COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00093 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EUMA.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 20 Janvier 2020, enregistrée sous le n° 19/00142
ARRÊT DU 15 Septembre 2022
APPELANT :
Monsieur [B] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Virginie CONTE de la SCP PIGEAU - CONTE - MURILLO - VIGIN, avocat au barreau du MANS
INTIMEE :
S.A.S. CHALLANCIN PREVENTION ET SECURITE immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 341 152 395, prise en la personne de son représentant légal.
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Yves-Marie BIENAIME de la SCP UPSILON AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2010018 et par Maître Jessica MOULIN, avocat plaidant au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame GENET, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 15 Septembre 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame GENET, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
M. [B] [H] a été engagé en contrat à durée déterminée en qualité d'agent de sécurité confirmé du 6 août au 30 septembre 2014, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2015 par la société Cave Canem.
Le 1er novembre 2016, M. [H] a été victime d'un accident de la route et a été placé en arrêt de travail jusqu'au 30 juin 2018.
Le 25 octobre 2017, la société Cave Canem est devenue la SAS Challancin Prévention Sécurité.
Le 9 juillet 2018, M. [H] a prévenu la SAS Challancin Prevention Sécurité de sa reprise du travail pouvant intervenir dans un rayon de 25 km autour de son lieu de résidence.
Le 31 juillet 2018, la médecine du travail a confirmé l'aptitude de M. [H] à son poste de travail sous réserve d'un temps partiel et d'un aménagement des postures de travail.
La reprise du travail a été organisée pour une mission du 8 au 24 août 2018.
En reprochant à M. [H] de s'être absenté sans justification, la SAS Challancin Prévention Sécurité l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 septembre 2018, puis lui a notifié son licenciement pour faute grave le 3 octobre 2018.
M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes le 28 mars 2019 d'une contestation de son licenciement.
Par jugement en date du 20 janvier 2020, le conseil de prud'hommes du Mans a :
- dit que le licenciement de M. [B] [H] est fondé ;
- débouté M. [B] [H] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné M. [B] [H] aux entiers dépens.
M. [H] a interjeté appel de cette décision par déclaration électronique en date du 21 février 2020.
Après assignation délivrée par acte d'huissier le 5 juin 2020, la SAS Challancin Prévention et Sécurité a constitué avocat le 16 octobre 2020.
Par ordonnance en date du 21 janvier 2021, le conseiller de la mise en état, saisi par M. [H] d'un incident, a déclaré irrecevables les conclusions et pièces de l'intimé adressées hors délai au greffe. Il a également condamné la société Challancin Prévention et Sécurité à verser à M. [H] la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des dépens de l'incident.
L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance en date du 17 novembre 2021 et le dossier a été fixé à l'audience du conseiller rapporteur du 4 avril 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [B] [H], dans ses conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 15 mai 2020, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
- dire qu'il est recevable et fondé en son appel ;
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
en conséquence :
- dire que son licenciement ne répond pas à l'exigence d'une cause réelle et sérieuse ;
- condamner la SAS Challancin Prévention et Sécurité à lui verser les sommes suivantes:
- 3331,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 331,11 euros d'incidence congés payés ;
- 1665,55 euros d'indemnité légale de licenciement ;
- 8327,75 euros en réparation d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse;
- 3000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
- juger que les créances salariales produiront intérêts à compter du jour de la saisine du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires, à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;
- ordonner la remise d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi rectifiée et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- condamner la SAS Challancin Prévention et Sécurité en tous les dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses intérêts, M. [H] fait valoir que son employeur était parfaitement informé qu'il ne détenait plus de permis de conduire et de moyen de locomotion et qu'il ne se déplaçait que par les transports en commun. Il soutient que les horaires de bus ne correspondaient pas avec les horaires indiqués sur son planning d'août et septembre 2018, une difficulté que l'employeur connaissait parfaitement. Il prétend qu'en empruntant le bus, il ne pouvait se présenter à l'heure à son travail et s'exposait à des sanctions de la part de son employeur.
Par ailleurs, il considère que le conseil de prud'hommes n'a pas expliqué en quoi les quelques jours d'absence ont considérablement perturbé le fonctionnement de l'entreprise, sa désorganisation n'étant pas caractérisée. Il considère que l'employeur devait s'attendre à la survenance d'éventuelles difficultés à se rendre sur son lieu de travail. Il ajoute qu'il ne peut lui être reproché de ne pas s'être rendu à l'entretien préalable alors qu'il travaillait ce jour-là et n'avait pas obtenu le report de cet entretien de la part de son employeur.
Enfin, il prétend ne pas avoir été destinataire d'une mise en demeure et de n'avoir été absent qu'une seule journée en septembre.
MOTIFS DE LA DECISION
À titre liminaire, il convient de rappeler que lorsque les conclusions déposées par l'intimé sont déclarées irrecevables, la cour est saisie par les seuls moyens de l'appelant et elle ne peut faire droit à la demande de ce dernier que si elle l'estime régulière, recevable et bien fondée conformément aux dispositions de l'article 472 du code de procédure civile. L'intimé dont les conclusions sont irrecevables est assimilé à celui qui n'a pas conclu et est réputé s'approprier les motifs du jugement, selon les dispositions de l'article 954 in fine du code de procédure civile.
L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute existe, il profite au salarié. Les juges du fond apprécient souverainement si les faits reprochés au salarié à l'appui d'un licenciement de nature disciplinaire sont établis.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 30 octobre 2018 qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
«Nous vous avons convoqué à un entretien préalable qui devait se tenir le 25 septembre 2018 à 11h00 en vue de la prise d'une éventuelle sanction à votre encontre afin de vous entendre sur les faits qui vous sont reprochés. Cependant vous ne vous êtes pas présenté.
Après examen de votre dossier personnel et de l'ensemble des éléments en notre possession, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave, résidant dans le motif suivant : absence continue du 9 au 17 août 2018 ainsi que le 4 septembre 2018.
En effet, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail du 9 au 17 août 2018 ainsi que le 4 septembre 2018, sans nous fournir la moindre justification valable relative à ces absences irrégulières, et ce, malgré nos mises en demeure en date du 5 et 10 septembre 2018.
Ces faits sont graves et intolérables, dans la mesure où d'une part ils nuisent à l'organisation de l'entreprise et peuvent entraîner des pénalités financières de la part du client, et d'autre part ils traduisent un manquement de votre part à vos obligations contractuelles. Ils justifient la mesure de licenciement pour faute grave que nous vous notifions par la présente.
Nous vous rappelons que notre convention collective qui vous est applicable, en son article 7. 02, prévoit que vous devez justifier de vos absences pour un motif valable dès que possible, au plus tard, dans un délai de 48 heures, le cachet de la poste faisant foi.
De plus, vous n'êtes pas sans savoir que le règlement intérieur de la société en son article 10.1 précise que toute absence doit être justifiée par le collaborateur par écrit, soit par un arrêt de travail, soit par toute absence visée par le code du travail par un justificatif adressé dans les 48 heures. L'absence d'informations dans les temps et l'absence non justifiée peuvent chacune faire l'objet d'une sanction.
Vous n'êtes pas sans ignorer les conséquences que vos absences irrégulières peuvent produire (pénalités financières du client, insécurité du site, etc.), au-delà de toute considération disciplinaire. Votre comportement est en outre de nature à nuire à l'image de l'entreprise, et par là-même à son intérêt, de tels faits étant en contradiction avec la qualité de la prestation que nous nous sommes engagés à réaliser envers le client, et pour laquelle il nous rémunère.
La gravité des fautes qui vous sont reprochées empêche votre maintien dans l'entreprise, même durant l'exécution d'un préavis. Vous cessez donc immédiatement de faire partie des effectifs de l'entreprise, soit à la date d'envoi de cette présente lettre, sans indemnité de licenciement et de préavis [...]».
À la lecture des conclusions présentées par M. [H] en cause d'appel, il n'est pas contesté par ce dernier son absence du 9 au 17 août 2018 et le 4 septembre 2018.
M. [H] tente simplement de justifier ses absences par un problème de transport en commun, soutenant que son employeur était parfaitement informé de ses difficultés de déplacement.
Les premiers juges ont à juste titre considéré que les explications du salarié n'étaient pas de nature à justifier ses absences. Le conseil de prud'hommes évoque une mise en demeure adressée le 5 septembre 2018 par lettre recommandée avec accusé de réception qui n'a pas été réclamée par M. [H], ainsi qu'un autre courrier lui demandant de justifier de ses absences qui a été adressé en même temps que la convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement. Les premiers juges ont également relevé à juste titre que M. [H] ne s'était pas rendu à l'entretien préalable. Ce dernier de manière assez étonnante prétend qu'il a préféré se rendre sur son lieu de travail, plutôt que de répondre favorablement à la convocation de son employeur.
M. [H] ne justifie pas d'ailleurs de la réalité de ses difficultés de déplacement. Il verse aux débats les plannings des mois d'août et septembre 2018 avec les horaires de prise de poste, ainsi que l'itinéraire des bus et les horaires de passage, affirmant qu'il ne pouvait pas être à 8 heures à Ouest Park Louailles alors que le bus desservait cet arrêt à 8h05. Cependant à la lecture de ce planning, il apparaît que M. [H] a bien été présent pour la première fois sur son lieu de travail les 20, 22 et 23 août 2018. De surcroît, il existe une différence entre être en retard sur son lieu de travail et ne pas s'y présenté du tout, différence sur laquelle M. [H] ne trouve pas utile de s'expliquer.
Par ailleurs, il n'apporte aux débats aucun élément de nature à contredire les affirmations de l'employeur selon lesquelles il n'est pas justifié de ces absences.
De plus, lorsqu'un salarié est prévu sur un planning pour une prestation de service auprès d'un client bien identifié, il est évident que l'absence injustifiée du salarié par conséquent d'une durée indéterminable pour l'employeur, désorganise la société qui doit trouver en urgence une solution de remplacement ou s'exposer au mécontentement du client et à la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle.
Enfin, il n'est pas invoqué par le salarié que la mission confiée se situait à plus de 25 kms de son domicile alors qu'il a clairement indiqué dans son courrier du 9 juillet 2018 qu'il pouvait assurer des déplacements dans ce rayon.
Les manquements du salarié à ses obligations nées de la relation de travail sont incontestables et d'une gravité suffisante pour justifier qu'il soit mis fin immédiatement au contrat de travail, l'employeur ne pouvant aucunement compter sur la présence du salarié à son poste de travail.
Dans ces conditions, le licenciement pour faute grave est justifié.
Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.
M. [H] est condamné au paiement des dépens d'appel à recouvrer comme en matière d'aide juridictionnelle.
Sa demande présentée sur le fondement de la loi du 10 juillet 1991 est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes du Mans du 20 janvier 2020,
Y ajoutant ;
Rejette la demande présentée par M. [B] [H] sur le fondement des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 ;
Condamne M. [B] [H] au paiement des dépens d'appel à recouvrer comme en matière d'aide judictionnelle.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
Viviane BODINEstelle GENET