tiré du non-respect de la procédure et, notamment, du délai, prévus par l'article L 321-1-2 du code du travail (devenu l'article L 1222-6) sera donc écarté ;
Attendu que si, comme le souligne d'ailleurs la SARL TRANSPORTS GAZEAU dans le cadre de la présente instance, un refus du salarié d'assurer des transports en trafic national, et donc d'exécuter son contrat de travail, était de nature à permettre l'engagement d'une procédure de licenciement pour motif réel et sérieux, voire pour faute grave, force est de constater qu'en l'espèce, la société a choisi de mettre en oeuvre un licenciement pour motif économique ; qu'il convient donc de rechercher si le motif économique allégué existait à la date du licenciement en cause ;
Attendu, l'intimée n'ayant pas, dans la lettre de licenciement, invoqué la nécessité de se réorganiser afin d'assurer la pérennité de l'entreprise, qu'il est inopérant de sa part d'invoquer ce motif dans le cadre de la présente instance ;
Attendu qu'aux termes de la lettre de licenciement, la SARL TRANSPORTS GAZEAU invoque " la perte d'un client sur le Portugal ", sans même préciser s'il s'agit de la société AMPAFRANCE, ainsi que " la conjoncture économique " ;
Attendu qu'en l'absence de démonstration de conséquences économiques et financières négatives pour l'entreprise, le fait d'invoquer la " conjoncture économique " constitue une allégation vague et générale et non un motif économique réel et sérieux de licenciement ;
Attendu, de même, que la perte d'un client ne constitue pas en soi un motif réel et sérieux de licenciement dès lors que l'intimée, qui indique que le trafic vers le Portugal était partagé entre la société AMPAFRANCE (un camion par jour) et le client RENAULT (21 voyages par semaine), ne démontre pas quelles ont été pour elle, au moment du licenciement litigieux, les conséquences économiques et financières précisément imputables à cette perte et quelle a été son incidence sur l'emploi en cause ;
Attendu que les difficultés économiques invoquées en lien avec la perte " d'un client au Portugal ", d'une part, la suppression de l'emploi de M. X..., d'autre part, apparaissent d'autant moins établies qu'il résulte des éléments du dossier et des explications fournies par la SARL TRANSPORTS GAZEAU qu'elle était en capacité de fournir immédiatement à ses onze chauffeurs affectés sur les lignes avec le Portugal, et notamment à l'appelant, du travail en qualité de chauffeur routier en trafic national, qu'elle leur a effectivement proposé ces nouvelles conditions de travail et que les sept salariés sur les onze qui les ont acceptées ont conservé leur emploi ;
Attendu que la société intimée ne pouvait donc pas, sans se contredire, à la fois arguer de difficultés économiques l'obligeant prétendument à supprimer le poste de M. Mario X..., et proposer à ce dernier, comme d'ailleurs à ses dix autres collègues, non pas un reclassement, mais l'exécution de son contrat de travail sur le réseau national français ; que pour cette seule raison, la perte du client au Portugal n'apparaît pas constitutive d'un motif réel et sérieux de licenciement, étant souligné qu'il n'est nullement démontré que l'appelant ait été affecté au client AMPAFRANCE et que l'intimée indique elle-même n'avoir perdu l'intégralité du marché avec son autre client sur le Portugal, la société RENAULT, qu'à la fin de l'année 2000, soit un an après le licenciement litigieux ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est nullement établi que la perte d'un client au Portugal, à l'automne 1999, ait entraîné pour la SARL TRANSPORTS GAZEAU des difficultés économiques justifiant la suppression du poste de chauffeur routier occupé par M. Mario X... ; que l'effectivité de la suppression de ce poste n'est d'ailleurs pas établie ;
Attendu en conséquence, que le motif économique allégué à l'appui du licenciement prononcé à l'encontre de l'appelant n'est ni réel ni sérieux et que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté ce dernier de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
Attendu qu'il résulte de la liste du personnel (pièce no 6 de l'intimée) que l'entreprise comptait plus de dix salariés au moment du licenciement litigieux ; que trouvent donc à s'appliquer les dispositions de l'article L 122-14-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au moment du licenciement dont s'agit et que l'indemnité due à M. Mario X... ne peut pas être inférieure aux salaires des six derniers mois ;
Attendu que celui-ci sollicite une indemnité équivalente à deux ans de salaire ; que toutefois, il ne fournit aucune explication et ne produit aucune pièce pour justifier de sa situation professionnelle dans les suites de son licenciement ; qu'il ne démontre pas avoir subi, de ce fait, un préjudice excédant l'indemnisation minimale prévue par la loi ; qu'au vu des bulletins de salaire versés aux débats, la SARL TRANSPORTS GAZEAU sera en conséquence condamnée à lui payer, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, la somme de 8 800 €, non inférieure aux salaires des six derniers mois précédent le licenciement et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires et repos compensateurs et sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice financier :
Attendu qu'à l'appui de sa demande formée au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs, M. Mario X... soutient que la SARL TRANSPORTS GAZEAU a empêché la détermination de sa créance exacte de ce chef en refusant de communiquer les disques chronotachigraphes afférents à la période du 1er janvier 1996 au 30 septembre 1998 alors que l'employeur doit fournir au juge les éléments propres à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'il entend voir entériner le décompte qu'il indique avoir établi sur la base des disques chronotachigraphes communiqués, de ses agendas et " d'une moyenne de travail de la dernière année " (sic) ;
Attendu que l'intimée conteste la fiabilité de ces décomptes et rétorque que, par les nombreuses pièces qu'elle verse aux débats, afférentes à toute la période objet de la demande, elle satisfait pleinement à l'obligation qui lui est faite par l'article L 212-1-1 du code du travail (devenu l'article L 3171-4) ;
¤ ¤ ¤
Attendu que s'il résulte de l'article L 3171-4 (ancien L 212-1-1) du Code du Travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;
Attendu qu'à l'appui de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et repos compensateurs, M. Mario X... se contente de verser aux débats un décompte et des relevés mensuels qu'il s'est établis à lui-même, pour chacune des quatre années concernées (la demande de rappel portant sur la période du 1er janvier 1996 au 6 octobre 1999) ; que les agendas sur la base desquels il prétend avoir réalisé ses calculs ne sont produits ni en originaux ni en photocopies de sorte que les heures mentionnées comme ayant été prétendument effectuées sont invérifiables ; que la méthode annoncée par l'appelant traduit d'ailleurs en elle-même le caractère tout à fait aléatoire et dépourvu de sérieux du calcul opéré et de la demande formée ;
Attendu que les pièces versées aux débats permettent de constater le caractère erroné de certaines réclamations ; qu'ainsi, à titre d'exemples :
- s'agissant de la journée du 21 janvier 1998, M. X... a comptabilisé 9 H 30 de conduite et 680 km parcourus alors qu'il appert du disque chronotachigraphe et de la synthèse mensuelle d'activité que, ce jour là, il a conduit pendant 7 H 28 et parcouru 560 km,
- s'agissant de la journée du 17 avril 1996, il comptabilisé 8 H 20 de conduite pour 623 km parcourus alors qu'il appert du disque chronotachigraphe et de la synthèse mensuelle d'activité que, ce jour là, il a conduit pendant 1 H 21 et parcouru 49 km,
- s'agissant de la journée du 10 juin1997, il comptabilisé 11H 10 de conduite et 781 km parcourus alors qu'il appert de la synthèse mensuelle d'activité que, ce jour là, il a conduit pendant 6 H 14 et parcouru 525 km ;
Attendu que si la SARL TRANSPORTS GAZEAU n'a produit les disques chornotachigraphes que pour la période allant du 1er octobre 1998 au 6 octobre 1999, elle a versé aux débats et fourni à l'expert tous les compte-rendus hebdomadaires d'activité établis par M. Mario X... depuis le 1er janvier 1996, tous ses bulletins de salaire faisant apparaître le paiement régulier d'heures supplémentaires ainsi que les synthèses d'activité établies chaque mois à partir de l'analyse informatique des disques chronotachigraphes ;
Attendu que l'expert a relevé en page 5 de son rapport que toutes les parties considéraient que les feuilles d'activité (compte-rendus hebdomadaires) étaient le reflet du travail effectué et devaient servir de base à ses calculs ; qu'au contraire il a émis, de façon circonstanciée, les plus larges doutes relativement à la fiabilité des disques chronotachigraphes en mettant en évidence le caractère démesuré et invraisemblable des heures de mise à disposition comptabilisées par le salarié ; que les critiques adressées par M. X... au rapport d'expertise doivent donc être écartées ;
Attendu qu'en produisant, outre les disques chronotachigraphes des douze derniers mois de travail, l'ensemble des relevés hebdomadaires de travail établis par le salarié lui-même et dont les deux parties ont reconnu le caractère fiable devant l'expert, l'employeur satisfait aux exigences de l'article L 3171-4 du code du travail et il s'avère inopérant de la part de l'appelant d'invoquer le défaut de production de l'intégralité des disques chronotachigraphes dont la fiabilité apparaît en outre plus que douteuse ;
Attendu que force est de constater qu'en l'espèce, M. X... ne soumet à la cour strictement aucun élément vérifiable, exploitable et sérieux propre à étayer sa réclamation en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateurs pour une somme excédant celle de 1 217, 81 € déterminée par l'expert et offerte par la SARL TRANSPORTS GAZEAU ; qu'en effet cette somme qui inclut l'intégralité des heures de mise à disposition en dépit de leur caractère manifestement excessif remplit l'appelant de ses droits ;
Attendu que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la SARL TRANSPORTS GAZEAU à payer à M. Mario X... la somme de 1 217, 81 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, repos compensateurs et congés payés y afférents ; attendu que la somme ainsi allouée portera intérêts au taux légal à compter de la demande, soit à compter du 31 janvier 2001, date à laquelle la SARL TRANSPORTS GAZEAU a accusé réception de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Cholet ;
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Attendu que les bulletins de salaire versés aux débats établissent que la SARL TRANSPORTS GAZEAU a très régulièrement payé les heures supplémentaires ; qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait fait preuve, de ce chef, de mauvaise foi ou d'une quelconque intention de nuire à M. Mario X... ; et attendu que ce dernier ne justifie pas d'un préjudice résultant du non-paiement de ces heures supplémentaires, qui soit distinct du seul retard de paiement déjà réparé par les intérêts moratoires ;
Attendu que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice financier résultant du non paiement d'une partie du salaire ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Attendu que la SARL TRANSPORTS GAZEAU sera condamnée aux entiers dépens, qui comprendront le coût de l'expertise réalisée par M. Michel Y..., et à payer à M. Mario X... une indemnité de procédure de 1 200 € ; qu'elle conservera quant à elle la charge des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de SAUMUR du 26 avril 2007 en ce qu'il a dit que le licenciement pour motif économique prononcé à l'encontre de M. Mario X... reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau de ce chef, juge que le licenciement de M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la SARL TRANSPORTS GAZEAU à lui payer la somme de 8 800 € (huit mille huit cents euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
Dit que la somme de 1 217, 81 € allouée à M. X... à titre de rappel de salaire portera intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2001 ;
Condamne la SARL TRANSPORTS GAZEAU à payer à M. Mario X... la somme de 1 200 € (mille deux cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
La déboute de ce chef de prétention et la condamne aux entiers dépens qui comprendront le coût de l'expertise réalisée par M. Michel Y....
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie LE GALLPhilippe BOTHOREL