COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
Ordonnance du 12 Juillet 2022
RG N° : N° RG 21/00563 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E4YS
AFFAIRE : S.A.R.L. ANJOU CHAUSSURES C/ [B], Syndicat CFDT SERVICES 49
ORDONNANCE
DU 12 Juillet 2022
Nous, Estelle GENET, conseiller chargée de la mise en état à la Cour d'Appel d'ANGERS, assistée lors des plaidories de Viviane BODIN, greffier et de Jacqueline COURADO, adjoint administratif faisant fonction de greffier ;
Statuant dans la procédure suivie :
ENTRE :
S.A.R.L. ANJOU CHAUSSURES Prise en la personne de son Gérant en exercice
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par et par Maître Anne-Sophie FINOCCHIARO de la SELAS FIDAL, avocat postulant au barreau D'ANGERS et par Maître CAPUS, avocat plaidant au barreau de ANGERS
ET :
Madame [R] [B]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Syndicat CFDT SERVICES 49
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentés par Me Bertrand SALQUAIN de la SELARL INTER BARREAUX NANTES ANGERS ATLANTIQUE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES
Après débats à l'audience tenue en notre Cabinet au Palais de Justice à laquelle les avocats des parties étaient dûment appelés, avons rendu l'ordonnance ci-après :
Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers du 4 octobre 2021 ayant :
- écarté les notes en délibéré ;
- dit qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer ;
- fixé le salaire brut mensuel moyen sur les 3 derniers mois de Mme [R] [B] au montant de 2169,41 €;
- dit que Mme [B] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur, M. [U] [J], gérant de la société Anjou Chaussures et que la démission a été provoquée par le comportement de son employeur, la requalifie en licenciement ;
- condamné la société Anjou Chaussures à verser à Mme [B] la somme de 120'000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- rejeté la demande d'expertise judiciaire ;
- condamner la SARL Anjou Chaussures à verser à Mme [B] la somme de 19 833 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné la société Anjou Chaussures à verser à Mme [B] les sommes suivantes:
- 12'581,54 € au titre des heures supplémentaires, congés payés inclus ;
- 2169,41 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
- 9916,50 € au titre du travail dissimulé ;
- 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- reçu le syndicat des services CFDT 49 en son intervention volontaire ;
- condamné la société Anjou Chaussures à verser au syndicat des services CFDT 49 la somme de 3000 € en réparation du préjudice résultant de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession ;
- condamné la société Anjou Chaussures à verser au syndicat des services CFDT 49 la somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé l'exécution provisoire de droit pour une somme globale de 12'581,54 € ;
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
- condamné la société Anjou Chaussures aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel par voie électronique le 13 octobre 2021 de la SARL Anjou Chaussures ;
Vu la constitution d'avocat de Mme [B] et du syndicat CFDT services 49 en qualité de parties intimées par voie électronique le 18 octobre 2021 ;
Vu les conclusions d'incident de l'appelante adressées au greffe le 2 janvier 2022 ;
Vu la convocation du greffe du 12 janvier 2022 pour l'audience d'incident de la mise en état du 17 mars 2022 ;
Vu les conclusions des intimés en réponse à l'incident adressées au greffe le 7 mars 2022;
Vu les conclusions d'incident n°2 de l'appelante adressées par RPVA au greffe le 15 mars 2022;
Vu le renvoi du dossier à l'audience d'incident de la mise en état du 12 mai 2022 ;
Vu les conclusions en réponse à l'incident n°2 des intimés adressées par RPVA le 11 mai 2022.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions d'incident n°2 adressées par RPVA le 15 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la SARL Anjou Chaussures demande au conseiller de la mise en état :
- d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue du pourvoi en cassation à l'encontre de l'ordonnance du 21 juin 2021 du premier président de la cour d'appel d'Angers ;
- en toute hypothèse, d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale;
- de débouter Mme [B] et le syndicat CFDT services 49 de toutes demandes plus amples;
- de réserver les dépens.
Au soutien de ses intérêts, la SARL Anjou Chaussures fait valoir qu'elle a soulevé devant le conseil de prud'hommes l'impartialité d'un de ses membres pouvant appartenir à la même organisation syndicale que Mme [B]. Elle ajoute que le conseil de prud'hommes a refusé de communiquer l'identité de ses membres composant sa formation de jugement, la privant de l'exercice éventuel de son droit de récusation et qu'elle a saisi le premier président de la cour d'appel d'Angers pour violation du droit à un procès équitable et des conditions d'impartialité mentionnées à l'article 6 '1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Elle souligne que le conseil de prud'hommes n'a pas attendu la décision du premier président et a entendu les plaidoiries. Elle indique avoir contesté la décision du premier président de la cour d'appel d'Angers du 21 juin 2021 rejetant sa demande aux fins de renvoi pour cause de suspicion légitime de l'instance suivie par le conseil de prud'hommes d'Angers, en formant un pourvoi en cassation le 6 juillet 2021. Elle souligne que les condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes représentent 97 mois de salaire de Mme [B], soit 8 ans de rémunération. Elle soutient que la décision de la Cour de cassation aura un impact direct sur la décision entreprise.
Elle explique par ailleurs que l'enjeu de la procédure prud'homale ne se limite pas à une éventuelle condamnation à des dommages et intérêts mais emporte la pérennité du groupe Runay, la survie de 13 magasins et le maintien dans leur emploi d'une soixantaine de salariés. Elle soutient qu'une plainte a été déposée en relation étroite avec les agissements qui sont reprochés à ses dirigeants dans le cadre de l'exécution du contrat de travail de Mme [B] et que l'issue de la procédure pénale aura nécessairement une influence sur la décision à intervenir de la formation prud'homale. Elle ajoute que l'issue de la procédure pénale est proche puisque les plaignantes et M. [J] ont été convoqués devant le tribunal correctionnel à l'audience du 1er juillet 2022. Elle rappelle que le conseiller de la mise en état a déjà ordonné le sursis à statuer dans 2 autres dossiers identiques.
Par conclusions en réponse à l'incident n°2 reçues au greffe le 11 mai 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, Mme [B] et le syndicat CFDT services 49 demandent au conseiller de la mise en état de :
- juger que le sursis à statuer n'a plus lieu d'être, au regard de la communication des procès-verbaux de l'enquête pénale ;
- débouter la société de l'ensemble de ses demandes ;
- la condamner à leur régler la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réserver les dépens.
Au soutien de leurs intérêts, Mme [B] et le syndicat CFDT Services 49 considèrent que si que les procès-verbaux relatifs aux poursuites pénales pour harcèlement moral et sexuel, travail dissimulé, intrusion dans un domicile' peuvent être utiles aux débats, la société Anjou Chaussures n'est pas poursuivie et que la cour sera suffisamment informée en ce qui concerne la matière prud'homale par la production des procès-verbaux d'une procédure qui amènera certainement M. [J] devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le fondement des dispositions combinées des articles 378 et 916 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état statue sur les exceptions de procédure, et est par conséquent compétent pour se prononcer sur une demande de sursis à statuer.
Par application de l'article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale, 'La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil'.
Le juge civil a néanmoins la possibilité de surseoir à statuer s'il l'estime nécessaire.
En l'espèce, comme il a été déjà jugé précédemment, l'enquête pénale apportera au dossier des éléments directement en lien avec le litige prud'homal au delà des attestations produites aux débats.
Dès lors qu'il n'est pas contesté que les procès-verbaux de l'enquête pénale ont effectivement été versés aux débats, il n'y a pas lieu d'ordonner un sursis à statuer dans l'attente d'une décision du tribunal correctionnel qui peut être frappée d'appel. Au demeurant, il est probable que le tribunal correctionnel aura statué avant que la chambre sociale ne se prononce, compte tenu des délais d'audiencement.
En revanche, l'incident sérieux qui s'est produit à l'audience du conseil de prud'hommes d'Angers et qui a entraîné la décision du 21 juin 2021 du premier président de la cour d'appel d'Angers, laquelle a été frappée d'un pourvoi en cassation, nécessite d'être tranché par la haute juridiction, avant que la cour ne se prononce sur le fond du dossier. Là également, le sursis à statuer qui doit être prononcé aura certainement peu d'impact sur la durée de la procédure d'appel compte tenu des délais d'audiencement devant la chambre sociale.
Il convient de réserver les dépens de l'incident.
La demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.
PAR CES MOTIFS
Nous, Estelle GENET, conseillère chargée de la mise en état, par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe,
Rejetons la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'enquête pénale ;
Prononçons le sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de cassation se prononçant sur le pourvoi formé contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Angers du 21 juin 2021 ;
Rejetons la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Réservons les dépens de l'incident.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DE
LA MISE EN ETAT
J. COURADOE. GENET