COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00245 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EVUV.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 04 Juin 2020, enregistrée sous le n° F 19/00074
ARRÊT DU 12 Juillet 2022
APPELANTE :
Madame [T] [C] née [M]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Jean LANDRY de la SELARL LANDRY JEAN, avocat au barreau de LAVAL
INTIMEE :
S.A. PROJEVIA
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Laurent POIRIER de la SELARL PRAXIS - SOCIETE D'AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 3788 et par Maître GRUAU, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Avril 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame GENET, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
Greffier lors du prononcé : Madame Jacqueline COURADO
ARRÊT :
prononcé le 12 Juillet 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame GENET, conseiller faisant fonction de président, et par Madame COURADO, adjoint administratif faisant fonction de président greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société Projevia est la société mère/ holding des sociétés Imaye Graphic, Brio Graphic et Easycom, pour lesquelles elle assure notamment la gestion des prestations dans les domaines des ressources humaines et de la compatibilité. Elle emploie plus de onze salariés et applique la convention collective nationale des imprimeries de labeur et des industries graphiques. L'activité des sociétés Imaye Graphic et Brio consiste en la réalisation de supports imprimés (impression, brochage, routage), Easycom ayant pour sa part une activité d'agence de communication 'nouveaux médias'.
Mme [T] [C], née [M], a été engagée par la société Imaye Graphic à compter du 5 février 1979. Elle a occupé les postes de claviste, d'employée administrative, d'aide comptable et de secrétaire du service achat.
En dernier état de la relation contractuelle, elle occupait un poste d'aide comptable au sein de la société Projevia, groupe 5B de la convention collective applicable.
Dans le cadre de difficultés économiques et par courrier du 8 juin 2018, la société Projevia a proposé à Mme [C] les postes de reclassement de margeur et cariste au sein de la société Brio Graphic, lesquels ont été refusés par courrier de la salariée du 29 juin 2018.
Par courrier du 3 juillet 2018, la société Projevia a convoqué Mme [C] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement initialement fixé le 30 juillet 2018 puis reporté au 28 août 2018.
Par courrier du 19 septembre 2018, la société Projevia a notifié son licenciement pour motif économique à Mme [C] laquelle a refusé le contrat de sécurisation professionnelle.
Par courrier du 28 septembre 2018, Mme [C] a sollicité des précisions sur le motif économique de son licenciement et sur les critères d'ordre de licenciement retenus par la société Projevia laquelle lui a répondu par lettre du 8 octobre 2018.
Contestant le motif économique de son licenciement, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Laval par requête du 27 juin 2019 pour obtenir des dommages et intérêts en réparation des préjudices découlant de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, du non-respect des critères d'ordre de licenciement et du manquement de la société Projevia à ses obligations de formation et d'adaptation et de reclassement.
Par jugement en date du 4 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Laval a :
- reçu Mme [C] en sa requête ;
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [C] à la somme de 788,45 euros ;
- constaté que la société Projevia a satisfait à son obligation de reclassement et respecté les critères d'ordre fixés conformément au code de travail ;
- constaté que le licenciement de Mme [C] repose sur une cause réelle et sérieuse.
En conséquence, le conseil de prud'hommes a :
- débouté Mme [C] de l'intégralité de ses demandes ;
- débouté Mme [C] de sa demande d'exécution provisoire ;
- condamné Mme [C] aux entiers dépens ;
- débouté la société Projevia de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 3 000 euros.
Pour statuer en ce sens, le conseil de prud'hommes a notamment considéré que la cause économique du licenciement doit s'apprécier au niveau du groupe Projevia dont l'évolution du résultat net sur trois exercices continus confirme ses difficultés économiques.
Il a par ailleurs estimé que le système de cotation des critères légaux de licenciement donne à Mme [C] un nombre de points inférieur à celui obtenu par les trois autres collaboratrices composant la catégorie professionnelle concernée par la suppression de poste.
Le conseil de prud'hommes a enfin retenu que la société Projevia n'a manqué ni à son obligation de reclassement ni à son obligation de formation et d'adaptation en recueillant auprès de ses filiales la liste des postes à pourvoir et en proposant à Mme [C] les postes de cariste et de margeur avec le suivi d'une formation.
Mme [C] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 7 juillet 2020.
La société Projevia a constitué avocat en qualité de partie intimée le 4 août 2020.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 avril 2022.
Le dossier a été fixé à l'audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d'appel d'Angers du 26 avril 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme [C], dans ses conclusions n°4 d'appel, régulièrement communiquées, reçues au greffe le 4 avril 2022, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, demande à la cour de la recevoir en son appel, la déclarer fondée et y faisant droit d'infirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions dont appel.
Statuant à nouveau, elle demande à la cour de :
- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- écarter le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable ;
- condamner la société Projevia à lui payer la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices découlant du licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
- condamner la société Projevia à lui payer la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant du manquement de la société Projevia à son obligation de formation et d'adaptation ;
- débouter la société Projevia de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la société Projevia à payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Projevia aux entiers dépens.
Au soutien de son appel, Mme [C] fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Elle indique en premier lieu que les difficultés économiques doivent s'apprécier d'une part au niveau du groupe Projevia, lequel a réalisé des bénéfices et augmenté sa trésorerie sur l'exercice 2017 - 2018, et d'autre part au jour du licenciement. Elle indique alors que la société Projevia ne peut prétendre avoir eu des difficultés économiques et que le conseil de prud'hommes ne pouvait fonder sa décision sur les comptes clos au 31 mars 2019, soit plus de six mois après la notification de son licenciement.
Elle soutient en second lieu que les premiers juges ont procédé à une substitution de motivation du licenciement en s'appuyant sur les résultats nets du groupe lesquels ne correspondent pas à l'un des indicateurs économiques mentionnés à l'article L. 1233-3 du code du travail et ne sont pas mentionnés dans la lettre de notification de licenciement. Elle souligne ensuite que la société Projevia s'est fondée sur les résultats nets de ses trois filiales plutôt que d'invoquer ses comptes consolidés présentant de bons résultats économiques.
Mme [C] conteste en troisième lieu la logique de réduction des charges d'exploitation adoptée dans la lettre de licenciement et assure que les services facturés ont augmenté contrairement à ce que prétend la société Projevia.
Mme [C] soutient par ailleurs que les critères de détermination de l'ordre de licenciement n'ont pas été respectés par la société Projevia, ce qui rend le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Elle affirme à titre liminaire que le conseil de prud'hommes n'a pas respecté le principe du contradictoire en fondant sa décision sur une pièce transmise postérieurement aux débats et sur laquelle elle n'a pu faire aucune observation compte tenu du rejet de ses notes en délibéré.
Elle assure ensuite que cette pièce ne permet pas d'assurer l'authenticité des informations y étant indiquées et sollicite son rejet.
Mme [C] fait ensuite observer qu'une erreur a été commise sur le nombre de points attribués pour charge de famille puisque le fils de Mme [I], travaillant depuis 2017, n'était plus à sa charge à la date du licenciement.
Elle prétend également que la société Projevia a 'neutralisé' les critères relatifs à l'ancienneté et à l'âge puisque l'ensemble du personnel de la catégorie professionnelle concernée avait plus de dix ans d'ancienneté et trois des quatre salariées concernées avaient plus de 50 ans. Elle ajoute que son employeur a privilégié le critère relatif aux qualités professionnelles en permettant l'octroi de 12 points au maximum contre 3 points pour chacun des autres critères.
Mme [C] affirme par ailleurs que la société Projevia n'a pas satisfait à son obligation de reclassement en limitant sa recherche aux postes d'aide comptable alors qu'elle avait l'expérience et l'ancienneté requise pour travailler sur d'autres postes administratifs. Elle ajoute que les postes de margeur et de cariste proposés étaient inadaptés à ses capacités physiques compte tenu de son invalidité de 1ère catégorie depuis 1991 mais également à son temps partiel.
Mme [C] soutient ensuite que la société Projevia a manqué à son obligation de formation et d'adaptation en ne veillant pas au maintien de ses capacités à occuper un emploi au regard de l'évolution des technologies et organisations et en ne lui proposant aucune formation pour l'accompagner vers un nouvel emploi adapté à sa situation. Elle ajoute qu'elle a sollicité une formation Excel à deux reprises sans que cette formation ne soit mise en place par son employeur.
Mme [C] fait enfin valoir que le barème d'indemnisation prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail, à défaut d'être écarté pour inconventionnalité en référence aux articles 10 de la convention n°158 de l'OIT et 24 de la Charte sociale européenne, ne prend pas en compte l'ensemble des éléments de son préjudice et rompt l'égalité entre les salariés ayant 29 ans d'ancienneté avec ceux ayant 40 ans d'ancienneté. Elle souligne qu'un licenciement quelques années avant la retraite lui créé un véritable préjudice moral.
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La société Projevia, dans ses conclusions d'intimée et d'appel incident n°3, régulièrement communiquées, reçues au greffe le 21 mars 2022, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, demande à la cour de :
- constater l'irrecevabilité de la demande nouvelle de Mme [C] au titre d'un prétendu manquement à l'obligation de formation et d'adaptation au regard de la suppression de la règle de l'unicité de l'instance et des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile et en conséquence débouter Mme [C] de sa demande irrecevable ;
À titre principal :
- constater ses difficultés économiques ;
- constater qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement et respecté les critères d'ordre fixés conformément au code du travail ;
- constater que le licenciement de Mme [C] est justifié par une cause réelle et sérieuse;
En conséquence :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Laval du 4 juin 2020 en ce qu'il a débouté Mme [C] de l'intégralité de ses demandes ;
À titre subsidiaire :
- appliquer le barème légal de l'article L. 1235-3 du code du travail et diminuer la demande à maximum 20 mois de salaire ;
En tout état de cause :
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [C] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
À titre liminaire, la société Projevia reprend le contexte économique du secteur de l'imprimerie et souligne que le volume de production française de l'imprimerie n'a cessé de diminuer. Elle reprend ensuite plus spécifiquement ses difficultés économiques et indique que les résultats de ses trois filiales, les sociétés Imaye Graphic, Brio et Easycom, ont diminué au cours des exercices 2017 /2018 et 2018/2019. Elle affirme alors que ses difficultés économiques sont caractérisées par la dégradation des résultats nets de toutes les sociétés partageant son secteur d'activité et par la diminution d'appel aux prestations d'imprimerie. Elle fait également observer que ses filiales et notamment les sociétés Imaye Graphic et Brio ont également dû procéder à des licenciements pour motif économique.
La société Projevia conteste ensuite l'argumentation développée par Mme [C] en soulignant qu'elle a bien mentionné dans la lettre de notification de licenciement ses difficultés économiques mais également celles du groupe auquel elle appartient.
Elle affirme ensuite qu'elle peut valablement faire état des comptes consolidés le 31 mars 2019 afin de justifier le licenciement notifié le 19 septembre 2018 puisqu'elle pouvait déjà, à cette date, apprécier sa situation économique et financière et que Mme [C] a été présente dans la société durant quasiment l'intégralité de l'exercice. Elle indique en tout état de cause que les comptes consolidés du 31 mars 2019 démontrent l'aggravation de ses difficultés économiques suite au départ de Mme [C] et justifie en conséquence le bien-fondé du licenciement.
La société Projevia rappelle également que les difficultés économiques peuvent être caractérisées par tout élément de nature à les justifier et notamment les résultats nets des différentes sociétés du groupe.
Concernant les critères d'ordre de licenciement, la société Projevia assure à titre liminaire que le principe du contradictoire a été respecté. Sur le fond, elle soutient que Mme [C] ne démontre pas que le fils de Mme [I] aurait trouvé un travail et ne serait plus à la charge de celle-ci à la date du licenciement. Elle indique en tout état de cause que cela n'a pas d'incidence puisque Mme [I] aurait tout de même un nombre supérieur de points à celui de Mme [C] avec un total de 12 points. Elle prétend ensuite qu'elle n'a pas neutralisé les critères relatifs à l'ancienneté ou à l'âge et que le fait de privilégier le critère relatif aux qualités professionnelles n'est pas fautif puisqu'elle a pris en compte les autres critères.
La société Projevia affirme ensuite qu'elle a respecté son obligation de reclassement en interrogeant les différentes sociétés du groupe le 28 mai 2018 et l'Union Nationale des Industries de l'Impression et de la Communication Commission Paritaire Nationale de l'Emploi (ci-après l'UNIC CPNE) le 8 juin 2018 sur l'existence de postes disponibles pour le reclassement de Mme [C] et en lui proposant les postes de margeur et de cariste disponibles au sein de la société Brio.
Concernant l'obligation de formation et d'adaptation, la société Projevia rappelle qu'elle a proposé une 'formation' pour accompagner l'éventuelle prise de poste de reclassement de Mme [C] au sein de la société Brio. Elle souligne ensuite que les actions de formation étaient priorisées par rapport à des impératifs métiers et que la formation Excel sollicitée par Mme [C] ne faisait pas partie de ces impératifs.
La société Projevia rappelle enfin que la Cour de cassation a retenu la compatibilité du barème posé à l'article L. 1235-3 du code du travail avec les articles 10 de la Convention n° 158 de l'OIT et 24 de la Charte sociale européenne dans son avis n° 15013 du 17 juillet 2019.
MOTIVATION
- Sur la demande nouvelle
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Aux termes des articles 565 et 566 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Par application de l'article 70 du code de procédure civile, il est possible de présenter des demandes additionnelles si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, ce qui relève du pouvoir souverain d'appréciation du juge du fond.
Une demande ne répondant pas aux conditions de recevabilité prévues par cet article pourra faire l'objet d'une autre instance, sous réserve des règles de prescription.
En l'espèce, Mme [C] sollicite la condamnation de la société Projevia à lui payer la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant du manquement de son ancien employeur à son obligation de formation et d'adaptation.
A la lecture des moyens et prétentions présentés par Mme [C] et repris dans le jugement, il apparaît que la salariée a déjà invoqué en première instance le manquement de son ancien employeur à son obligation de formation et d'adaptation à l'occasion de la discussion sur la recherche de reclassement.
En appel, elle ne fait que solliciter des dommages et intérêts spécifiques pour ce manquement invoqué. Il existe donc un lien suffisant avec les prétentions originaires.
Le moyen tiré de l'irrecevabilité de cette demande doit être rejeté.
- Sur le licenciement économique :
Selon l'article L. 1233-3 du code du travail, 'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants'.
Il revient à l'employeur de démontrer la réalité des difficultés économiques ou du risque pesant sur la compétitivité et la nécessité de procéder à une réorganisation de l'entreprise au moment où il licencie.
Comme tout autre licenciement, le licenciement pour motif économique doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.
Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national.
C'est à la date de la rupture du contrat de travail que doit s'apprécier la cause du licenciement mais il peut être tenu compte d'éléments postérieurs.
Pour satisfaire aux exigences des articles L.1233-2, L. 1232-6 et L. 1233-15, L.1233-16 du code du travail, la lettre de licenciement doit tout à la fois invoquer l'une des causes économiques prévues par la loi et mentionner l'incidence de cette cause économique sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié, à défaut de quoi, le licenciement se trouve ipso facto privé de cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement du 19 septembre 2018 est ainsi motivée :
'Madame,
Nous vous avons reçue le 28 août 2018 à un entretien préalable où vous étiez assistée de M. [P] [S], conseiller du salarié.
Au cours de cet entretien, nous vous avons informée que nous envisagions de rompre votre contrat de travail pour motif économique en raison des difficultés économiques rencontrées par la société Projevia ayant pour conséquence la suppression de votre poste.
Par courrier du 3 juillet 2018, nous vous avions remis en mains propres une notice d'information exposant le motif économique invoqué à l'appui de cette procédure.
En effet, notre société doit actuellement faire face à des difficultés économiques et financières importantes pour les raisons suivantes :
En tant que société holding de services, nos ressources proviennent essentiellement des prestations que nous facturons à nos filiales, les sociétés Imaye Graphic, Brio et Easycom.
Or, le secteur d'activité des arts graphiques de l'impression, du brochage et du routage connaît de grandes difficultés malgré la mise en place de mesures visant à réduire leurs charges d'exploitation (la société BRIO a notamment dû procéder aux licenciements économiques de cinq salariés au deuxième trimestre 2016 et de trois salariés au premier trimestre 2017), ces trois filiales demeurant dans une situation économique et financière très préoccupante.
Ainsi, au 31/03/2018, leurs résultats nets (RN) présentent une forte dégradation:
- pour Imaye Graphic, RN de ' 127K€, pour + 185 K€ au 31/03/17, soit une baisse de ' 312 K€
- pour Brio, RN de -410 K€, pour ' 52 K€ au 31/03/17, soit une baisse de -358 K€
- pour Easycom, RN de +356 K€, pour + 426 K€, soit une baisse de ' 106 K€
- pour Projevia (holding), RN de + 208 K€, pour + 273 K€, soit une baisse de ' 65 K€.
De ce fait, chacune des filiales doit à nouveau réduire leurs charges d'exploitation structurellement trop importantes, dont celles liées aux prestations que nous fournissons (notamment diminution du volume de factures fournisseurs à enregistrer et à contrôler du fait de la baisse du volume d'activité des filiales) et elles ont décidé de réduire l'appel aux prestations Projevia afin de limiter leurs charges.
Cette décision impacte directement notre résultat et notre situation économique alors que, dans le même temps, nos charges d'exploitation sont aujourd'hui structurellement trop importantes.
Nous ne pouvons compter sur la conjoncture économique pour redresser la situation et, dans ces conditions, nous sommes contraints de réduire nos charges d'exploitation et de restructurer totalement le fonctionnement de notre entreprise afin de retrouver une situation à l'équilibre.
Cette réorganisation s'est traduite notamment par la suppression de votre poste d'Aide Comptable.
Après avoir recensé toutes les possibilités de reclassement existant dans notre société et dans toutes les sociétés du groupe auquel Projevia appartient, nous vous avons proposé, par courrier remis en mains propres le 8 juin 2018, deux postes disponibles que nous avions recensés au sein de la société Brio. Nous avions demandé de nous faire part de votre décision sur ces propositions de reclassement dans les trois semaines à compter de la remise de cette lettre.
En date du 18 juin 2018, nous vous avons reçue lors d'un entretien afin d'échanger afin que vous puissiez voir et analyser les postes proposés.
Par courriel reçu le 29 juin 2018 et lors de l'entretien préalable, vous nous avez informés que vous étiez au regret de ne pas pouvoir accepter les propositions de reclassement, au regard de votre invalidité 1ère catégorie. Vous avez en outre précisé ne pouvoir accepter de poste de reclassement à temps complet dans la mesure où vous travailliez à temps partiel à raison de 3h30 par jour.
Aucun autre emploi n'étant disponible à ce jour au sein de notre société et du groupe, nous avons été contraints d'en tirer les conséquences en engageant une procédure de licenciement pour motif économique à votre encontre, en raison de la suppression de votre poste d'aide comptable et de l'impossibilité de vous reclasser.
C'est dans ces circonstances que lors de votre entretien préalable, initialement prévu le 30 juillet 2019 et reporté à votre demande le 28 août 2018, nous vous avons proposé d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, que vous avez refusé en date du 18 septembre 2018.
Nous en prenons acte et la présente lettre vaut notification de votre licenciement pour motif économique.
Sa date de première présentation fixera le point de départ de votre préavis d'une durée de trois mois en application de l'article L. 5213-9 du code du travail.
La rupture de votre contrat vous ouvre droit à une indemnité de licenciement et à l'indemnité compensatrice de congés payés, indemnités qui vous seront payées à l'issue du préavis.
Durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail, vous bénéficierez d'une priorité de réembauche dans notre entreprise, à condition de nous faire part, dans l'année qui suit la fin du contrat, de votre désir de faire valoir cette priorité. Si vous acquérez une nouvelle qualification, vous voudrez bien nous en informer afin que nous puissions vous proposer les postes devenus disponibles et correspondant à vos compétences.
Par ailleurs, (...).
Vous pouvez faire une demande de précision des motifs économiques de la rupture de votre contrat de travail énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.
Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification de la rupture de votre contrat de travail'.
La lettre de licenciement met donc en exergue des difficultés économiques et financières causées par la baisse du nombre de prestations facturées aux sociétés Imaye Graphic, Brio et Easycom, lesquelles tentaient également de réduire leurs charges d'exploitation, et ayant pour conséquence la suppression du poste d'aide comptable de Mme [C].
En l'espèce, pour contester le motif économique du licenciement, Mme [C] invoque les moyens suivants.
En premier lieu, elle rappelle que les difficultés économiques doivent s'apprécier au niveau du groupe et au jour de la notification de son licenciement.
Il est établi que la société Projevia dépend du groupe Projevia lequel comprend également la société Imaye Graphic, la société Brio Graphic et la société Easycom, toutes implantées à [Localité 4]. Les sociétés Imaye Graphic et Brio relèvent du secteur d'activité de l'imprimerie de labeur et des industries graphiques et la société Easycom relève du secteur d'activité des agences de publicité. Les difficultés économiques invoquées doivent alors être appréciées au niveau du groupe Projevia.
Par ailleurs, si c'est à la date de la rupture du contrat de travail que doit s'apprécier la cause du licenciement, il peut également être tenu compte d'éléments postérieurs si les difficultés invoquées par l'employeur sont bien réelles et sérieuses à la date de notification du licenciement (Cass. Soc. 26 mars 2002, n° 00-40.898 et Cass. Soc. 11 décembre 2019, nº18-17.874). Il apparaît à la lecture de la lettre de notification du licenciement du 19 septembre 2018, que la société Projevia s'est appuyée sur les exercices clos du 31 mars 2018 de chacune des filiales du groupe Projevia pour justifier de la dégradation de sa situation économique et donc de l'année de la notification du licenciement pour motif économique. Elle s'appuie ensuite dans ses conclusions sur l'exercice clos du 31 mars 2019 pour confirmer la persistance des difficultés économiques du groupe.
En second lieu, Mme [C] conteste la réalité des difficultés économiques de la société Projevia. Elle souligne que la suppression de son poste n'est pas motivée dans la lettre de licenciement par de prétendues difficultés économiques au niveau du groupe.
Il résulte du rapport IDEP (pièce 33 de la société Projevia), une chute du volume de la production française de l'imprimerie de 2014 à 2019 et notamment des périodiques de presse et des catalogues. Il convient également de relever la baisse de 51% des effectifs de la filière imprimerie de 2000 à 2017 et la mise en oeuvre de procédures collectives pour une dizaine de sociétés relevant de ce secteur d'activité. Ainsi, si les difficultés économiques du secteur d'activité de l'imprimerie de labeur et des industries graphiques sont avérées, elles ne peuvent justifier à elles seules le licenciement de Mme [C], la situation de chaque société étant différente, tout comme leur capacité à faire face à d'éventuelles difficultés économiques. Néanmoins, elles expliquent certainement les difficultés économiques des filiales de la société Projevia.
Au niveau du groupe Projevia, le conseil de prud'hommes a justement révélé une baisse des résultats nets lesquels sont passés de 1 197 000 euros en 2016/2017 à 438 000 euros en 2017/2018 soit une baisse de 63,4% entre l'exercice clos le 31 mars 2017 et celui clos au 31 mars 2018. En évoquant les résultats du groupe, le conseil de prud'hommes n'a pas procédé contrairement à ce que soutient Mme [C], à une substitution des motifs du licenciement économique. Les performances du groupe sont bien présentes à travers les résultats nets mentionnés dans la lettre de licenciement pour les 3 filiales et la société holding.
Au niveau des sociétés qui composent le groupe Projevia, les documents comptables produits par les parties mettent en avant une baisse du chiffre d'affaires lequel est passé de 54 652 624 pour l'exercice 2013/2014 à 47 264 405 euros pour l'exercice 2017/2018 pour la société Imaye Graphic (pièce 20 employeur) et de 16 906 000 euros pour l'exercice 2012/2013 à 14 472 843 euros pour l'exercice 2018/2019 (pièce 19 et 23 employeur) pour la société Brio. L'augmentation sporadique du chiffre d'affaires pour la société Imaye Graphic et la société Brio respectivement pour l'exercice 2018/2019 (pièce 22) et pour l'exercice 2015/2016 n'est toutefois pas suffisante pour écarter l'existence de difficultés économiques qui sont avérées sur plusieurs exercices. En effet, les projets 'de restructuration et de compression des effectifs' et de 'licenciement économique collectif de 5 salariés' étudiés lors de la réunion extraordinaire du comité social et économique du 13 septembre 2019 de la société Brio (pièce 21) et les licenciements pour motif économique réalisés par les sociétés Brio (pièces 19 et 35) et Imaye Graphic (pièces 20, 24, 25 36 et 37) confirment la réalité et la persistance des difficultés économiques au sein du groupe Projevia. Il est justifié encore du licenciement économique de plusieurs salariés au sein des sociétés Imaye Graphic et Brio en 2020 et 2021 (pièces 35, 36 et 37 employeur).
À cet égard, il n'est pas interdit de se reporter aux résultats de l'exercice clos au 31 mars 2019, même si la clôture est intervenue plusieurs mois après le licenciement de Mme [C], dès lors que ces résultats démontrent la persistance des difficultés économiques plusieurs exercices de suite et notamment pendant l'exercice en cours à la date du licenciement.
Ainsi, l'exercice clos 2018/2019 (pièces 18, 22 et 23) indique une perte cumulée de - 2,329 millions d'euros pour la société Imaye Graphic et la société Brio avec notamment une perte de - 1 506 000 euros pour la première et de - 823 000 euros pour la seconde et ce alors que le pôle imprimerie de ces sociétés représente 80% du chiffre d'affaires du groupe Projevia.
En tout état de cause, la baisse cumulée des résultats nets des sociétés du groupe Projevia tel qu'indiquée dans la lettre de licenciement, de 841 000 euros et plus précisément une baisse de - 312 000 euros pour la société Imaye Graphic, de - 358 000 euros pour la société Brio, de - 106 000 euros pour la société Easycom et de - 65 000 euros pour la société Projevia au 31 mars 2018 (pièce 10) confirment l'existence de difficultés économiques au sein du groupe Projevia.
S'agissant plus précisément de la société Projevia, le chiffre d'affaires est passé de 3 880 037 euros en 2016 à 3 747 325 euros en 2017 puis à 3 689 062 euros en 2018, soit une baisse de 190 975 euros depuis 2016 (pièces 12 et 13 Mme [C]). Les difficultés économiques au sein de la société sont donc avérées. Il ne peut d'ailleurs en être autrement s'agissant de la société holding du groupe laquelle affirme, sans être contredite, tirer l'essentiel de ses revenus des prestations qu'elle facture à ses filiales. Même si cette société réalise encore au 31 mars 2018 un bénéfice de 208 000 euros et un résultat d'exploitation de 194 000 euros, il n'en demeure pas moins que ses performances sont en nette diminution caractérisée par une baisse significative du chiffre d'affaires conformément aux dispositions de l'article L. 1233 ' 3 précité.
Mme [C] souligne à l'exercice clos au 31 mars 2018 une augmentation significative de la trésorerie de la société Projevia à travers l'augmentation des valeurs mobilières de placement (de 1 million à 1,5 millions d'euros) et des disponibilités (de 2 240 000 euros à 5 290 000 euros). Elle met également en exergue le bénéfice réalisé par le groupe à l'exercice clos au 31 mars 2018 pour 1'942'000 euros (contre 1'187'000 euros lors de l'exercice précédent).
Mais conformément aux indications de la société Projevia, le résultat net de l 942 000 euros est dû à un résultat exceptionnel de 1'504'000 euros (cf états financiers consolidés du groupe Projevia - pièce 13 salarié) que l'employeur explique par la vente d'un bien immobilier pour faire face aux difficultés financières du groupe (vu exact pages 14 et 15 des états financiers). D'ailleurs, à la lecture des états financiers consolidés du groupe au 31 mars 2019 (pièce 18 employeur), les rubriques 'valeurs mobilières' et 'disponibilités' sont en nette diminution (respectivement 515'000 euros et 3'412'000 euros). En tout état de cause, il ne saurait être reproché au groupe Projevia de continuer à procéder à des investissements et à des prises de participation dans des filiales au cours de l'exercice 2018/2019 dans un objectif bien réel de réorganisation du groupe.
Enfin, si Mme [C] souligne que les prestations réalisées par la société holding au profit des filiales ont augmenté entre l'exercice clos au 31 mars 2018 et celui au 31 mars 2019 (3'689 062 euros contre 3'900'940 euros - pièce 26 salairé), il n'en demeure pas moins que conformément aux termes mêmes de la lettre de licenciement, ces prestations ont diminué entre 2017 et 2018 (3'747'325 euros contre 3'689 062 euros).
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Projevia et le groupe Projevia connaissaient au moment de la rupture du contrat de travail de Mme [C], en plus d'une conjoncture dans le domaine de l'imprimerie défavorable, des difficultés économiques réelles et sérieuses à l'origine de la suppression du poste de Mme [C], ce qui justifie le motif économique du licenciement.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
- Sur l'obligation de reclassement :
En application de l'article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
Le manquement par l'employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages et intérêts.
Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen et doit être exécutée de bonne foi.
L'employeur peut justifier de son respect en établissant l'absence de poste disponible à l'époque du licenciement.
Mme [C] soutient que la société Projevia n'aurait pas dû limiter ses recherches de reclassement à son poste d'aide comptable mais l'élargir à tous les postes administratifs en raison de son expérience au sein de la société.
La société Projevia, pour démontrer qu'elle a respecté son obligation de reclassement, produit les courriers de demande de postes disponibles aux sociétés du groupe du 28 mai 2018 (pièce 14) et à l'UNIC CPNE du 8 juin 2018 (pièce 16) sur lesquels apparaissent le profil et l'expérience de Mme [C]. Il résulte de ces courriers que la société Projevia sollicitait 'tout poste compatible, nécessitant si besoin une adaptation ou une formation complémentaire'.
Contrairement à ce que soutient Mme [C], la société Projevia a sollicité de la part de ses filiales la liste des postes disponibles tout en précisant logiquement le dernier état de son statut, étant rappelé que si Mme [C] a exercé des fonctions d'ouvrière au tout début de sa carrière, elle exerce depuis 1995 des fonctions de secrétaire au service achats, puis d'aide comptable depuis 2009. Il existe par ailleurs une certaine contradiction à revendiquer d'autres capacités professionnelles que celles d'aide comptable, tout en mettant en avant son statut de travailleur handicapé et le bénéfice de son temps partiel pour refuser les postes disponibles.
Quoi qu'il en soit, la société verse aux débats le courrier de réponse de la société Brio du 4 juin 2018 (pièce 15) laquelle indique deux postes de reclassement disponibles en contrat à durée indéterminée à temps plein et en trois fois huit : les postes de margeur et cariste. Il apparaît alors que ces postes ne relèvent pas de la catégorie professionnelle d'aide comptable.
La société Projevia produit enfin un courrier adressé à Mme [C] le 8 juin 2018 (pièce 8) dans lequel elle lui indique les postes de reclassement disponibles au sein de la société Brio avec une possibilité de formation pour la prise de poste, proposition de reclassement refusée par la salariée par courriel du 29 juin 2018 (pièce 9).
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Projevia n'a pas limité sa recherche uniquement aux postes d'aide comptable et a satisfait à son obligation de recherche de reclassement en interne, y ajoutant par ailleurs des démarches en externe.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a considéré que l'employeur a respecté son obligation de reclassement.
- Sur le manquement à l'obligation de formation et d'adaptation :
Selon l'article L. 6321-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige,
'l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail, il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques (...)'.
Mme [C] établit avoir sollicité auprès de Mme [Y] [D], sa supérieure hiérarchique, le bénéfice d'une formation Excel lors de ses entretiens professionnels de 2016 et de 2017 (pièces 18 et 19), demande à laquelle il n'a pas été donné suite ce qui n'est pas contesté par la société Projevia.
L'employeur soutient que les actions de formation étaient priorisées par rapport à des impératifs métiers et que la formation Excel sollicitée par Mme [C] ne faisait pas partie de ces impératifs puisque seule la case 'dans l'année' était cochée et non la case 'Urgent'.
Comme l'ont justement relevé les premiers juges, le suivi d'une telle formation n'aurait pas empêché le licenciement économique. Il n'est pas plus démontré qu'en l'absence d'une formation Excel, Mme [C] n'était pas en capacité d'occuper son emploi d'aide comptable, activité qu'elle exerçait depuis de très nombreuses années, ni que cette situation lui a causé un préjudice lors de l'évaluation de ses qualités professionnelles prises en considération pour établir l'ordre des licenciements ou lors de la recherche d'un nouvel emploi.
La demande présentée de ce chef par Mme [C] doit donc être rejetée.
- Sur les critères de l'ordre des licenciements :
Aux termes de l'article L.1233-7 du code du travail, lorsque l'employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l'article L.1233-5 du même code, à savoir :
1° les charges de famille, en particulier celle des parents isolés ;
2° l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;
3°la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
4° les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
L'article L. 1233-5 précité ajoute que l'employeur peut privilégier un de ces critères à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères.
Les critères doivent être appréciés dans la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié. La notion de catégories professionnelles, qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements, concerne l'ensemble des salariés qui exercent au sein de l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Aussi, la catégorie professionnelle ne se réduit pas à un emploi déterminé.
L'employeur doit communiquer au juge les données objectives, précises et vérifiables sur lesquelles il s'est appuyé pour arrêter, selon les critères définis, l'ordre des licenciements, de telle manière que le juge soit en mesure de vérifier le respect des dits critères.
Cependant, l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Cette illégalité entraîne un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de l'emploi, qui doit être réparé, selon son étendue, par des dommages et intérêts.
Or, en l'espèce, Mme [C], dans ses conclusions en appel, invoque le non-respect des critères de détermination de l'ordre de licenciement à l'appui de sa démonstration tendant à priver celui-ci de cause réelle et sérieuse. Elle ne présente aucune demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de ce non-respect.
Par conséquent, le moyen présenté de ce chef par Mme [C] n'a aucune chance de prospérer et doit être déclaré d'emblée, sans examen au fond, comme étant infondé.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les dispositions du jugement seront confirmées concernant les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [C], partie qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande de ne pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel en faveur de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe
REJETTE le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [T] [C] en réparation des préjudices résultant du manquement de la SA Projevia à son obligation de formation et d'adaptation ;
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Laval le 4 juin 2020 sauf à juger que le moyen invoqué par Mme [T] [C] au titre du non-respect des critères de détermination de l'ordre de licenciement est infondé ;
Y ajoutant ;
REJETTE la demande de dommages-intérêts présentée par Mme [T] [C] pour manquement à l'obligation de formation et d'adaptation ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;
CONDAMNE Mme [T] [C] aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
J. COURADOEstelle GENET