COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00125 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EUTR.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 07 Février 2020, enregistrée sous le n° F 19/00001
ARRÊT DU 28 Avril 2022
APPELANTE :
Madame [B] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître PAUMIER, avocat substituant Maître Christine DE PONTFARCY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. PHARMACIE [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Gildas BONRAISIN de la SELARL JURI OUEST, avocat au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Février 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BUJACOUX, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 28 Avril 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame GENET, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
Mme [B] [M], née le 5 mars 1991, a été embauchée par la Selarl Pharmacie [E] selon contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er février 2017, en qualité de pharmacienne adjointe, statut cadre, coefficient 500 de la convention collective nationale de la pharmacie d'officine.
Le 2 septembre 2018, Mme [M] a été placée en congé maternité.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 décembre 2018, Mme [M] a fait part à son employeur d'un ensemble de griefs et lui indiquait prendre acte de la rupture de son contrat de travail.
Le 2 janvier 2019, Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes du Mans aux fins de voir la prise d'acte de rupture du contrat de travail produire les effets d'un licenciement nul et subsidiairement d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme imputable aux manquements de l'employeur. Elle sollicitait la condamnation de la Selarl Pharmacie [E] à lui verser une indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, des indemnités de rupture, un rappel de salaire, une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a également sollicité la remise de documents de fin de contrat sous astreinte.
En défense la Pharmacie [E] s'opposait aux prétentions de Mme [M] dont elle sollicitait le débouté outre la condamnation à lui verser des dommages et intérêts pour rupture brusque du contrat de travail ainsi qu'une d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 7 février 2020 le conseil de prud'hommes du Mans a :
- dit qu'il n'y a pas défaut de majoration des heures réalisées au-delà de 20 heures ;
- dit qu'il n'y a pas lieu à paiement d'heures supplémentaires ;
- dit qu'une partie des heures de garde n'a pas donné lieu à repos compensateur ;
- condamné la Pharmacie [E] à verser à Mme [M] les sommes suivantes :
* 217,70 euros au titre des repos compensateurs ;
* 21,77 euros au titre des congés payés afférents ;
- dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail par Mme [M] s'analyse en une démission ;
- débouté Mme [M] de l'intégralité de ses demandes à ce titre ;
- condamné la Pharmacie [E] à remettre à Mme [M] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire rectifiés conformes au jugement ;
- dit n'y avoir lieu à prononcer d'astreinte ;
- condamné Mme [M] à payer à la Pharmacie [E] les sommes suivantes :
* 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour brusque rupture du contrat de travail;
* 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté Mme [M] de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [M] aux dépens.
Mme [M] a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 6 mars 2020, son appel portant sur l'ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.
La Selarl Pharmacie [E] a constitué avocat le 8 juin 2020.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 février 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 21 février 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [M], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 1er juin 2020 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que des heures de garde n'ont pas donné lieu à repos compensateur et condamné la Pharmacie [E] au paiement de la somme de 217,70 euros outre les congés payés y afférents à hauteur de 21,77 euros et l'infirmer en toutes ses autres dispositions;
Statuant à nouveau :
- condamner la Pharmacie [E] au paiement des sommes suivantes :
* rappel des majorations pour les heures au-delà de 20h correspondant à la somme de 426,30 euros outre les congés payés y afférents à hauteur de 42,63 euros ;
* rappel d'heures supplémentaires de 163,26 euros, outre les congés payés afférents de 16,32 euros ;
* solde de congés payés de 744,35 euros ;
- dire que la prise d'acte de rupture du contrat de travail, consecutive aux agissements de la Pharmacie [E], produit les effets d'un licenciement nul ;
*condamner la Pharmacie [E] au paiement d'une indemnité de 20 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la nullité de son licenciement ;
A titre subsidiaire,
- dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est imputable aux seuls torts de la Pharmacie [E] et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamner la Pharmacie [E] au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 7000 euros ;
En tout état de cause,
- condamner la Pharmacie [E] au paiement:
* de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier à hauteur de 10 000 euros;
* d'une indemnité conventionnelle de licenciement de 733,17euros ;
* d'une indemnité compensatrice de préavis de 9 907,83euros outre les congés payés afférents à hauteur de 990,78 euros ;
- ordonner la production de l'attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail rectifiés et d'un bulletin de salaire actualisé ;
- condamner la Pharmacie [E] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
A l'appui de son appel, Mme [M] fait valoir que le défaut de majoration des heures réalisées au -delà de 20h et l'absence de paiement de certaines heures supplémentaires est établi par les pièces produites. Elle ajoute qu'elle n'a pas été réglée de l'intégralité de ses congés payés.
Mme [M] soutient avoir subi une discrimination de la part de Mme [E], la gérante de la pharmacie, à cause de son état de grossesse qui n'a jamais été accepté par son employeur. Elle ajoute que ces agissements ont eu une répercussion sur son état de santé.
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Par conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 3 septembre 2020, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la Pharmacie [E] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes du Mans ;
- condamner Mme [M] à lui verser à hauteur d'appel la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Au soutien de ses intérêts, la Pharmacie [E] fait valoir que la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail en faisant état de griefs fictifs, au lieu de démissionner parce qu'elle avait quitté la région et savait qu'elle ne reviendrait pas travailler. L'employeur soutient que Mme [M], en agissant ainsi, le dernier jour de son congé maternité, a voulu nuire à la pharmacie. Il conteste lui devoir les sommes réclamées à titre de rappels de salaire et d'indemnités compensatrices de congés payés.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, il convient de relever qu'il n'existe aucune contestation en cause d'appel des dispositions du jugement ayant condamné la Pharmacie [E] à verser à Mme [M] les sommes suivantes : 217,70 euros au titre des repos compensateurs, 21,77 euros au titre des congés payés afférents.
Par conséquent, il y a lieu de considérer que ces dispositions du jugement sont définitives.
Sur les rappels de salaire
Selon l'article L. 3171- 4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Sur la majoration des heures réalisées après 20 heures
Mme [M] soutient avoir travaillé régulièrement jusqu'à 20h30, avoir comptabilisé ainsi un total de 98 heures pour lesquelles la majoration de 20% prévue à la convention collective nationale de la pharmacie d'officine, ne lui aurait pas été appliquée.
L'employeur indique que 20h30 correspond à l'horaire de fermeture habituelle de la pharmacie, et non à un horaire de garde ou d'urgence, et que la salariée ne peut donc prétendre à l'octroi de cette majoration.
Selon l'accord conventionnel sur la réduction du temps de travail du 23 mars 2000, en son article 4 concernant les gardes et urgences, le salarié peut prétendre au bénéfice de la majoration de salaire de 20 % pour les heures comprises entre 20 heures et 22 heures, conformément à l'article 13 de la convention collective nationale de la pharmacie d'officine.
Mme [M] produit des plannings qui confirment l'heure de fermeture de 20h30, elle ne démontre pas avoir réalisé des heures de garde au-delà de cet horaire. S'agissant donc d'une heure habituelle de fermeture de la pharmacie, et non d'une garde ou urgence, Mme [M] ne peut prétendre à un rappel de salaire pour ces périodes.
Sur les heures supplémentaires
Mme [M] sollicite le paiement de six heures supplémentaires qu'elle indique avoir réalisées les 31 mai, 21 octobre, 27 décembre, et 7 mars 2018.
Elle produit des plannings, sur lesquels ne figure aucune heure supplémentaire pour les périodes considérées.
La pharmacie [E] produit un récapitulatif des heures supplémentaires effectuées par les salariés, ainsi que le bulletin de salaire de Mme [M] pour le mois d'octobre 2017, document, qui démontre l'accomplissement d'une heure supplémentaire au mois d'octobre 2017, qui a été rémunérée par l'employeur.
Il y a donc lieu de constater que l'employeur répond utilement à la demande en apportant aux débats ses propres éléments de nature à justifier le nombre exact d'heures supplémentaires réalisées par la salariée.
Le jugement ayant débouté Mme [M] de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents est confirmé.
Sur la qualification de la prise d'acte
La prise d'acte par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, ou d'une démission dans le cas contraire.
La charge de la preuve incombe au salarié.
L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige et le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
En l'espèce, la salariée a pris acte de la rupture du contrat de travail par lettre du 20 décembre 2018, rédigée en ces termes :
«(') C'est ainsi que vous avez successivement :
-fait venir un remplaçant alors que j'étais présente au sein de l'officine,
-rayé mon nom sur les emplois du temps alors que j'étais encore présente,
-établi un emploi du temps uniquement pour un poste de travail,
-vous n'avez pas hésité à préciser dans un mail que je pouvais présenter un certain danger à l'occasion de la délivrance de médicaments compte tenu de mon état de grossesse,
-enfin, vous n'avez pas craint d'interdire à toute l'équipe de l'officine de m'adresser la parole tandis que, sur le panneau de transmission à côté de mon nom, une mention «attention danger» a été ajoutée.
J'ai subi plusieurs arrêts de travail avant le début de mon congé de maternité.
Enfin, j'ai relevé que vous ne respectiez pas les dispositions de la convention collective applicable en ne majorant pas les heures effectuées au-delà de 20 heures. Or, je travaillais régulièrement jusqu'à 20h30, les heures devant dès lors être majorées de 20%. Selon moi, je devais donc bénéficier d'environ 98 heures qui n'ont pas été majorées.
J'ajoute que les heures de travail ne m'ont pas été réglées à l'occasion de périodes où je me suis retrouvée seule pharmacien à la pharmacie et n'ai pas pu quitter celle-ci pour ma pause déjeuner.
Enfin, un certain nombre de gardes n'ont pas été réglées ou n'ont pas bénéficié de repos compensateurs.
À cette attitude qui caractérise déjà une volonté de déstabilisation et d'exécution imparfaite de vos obligations découlant du contrat de travail en qualité d'employeur, c'est ajoutée une volonté délibérée de me porter préjudice à l'occasion plus particulièrement de mon congé de maternité.
C'est ainsi qu'alors que celui-ci a débuté au mois de septembre 2018, je n'ai perçu actuellement aucune rémunération, ni indemnités journalières à raison manifestement du fait qu'aucune attestation de salaire n'a été transmise à la caisse primaire d'assurance-maladie, et ce malgré deux lettres de mon avocat.
Je suis intervenue à cet égard à plusieurs reprises auprès de la caisse primaire d'assurance maladie qui m'a confirmé qu'elle n'avait rien reçu.
Dans ces conditions, vous comprendrez qu'il est totalement exclu qu'à l'issue de mon congé de maternité, je puisse reprendre mon activité professionnelle dans de telles conditions.
Je me vois donc dans l'obligation de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail, considérant qu'à raison des faits ci-dessus relatés, vous avez commis des fautes dans l'exécution du contrat de travail et dans le respect de vos obligations en qualité d'employeur, suffisamment graves pour légitimer cette prise d'acte qui devra être considérée comme un licenciement abusif.
Je vous confirme donc que je cesserai toute prestation de travail dans le cadre de cette prise d'acte et que je considère être libre de tout engagement à compter de la réception de la présente. »
Il y a donc lieu d=examiner les différents griefs invoqués par Mme [M] au soutien de sa demande.
1)Sur les manquements en termes de rémunération d'heures supplémentaires :
Ce grief a déjà été examiné et n'est donc pas établi.
2)Sur la discrimination
En application de l'article L. 1132-1 du code du travail aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte en raison, notamment, de son état de santé.
En application des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail, il appartient au salarié qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination étant rappelé que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés.
En l'espèce, Mme [M] fait grief à son employeur d'avoir mis en place des mesures vexatoires dès l'annonce de sa grossesse, en lui imposant un nouveau planning, en modifiant son emploi du temps dès l'arrivée de son remplaçant, en la privant de ses responsabilités de pharmacien. Elle reproche encore à la pharmacie [E], d'avoir écrit sur le tableau de transmission à côté de son nom, «attention danger». Elle prétend que son employeur n'a pas adressé à la caisse primaire d'assurance-maladie, l'attestation de salaire nécessaire lui permettant de percevoir des indemnités journalières. Elle indique enfin qu'elle est la seule salariée à qui a été imposé la prise de quatre semaines consécutives de congés payés pendant la période estivale.
A l'appui de ses affirmations, elle produit une attestation de M. [R] [P], collègue de travail, qui indique qu'à l'arrivée du remplaçant, la pharmacie, pour des raisons financières et pour le confort de l'équipe, a imposé à Mme [M] de prendre quatre semaines de vacances. Il fait état de relations tendues entre sa collègue et Mme [E], précise que toute l'équipe a eu interdiction de communiquer avec elle.
Ces éléments pris dans leur ensemble, laissent donc supposer l'existence d'une discrimination.
Pour sa part, l'employeur fait état de multiples arrêts de travail de Mme [M] à partir du 14 mars 2018 jusqu'en septembre 2018. Il affirme avoir établi, à compter du 22 mai 2018, un planning spécifique pour la salariée lui permettant de bénéficier d'une pause déjeuner élargie, lui évitant toute activité professionnelle après 19h30, et lui permettant de bénéficier des week-ends à compter du samedi 14 heures jusqu'au mardi neuf heures.
La pharmacie [E] produit des attestations de M. [S] [A], [F] [H], [Y] [O], collègues qui confirment l'aménagement du planning de Mme [M] en sa faveur, ainsi que des congés payés plus longs. Mme [V] [C], précise que la salariée a confié qu'elle était satisfaite de ce nouvel emploi du temps.
Plusieurs de ces salariés attestent par ailleurs du comportement bienveillant de Mme [E] envers Mme [M]. Ainsi M. [I], employé de la pharmacie, indique avoir constaté une attitude bienveillante et professionnelle à l'égard de la salariée, s'inquiétant de son état de fatigue.
L'employeur indique à juste titre que, devant s'adjoindre plusieurs pharmaciens diplômés à l'officine, il a été dans l'obligation d'embaucher M. [Z], en qualité de pharmacien adjoint, afin de pallier l'absence de Mme [M], jusqu'au 21 décembre 2018. M. [I] témoigne en ce sens.
Concernant la mention «danger» figurant au tableau d'affichage, Mme [G] [J], préparatrice en pharmacie, indique que celle-ci avait été portée avant l'arrivée de Mme [M], et était destinée à une ancienne collègue qui avait commis une erreur de délivrance de médicaments. Le témoin atteste également ne pas avoir constaté de comportement discriminant de la part son employeur vis-à-vis de Mme [M], pendant la période de sa grossesse.
La pharmacie [E], ne conteste pas avoir programmé une prise de congés concernant Mme [M] du 23 juillet au 18 août 2018, ce qui a été refusé par celle-ci.
Le fait pour l'employeur, agissant dans le cadre de son pouvoir de direction, d'organiser les congés de ses salariés, en fonction de l'activité de la pharmacie, n'apparaît pas abusif.
S'agissant de la délivrance de l'attestation de salaire, l'employeur a adressé à Mme [M] un courriel, le 3 octobre 2018, sollicitant des documents nécessaires à la régularisation de son dossier. Il résulte d'un courriel émanant du comptable de la pharmacie [E], qu'étant intervenu auprès de la caisse de sécurité sociale, il est apparu que les retards d'indemnisation étaient dus à une erreur du médecin du travail. Le compte rendu de la CPAM de [Localité 4], en date du 27 décembre 2018, fait enfin état de l'absence de réception des volets 1 et 2 d'un arrêt de travail que devait fournir Mme [M].
Il apparaît donc que la salariée a fait preuve de négligence dans le suivi de son dossier médical, il n'est pas démontré que l'employeur ait agi avec malveillance, et dans le but de lui nuire.
Ainsi, si le témoignage de M. [P], permet de supposer l'existence d'une discrimination, la pharmacie [E] démontre que ses agissements et ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le grief est infondé.
La prise d'acte de Mme [M] n'est pas justifiée, et doit produire les effets d'une démission. Le jugement du conseil de prud'hommes est confirmé de ce chef.
Dès lors que la prise d'acte produit les effets d'une démission, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de Mme [M].
Sur le solde de congés payés
En vertu de l'article L.3141-5 du code du travail, sont considérés comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :
1° les périodes de congé payé ;
2° les périodes de congé de maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant et d'adoption ;
3° des contreparties obligatoires sous forme de repos prévu aux articles L. 3121- 30, L.3121 - 33 et L. 3121 - 38 ;
4° les jours de repos accordés au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L. 3121 ' 44 ;
5° les périodes, dont la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;
6° les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque.
Il appartient à l'employeur, débiteur de l'obligation du paiement de l'intégralité de l'indemnité due au titre des jours de congés payés, qui en conteste le nombre acquis, d'établir qu'il a exécuté son obligation.
Mme [M] soutient qu'elle n'a pu bénéficier de l'ensemble des congés payés qui lui étaient dus, compte tenu du fait qu'elle n'a été en congé que 10 jours depuis son embauche en février 2017.
La pharmacie [E] fait valoir que la salariée a justifié de périodes d'arrêt de travail pour maladie, qui ne sont pas assimilées à du temps de travail effectif et n'ouvrent pas droit à congés payés. Elle indique que Mme [M] s'est ainsi absentée pour maladie l'équivalent de deux mois et demi.
L'employeur précise à juste titre que l'absence de la salariée, de l'ordre de deux mois et demi pour maladie, aurait généré six jours de congés payés soit l'équivalent de : (3302,61 euros /26 jours ouvrables) x 6 jours ouvrables =762,14 euros.
Il y a donc lieu de considérer que Mme [M] a été intégralement remplie de ses droits et qu'elle doit être déboutée de sa demande.
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour brusque rupture
En application de l'article L. 1237-2 du code du travail, la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée à l'initiative du salarié ouvre droit, si elle est abusive, à des dommages et intérêts pour l'employeur.
Mme [M] a attendu la fin de son congé maternité, le 20 décembre 2018, pour envoyer un courrier à son employeur de prise d'acte de la rupture du contrat de travail. Le jugement du conseil de prud'hommes indique que lors de l'audience du 6 décembre 2019, celle-ci a confirmé avoir déménagé au début du mois de septembre 2018, lors de la mutation de son mari, et avoir une nouvelle activité depuis le 2 janvier 2019.
Il est donc démontré que Mme [M] aurait pu informer l'employeur bien avant la veille de sa reprise de travail.
La pharmacie [E] produit les deux contrats à durée déterminée du remplaçant de Mme [M] pendant son congé maternité, M. [Z] [W], le premier à compter du 2 mai 2018 jusqu'au 15 mai 2018, le deuxième, à compter du 16 mai 2018 jusqu'au 21 décembre 2018.
La pharmacie, c'est donc retrouvée à compter du 21 décembre 2018 privée du remplaçant de Mme [M], alors que celle-ci n'a pas repris le travail à cette date.
La brusque rupture du contrat de travail de la salariée, a donc bien porté préjudice à son employeur et il convient de la réparer. Le montant des dommages et intérêts accordés à la pharmacie [E] sera cependant limité à la somme de 1500 euros.
Le jugement est infirmé sur ce point.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en appel par la Selarl Pharmacie [E] et de condamner Mme [B] [M] au paiement de la somme de 1 000 euros sur ce fondement.
Mme [B] [M], partie perdante, doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant dans les limites de l'appel, par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement prononcé le 7 février 2020 par le conseil de prud'hommes du Mans sauf en ce qu'il a :
- condamné Mme [B] [M] à payer à la Selarl Pharmacie [E] la somme de 3000 euros au titre de dommages et intérêts pour brusque rupture du contrat de travail.
Statuant à nouveau, du chef des dispositions infirmées, et y ajoutant :
CONDAMNE Mme [B] [M] à payer à la Selarl Pharmacie [E] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de dommages et intérêts pour brusque rupture du contrat de travail;
DÉBOUTE Mme [B] [M] de sa demande de paiement de la somme de 744,35 euros, au titre d'un solde de congés payés ;
CONDAMNE Mme [B] [M] à payer à la Selarl Pharmacie [E] la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais irrépétibles exposés en appel ;
DÉBOUTE Mme [B] [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en appel ;
CONDAMNE Mme [B] [M] aux entiers dépens de la procédure d'appel.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
Viviane BODINEstelle GENET