COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
CM/CG
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 21/00196 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EYOT
arrêt du 23 Septembre 2020 Cour de Cassation de PARIS n° : E19-15.122
arrêt du 12 Février 2019 Cour D'Appel de RENNES RG n°17/2194
jugement du 07 mars 2017 TGI ST BRIEUX RG n°15/1097
ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022
APPELANTS DEMANDEURS AU RENVOI :
Monsieur [K] [L]
né le 18 Septembre 1955 à [Localité 7] (36)
[Adresse 5]
[Localité 4]
Madame [P] [G] épouse [L]
née le 22 Mars 1956 à [Localité 11] (27)
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentés par Me Christine CAPPATO de la SELARL CAPPATO GAUDRE, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMES DEFENDEURS AU RENVOI :
Monsieur [I] [N]
né le 30 Octobre 1951 à [Localité 10] (MADASGACAR)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Inès RUBINEL substituant Me Benoit GEORGE, avocat postulant au barreau d'ANGERS et par Me Clarisse MORENO, avocat plaidant au barreau de PARIS
S.E.L.A.R.L. TCA, ès qualités de Mandataire liquidateur de la société à responsabilité limitée à associée unique JOURAND LE GALL IMMOBILIER
[Adresse 6]
[Localité 2]
Assignée, n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 25 Janvier 2022 à 14 H 00, Madame MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Madame MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente
Monsieur BRISQUET, Conseiller
Mme ELYAHYIOUI, Vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : réputé contradictoire
Prononcé publiquement le 08 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Exposé du litige
En mai 2010, après rejet de leurs offres antérieures à des prix inférieurs, M. [K] [L] et son épouse Mme [P] [G] (ci-après les candidats acquéreurs) ont formulé par l'intermédiaire de la SARL Jourand Le Gall Immobilier dite JLG Immo (ci-après l'agence immobilière) une nouvelle offre d'achat portant sur un terrain réputé en partie constructible d'une superficie totale de 5 040 m² situé à [Localité 8], commune de [Localité 9] ([Localité 9]), au prix de 106 000 euros frais d'agence inclus, laquelle a été acceptée par son destinataire M. [I] [N] (ci-après le vendeur).
Le 26 mai 2010, Mme [P] [G] épouse [L], à qui son conjoint avait donné procuration, a signé avec le vendeur un compromis de vente sous seing privé élaboré par l'agence immobilière, sans condition suspensive d'obtention de permis de construire ni d'obtention de prêt, ainsi qu'un document intitulé «Annexe 1 au compromis de vente du 26/05/2010 rédigé comme suit :
'Conditions particulières
En date du 4 octobre 2007, le terrain objet des présentes a fait l'objet d'un permis de construire enregistré sous le numéro 2216607T1057 annexé aux présentes.
Le vendeur autorise le transfert de ce permis de construire au bénéfice des acquéreurs qui l'acceptent.
Les acquéreurs sont informés que la date de validité de ce permis est de 3 ans à compter de sa notification au demandeur en application du décret 2008-1353 du 19 décembre 2008, soit jusqu'au 4 octobre 2010.
Les acquéreurs déclarent avoir pris connaissance de la demande de permis de construire du 26 juin 2007 et de son modificatif du 17 septembre 2007 qui demeurent également annexés aux présentes.
Ils feront leur affaire de l'engagement des travaux de construction autorisés par ce permis de construire dans ce délai.
Les acquéreurs sont informés de la révision en cours du Plan Local d'Urbanisme de [Localité 9], et des incertitudes sur la constructibilité de cette parcelle au-delà du 4 octobre 2010.
A défaut d'engagement des travaux de construction dans ce délai, les acquéreurs feront leur affaire du renouvellement, du rectificatif, ou de l'obtention d'un nouveau permis de construire sans recours contre le vendeur et le mandataire. »
Les candidats acquéreurs ont versé sur le compte séquestre de l'agence immobilière, à titre de dépôt de garantie, une somme de 10 000 euros équivalente au montant de la clause pénale stipulée au compromis pour le cas où, après levée de toutes les conditions suspensives, l'une des parties refuserait de régulariser la vente par acte authentique.
Ils ont, d'une part, déposé le 7 juillet 2010 une demande de certificat d'urbanisme pré-opérationnel pour un projet distinct de celui du vendeur, certificat qui leur a été délivré le 3 septembre 2010 et qui mentionne que le terrain ne peut être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée consistant en la construction d'une habitation et d'un garage, le projet n'étant pas conforme à l'article L. 146-4 I du code de l'urbanisme issu de la loi littoral selon lequel l'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement, d'autre part, demandé le 10 août 2010 le transfert à leur profit du permis de construire accordé au vendeur, transfert qu'ils ont obtenu par arrêté du maire en date du 1er septembre 2010.
Après avoir reçu du notaire rédacteur le 22 septembre 2010 le projet d'acte authentique de vente faisant état de la prorogation d'un an de la validité du permis de construire, ils ne se sont pas présentés en son étude le 25 octobre 2010 pour la signature de l'acte authentique de vente et ont fait savoir, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 29 octobre 2010, qu'ils se rétractaient du projet de vente immobilière et, à défaut, considéraient la promesse synallagmatique de vente comme nulle et qu'ils sollicitaient la restitution du dépôt de garantie.
Par lettre recommandée en date du 10 décembre 2010, l'agence immobilière a répondu qu'il était hors de question de restituer les fonds séquestrés, ce qui nécessitait d'ailleurs l'accord écrit du vendeur, et qu'en tout état de cause ses honoraires resteraient intégralement dûs.
L'agence immobilière ayant été mise en liquidation judiciaire le 30 janvier 2013, les candidats acquéreurs ont déclaré leur créance entre les mains de son mandataire liquidateur, la SELARL TCA, avant de faire assigner ce dernier et le vendeur le 13 décembre 2013 devant le tribunal de grande instance de Saint Brieuc en restitution du dépôt de garantie.
L'affaire, retirée du rôle en raison d'une tentative de transaction qui n'a pu aboutir, y a été réinscrite en 2015.
Par jugement en date du 7 mars 2017, le tribunal a :
- déclaré irrecevables toutes les demandes présentées au fond par les époux [L] contre la seule SELARL TCA ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL JLG Immo,
- condamné in solidum les époux [L] aux entiers dépens, ainsi qu'à verser à M. [N] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires, au fond comme à titre accessoire.
Sur appel total interjeté le 24 mars 2017 par les candidats acquéreurs à l'égard du vendeur et du liquidateur judiciaire de l'agence immobilière qui n'ont pas constitué avocat, la cour d'appel de Rennes a, par arrêt en date du 12 février 2019, confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, débouté les époux [L] de leur demande au titre des frais irrépétibles et condamné ceux-ci aux dépens en cause d'appel.
Sur pourvoi des candidats acquéreurs, la chambre commerciale de la Cour de cassation a, par arrêt en date du 23 septembre 2020, cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d'appel de Rennes, renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers, condamné la SELARL TCA ès qualités aux dépens et rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, au motif que :
'Vu l'article 1956 du code civil ;
Selon ce texte, le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une personne d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir.
Pour déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [L] contre la société TCA, ès qualités, tendant à la restitution du dépôt de garantie, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la société JLG, tout séquestre qu'elle ait pu être, était tenue d'une obligation de restitution dont l'exécution serait constitutive d'un paiement, que l'article L. 622-21 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, interdit toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, que parmi ces procédures doivent être incluses celles afférentes aux sommes faisant l'objet d'un séquestre, qu'en sollicitant l'exécution d'un paiement, les époux [L] présentaient une demande dont la recevabilité était soumise aux dispositions de l'article L. 622-7 et que la créance de restitution du dépôt de garantie étant antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, la demande, ayant pour objet et finalité l'exécution de cette obligation, constituait une demande en paiement irrecevable. Il retient encore, par motifs propres, qu'il résulte des dispositions des articles L. 622-7 et L. 622-21 qu'en cas de procédure collective ouverte à l'égard d'un séquestre postérieurement à la remise de fonds, les droits des parties l'ayant constitué séquestre conventionnel à recouvrer la somme remise ne peuvent être exercés à d'autres conditions que celles prévues pour les créances nées antérieurement au jour d'ouverture.
En statuant ainsi, alors que le séquestre conventionnel oblige le dépositaire, même en liquidation judiciaire, à rendre la chose contentieuse déposée entre ses mains à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir, sans qu'il y ait lieu à concours sur cette somme entre les créanciers de ce dépositaire, de sorte que la demande de restitution de la somme séquestrée entre les mains de la société JLG ne se heurtait pas à l'interdiction de payer une créance antérieure, ni à l'interdiction de toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, et était recevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.'
Suivant déclaration en date du 29 janvier 2021, les candidats acquéreurs ont saisi la cour d'appel de renvoi à l'égard du vendeur et du liquidateur judiciaire de l'agence immobilière, à qui ils ont fait signifier par huissier les 23 et 29 mars 2021 l'arrêt de cassation, puis le 6 septembre 2021 la déclaration de saisine, leurs conclusions déposées au greffe le 16 février 2021 et l'avis de fixation reçu du greffe le 1er septembre 2021.
Après avoir constitué avocat le 13 octobre 2021, le vendeur a conclu le 5 novembre 2021, tandis que le liquidateur judiciaire, cité à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2021.
Dans leurs dernières conclusions en réponse après renvoi de cassation en date du 8 décembre 2021, signifiées par huissier le même jour à la SELARL TCA ès qualités, M. [L] et son épouse Mme [G] demandent à la cour, au visa des articles L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, 1108, 1988 et 1109 du code civil, de déclarer recevable et bien fondé leur appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 7 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, d'infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau, de :
- déclarer recevable leur action diligentée à l'encontre de la SELARL TCA en qualité de liquidateur de la SARL JLG Immo
En conséquence, sur le fond du litige,
A titre principal,
- constater que, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 octobre 2010, ils ont usé de leur faculté de rétractation,
- en conséquence, dire et juger que le dépôt de garantie déposé auprès de'la SARL JLG Immo le 25 mai 2010 devra leur être restitué par la SELARL TCA ès qualités, ce avec intérêts légaux à compter du 26 octobre 2010,
- ordonner à la SELARL TCA ès qualités de procéder à la restitution du dépôt de garantie d'un montant de 10 000 euros avec intérêts légaux à compter du 26 octobre 2010,
A titre subsidiaire,
- prononcer la nullité de la promesse synallagmatique de vente,
En conséquence,
- ordonner à la SELARL TCA de procéder à la restitution du dépôt de garantie d'un montant de 10 000 euros avec intérêts légaux à compter du 26 octobre 2010,
- débouter la SELARL TCA et M. [N] de toutes leurs demandes contraires,
- condamner in solidum la SELARL TCA ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL JLG Immo et M. [N] à leur payer la somme de'5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Subsidiairement, ils demandent de constater qu'ils s'en tiennent aux moyens et prétentions soumis à la cour d'appel de Rennes selon conclusions signifiées le 20 juin 2017 (pièce n°80) qui formulaient exactement les mêmes demandes.
Ils font valoir que :
- ils ont respecté les délais impartis par les articles 911 et 905-2 du code de procédure civile puisque leurs conclusions ont été signifiées aux intimés le 6 septembre 2021 et enrôlées (sic) le 8 septembre 2021, soit dans le mois de l'avis de fixation,
- leur demande de restitution du dépôt de garantie séquestré entre les mains de l'agence immobilière, qui n'est pas constitutive d'un paiement dont la recevabilité serait soumise aux dispositions de l'article L. 622-7 du code de commerce et qui échappe donc à l'interdiction de payer une créance antérieure à l'ouverture de la liquidation judiciaire du dépositaire, est recevable car le séquestre conventionnel oblige le dépositaire, même en liquidation judiciaire, à rendre la chose contentieuse déposée entre ses mains à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir, sans qu'il y ait lieu à concours entre les créanciers de ce dépositaire, ainsi que l'a rappelé la Cour de cassation,
- la promesse synallagmatique de vente ne leur ayant pas été adressée selon les dispositions de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, ils ont régulièrement fait usage de la faculté de rétractation prévue par ce texte qui s'applique à cette promesse, ne serait-ce que parce que les parties s'y sont volontairement soumises en cochant la clause « Le présent acte est régularisé par l'intermédiaire d'un professionnel. La loi SRU instaure un délai de rétractation reprenant les mentions de l'article L 271-1 du Code de la Construction et de l'Habitation et de la faculté de rétractation. », rétractation dont le vendeur a pris acte en remettant en vente le bien,
- la promesse synallagmatique est nulle pour défaut de mandat exprès donné par M. [L] à son épouse pour signer l'annexe aux conséquences gravissimes qui ne leur a pas été préalablement communiquée par l'agence immobilière ou, subsidiairement, pour vice du consentement portant sur la constructibilité du terrain, élément essentiel de la convention, car ils ne se sont portés acquéreurs qu'en vue d'édifier une maison d'habitation selon des plans dont ils ont confié l'élaboration à un architecte alors qu'il est apparu, postérieurement à la signature de la promesse, que le terrain était non constructible en dehors du projet pour lequel le vendeur avait déjà obtenu un permis de construire,
- l'agence immobilière engage sa responsabilité pour avoir manqué à son obligation de les informer sur les conséquences de l'acte et avoir omis de solliciter l'obtention d'un permis de construire pour finaliser la vente, ce qui la prive de tout droit à commission, d'autant que la promesse synallagmatique n'a jamais été réitérée par acte authentique, vendeur et acquéreurs s'étant mis d'accord pour cesser toutes relations contractuelles,
- si le vendeur a officiellement indiqué, pour la première fois dans ses conclusions de première instance, ne pas contester l'usage de la faculté de rétractation ou d'annulation de la vente, il n'a pas fait toute diligence pour l'accepter, leur lettre recommandée avec accusé de réception du 6 novembre 2010 sollicitant la restitution de la somme de 10 000 euros étant restée sans réponse malgré une démarche ultérieure en vue d'une issue amiable, de sorte qu'il était nécessaire de l'appeler en cause,
- la résiliation de la promesse synallagmatique est intervenue par accord des parties.
Dans ses dernières conclusions en date du 5 novembre 2021, signifiées par huissier le 9 du même mois à la SELARL TCA ès qualités, M. [N] demande à la cour, au visa des articles 911 et 1037-1 du code de procédure civile, 1240 du code civil, de :
In limine litis,
- constater que les conclusions prises par les appelants devant la cour d'appel d'Angers le 16 février 2021 ne lui ont pas été signifiées, alors qu'il était défaillant, dans le mois suivant leur remise au greffe,
- dire et juger qu'elles sont irrecevables,
- les rejeter.
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 7 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a déclaré irrecevables toutes les demandes présentées par les époux [L] et a condamné ceux-ci in solidum à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- y ajoutant, dire et juger que les époux [L] ont commis des fautes en l'attrayant à diverses procédures et en sollicitant à son encontre des condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile sans qu'aucune faute ne lui soit reprochée et les condamner in solidum à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ces fautes.
En toute hypothèse,
- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes,
- les condamner solidairement à lui payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5 000 euros au titre de la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me George, avocat, conformément à l'article 699 du même code.
Il soutient que :
- les appelants, qui auraient dû lui signifier leurs conclusions devant la cour d'appel de renvoi au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de leur remise au greffe qui est de deux mois à compter de la déclaration de saisine, conformément à l'article 911 du code de procédure civile auquel renvoie l'article 1037-1 du même code, ce qu'ils n'ont pas fait, sont réputés s'en tenir à leurs conclusions devant la cour d'appel de Rennes,
- n'ayant jamais contesté ni la faculté d'annulation de la vente des candidats acquéreurs, ni la restitution du dépôt de garantie par l'agence immobilière, il n'a aucune responsabilité dans l'absence de restitution du dépôt de garantie dont il n'était pas détenteur et a été injustement attrait en justice, que ce soit devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, devant la cour d'appel de Rennes, devant la Cour de cassation ou encore devant la cour d'appel d'Angers, par les candidats acquéreurs qui, bien que n'ayant rien à lui reprocher, ont formé contre lui une demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et doivent ainsi l'indemniser de la pression morale qu'ils lui ont fait subir depuis près de dix ans.
Sur ce,
Sur la recevabilité des conclusions après cassation des candidats acquéreurs
Si l'article 1037-1 du code de procédure civile prévoit, en son alinéa 1er, qu'en cas de renvoi devant la cour d'appel après cassation, lorsque l'affaire relevait de la procédure ordinaire, celle-ci est fixée à bref délai dans les conditions de l'article 905, il impartit aux parties des délais pour conclure qui ne sont pas identiques à ceux édictés par l'article 905-2 dans la procédure à bref délai.
En effet, il dispose, en ses alinéas 3 à 6, que :
- les conclusions de l'auteur de la déclaration de saisine sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration,
- les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration,
- la notification des conclusions entre parties est faite dans les conditions prévues par l'article 911 et les délais sont augmentés conformément à l'article 911-2,
- les parties qui ne respectent pas ces délais sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.
En l'espèce, les candidats acquéreurs ont, certes, déposé leurs premières conclusions devant la cour d'appel de renvoi dans les deux mois de leur déclaration de saisine du 29 janvier 2021 comme l'exige l'alinéa 3 de l'article 1037-1, mais il leur incombait, en application de l'alinéa 5 du même texte, dès lors que ni le vendeur ni le liquidateur judiciaire de l'agence immobilière n'avaient constitué avocat, de les faire signifier à ceux-ci par huissier dans le délai supplémentaire d'un mois de l'article 911 suivant l'expiration du délai de remise au greffe de deux mois, délai supplémentaire qui expirait ainsi le 29 avril 2021, alors qu'ils n'y ont procédé que le 6 septembre 2021 après avoir reçu le 1er septembre 2021 l'avis de fixation du greffe qui ne constitue pas le point de départ de ce délai, à l'inverse de ce qui est prescrit par l'article 905-2.
Ils encourent donc la sanction prévue par l'article 1037-1 du code de procédure civile, laquelle ne réside pas en l'irrecevabilité de leurs conclusions, mais en ce qu'ils sont réputés s'en tenir aux moyens et prétentions qu'ils avaient soumis à la cour d'appel de Rennes dont l'arrêt du 12 février 2019 a été cassé, à savoir ceux contenus dans leurs dernières conclusions devant cette cour du 20 juin 2017 qui énonçaient des prétentions exactement identiques à celles de leurs conclusions devant la cour d'appel de renvoi et des moyens conformes à l'exposé qui en a été fait ci-dessus, expurgé des développements complémentaires mentionnés dans leurs conclusions devant la cour d'appel de renvoi.
Sur la recevabilité de la demande de restitution du dépôt de garantie séquestré
L'article 1956 du code civil dispose que le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une personne d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir.
Le séquestre conventionnel oblige ainsi le dépositaire, même en redressement ou liquidation judiciaire, à rendre la chose contentieuse déposée entre ses mains à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir, sans qu'il y ait lieu à concours sur cette somme entre les créanciers de ce dépositaire.
En l'espèce, contrairement à ce qu'ont considéré tant le premier juge que la cour d'appel de Rennes, la demande de restitution du dépôt de garantie de 10 000 euros séquestré entre les mains de l'agence immobilière en vertu du compromis de vente sous seing privé du 26 mai 2010 ne se heurte ni à l'interdiction, résultant de l'article L. 622-7 I du code de commerce, de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de celle-ci en date du 30 janvier 2013, ni à l'interdiction, résultant de l'article L. 622-21 II du même code tel que modifié par l'ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008, de toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
Elle ne peut donc qu'être qu'être jugée recevable, le jugement entrepris étant infirmé.
Sur la rétractation des candidats acquéreurs
L'article L. 271-1 alinéas 1 à 4 du code de la construction et de l'habitation dans sa version en vigueur à la date des faits dispose que :
- pour tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de sept jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte,
- cet acte est notifié à l'acquéreur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes,
- lorsque l'acte est conclu par l'intermédiaire d'un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l'acte, qui doit être attestée selon des modalités fixées par décret,
- lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est précédé d'un contrat préliminaire ou d'une promesse synallagmatique ou unilatérale, les dispositions figurant aux trois alinéas précédents ne s'appliquent qu'à ce contrat ou à cette promesse.
En l'espèce, la promesse synallagmatique de vente sous seing privé conclue le 26 mai 2010 entre des non-professionnels par l'intermédiaire de l'agence immobilière ne porte que sur un terrain en partie constructible, et non un immeuble à usage d'habitation.
Toutefois, à l'article XI - LOI SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS DU 13 DÉCEMBRE 2000, a été cochée la formule pré-imprimée suivante :
'Le présent acte est régularisé par l'intermédiaire d'un professionnel (mandataire désigné en page 2) :
A) La loi SRU instaure un délai de rétractation (article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation) de 7 jours à compter du lendemain de la première présentation de la notification de l'acte faite soit :
- par lettre recommandée AR, ou par tout moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise ;
- par remise en main propre dans les conditions de l'article R. 271-6 du code de la construction et de l'habitation (voir page 12).
La faculté de rétractation est exercée par lettre recommandée AR ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise.
B) La loi SRU réglemente le versement au séquestre (article L. 271-2 du code de la construction et de l'habitation reproduit ci-dessous).
L'ACQUEREUR effectue un versement entre les mains d'un professionnel disposant d'une garantie financière affectée au remboursement des fonds déposés dans les formes indiquées ci-dessous (paragraphe XII 'VERSEMENT DE L'ACQUEREUR - SÉQUESTRE'). Si L'ACQUEREUR décide de renoncer au présent compromis de vente pendant le délai de rétractation, le séquestre devra lui restituer le dépôt sous 21 jours à compter du lendemain de cette rétractation.'
Il n'est pas démontré, ni même soutenu, que le fait d'avoir coché cette case résulterait d'une erreur.
Il apparaît donc que les parties ont volontairement soumis leur convention aux dispositions de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation.
Or la promesse synallagmatique de vente n'a ni été remise directement aux candidats acquéreurs par l'agence immobilière dans les conditions de l'article D. 271-6 du code de la construction et de l'habitation, ni été notifiée à ceux-ci par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou tout autre moyen équivalent, de sorte que le délai de rétractation de sept jours n'a pas couru à leur égard et qu'ils ont régulièrement exercé leur faculté de rétractation par la lettre recommandée datée du 29 octobre 2010 que leur conseil a adressée le 4 novembre 2010 au vendeur, avec accusé de réception signé par ce dernier le 6 novembre 2010, et simultanément en copie à l'agence immobilière et au notaire rédacteur.
L'agence immobilière se devait, dès lors, de leur restituer les fonds séquestrés dans le délai de vingt et un jours à compter du lendemain de la date de cette rétractation conformément au 2ème alinéa de l'article L. 271-2 du code de la construction et de l'habitation.
En conséquence, il y a lieu d'ordonner au liquidateur judiciaire de l'agence immobilière de restituer aux candidats acquéreurs la somme de 10 000 euros séquestrée à titre de dépôt de garantie, avec intérêts légaux courant de plein droit à compter de l'expiration du délai de vingt et un jours, soit du 27 novembre 2010.
Sur les demandes annexes
Il ne peut être considéré que l'action en justice des candidats acquéreurs revêt un caractère abusif à l'égard du vendeur.
En effet, compte tenu du refus de restitution des fonds séquestrés opposé par l'agence immobilière le 10 décembre 2010, de l'absence de toute réponse du vendeur au courrier recommandé du 29 octobre 2010 sollicitant cette restitution et de l'absence d'accord trouvé avec le liquidateur judiciaire qui, s'il a confirmé le 4 juillet 2013 que le compte séquestre de l'agence immobilière avait été transféré à son étude, n'a pas accepté de se dessaisir des fonds en l'état des dires de l'ancien gérant sur le différend l'opposant aux candidats acquéreurs et sur le fait que 'le vendeur (...) ne souhaitait pas que l'agence reverse le dépôt de garantie' à ceux-ci, les candidats acquéreurs n'ont eu d'autre choix que d'attraire en justice le vendeur et le liquidateur judiciaire afin d'obtenir une décision judiciaire seule à même de désigner le bénéficiaire des fonds séquestrés à défaut d'accord amiable conclu entre les parties signataires du compromis de vente.
En outre, si le vendeur a, dès ses conclusions de première instance, indiqué ne pas contester l'usage de la faculté de rétractation ou d'annulation de la vente, il ne pouvait qu'être maintenu dans la cause, que ce soit en appel, en cassation ou devant la cour d'appel de renvoi, jusqu'à ce que soit admise la recevabilité discutée de la demande de restitution.
Il importe peu que les candidats acquéreurs ne lui aient pas réclamé personnellement restitution des fonds dont ils savaient qu'il n'était pas dépositaire et le seul fait qu'ils ont formé à son encontre une demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne saurait faire dégénérer leur action en abus.
La demande de dommages et intérêts du vendeur ne pourra donc qu'être rejetée.
Partie perdante, le liquidateur judiciaire de l'agence immobilière supportera seul les entiers dépens de première instance et d'appel et, en considération de l'équité et de la situation respective des parties, versera une somme globale de 4 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les candidats acquéreurs au titre de l'article 700 1° du code de procédure civile dont il n'y a pas lieu de faire application à l'encontre, ni au profit du vendeur, les dispositions du jugement de première instance à ce titre étant infirmées.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Dit que M. [L] et son épouse Mme [G] sont réputés s'en tenir aux moyens et prétentions qu'ils avaient soumis à la cour d'appel de Rennes dans leurs conclusions en date du 20 juin 2017,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable la demande de restitution du dépôt de garantie formée à l'encontre de la SELARL TCA en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL JLG Immo,
Dit que M. [L] et son épouse Mme [G] ont régulièrement exercé leur faculté de rétractation et sont en droit d'obtenir restitution du dépôt de garantie,
Ordonne à la SELARL TCA en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL JLG Immo de leur restituer la somme de 10 000 (dix mille) euros séquestrée entre ses mains, avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2010,
Déboute M. [N] de sa demande de dommages et intérêts,
Condamne la SELARL TCA en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL JLG Immo à payer à M. [L] et son épouse Mme [G], ensemble, la somme de 4 000 (quatre mille) euros sur le fondement de l'article 700 1° du code de procédure civile et rejette toute autre demande au même titre,
Condamne la SELARL TCA en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL JLG Immo aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens exposés devant la cour d'appel de renvoi seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER