COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00234 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EVQT.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation de départage du MANS, décision attaquée en date du 12 Juillet 2020, enregistrée sous le n° 18:00397
ARRÊT DU 15 Septembre 2022
APPELANTE :
Madame [S] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 20/6992 du 03/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)
représentée par Maître Florence VANSTEEGER, avocat au barreau du MANS - N° du dossier SE1714
INTIMEE :
S.A.S. OUEST NETTOYAGE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Luc LALANNE de la SCP LALANNE - GODARD - HERON - BOUTARD - SIMON, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20181243
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Avril 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame GENET, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Estelle GENET
Conseiller : Madame M-C. DELAUBIER
Conseiller : Madame N. BUJACOUX
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 15 Septembre 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame GENET, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La SAS Ouest Nettoyage emploie plus de onze salariés et applique la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011.
Mme [S] [U] a été engagée par la société Ouest Nettoyage en qualité d'agent de service AS1, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, pour une durée mensuelle de travail de 51,99 heures, à compter du 15 avril 2014.
Plusieurs avenants au contrat de travail ont été signés entre les parties dont le dernier du 1er décembre 2016 augmentant la durée de travail de Mme [U] à 78 heures mensuelles pour une rémunération brute de 775,32 euros.
Les 28 octobre et 9 décembre 2016, la société Ouest Nettoyage a convoqué Mme [U] à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction en raison du mécontentement de plusieurs clients sur la qualité de son travail, du non-respect du matériel, de son comportement inapproprié, outre la lecture de documents confidentiels et la récupération de timbres dans les poubelles.
Ces entretiens ont donné lieu à la notification de deux avertissements les 7 novembre et 15 décembre 2016.
Le 20 mars 2017, suite à une chute, Mme [U] a été placée en arrêt de travail pour accident de travail jusqu'au 20 avril 2018.
Elle a ensuite été placée en arrêt maladie de droit commun jusqu'au 29 août 2018.
Par lettre recommandée du 12 juillet 2018, la société Ouest Nettoyage indiquait à Mme [U] ne pas avoir été informée de son absence depuis le 30 juin 2018.
Par courrier du 25 juillet 2018, la société Ouest Nettoyage a convoqué Mme [U] à un entretien préalable à une éventuelle sanction fixé le 2 août 2018. Puis, par courrier du 6 août 2018, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave lui reprochant notamment des absences injustifiées.
Par requête déposée au greffe le 9 novembre 2018, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes du Mans d'une contestation de son licenciement qu'elle considère nul en ce qu'il est discriminatoire et fondé sur son état de santé et d'une demande de réintégration dans l'entreprise. Elle sollicitait également des dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement et notamment de la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement.
Par jugement de départage en date du 12 juin 2020, le conseil de prud'hommes du Mans a :
- condamné la société Ouest Nettoyage à verser à Mme [U] la somme de 650 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2 alinéa 5 du code du travail ;
- rejeté les autres demandes des parties ;
- condamné la société Ouest Nettoyage aux dépens.
Pour statuer en ce sens, le conseil de prud'hommes a notamment considéré que la lettre de convocation à un entretien préalable, se contentant d'indiquer 'sanction' sans plus de précision rendait la procédure légale de licenciement irrégulière.
Il a par ailleurs estimé que le licenciement dont la qualification par la société Ouest Nettoyage, la réalité et le sérieux de la cause ne sont pas, hors la discrimination, contestés par Mme [U], était fondé sur des éléments objectifs étrangers à l'état de santé de la salariée et donc à toute discrimination en raison de celui-ci.
Mme [U] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 1er juillet 2020.
La société Ouest Nettoyage a constitué avocat en qualité de partie intimée le 9 juillet 2020.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 avril 2022.
Le dossier a été fixé à l'audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale de la cour d'appel d'Angers du 26 avril 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme [U], dans ses conclusions n°2, régulièrement communiquées, reçues au greffe le 10 mars 2021, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, demande à la cour de :
- la recevoir en son appel et l'en déclarée bien fondée ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Ouest Nettoyage à lui verser la somme de 650 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2, alinéa 5, du code du travail ;
- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté les autres demandes des parties ;
Statuer à nouveau et :
- débouter la société Ouest Nettoyage de toutes ses demandes fins et conclusions ;
- dire et juger que la société Ouest Nettoyage a manqué à son obligation de résultat de préserver sa sécurité et sa santé en ne lui fournissant pas le matériel adapté lui permettant d'éviter l'accident de travail dont elle a été victime ;
- dire et juger que son licenciement est nul pour discrimination d'une salariée malade et en accident du travail ;
- dire et juger que la mesure prise par l'employeur jugée discriminatoire, doit automatiquement être annulée (article L. 1132-4 du code du travail) ;
- dire et juger que son licenciement, alors qu'elle était en accident de travail, est nul pour absence de faute grave à retenir à son encontre ;
- dire et juger que son licenciement ayant été annulé, elle doit être réintégrée dans l'entreprise et la société Ouest Nettoyage condamnée à lui verser l'intégralité de ses salaires depuis le 6 août 2018, outre la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts couvrant l'intégralité du préjudice moral subi ;
- débouter la société Ouest Nettoyage de sa demande de voir déclarer irrecevable la demande de reconnaissance du caractère abusif du licenciement, s'agissant d'un nouveau moyen de droit et non pas d'une demande nouvelle en conformité avec le texte de l'article 565 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire :
- dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif et condamner la société Ouest Nettoyage à lui payer :
- 2 mois de préavis : 506,90 x 2 = 1 013,80 euros ;
- les congés payés y afférents = 101,38 euros ;
- l'indemnité pour licenciement abusif 5 x 506,90 = 2 534,50 euros ;
Y ajoutant :
- condamner la société Ouest Nettoyage à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide, et conformément aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Au soutien de son appel, Mme [U] fait valoir que la convocation à l'entretien préalable du 25 juillet 2018 n'indiquait pas l'objet de l'entretien, à savoir l'éventualité d'un licenciement, de sorte que la procédure de licenciement est irrégulière. Elle souligne que le fait de ne pas avoir été informée d'un possible licenciement lui a causé un préjudice puisqu'elle n'a pas pu préparer sa défense.
Elle soutient par ailleurs que son licenciement est nul compte tenu du manquement par la société Ouest Nettoyage à son obligation de préserver la sécurité et la santé des salariés. Elle indique ainsi que l'absence de fourniture d'équipements de protection individuelle par son employeur, notamment de chaussures de sécurité, était à l'origine des deux accidents du travail dont elle a été victime le 11 mai 2016 et le 20 mars 2017.
Mme [U] affirme également que le grief relatif à ses absences prétendument injustifiées n'est pas fondé puisqu'un arrêt de travail était prescrit pour les dates mentionnées dans la lettre lui notifiant son licenciement. Elle souligne que son contrat de travail était suspendu tant que la visite médicale de reprise n'avait pas eu lieu de sorte qu'elle ne pouvait alors pas être licenciée pour absence injustifiée. Elle affirme par ailleurs qu'elle a toujours remis à la société Ouest Nettoyage ses arrêts de travail en les mettant directement dans la boîte aux lettres de l'entreprise et que l'indemnisation sans interruption par la caisse primaire d'assurance maladie confirme la transmission des documents en temps et en heure.
Mme [U] prétend alors qu'elle a été licenciée en raison de son état de santé, son employeur ne souhaitant plus garder une salariée se remettant difficilement de son accident du travail et risquant d'être déclarée inapte. Elle rappelle que de tels licenciements sont discriminatoires et doivent être considérés comme nuls.
À titre subsidiaire, Mme [U] soutient que la faute reprochée ne peut être qualifiée de grave puisqu'elle n'a pas eu pour conséquence la désorganisation de la société Ouest Nettoyage.
Elle sollicite en conséquence sa réintégration au sein de l'entreprise, le paiement des salaires entre l'éviction de l'entreprise jusqu'à la date de la réintégration et la réparation du préjudice moral subi lié à son licenciement brutal, vexatoire et l'ayant plongée dans des difficultés financières complexes.
À titre infiniment subsidiaire, Mme [U] estime que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse compte tenu de l'absence de faute à lui reprocher.
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La SAS Ouest Nettoyage, dans ses conclusions n°2 devant la cour d'appel d'Angers, régulièrement communiquées, reçues au greffe le 22 mars 2021, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle ne conteste pas le principe et le montant de la condamnation prononcée à son encontre au visa de l'article L. 1235-2 du code du travail ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les prétentions de Mme [U] s'agissant :
- de la nullité du licenciement pour discrimination ou manquement à l'obligation de sécurité ;
- des dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;
- de la réintégration sollicitée et du rappel de salaire y afférent ;
- constater que Mme [U] a tardé jusqu'au 13 septembre 2020 pour contester la faute grave et la cause réelle et sérieuse du licenciement du 6 août 2018 ;
- déclarer ses demandes nouvelles irrecevables, prescrites et mal fondées ;
- dire et juger qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité ;
- débouter dès lors Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner Mme [U] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [U] en tous les frais et dépens de l'instance.
À titre liminaire, la société Ouest Nettoyage indique accepter la condamnation prononcée à son encontre pour irrégularité de procédure et sollicite la confirmation du jugement entrepris sur ce point.
Elle soutient ensuite qu'aucune discrimination ne peut lui être reprochée et que les moyens présentés par Mme [U] ne sont pas probants. Elle affirme d'une part qu'elle a respecté son obligation de sécurité en mettant à la disposition de ses salariés des équipements de protection individuelle constitués d'une tenue de travail. Elle souligne ensuite que le port de chaussures de sécurité n'était pas légalement imposé à Mme [U] puisque celle-ci n'avait pas à intervenir sur un site industriel. Elle remarque en outre que Mme [U] a déjà saisi le pôle social du tribunal judiciaire du Mans d'une demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, en invoquant le même manquement à l'obligation de sécurité.
La société Ouest Nettoyage prétend d'autre part que le licenciement de Mme [U] est motivé par ses absences injustifiées ainsi que par l'absence de réponse aux deux lettres adressées les 23 mai et 12 juillet 2018 dans lesquelles elle demandait à la salariée de justifier ses absences.
La société Ouest Nettoyage fait également valoir que la demande de Mme [U] relative à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement est une demande nouvelle devant la cour d'appel et qu'elle ne présente pas un lien suffisant avec la demande initiale de nullité de licenciement pour être reçue.
Elle rejette par ailleurs l'application de l'article L. 1226-9 du code du travail indiquant que l'absence de visite médicale de reprise n'avait aucun impact sur le licenciement de Mme [U] puisque celle-ci était placée en arrêt de travail de droit commun à compter du 20 avril 2018.
La société Ouest Nettoyage prétend ensuite que Mme [U] ne rapporte pas la preuve de l'information de son employeur quant à ses absences. Elle souligne par ailleurs que cette demande est prescrite puisque plus d'un an s'est écoulé entre le licenciement du 6 août 2018 et cette demande apparue pour la première fois dans les conclusions du 13 septembre 2020.
Elle soutient enfin qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité et que l'accident du 21 mars 2017 ne lui est pas imputable puisqu'il revenait à Mme [U] de veiller à sa propre sécurité, ses missions n'exigeant pas la remise de chaussures de sécurité.
La société Ouest Nettoyage conclut que la demande de dommages et intérêts de Mme [U] est injustifiée et ne repose sur aucun fondement sérieux au regard des circonstances objectives et avérées entourant la rupture du contrat de travail.
MOTIFS DE LA DECISION
À titre liminaire, la cour relève qu'il n'existe aucune contestation du jugement quant à la condamnation de la société Ouest Nettoyage à verser à Mme [S] [U]
la somme de 650 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 1235 ' 2 alinéa 5 du code du travail. Cette condamnation est donc définitive.
Sur la recevabilité de la contestation de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Aux termes des articles 565 et 566 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Par application de l'article 70 du code de procédure civile, il est possible de présenter des demandes additionnelles si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, ce qui relève du pouvoir souverain d'appréciation du juge du fond.
Une demande ne répondant pas aux conditions de recevabilité prévues par cet article pourra faire l'objet d'une autre instance, sous réserve des règles de prescription.
En l'espèce, il est parfaitement constant que Mme [U] n'a pas contesté devant le conseil de prud'hommes le caractère abusif du licenciement lequel serait alors dépourvu de cause réelle et sérieuse et la faute grave reprochée.
Le conseil de prud'hommes n'a d'ailleurs pas manqué de souligner cette situation dans son jugement : « Sur le fond, Mme [U] a fait le choix de limiter sa demande quant à la validité du licenciement à la nullité de celui-ci en raison de son état de santé.»
Mme [U] invoque donc pour la première fois en cause d'appel, à titre subsidiaire, le bien-fondé du licenciement pour faute grave soutenant qu'elle a bien informé son employeur de son absence et que cette situation n'a pas désorganisé le bon fonctionnement de l'entreprise.
Toutefois, sauf à faire échec totalement au principe de l'unicité de l'instance et au principe du double degré de juridiction, la cour ne peut retenir comme un simple moyen de droit nouveau la contestation fondée sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
S'il s'agit tout comme la demande de nullité du licenciement, d'une contestation de la rupture du contrat de travail, cette demande ne peut pas être considérée comme étant l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la demande de nullité du licenciement. Il n'existe pas plus de lien suffisant entre ces deux demandes lesquelles ne tendent pas aux mêmes fins.
En effet, Mme [U] sollicite sa réintégration pour licenciement nul sur le fondement des dispositions de l'article L. 1235 ' 3 '1 du code du travail, et le versement de l'intégralité de ses salaires depuis le 6 août 2018, outre la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'intégralité du préjudice moral subi.
Au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle sollicite une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement abusif.
La demande nouvelle de Mme [U] tendant à voir déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que les demandes indemnitaires en découlant doivent donc être déclarées irrecevables.
Sur le manquement invoqué de l'employeur à son obligation de sécurité
Mme [U] présente une demande tendant à voir reconnaître que la société Ouest Nettoyage a manqué à son obligation de résultat de préserver sa sécurité et sa santé en ne lui fournissant pas le matériel adapté lui permettant d'éviter l'accident de travail dont elle a été victime le 20 mars 2017. En page 8 de ses écritures,elle reproche précisément à son employeur de ne pas lui avoir fourni des chaussures de protection avec une semelle antidérapante et une coque de protection pour exercer sa mission de nettoyage de locaux. Elle ajoute avoir été victime d'un précédent accident du travail 11 mai 2016 lui ayant occasionné une chute, dans les mêmes conditions, sur sol glissant au moment du mouillage des sols.
Cette demande présente deux difficultés.
La première est qu'elle n'apparaît en lien avec aucune demande de dommages et intérêts chiffrée.
La seconde est qu'elle a fait précisément l'objet d'une procédure devant le pôle social du tribunal judiciaire du Mans afin de faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur. Dans sa requête de saisine du pôle social reçue au greffe le 19 juin 2020 (pièce 25 employeur), Mme [U] invoque le manquement de son employeur à son obligation de sécurité en raison de l'absence de mise à sa disposition de chaussures de protection.
Or, si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Dès lors viole les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale la cour d'appel qui, pour déclarer la juridiction prud'homale compétente pour connaître du litige et accueillir la demande d'un salarié tendant au paiement de dommages-intérêts, retient que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ouvraient droit à réparation, alors qu'il résultait de ses constatations que l'accident dont l'intéressé avait été victime avait été admis au titre de la législation professionnelle et qu'ainsi, sous couvert d'une action en responsabilité contre l'employeur pour manquement à son obligation de sécurité, le salarié demandait en réalité la réparation d'un préjudice né de l'accident du travail.(Cass. Soc. 29 mai 2013, 11-20.074)
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la cour ne peut pas se prononcer sur le manquement invoqué à l'obligation de sécurité par l'employeur. Cette demande doit donc être déclarée irrecevable.
Sur la nullité invoquée du licenciement
La lettre de licenciement du 16 août 2018 qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
« Le 25 juillet 2018, nous vous avons envoyé une convocation par lettre recommandée avec AR conformément aux dispositions des articles L. 1232 ' 2, ' 3, ' 4 et ' 5 du code du travail, pour un entretien le 2 août 2018 au siège social de la société Ouest Nettoyage, dans le cadre d'une éventuelle décision de licenciement à votre encontre.
Les faits qui vous sont reprochés, sur lesquels nous aurions souhaité vous entendre, sont les suivants :
Le 12 juillet 2018, nous vous avons demandé de justifier votre absence au travail, absence que vous avez déjà eue du mal à justifier au mois de juin.
Depuis cette date aucun justificatif d'absence ne nous est parvenu et votre absence perturbe fortement l'organisation dans l'équipe.
De tels faits sont constitutifs d'un manquement à vos obligations contractuelles.
Votre conduite met en cause la bonne marche de l'activité sur les sites et nous n'avons pu recueillir aucune explication auprès de vous au cours de l'entretien du 2 août 2018, nous vous informons que nous avons en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité des faits et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.
Le licenciement prend donc effet immédiatement dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à la date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. [...]»
Sur la faute grave et la nullité du licenciement
Il convient de remarquer que dans le dispositif de ses conclusions, Mme [U] fait un lien entre l'absence de faute grave qui lui est reprochée pour justifier son licenciement et la nullité de celui-ci.
Or, la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur est soumise à la procédure de licenciement et n'ouvre droit pour le salarié, dès lors qu'aucun texte n'interdit ou ne restreint la faculté de l'employeur de le licencier, qu'à des réparations de nature indemnitaire. Il en résulte que le juge ne peut, en l'absence de dispositions le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, annuler un licenciement (Cass. soc., 13 mars 2001, n° 99-45.735).
Par ailleurs et contrairement à ce qu'elle prétend, Mme [U] était en arrêt de travail pour maladie ordinaire à compter du 20 avril 2018 et ce jusqu'au 30 septembre 2018.
Par conséquent, aucune nullité du licenciement n'est encourue lorsqu'il est simplement invoqué l'absence de faute grave comme motif du licenciement.
Ce moyen doit donc être rejeté.
Sur la discrimination et la nullité du licenciement
Le principe de non-discrimination résulte des dispositions de l'article L. 1131-1 du code du travail et impose à l'employeur de ne pas prendre en considération certains éléments inhérents à la personne du salarié ou relatifs à ses activités pour arrêter une décision le concernant (embauche, promotion, sanctions, mutation, licenciement, formation, etc.)
Il est de principe qu'il n'y a de discrimination que si le traitement défavorable infligé au salarié est fondé sur un des motifs prohibés par l'article L. 1132-1 du code du travail.
Sur le fondement des dispositions de l'article L. 1132-4 du code du travail, toute disposition ou tout acte de nature discriminatoire pris à l'égard d'un salarié est nul. En outre, le salarié victime d'une mesure discriminatoire peut solliciter des dommages et intérêts, dont le montant est apprécié souverainement par les juges du fond.
En l'espèce, Mme [U] prétend que le grief relatif au défaut de remise des arrêts de travail constitue un prétexte alors que son contrat de travail était suspendu en raison de
l'absence de visite médicale de reprise et du fait qu'elle a bien transmis à son employeur ses arrêts de travail en les mettant dans la boîte aux lettres.
Il convient de rappeler que si en dépit d'une mise en demeure, le salarié n'a ni adressé les justificatifs de son absence pour arrêt maladie, ni manifesté son intention de reprendre le travail, il ne peut être reproché à l'employeur, laissé sans nouvelles, de ne pas avoir organisé la visite de reprise, et d'avoir décidé que cette absence injustifiée constituait une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise (Cass. Soc. 13 janvier 2021, n°19-10.43).
En l'espèce, la société Ouest Nettoyage justifie avoir adressé deux demandes de justification d'absence, l'une par courrier simple en date du 23 mai 2018 (pièce 10 employeur) et l'autre par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 juillet 2018 (pièce 11 employeur), ce courrier ayant été délivré à sa destinataire le 16 juillet 2018.
Dans le premier courrier du 23 mai 2018, il est reproché à Mme [U] de ne pas avoir justifié de son absence pour la période du 21 au 24 avril 2018, mais il est noté que cette dernière a bien justifié de son absence pour la période du 24 avril au 28 juin 2018.
Dans le courrier du 12 juillet 2018, il est fait grief à Mme [U] de ne pas avoir justifié de son absence depuis le 30 juin précédent. La lettre de licenciement souligne qu'en dépit de cette mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, Mme [U] n'avait toujours pas justifié de son absence à la date du 6 août 2018.
Mme [U] peut bien prétendre qu'elle a adressé son arrêt de travail à son employeur, elle n'est pas en mesure d'en justifier.
Elle invoque à l'appui de ses allégations une attestation de M. [O] [L], son conjoint (sa pièce 23) indiquant que les arrêts de travail ont été déposés dans la boîte aux lettres de la société chaque mois, ainsi que l'attestation de M. [F], un ami, affirmant avoir accompagné le conjoint de la salariée pour qu'il dépose l'arrêt de travail du mois de juillet 2018 dans la boîte aux lettres (sa pièce 24).
Ces 2 attestations émanant de proches de Mme [U] sont insuffisantes pour affirmer que les arrêts de travail en bien été déposés dans la boîte aux lettres de la société. Si cela avait été effectivement le cas, cette dernière les aurait très certainement retrouvés. D'ailleurs, en raison d'une précédente difficulté de transmission, il aurait été préférable de recueillir un accusé de réception de la part de l'employeur.
De plus, Mme [U] produit aux débats un message électronique qu'elle a adressé à la société le 17 juillet 2018 (sa pièce 20) selon lequel elle a transmis la prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 29 juillet 2018. Le jour même, il lui était répondu que ce justificatif était illisible et n'était donc pas valable et qu'il fallait soit envoyer les arrêts de travail par courrier soit les déposer à l'agence impérativement et dans les plus brefs délais suite au rendez-vous avec son médecin. À cette pièce 20, il est annexé l'arrêt de travail adressé par mail et il apparaît être complètement illisible. Cependant, Mme [U] ne peut justifier avoir adressé à nouveau cet arrêt de travail à son employeur.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le motif invoqué dans la lettre de licenciement n'apparaît pas fantaisiste. Il existe une réelle difficulté quant à l'information donnée par Mme [U] à son employeur sur sa situation médicale et son impossibilité de reprendre son activité professionnelle.
Enfin, il est difficilement contestable que l'incertitude qu'elle a entretenue sur son absence a eu un effet négatif sur l'organisation de la société alors que chaque intervention des salariés pour ce type d'activité est parfaitement planifiée et doit répondre aux besoins de chaque client. Il appartient ainsi à la société de pourvoir au remplacement des salariées absents.
En somme, il n'existe aucun motif discriminatoire à l'appui du licenciement de Mme [U].
Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes présentées par Mme [U] de ce chef.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement est confirmé s'agissant des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [U] est condamnée au paiement des dépens d'appel à recouvrer comme en matière d'aide juridictionnelle
Les demandes présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées, Mme [U] bénéficiant de l'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant dans les limites de l'appel par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe
DECLARE irrecevable la demande nouvelle présentée par Mme [S] [U] tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et les demandes indemnitaires en découlant ;
DECLARE irrecevable la demande présentée par Mme [S] [U] tendant à voir reconnaître le manquement de la SAS Ouest Nettoyage à son obligation de sécurité ;
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes du Mans le 12 juin 2020;
Y AJOUTANT ;
REJETTE le moyen invoqué par Mme [S] [U] tiré de l'absence de faute grave pour solliciter la nullité du licenciement ;
REJETTE les demandes présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [S] [U] au paiement des dépens d'appel, à recouvrer comme en matière d'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
Viviane BODIN Estelle GENET