COUR D'APPEL D'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N
BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 01447
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 20 Mai 2010, enregistrée sous le no 09/ 00469
ARRÊT DU 25 Septembre 2012
APPELANTE :
ASSOCIATION LIGERIENNE D'AIDE AUX HANDICAPES MENTAUX ET ADULTES
(ALAHMI)
Route de Chalonnes
BP 45
49120 CHEMILLE
représentée par Maître Lionel DESCAMPS (ACR), avocat au barreau d'ANGERS
INTIME :
Monsieur Rémi X...
...
49120 MELAY
représenté par Maître Mathias JARRY (SCP), avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Mai 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur
Madame Anne DUFAU, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier
ARRÊT :
du 25 Septembre 2012, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame
LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. Rémi X... est salarié au sein de l'association ligérienne d'aide aux handicapés mentaux et inadaptés (ALAHMI).
La convention collective applicable est celle, nationale, des établissements et services pour les personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.
En 2008, il y a eu coïncidence de la fête du travail et de la fête de l'Ascension le jeudi 1er mai.
M. X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers, aux fins que :
- l'ALAHMI soit condamnée à lui octroyer un jour de repos supplémentaire au titre du jeudi de l'Ascension ou, à l'indemniser du préjudice subi à la suite du refus qu'elle lui a opposé, ce à hauteur de 121, 89 euros,
- l'ALAHMI soit condamnée à lui verser 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- la décision à intervenir soit assortie de l'exécution provisoire,
- l'ALAHMI soit condamnée aux entiers dépens.
Le conseil de prud'hommes, par jugement du 20 mai 2010 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, a :
- condamné l'ALAHMI à accorder à M. Rémi X... une journée de repos supplémentaire, ou à payer à ce dernier la somme de 121, 89 euros à titre d'indemnité compensatrice d'un jour férié perdu à la suite du refus de sa récupération,
- débouté M. Rémi X... de sa demande tendant à voir assortir le présent de l'exécution provisoire,
- condamné l'ALAHMI à verser à M. Rémi X... la somme de 150 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'ALAHMI aux entiers dépens.
L'ALAHMI a formé appel de cette décision, par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 4 juin 2010.
Par arrêt avant dire droit en date du 12 juillet 2011, auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, la cour a :
- déclaré recevable l'appel relevé par l'ALAHMI,
- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 10 novembre 2011 afin que M. Rémi X... conclut au fond,
- dit que le présent valait convocation des parties et de leur avocat,
- réservé les dépens.
L'audience du 10 novembre 2011 était tenue en conseiller rapporteur ; l'ALAHMI a alors sollicité le renvoi de l'affaire en audience collégiale, demande à laquelle il été fait droit sur l'audience du 29 mai 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 10 mai 2012 reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé,
l'association ligérienne d'aide aux handicapés mentaux et inadaptés (ALAHMI) sollicite l'infirmation du jugement déféré, que M. Rémi X... soit débouté de sa demande et condamné aux dépens.
Elle fait valoir que :
- que, conformément à l'article 23 de la convention collective applicable, ses salariés ont droit à 11 journées chômées au titre des jours fériés et des fêtes légales, sans perte de rémunération,
- l'année 2008, qui voyait la fête du travail et la fête de l'Ascencion tomber toutes deux le même jour, n'a pas entraîné la perte de cet avantage ; elle ne leur a pas demandé, en effet, de travailler une journée de plus au titre de la journée de solidarité, tout en les rémunérant, compensant cette journée de travail, en principe obligatoire, avec le jour de l'Ascencion, modalité qui avait été évoquée préalablement avec les instances représentatives du personnel ; ayant bénéficié, en conséquence, d'une journée de congé supplémentaire, M. X... ne peut venir en réclamer une seconde,
- surabondamment, ainsi qu'il résulte du planning de M. X..., pris aussi bien en heures qu'en jours, et tenant compte des divers congés obligatoires et absences ainsi que du temps de travail qu'il doit à son employeur, en application de l'accord sur la réduction et l'aménagement du temps de travail signé par les partenaires sociaux le 3 décembre 1999, celui-ci ne peut prétendre à aucune journée de congé supplémentaire ou à une quelconque indemnité compensatrice, alors qu'en heures, comme en jours, il a, de toute façon, travaillé moins qu'il n'aurait dû.
À l'audience, M. Rémi X... sollicite la confirmation du jugement déféré et que l'association ligérienne d'aide aux handicapés mentaux et inadaptés (ALAHMI) soit condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il réplique que :
- l'ALAHMI ne conteste plus que ses salariés, par application de l'article 23 de la convention collective, ont droit à 11 journées chômées au titre des jours fériés et des fêtes légales, sans perte de rémunération,
- devant les premiers juges, l'ALAHMI n'avait pas soutenu que la récupération du jour de l'Ascencion aurait eu lieu par compensation avec la journée de solidarité non effectuée par les salariés ; elle avait même pris en compte cette journée de solidarité dans le décompte annuel en heures produit ; en tout état de cause, ce moyen, nouveau en cause d'appel, ne peut prospérer parce que, d'une part, cette journée de solidarité n'a pas été définie par la direction après qu'il en soit débattu au comité d'entreprise, ce qui fait qu'elle n'a été imposée à aucun des salariés, d'autre part, si cette journée de solidarité et le jour de l'Ascencion se sont effectivement compensés, il y a rupture de l'égalité de traitement entre les salariés, puisqu'ayant travaillé le 1er mai, qui tombait le même jour que l'Ascencion, il reste toujours en déficit d'une journée fériée chômée,
- par ailleurs, l'ALAHMI ayant vu son pourvoi rejeté par la cour de cassation, dans une espèce concernant d'autres de ses salariés, ayant été dit que le moyen tiré du calcul annuel de la durée du travail exprimée en heures et non en jours était inopérant, fournit désormais, en outre du calcul en heures, un calcul en jours tout aussi inopérant ; les salariés travaillant par cycles, la base de départ ne peut, de toute façon, être le 1er janvier, tout comme leur journée de travail peut parfaitement être supérieure à 7 heures, aucune conséquence ne pouvant donc être tirée de ce calcul en jours relativement à la question soulevée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon les dispositions de l'article L. 222-1 du code du travail, à présent L. 3133-1, sont des fêtes légales et aussi des jours fériés ; le 1er janvier, le lundi de Pâques, le 1er mai, le 8 mai, l'Ascencion, le lundi de Pentecôte, le 14 juillet, l'Assomption, la Toussaint, le 11 novembre et le jour de Noël, soit un total de 11 jours. Sur ces 11 jours, aux termes des articles L. 222-5 et L. 222-6 du même code, devenus L. 3133-4 et L. 3133-5, seul le 1er mai est férié et chômé, ne pouvant être cause d'une réduction de salaire.
Ces principes sont posés sous réserve de dispositions conventionnelles plus favorables aux salariés, comme le prévoit l'article L. 2251-1 du code du travail.
Ainsi, l'article 23 de la convention collective nationale du travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 stipule que :
" Le personnel bénéficiera du repos des jours fériés et fêtes légales : 1er janvier, lundi de Pâques, 1er et 8 mai, Ascension, lundi de Pentecôte, 14 juillet, 15 août, Toussaint, 11 novembre, Noël, sans que ce repos entraîne aucune diminution de salaire... ".
Il est acquis aux débats, que conformément à ce dernier article, les salariés de l'association ligérienne d'aide aux handicapés mentaux et inadaptés (ALAHMI), qui relèvent de la dite convention collective, sont en droit de bénéficier dans l'année de 11 jours fériés et chômés.
L'ALAHMI, pour refuser d'accorder à M. Rémi X... un jour de congé supplémentaire ou sa rémunération correspondante, motif pris qu'en 2008 le 1er mai et l'Ascencion ont coïncidé, développe en appel un moyen nouveau, ce qu'elle est parfaitement en droit de faire par application de l'article 563 du code de procédure civile, selon lequel elle a procédé à une compensation entre la journée de solidarité et le jeudi de l'Ascencion en ne réclamant pas à M. X... l'exécution de la première et en l'en rémunérant.
C'est la loi no2004-626 du 30 juin 2004, relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, en vue d'améliorer le degré et la qualité de prise en charge des personnes confrontées à des situations de grande dépendance, qui institué une journée de solidarité. Suivant les dispositions incluses dans le code du travail sous les articles L. 212-16 et L 212-17, il était prévu que cette journée prenne la forme d'une journée de travail supplémentaire, non rémunérée pour les salariés, une contribution financière étant par ailleurs versée par les employeurs. Il était également prévu qu'une convention, un accord de branche ou une convention ou un accord d'entreprise déterminait la date de cette journée, mais, qu'à défaut, la journée de solidarité était fixée le lundi de Pentecôte.
Si le principe de cette journée de solidarité a été maintenu et se retrouve aux articles L. 3133-7 et suivants du code du travail, il a été spécifiquement arrêté, en vertu de la loi no2008-351 du 16 avril 2008, publiée au Journal officiel du 17 avril suivant, que " à compter de la publication de la présente loi et à titre exceptionnel pour l'année 2008, à défaut d'accord collectif, l'employeur peur définir unilatéralement les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s'ils existent ".
L'ALAHMI rapporte la preuve que, lors du comité d'établissement du 13 mars 2008, il a été débattu de " la décision à prendre en ce qui concerne le 1er mai qui tombe le jeudi de l'Ascencion ", tout comme de la fixation de la journée de solidarité, la réponse de l'employeur, qui avait souhaité lier les deux questions, ayant été de dire que " s'il faut compter deux jours de récupération, le jour de solidarité sera posé sur la récupération du jeudi de l'Ascencion ", réponse qui n'a pas entraîné d'observations particulières des représentants du personnel.
Certes, M. X... souligne que les 7 heures de la journée de solidarité figuraient dans le calcul en heures versé par l'ALHAMI devant le conseil de prud'hommes, et aussi d'ailleurs devant la cour.
Il s'agit là, toutefois, d'un calcul global de la durée du temps de travail à l'année, incluant dès lors un certain nombre de paramètres en amont afin de déterminer cette durée, s'agissant de salariés travaillant selon des modalités spécifiques (cycle) du fait des conditions d'ouverture de leur établissement. Ce n'est pas pour autant que cette durée du temps de travail, prédéterminée, se retrouve dans le décompte final spécifique à chaque salarié, et cette " valeur absolue ", si l'on peut dire, ne contredit pas en elle-même les dires de l'ALHAMI.
Il est, en effet, acquis aux débats qu'il n'a pas été demandé par la direction de l'ALAHMI à ses salariés d'accomplir la dite journée de solidarité, pas plus qu'un prélèvement correspondant n'a été opéré sur leur rémunération.
En conséquence, dès lors que M. X... n'a pas été amené à remplir l'obligation, d'ordre public pourtant, d'exécuter une journée de travail supplémentaire sans en être payé, ayant bénéficié au contraire d'une journée de repos rémunérée, il ne peut être reproché à l'ALAHMI d'avoir méconnu les dispositions conventionnelles invoquées, en ce qu'elle a préservé à son salarié le jour férié et chômé que devait être le jeudi de l'Ascencion.
M. X... a, de toute façon, bien bénéficié des 11 jours fériés et chômés prévus à la convention collective, en ce que, s'il a été dit par son conseil à l'audience que M. X... avait travaillé le 1er mai 2008, le tableau détaillé fourni par l'ALAHMI et qui n'est pas démenti par une quelconque pièce du salarié, démontre que M. X... était de repos ce jour-là.
Dans ces conditions, il conviendra d'infirmer la décision des premiers juges en son ensemble, et M. X... sera condamné à supporter les dépens de première instance et d'appel, lui-même étant débouté de sa demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. Rémi X... de l'intégralité de ses demandes, y compris au titre de ses frais irrépétibles d'appel,
Le condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
Sylvie LE GALL, Catherine LECAPLAIN-MOREL.