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15/09/2022 | FRANCE | N°20/00089

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre prud'homale, 15 septembre 2022, 20/00089


COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale













ARRÊT N°



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00089 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EULQ.



Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 30 Janvier 2020, enregistrée sous le n° 19/00030





ARRÊT DU 15 Septembre 2022





APPELANTE :



S.A.S. RECIPROQUE

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par

Maître Isabelle RUBINEL, avocat substituant Maître Valérie BREGER, avocat au barreau de LAVAL - N° du dossier 2006







INTIME :



Monsieur [C] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Olivier BURES...

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00089 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EULQ.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 30 Janvier 2020, enregistrée sous le n° 19/00030

ARRÊT DU 15 Septembre 2022

APPELANTE :

S.A.S. RECIPROQUE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Maître Isabelle RUBINEL, avocat substituant Maître Valérie BREGER, avocat au barreau de LAVAL - N° du dossier 2006

INTIME :

Monsieur [C] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Olivier BURES de la SELARL BFC AVOCATS, avocat au barreau de LAVAL - N° du dossier 21800342

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame GENET, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 15 Septembre 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame GENET, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [C] [X] a été embauché en qualité d'acheteur sédentaire dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée le 1er octobre 2017 par la SAS Réciproque avec une reprise d'ancienneté de la SNC IBC Romania au sein de laquelle il était salarié depuis le 1er juin 2017. Le contrat de travail prévoyait une rémunération fixe de 1716,21euros pour 39 heures hebdomadaires à laquelle s'ajoutait une rémunération variable en fonction d'objectifs mensuels.

La société Aetos, prestataire de services, assurait pour la SNC IBC Romania et la SAS Réciproque, le calcul de la rémunération variable.

A la suite d'un audit ayant révélé une erreur commise par la société Aetos, la société IBC Romania a mis M. [X] en demeure le 26 avril 2018 de lui rembourser la somme de 5148 euros trop perçue pour la période de juillet à septembre 2017, dans un délai de 8 jours.

Elle a également mandaté le gérant de la société Réciproque de procéder à des retenues sur le salaire de M. [X]. C'est au total la somme de 16 635 euros brut qui a été retenue en raison également d'erreurs de décompte de rémunération variable pour la société Réciproque par la même société Aetos.

Par courrier du 24 avril 2018, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement puis le 7 mai 2018, son licenciement pour cause réelle et sérieuse lui a été notifié par la société Réciproque qui lui faisait grief de ne pas avoir signalé des erreurs dans le calcul de ses salaires et ainsi d'avoir manqué de loyauté à son égard.

M. [X] a saisi le 14 mars 2019 le conseil de prud'hommes de Laval sollicitant la condamnation de la société Réciproque à lui payer les sommes retenues d'autorité par cette dernière sur ses salaires et indemnités dus en mars et mai 2018, et contestant son licenciement.

Par jugement en date du 30 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Laval a :

- fixé à 5082,2l euros la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [X] ;

- condamné la société Réciproque à payer et porter à M. [X] les sommes retenues d'autorité par cette dernière sur les salaires et indemnités qui lui étaient dus en quittance ou en deniers :

- 1650 euros retenue sur le bulletin de salaire du mois de mars 2018 ;

- 14 985 euros retenue sur le bulletin de salaire du mois de mai 2018 ;

- jugé dépourvu de toute cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à l'encontre de M. [X] ;

- condamné la société Réciproque à payer et porter à M. [X] une somme de 3460,48 euros au titre de complément de l'indemnité de préavis outre 346,05 euros au titre des congés payés ;

- condamné la société Réciproque à payer et porter à M. [X] une somme de l408,07euros en complément de l`indemnité de licenciement ;

- condamné la société Réciproque à payer et porter à M. [X] une somme de 15 246 euros à titre de dommages et intérêts ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamné la société Réciproque à payer et porter à M. [X] une somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société Réciproque de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Réciproque aux entiers dépens.

La société Réciproque a interjeté appel de cette décision le 21 février 2020 par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel.

M. [X] a constitué avocat le 10 mars 2020.

Par ordonnance du 21 janvier 2021, le conseiller de la mise en état saisi par la SAS Réciproque d'une demande de jonction du présent dossier avec le dossier RG 20/330 dans lequel M. [X] est opposé à la société IBC Romania, a :

- rejeté les demandes présentées par la SAS Réciproque ;

- condamné la SAS Réciproque à verser à M. [X] la somme 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Réciproque aux entiers dépens de l'incident.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 novembre 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 4 avril 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Réciproque, dans ses conclusions n°2 responsives et récapitulatives, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 14 octobre 2020 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

- infirmant le jugement en ce qu'il :

- a fixé à 5 082,21 euros la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [X],

- l'a condamnée à payer et porter à M. [X] les sommes retenues d'autorité par cette dernière sur les salaires et indemnités qui lui étaient dus en quittance ou en deniers soit, la somme de1650 euros retenue sur le bulletin de salaire du mois de mars 2018, la somme de 14 985 euros retenue sur le bulletin du mois de mai 2018;

- a jugé dépourvu de toute cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à l'encontre de M. [X] ;

- l'a condamnée à payer et à porter à M. [X] une somme de 3460,48 euros au titre de complément de l'indemnité de préavis outre 346,05 euros au titre des congés payés, une somme de 1408,07 euros en complément de l'indemnité de licenciement, une somme de 15 246 euros à titre de dommages et intérêts ;

- l'a condamnée à payer et porter à M. [X] une somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

et statuant à nouveau :

- dire et juger mal fondées les demandes de M. [X], l'en débouter ;

- condamner M. [X] à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [X] aux entiers dépens ;

- à titre subsidiaire, débouter M. [X] de son appel incident.

La société Réciproque fait valoir que les primes ont été octroyées par erreur à M. [X], et qu'elles sont en conséquence indues puisque la société Aetos s'est trompée dans le calcul de la rémunération variable de M. [X], et ce à compter de l'établissement du bulletin de paie de juillet 2017 alors que ceux d'avril et mai 2017 établis par la société Est Force One, et celui de juin 2017 établi par la société IBC Romania étaient conformes.

La société Réciproque fait essentiellement valoir que l'accord de transfert en date du 22 septembre 2017 signé entre M. [X] et la société Spac Nord aujourd'hui dénommée IBC Romania, et la société Réciproque prévoit explicitement la reprise d'ancienneté ainsi que ses droits à congés payés acquis à la date du transfert au sein de la société Spac Nord. Elle ajoute que M. [X] a validé cet accord et donc la transmission des bulletins de paie entre les sociétés en tant que modalité pratique d'exécution, étant précisé que la société Spac Nord a également transmis à cette occasion les bulletins de paie établis par la société Est Force One puisque la société Spac Nord avait elle-même repris l'ancienneté acquise par M. [X] au sein de son précédent employeur.

La société Réciproque explique qu'une fois l'erreur découverte, elle a souhaité rencontrer M. [X] pour faire un point et trouver une solution administrative pour le remboursement du trop-perçu. Elle affirme qu'un rendez-vous a eu lieu le 6 avril 2018, en présence d'un représentant du prestataire RH au cours duquel M. [X] a adopté un comportement déloyal en refusant de rembourser les sommes indûment perçues.

**

Par conclusions récapitulatives et d'appel incident, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 21 octobre 2021, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. [X] demande à la cour de :

- le recevoir en son appel incident ;

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la société Réciproque à lui payer et porter les sommes retenues d'autorité par cette dernière sur les salaires et indemnités qui lui étaient dus en quittances ou en deniers, soit la somme de 3947,40 euros retenue sur le bulletin de salaire du mois de mars 2018 et celle de 14 995 euros retenue sur le bulletin de salaire du mois de mai 2018 ; et en ce qu'il a jugé dépourvu de toute cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à son encontre ;

- réformer le jugement uniquement sur les quanta et statuant à nouveau sur ces derniers ;

- fixer à la somme de 6 078 euros la moyenne de ses trois derniers mois de salaire ;

- condamner la société Réciproque à lui payer et porter une somme de 5453 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis outre 545,30 euros au titre des congés payés y afférents ;

- condamner la société Réciproque à lui payer et porter une somme de 1422,93 euros en complément de l'indemnité de licenciement ;

- condamner la société Réciproque à lui payer et porter une somme de 24 600 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Réciproque à lui remettre dans le délai de quinze jours du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, une attestation Pôle Emploi conforme au dispositif de la décision à intervenir ;

et y ajoutant ;

- condamner la société Réciproque à lui payer et porter une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société Réciproque de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Réciproque aux entiers dépens.

M. [X] fait essentiellement valoir que les bulletins de salaire revêtent un caractère confidentiel par nature et qu'en aucun cas, la SNC Est Force One et la société IBC Romania ne pouvaient communiquer ses bulletins de salaire à la société Réciproque. Il soutient ainsi qu'il y aura lieu d'écarter des débats, les pièces n°5 et 10 de la société Réciproque en application de l'article 9 du code civil.

M. [X] fait observer que l'attitude de la société Réciproque est manifestement totalement déraisonnable et que son contrat de travail prévoit une rémunération prévoyant une clause totalement potestative.

Il ajoute que tout le dossier de la société Réciproque repose sur des pièces qu'elle s'est constituée pour elle-même et sur deux attestations émanant de ses prestataires placés sous un lien de dépendance économique, et qui plus est par des personnes qui revendiquent avoir commis une erreur dans le cadre de la mission qui leur aurait été confiée par la société Réciproque, voire également par d'autres clients.

MOTIFS DE LA DECISION

À titre liminaire, la cour constate qu'elle n'est pas saisie d'une demande présentée par M. [X] de rejet des débats des pièces 5 et 10 produites par la société Réciproque sur le fondement des dispositions de l'article 9 du code civil. Cette demande présentée dans le corps des conclusions de M. [X] n'a pas été reprise au dispositif de celles-ci.

En tout état de cause, cette demande n'aurait pas pu être accueillie favorablement. La société verse aux débats des bulletins de salaire établis par la SNC IBC Romania et la SNC Est Force One. Il s'agit de sociétés ayant le même siège social que la société Réciproque et le même gérant. Ce sont les précédents employeurs de M. [X]. Lors du transfert du contrat de travail, le salarié a bénéficié d'une reprise d'ancienneté. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que la société Réciproque soit en possession de ces bulletins de salaire et il ne peut y avoir entre ces 3 sociétés aucune divulgation d'informations confidentielles pouvant porter atteinte à la vie privée de M. [X].

Sur la rémunération variable indue

Aux termes de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation (Soc. 29 juin 2022, n°20-19.711).

En l'espèce, les parties conviennent que M. [X] bénéficiait bien d'une rémunération fixe ainsi que d'une rémunération variable.

Son contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er octobre 2017 prévoit effectivement une rémunération fixe forfaitaire de 1716,21 euros brut par mois et une rémunération variable «déterminée en fonction de la réalisation des objectifs fixés périodiquement et unilatéralement par la direction. Les modalités d'attribution et de versement seront définis et portés à la connaissance du salarié pour information, de manière mensuelle. Cette périodicité pourra être revue en fonction des nécessités de l'activité, sans que cela ne constitue une modification du contrat de travail.»

La société Réciproque pour justifier l'existence d'une erreur dans le calcul de la prime variable verse aux débats l'accord de transfert entre la société Spac Nord désormais dénommée IBC Romania, et la société Réciproque. Dans cet accord de transfert, il n'est pas question du montant de la rémunération variable. Il est seulement évoqué une rémunération forfaitaire mensuelle de 1716,21 euros brut correspondant à la partie fixe de son salaire.

La société Réciproque produit également l'attestation de M. [M], contrôleur de gestion au sein de la société Aetos, qui confirme que la prime mensuelle n'aurait dû être que de 1650 euros brut, en raison d'un salaire minimum garanti de 3366 euros comprenant une partie fixe et les primes. Cette attestation a un caractère parfaitement probant même si elle émane d'un prestataire de services et qu'elle est dactylographiée et donc non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, lesquelles ne sont néanmoins pas édictées à peine de nullité. Il s'agit au demeurant de l'attestation d'un contrôleur de gestion qui reconnaît son erreur laquelle peut logiquement entraîner l'engagement de sa responsabilité professionnelle.

La société Réciproque produit aussi deux lettres de mission. L'une est datée du 24 février 2017 pour la période du 27 février au 1er septembre 2017 et l'autre du 22 août 2017 pour la période du 1er septembre 2017 au 2 mars 2018. Même si ces 2 lettres de mission ne comportent aucun entête, il n'est pas contesté qu'elles émanent des sociétés qui ont employé M. [X] pour chacune des périodes considérées. Dans les 2 cas, il y est fait mention des objectifs à atteindre ainsi que du calcul de la part variable du salaire et de son montant précis en fonction des objectifs réalisés, ainsi que de l'engagement de l'employeur à verser à M. [X] une rémunération mensuelle garantie à hauteur de 3366 euros brut comprenant la partie fixe et les primes. D'ailleurs, cette somme n'a pas été fixée par hasard, elle correspond à la moyenne brute du salaire mensuellement perçu par M. [X] au cours des 12 derniers mois comprenant à la fois le salaire fixe et les primes.

Force est de constater que M. [X] ne conteste pas le contenu de ces deux lettres de mission.

Il n'y est donc nullement noté le versement d'une prime mensuelle variable de 3366 euros brut en plus du salaire fixe de 1716,21 euros brut, tel que cela est mentionné dans les bulletins de salaire de juillet 2017 à février 2018. Il a même été versé une prime mensuelle de 3796 euros brut en novembre 2017, de 4706 euros brut en décembre 2017 et de 4503 euros brut en janvier 2018.

Cette rémunération mensuelle variable n'était que de 1650 euros sur les bulletins de salaire émis par la société SNC Est Force One.

M. [X] ne peut donc pas soutenir que cette rémunération mensuelle brute à hauteur de 3366 euros voire plus, correspondant à la partie variable de son salaire, résulterait de l'application de son contrat de travail.

La rémunération variable mensuelle de M. [X] à compter du mois de septembre 2017 était bien de 1650 euros brut et non pas de 3366 euros brut.

L'indu est donc parfaitement justifié, et par conséquent les retenues opérées sur les salaires de mars et mai 2018 par la société Réciproque sont fondées.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le licenciement

L' article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

Le licenciement pour cause personnelle repose sur une cause inhérente à la personne du salarié. La cause inhérente est celle qui tient à la personne du salarié telle qu'elle est impliquée dans la relation individuelle de travail.

Il est de principe que la cause réelle doit être objective c'est-à-dire reposer sur des faits matériellement vérifiables, doit exister c'est-à-dire que le motif invoqué doit être établi, et doit être exacte c'est-à-dire que le motif invoqué doit être la véritable raison du licenciement.

La cause doit également être sérieuse : les griefs invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

De plus, les parties à un contrat de travail s'engagent à l'exécuter de bonne foi selon l'article L. 1222 '1.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 16 mai 2018 qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

«Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 13 avril 2018, nous vous avons demandé de bien vouloir vous présenter le 24 avril 2018 en nos bureaux pour un entretien préalable à un éventuel licenciement, entretien auquel vous vous êtes présenté accompagné par M. [T] [L], conseiller du salarié.

Pour rappel, les éléments nous ayant amenés à vous convoquer sont les suivants :

Vous êtes employé au poste d'acheteur sédentaire. Dans le cadre d'une mission spécifique qui vous a été confiée, vous avez bénéficié d'un système de rémunération variable particulier visant à vous assurer un maintien de salaire minimum garanti de 3366 € (salaire de base + moyenne primes variables sur les 12 derniers mois).

Suite à une erreur de l'un de nos prestataires, erreur répétée sur plusieurs mois, vous avez bénéficié d'un trop-perçu sous forme de primes pour un montant total de 16'635 € brut.

Notre prestataire RH a constaté cette anomalie et nous en a informés en date du 27 mars 2018. Nous avons alors sollicité un rendez-vous avec vous, en présence d'un représentant de notre prestataire RH en vue de trouver la solution administrative pour le remboursement de votre trop-perçu. Ce rendez-vous s'est déroulé le 6 avril 2018. Au cours de cet échange, vous avez tenu des propos mensongers. Pour exemple, vous indiquiez ne pas connaître la personne en charge du calcul des primes. Vous indiquiez ne pas consulter votre compte bancaire et vos bulletins de paie, ce qui ne vous avait pourtant pas empêché de demander votre bulletin du mois de mars 2018 pour comprendre votre salaire du mois en question.

Au cours de l'entretien préalable le 24 avril 2018 :

Vous avez tout d'abord reconnu avoir reçu la lettre de mission qui précisait notamment le montant du salaire minimum garanti. Vous avez également reconnu avoir parfois reçu des primes supérieures à 3366 € sur la période de votre mission. Vous avez alors nommé sans hésitation Mme [V] [E], interlocuteur en charge du calcul des primes. Vous avez indiqué ne pas avoir eu de contact avec cette personne sur la période de juillet 2017 à février 2018. Vous avez ensuite précisé qu'en mars elle vous avait informé de la situation de trop-perçu.

Pour finir, vous avez indiqué ne pas être opposé à trouver une solution à cette situation.

Or, au cours de cet entretien préalable, vous n'avez cessé de vous contredire, mettant ainsi en évidence votre manque de transparence et de loyauté à notre égard.

Ainsi, lors de notre premier échange en date du 6 avril 2018 vous présentiez ne pas avoir connaissance d'un trop-perçu et ne pas consulter vos comptes et bulletins de paie. Lors de l'entretien, vous avez pourtant reconnu vous être rendu compte des écarts de salaire dont vous aviez bénéficié, que ce soit en plus, ou en moins. Vous avez confirmé également avoir reçu la lettre de mission. Cela prouve que vous connaissez très bien le montant de votre salaire, contrairement à ce que vous souhaitiez laisser penser. Vous étiez donc en mesure de vous rendre compte du trop-perçu.

Par ailleurs, vous aviez indiqué ne pas connaître la personne en charge du calcul des primes. Au cours de l'entretien, vous avez pourtant reconnu avoir eu des échanges avec Mme [E] et avez précisé qu'elle vous avait informé du trop-perçu au mois de mars 2018. Vous avez également indiqué ne pas avoir eu de contact avec elle sur la période de juillet 2017 à février 2018, or nous avons connaissance d'un courriel du 12 juillet 2017 dans lequel vous vous adressez à Mme [E].

Enfin, vous nous avez indiqué lors de l'entretien préalable que vous n'étiez pas opposé à trouver une solution pour le remboursement. Bien que vous niiez avoir tenu de tels propos, vous aviez pourtant sous-entendu le 6 avril 2018 que la société avait suffisamment de liquidités pour ne pas s'arrêter à 16 000 €.

Pour finir, lors de notre échange avec le prestataire RH en date du 6 avril, rendez-vous pris dans le seul but de trouver une solution administrative au remboursement du trop-perçu, vous avez fait preuve d'irrespect à son égard. La teneur de vos propos était inadaptée et contraire aux valeurs de notre société.

Vos propos contradictoires et incohérents mettent clairement en évidence que vous aviez connaissance de cette situation de trop-perçu. À aucun moment vous n'avez jugé utile de nous alerter sur cette situation, faisant ainsi preuve d'un manque de transparence totale à l'égard de votre employeur.

Enfin, votre irrévérence à l'égard de notre prestataire RH et de notre société à travers les propos tenus le 6 avril 2018 sont inacceptables.

Votre déloyauté et votre manque de transparence sont constitutifs d'une faute. Par ce comportement, vous êtes allé à l'encontre de vos obligations contractuelles. La confiance, fondement de notre relation, est donc rompue.

L'ensemble de ces faits nous détermine donc à vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

À réception de la présente, vous n'aurez plus à vous présenter à l'entreprise. Au titre de votre préavis de 2 mois, vous percevrez une indemnité de préavis sur votre solde de tout compte. Vous cesserez de faire partie de nos effectifs et nous vous ferons parvenir vos formalités de fin de contrat (attestation Pôle emploi, solde de tout compte, certificat de travail) [...]. »

L'employeur fait principalement reproche à M. [X] de ne pas l'avoir averti de cette erreur répétée de calcul de la rémunération variable entre juillet 2017 et mars 2018, alors qu'il était par ailleurs parfaitement informé du montant du salaire minimum qui lui était garanti et de l'existence pendant la période litigieuse d'un écart de salaire important qui a conduit à un indu de plus de 16'000 euros en 9 mois.

Selon les développements précédents, il est établi que M. [X] à travers les 2 lettres de mission qui lui ont été adressées connaissaient parfaitement le montant du salaire minimum garanti incluant le salaire fixe et les primes variables pour une somme globale de 3366 euros brut. La part variable constituait en effet une part importante de sa rémunération puisque le salaire fixe était de 1716,21 euros brut. M. [X] ne peut d'ailleurs pas sérieusement soutenir qu'il n'était pas informé des modalités de calcul de cette rémunération puisqu'en tout état de cause, il lui était garanti un salaire minimum de 3366 euros brut. De plus, les lettres de mission sont parfaitement explicites sur les modalités de calcul. Elles contiennent les objectifs à réaliser sous la forme d'un tableau ainsi que le pourcentage du montant de la prime en fonction du pourcentage des objectifs réalisés. Il est même mentionné une prime mensuelle de 30 euros en fonction du nombre de commandes et une prime mensuelle de 400 euros par ouverture de compte.

De plus, il est peu probable que M. [X] ne se soit pas aperçu à la lecture de ses bulletins de salaire que la prime variable normalement fixée à la somme de 1650 euros brut était d'un montant bien supérieur à compter du mois de juillet 2017. Alors qu'il était rémunéré par la société Est Force One à hauteur d'environ 2600 euros net par mois et que les modalités de sa rémunération ont été reprises à la fois par la société IBC Romania et la société Réciproque, il a perçu à compter de juillet 2017 un salaire mensuel net d'environ 4000 euros, et même de 4315,96 euros net en novembre 2017, de 5366,49 euros net en décembre 2017 et de 4992,61 euros net en janvier 2018, soit des montants bien supérieurs à ceux qui avaient été convenus entre les parties. Dans ces conditions, M. [X] ne peut pas sérieusement soutenir qu'il ne s'est pas aperçu de ces écarts.

Il apparaît donc que M. [X] n'a pas alerté son employeur sur ces écarts de rémunération très importants qui à l'évidence n'avaitent aucune justification rationnelle, de sorte que l'indu a augmenté très rapidement au point d'atteindre une somme significative de plus de 16 000 euros correspondant à la fois à l'indu versé par la société IBC Romania et celui versé par la société Réciproque.

De fait, la relation employeur/salarié est assez simple à analyser. L'erreur est reconnue par le prestataire de services, mais le montant de l'indu est important, notamment en raison de l'attitude de M. [X], et la situation ne pouvait pas se régler immédiatement. L'erreur s'est révélée en mars et il est logique que l'employeur ait souhaité échanger avec M. [X] sur les modalités de remboursement de cette dette lors de la réunion du 6 avril 2018. A cette occasion, la société Réciproque a compris que M. [X] ne souhaitait pas rembourser ces sommes indûment perçues. D'ailleurs, 4 ans après les faits c'est encore la position défendue par le salarié. Or, cette position n'est pas justifiée et relève même de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail.

M. [X] prétend qu'il n'avait pas à être licencié et qu'il appartenait à la société Réciproque de saisir le conseil de prud'hommes pour faire trancher le litige sur le montant de la rémunération variable.

Cependant, l'indu est difficilement contestable par M. [X] et son attitude tant de juillet 2017 à mars 2018, qu'après la découverte de l'erreur, interroge sur sa volonté d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et de percevoir en conséquence une juste rémunération, celle qui a été convenue entre les parties dès le début de la relation contractuelle. M. [X] ne peut pas sérieusement soutenir qu'il pouvait conserver la somme de 16'000 euros sans que son employeur en tire toutes les conséquences quant à la poursuite du contrat de travail par le salarié.

De surcroît, il est reproché à M. [X] d'avoir eu une attitude irrespectueuse lors de la réunion du 6 avril 2018. L'employeur verse aux débats l'attestation de la responsable adjointe administration RH et paie de la société Socad qui assure pour le compte des sociétés IBC Romania et Réciproque les opérations de ressources humaines et qui établit les bulletins de paye. Il n'y a d'ailleurs pas lieu de remettre en doute le contenu de cette attestation qui est établie par un personnel extérieur à l'employeur. Mme [R] explique ainsi que M. [X] a bien fait la démarche en mars 2018 auprès de ses services pour vérifier son bulletin de salaire sur lequel une première retenue avait été effectuée. Elle évoque les contradictions de M. [X] lors de l'entretien du 6 avril 2018 sur la consultation de ses comptes bancaires et sa connaissance des écarts de rémunération. Elle ajoute : «Les échanges avec les salariés de nos clients étant habituellement courtois et polis, j'ai été assez déconcertée et choquée du ton employé par ce collaborateur mettant ouvertement en doute les informations légales et réglementaires que je pouvais lui fournir. Par ailleurs, j'atteste que M. [X] a, à plusieurs reprises, fait preuve de ce que je qualifierai d'arrogance et d'impertinence à l'endroit de son responsable, mettant directement en cause la société Réciproque. La désinvolture de M. [X] m'a vraiment déroutée. Alors que nous lui demandions de nous faire un retour rapide quant à son accord sur la possibilité d'un arrangement amiable sur les sommes dues, ce dernier nous indique qu'il avait : «autre chose à faire ce week-end !» Alors que nous tentions de trouver une solution et continuant dans son attitude de défiance, ce dernier a même déclaré : « la société à 13 millions d'euros de liquidités, vous n'avez rien à redire pour 15'000 euros !». Cette phrase prononcée, j'ai décidé qu'il était inutile d'aller plus avant dans la discussion amiable avec M. [X]».

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le licenciement apparaît reposer sur une cause réelle et sérieuse, l'attitude de M. [X] faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Par conséquent, il convient de rejeter la demande présentée par M. [X] à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes, M. [X] n'a droit à aucun complément d'indemnité compensatrice de préavis. Compte tenu des développements précédents, son salaire mensuel de référence ne peut pas être de 5082,21 euros brut, pas plus d'ailleurs qu'il ne peut être de 6078 euros brut comme il le soutient en cause d'appel.

Pour la même raison, il n'y a pas lieu non plus d'allouer à M. [X] un quelconque complément d'indemnité de licenciement.

Le jugement est ainsi infirmé en toutes ses dispositions.

Le salaire mensuel de référence de M. [X] doit être fixé à la somme de 3366 euros brut.

Sur dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

M. [X] est condamné au paiement des dépens de première instance et d'appel.

Il est également condamné à verser à la société Réciproque la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande présentée sur ce même fondement par M. [X] doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Laval du 30 janvier 2020 ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que les retenues opérées par la SAS Réciproque sur les bulletins de salaire de M. [C] [X] de mars et mai 2018 pour la somme totale de 16 635 euros brut sont justifiées ;

Dit que le licenciement de M. [C] [X] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Rejette la demande de dommages-intérêts présentée par M. [C] [X] pour licenciement abusif ;

Dit que M. [C] [X] n'a droit à aucun complément d'indemnité compensatrice de préavis ni de complément d'indemnité de licenciement ;

Fixe le salaire mensuel de référence de M. [C] [X] à la somme de 3366 euros brut ;

Condamne M. [C] [X] à payer à la SAS Réciproque la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande présentée par M. [C] [X] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [C] [X] au paiement des dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Viviane BODINEstelle GENET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre prud'homale
Numéro d'arrêt : 20/00089
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;20.00089 ?
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