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15/11/2022 | FRANCE | N°18/02537

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 15 novembre 2022, 18/02537


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE







IG/CG

ARRET N°



AFFAIRE N° RG 18/02537 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ENRP

jugement du 25 Septembre 2018

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance : 17/01067





ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022





APPELANTS :



Madame [S] [A]

[Adresse 7]

[Adresse 7]



Monsieur [H] [A]

[Adresse 7]

[Adresse 7]



Madame [I] [K]

[Adresse 2]
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Monsieur [M] [A]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Représentés par Me Emmanuel BRUNEAU, avocat postulant au barreau du MANS - N° du dossier 170004 et par Me Eric MARECHAL, avocat plaidant au barreau de PARIS



INTIMEES ...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

IG/CG

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 18/02537 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ENRP

jugement du 25 Septembre 2018

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance : 17/01067

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022

APPELANTS :

Madame [S] [A]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Monsieur [H] [A]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Madame [I] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Monsieur [M] [A]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentés par Me Emmanuel BRUNEAU, avocat postulant au barreau du MANS - N° du dossier 170004 et par Me Eric MARECHAL, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEES :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Assignée, n'ayant pas constitué avocat

S.A. MMA IARD

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Malorie BRAGEOT substituant Me Alain DUPUY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20170474

SAMCF MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Malorie BRAGEOT substituant Me Alain DUPUY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20170474

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 06 Septembre 2022 à 14H00, Mme GANDAIS, conseillère ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :

Madame MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente

Mme GANDAIS, conseillère

Mme ELYAHYIOUI, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme LEVEUF

ARRET : réputé contradictoire

Prononcé publiquement le 15 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

EXPOSE DU LITIGE

Le 26 juin 2015, sur la route départementale n°779, entre les communes de [Localité 6] et de [Localité 8] (56), au niveau du carrefour avec la route menant à [Localité 5], est survenu un accident de circulation, impliquant :

- une motocyclette de marque Suzuki conduite par M. [W] [A], assurée par la société anonyme MAAF Assurances,

- un fourgon de marque Renault de type Master conduit par M. [R] [F], assuré auprès de la société Covea Fleet,

- un véhicule de marque Peugeot de type 208 conduit par M. [H] [X], assuré auprès de la société ACM Iard.

La motocyclette conduite par M. [W] [A] a percuté l'arrière-droit du véhicule de M. [R] [F] puis l'aile avant gauche du véhicule de M. [H] [X].

M. [W] [A] est décédé sur place.

Une enquête a été confiée à la compagnie de gendarmerie de [Localité 8] et le parquet de Vannes a, le 18 août 2015, classé sans suite la procédure au motif que l'infraction d'homicide involontaire susceptible d'être reprochée à M. [R] [F] n'était pas suffisamment caractérisée.

Par acte d'huissier du 24 mars 2017, M. [H] [A], Mme [S] [A], M. [M] [A] et Mme [I] [Z] ont assigné la société MMA Iard et la société anonyme MMA lard Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Covea Fleet devant le tribunal de grande instance du Mans, aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Par acte d'huissier du 20 mars 2017, ces derniers ont fait appeler à la cause la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Morbihan.

Par jugement du 25 septembre 2018, le tribunal de grande instance du Mans a :

- dit que compte tenu de l'existence d'une faute de M. [W] [A] ayant concouru aux dommages, le droit à indemnisation des victimes indirectes sera réduit à concurrence de 50%, en application de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985';

- condamné la SA MMA IARD et MMA Iard Assurances Mutuelles SA solidairement à payer à M. [H] [A] la somme de 12 500 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice d'affection subi';

- condamné la SA MMA IARD et MMA Iard Assurances Mutuelles SA solidairement à payer à Mme [S] [A] la somme de 12 500 euros de dommages- intérêts au titre du préjudice d'affection subi';

- condamné la SA MMA IARD et MMA Iard Assurances Mutuelles SA solidairement à payer à M. [M] [A] la somme de 4 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice d'affection subi';

- condamné la SA MMA IARD et MMA Iard Assurances Mutuelles SA solidairement à payer à Mme [I] [Z] la somme de 10 000 euros de dommages- intérêts au titre du préjudice d'affection subi';

- condamné MMA Iard Assurances Mutuelles SA à payer à SA MAAF Assurances la somme de 3100 euros';

- dit que l'ensemble de ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la décision';

- ordonné l'exécution provisoire';

- condamné la SA MMA IARD et MMA Iard Assurances Mutuelles SA solidairement à payer à M. [H] [A], Mme [S] [A], M. [M] [A] et Mme [I] [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné MMA IARD Assurances Mutuelles SA à payer à la SA MAAF Assurances la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné la SA MMA IARD et MMA Iard Assurances Mutuelles SA solidairement aux entiers dépens et précisé qu'en application de l'article 699 du code de procédure civile, maître [L] et la SCP Pigeau Conte Murillo pourront recouvrer directement les frais dont chacun a fait l'avance.

Par déclaration reçue au greffe le 17 décembre 2018, Mme [S] [A], M. [H] [A], Mme [I] [K] et M. [M] [A] ont interjeté appel de ce jugement, intimant la SA MMA IARD, la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Morbihan. Le jugement est critiqué en ce qu'il a dit que compte tenu de l'existence d'une faute de M. [W] [A] ayant concouru aux dommages, le droit à indemnisation des victimes indirectes sera réduit à concurrence de 50%, en application de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985'; condamné la SA MMA IARD et MMA Iard Assurances Mutuelles SA solidairement à payer à M. [H] [A] la somme de 12 500 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice d'affection subi ; condamné la SA MMA IARD et MMA Iard Assurances Mutuelles SA solidairement à payer à Mme [S] [A] la somme de 12 500 euros de dommages- intérêts au titre du préjudice d'affection subi'; condamné la SA MMA IARD et MMA Iard Assurances Mutuelles SA solidairement à payer à M. [M] [A] la somme de 4 000 euros de dommages- intérêts au titre du préjudice d'affection subi'; condamné la SA MMA IARD et MMA Iard Assurances Mutuelles SA solidairement à payer à Mme [Z] la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice d'affection subi'; dit que l'ensemble de ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision ; condamné la SA MMA IARD et MMA Iard Assurances Mutuelles SA solidairement à payer à M. [H] [A], Mme [S] [A], M. [M] [A] et Mme [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la SA MMA IARD et MMA Iard Assurances Mutuelles SA solidairement aux entiers dépens et précisé qu'en application de l'article 699 du code de procédure civile, maître [L] et la SCP Pigeau Conte Murillo pourront recouvrer directement les frais dont chacun a fait l'avance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions :

- en date du 15 mars 2019 pour les consorts [A]-[O] [Z],

- en date du 4 juin 2019 pour MMA IARD Assurances Mutuelles et la société anonyme MMA Iard,

qui peuvent se résumer comme suit.

Les consorts [A]-[O] [Z] demandent à la cour, au visa de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, de l'article L 124-3 du code des assurances, des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de':

- dire et juger que le véhicule Renault Master, conduit par M. [F], assuré auprès de la société Covea Fleet aux droits de laquelle viennent aujourd'hui les MMA IARD Assurances Mutuelles et la société anonyme MMA Iard, est impliqué dans l'accident de la circulation ayant coûté la vie à M. [W] [A] ;

- dire et juger que la seule cause de l'accident réside dans un manque de vigilance de M. [F], lequel a concédé n'avoir pas vu la motocyclette évoluant en sens inverse cependant qu'il opérait un changement de direction ;

- dire et juger qu'aucune faute prouvée, présentant un lien de causalité avec l'accident, ne saurait obérer le droit à indemnisation des demandeurs ;

- condamner solidairement les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à leur verser les sommes figurant à leurs écritures et ci-après rappelées au titre du préjudice moral :

* à M. [H] [A], Mme [S] [A], M. [M] [A], chacun, une somme de 30 000 euros ;

* à Mme [K], une somme de 40 000 euros ;

- dire et juger que l'exercice du recours subrogatoire de la société MAAF ne saurait obérer le quantum des indemnités à être servies aux concluants ;

- condamner solidairement les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer une indemnité correspondant strictement aux honoraires exposés par les appelants et ce, au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de l'avocat constitué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leur appel, les consorts [A]-[O] [Z] font valoir, en premier lieu que M. [F], conducteur du fourgon assuré auprès des MMA, a commis des manquements au regard des articles R 412-6, R 413-17 et R 415-7 du code de la route. Ils indiquent que l'intéressé n'a pas marqué le moindre temps d'arrêt avant de franchir le 'cédez le passage' pour emprunter la route de Brénéhuen. Si les appelants soulignent que cette absence de temps d'arrêt n'est pas en soi constitutif d'un manquement ayant entraîné le décès de M. [W] [A], ils considèrent qu'elle illustre, chez le conducteur, une défaillance beaucoup plus grave résidant dans le fait de ne pas avoir vu M. [W] [A] qui arrivait en sens inverse en moto et qui était alors parfaitement visible, tant du fait de ses équipements que des conditions météorologiques et de la configuration des lieux.

En second lieu, les consorts [A]-[O] [Z] soutiennent que M. [W] [A] n'a commis aucune faute susceptible de limiter leur droit à indemnisation. Ils exposent que le premier dépassement du véhicule conduit par M. [U] s'est fait à une vitesse normale. S'agissant du second dépassement du véhicule conduit par M. [C], ils relèvent que celui-ci s'est effectué également dans des conditions normales et la motocyclette ne pouvait qu'être vue par M. [F]. Ils affirment que ce second dépassement, réalisé longtemps en amont du lieu de l'accident - soit à plus de 300 mètres -, ne saurait présenter un quelconque lien de causalité avec l'accident et justifier une limitation du droit à indemnisation. Par ailleurs, ils ajoutent qu'aucun élément objectif ne permet d'établir la réalité de l'excès de vitesse indiqué par certains conducteurs présents, observant que les gendarmes n'ont pas fourni d'étude des traces de freinage de la motocyclette, ce qui ne signifie pas qu'elles n'ont pas existé. En tout état de cause, ils considèrent qu'à supposer que la vitesse de M. [W] [A] soit excessive, le seul élément expliquant la survenue de l'accident réside dans le manque de vigilance et d'attention de M. [F] qui n'a pas vu la motocyclette arriver dans la voie de circulation inverse. S'agissant des préjudices moraux subis du fait du décès de M. [W] [A], les appelants se fondent sur les liens affectifs et de proximité les liant chacun au défunt. En réponse à l'appel incident formé par les assureurs, Mme [I] [K] rappelle qu'elle partageait la vie de M. [W] [A] depuis six ans, produisant, pour établir la réalité du concubinage, plusieurs attestations de proches et un document établi par M. [W] [A], lui-même, avant son décès, qui informait son assureur de sa situation maritale.

Les MMA IARD Assurances Mutuelles et la société anonyme MMA Iard demandent à la cour, au visa de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, de l'article R 413-17 du code de la route, des articles 699 et 700 du code de procédure civile, du jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans le 25 septembre 2018, de :

- les déclarer recevables et bien-fondées en toutes leurs demandes et y faire droit ;

en conséquence :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans en date du 25 septembre 2018 en ce qu'il a réduit à concurrence de 50% le droit à indemnisation des victimes indirectes, sur le fondement de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, compte tenu de l'existence d'une faute de M. [W] [A] ayant concouru aux dommages';

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans en date du 25 septembre 2018 en ce qu'il a condamné la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles SA à payer à M. [H] [A] la somme de 12 500 euros de dommages intérêts au titre du préjudice d'affection subi';

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans en date du 25 septembre 2018 en ce qu'il a condamné la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles SA à payer à Mme [S] [A] la somme de 12 500 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice d'affection subi';

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans en date du 25 septembre 2018 en ce qu'il a condamné la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles SA à payer à M. [M] [A] la somme de 4 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice d'affection subi';

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans le 25 septembre 2018 en ce qu'il a condamné la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles SA à payer à Mme [Z] la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice d'affection subi';

- statuant à nouveau, rejeter les demandes formulées par Mme [K] au titre de son préjudice d'affection';

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans en date du 25 septembre 2018 en ce qu'il a condamné la SA MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles SA solidairement à payer à Mme [Z] la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice d'affection subi ;

en tout cas :

- à titre principal, rejeter la demande formulée par les consorts [A] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions la demande formulée par les consorts [A] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les MMA IARD Assurances Mutuelles et la société anonyme MMA Iard opposent aux appelants que M. [W] [A] a commis une faute d'inattention et de vigilance en lien avec l'accident dont il a été victime, justifiant une réduction à concurrence de 50% du droit à indemnisation des victimes indirectes. A cet égard, les intimées se fondent sur les témoignages des deux conducteurs des véhicules dépassés par la motocyclette. Elles considèrent que la victime circulait à une vitesse excessive alors que la visibilité sur la route était très réduite et qu'une intersection, signalée en amont par un panneau, se trouvait au sommet d'une côte. Elles observent également que M. [W] [A] a effectué les deux dépassements en franchissant la ligne continue et que l'absence de traces de freinage sur les lieux de l'accident démontre que le conducteur de la motocyclette a commis une faute de vigilance et d'inattention en n'adaptant pas sa vitesse à la configuration des lieux et aux conditions de visibilité. Au soutien de leur appel incident portant sur l'indemnisation du préjudice d'affection de Mme [I] [K], elles estiment que cette dernière ne démontre pas le caractère stable et continu du concubinage dont elle se prévaut. Elles relèvent que les domiciles des intéressés étaient distincts, qu'il n'y avait pas de liaison déclarée et qu'ils ne vivaient ensemble qu'une semaine et demi sur deux.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Morbihan, qui a reçu signification par actes remis à personne habilitée, le 21 mars 2019, de la déclaration d'appel et des conclusions des appelants et le 3 juin 2019, des conclusions des intimées, n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit.

Il sera donc statué par arrêt réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juillet 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 6 septembre 2022, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 15 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Les demandes tendant simplement à voir «dire et juger» ne constituent pas des demandes en justice, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, visant à ce qu'il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt.

I- Sur le droit à indemnisation des consorts [A]-[O] [Z]

En application de l'article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, la faute commise par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur victime d'un accident de la circulation a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation de son dommage dès lors qu'elle a contribué à sa réalisation.

En présence d'une telle faute, il est constant qu'il appartient au juge d'apprécier si celle-ci a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages que ce conducteur a subi, en faisant abstraction du comportement des conducteurs des autres véhicules impliqués dans l'accident.

En l'espèce, si les parties débattent sur les fautes que l'un et l'autre des conducteurs auraient commises, elles s'accordent sur les circonstances de l'accident, telles qu'elles résultent de l'enquête de gendarmerie et des déclarations des témoins.

Ces circonstances sont les suivantes : sur la route départementale D779, par temps clair, dans le sens [Localité 8]-[Localité 6], M. [W] [A] conduisant sa motocyclette, a effectué un premier dépassement d'un véhicule sans permis de marque Aixam, conduit par M. [D] [U], puis un second dépassement d'un véhicule Peugeot 308 tractant une remorque, conduit par M. [V] [C] et au niveau du carrefour, il est percuté par le véhicule Renault Master conduit par M. [R] [F], venant de [Localité 6] et tournant à gauche vers Brénéhuen. Après cette collision, la motocyclette est projetée au niveau de l'aile avant-gauche du véhicule Peugeot 208 conduit par M. [H] [X].

Il résulte des constatations matérielles opérées par les gendarmes que l'accident s'est produit au niveau du carrefour de Brénéhuen, en sommet de côte, sur la route départementale D 779, dans le couloir de circulation du motocycliste, où la vitesse maximale était limitée à 90 km/heure.

Peu avant la survenance de l'accident,il est établi que M. [W] [A] avait dépassé les deux véhicules le précédant, conduits respectivement par M. [D] [U] puis par M. [V] [C].

M. [D] [U], conducteur du premier véhicule dépassé par la motocyclette, a déclaré que, peu après la sortie du giratoire, la motocyclette l'a doublé normalement et son pilote lui a fait un signe du pied pour le remercier. Il a ajouté avoir ensuite vu le motard accélérer pour dépasser un autre véhicule, tractant une remorque, le précédant, et se rabattre rapidement pour revenir sur sa voie de circulation. M. [D] [U] a précisé que le motard, à la fin de ce second dépassement, se trouvait en haut de la pente, au niveau du carrefour de Brénéhuen.

M. [V] [C], conducteur du second véhicule dépassé par la motocyclette, a déclaré qu'il s'est fait doubler par la motocyclette qui roulait à très grande vitesse et qu'il n'avait même pas vu venir derrière lui, ayant été surpris par le bruit de la moto, sa fenêtre étant entrouverte. Il a précisé que l'endroit du dépassement se situait juste avant la courbe débouchant ensuite sur le début de la légère pente en haut de laquelle l'accident a eu lieu. Il a ajouté qu'à l'endroit où il a été doublé par la motocyclette, on ne voyait pas encore bien l'intersection de l'accident. M. [V] [C] a ensuite rapporté avoir vu à une distance qu'il évalue à 250 mètres devant lui, la collision entre la moto et l'arrière du fourgon Renault Master, dans la montée avant le carrefour.

M. [R] [F], conducteur du véhicule Renault Master, a expliqué aux gendarmes qu'il n'avait pas du tout vu la motocyclette arriver et que le choc entre les deux véhicules est intervenu alors qu'il s'était déjà largement engagé dans le carrefour. Il a déclaré qu'il ne savait même pas d'où venait la moto, qu'il n'avait pas entendu le bruit de ce véhicule ni vu ses phares alors même qu'il avait bien vu deux véhicules arrivant au loin, face à lui, la première étant au moins à 150 mètres devant lui et lui laissant le temps de tourner à gauche.

Il résulte de ces témoignages et des constatations matérielles que l'endroit du deuxième dépassement effectué par M. [W] [A], pilote de sa motocyclette, est à proximité du lieu du choc et se situe à une distance d'environ 300 mètres de celui-ci. Il doit être souligné que ce dépassement a été réalisé à grande vitesse, sur une portion de route où les dépassements sont interdits par le marquage au sol, dans les suites d'une accélération telle que décrite par M. [D] [U] et M. [V] [C]. La perception auditive rapportée par ce dernier suffit à caractériser l'existence d'une accélération, étant observé que le vrombissement produit par l'accélération d'une motocyclette est un bruit caractéristique parfaitement identifiable.

Comme le font observer les consorts [A]-[O] [Z], l'absence de marques de freinage ne permet pas de conclure que M. [W] [A] roulait à une vitesse excessive lors de la collision. Toutefois, il apparaît, au regard des circonstances de commission du second dépassement, que la vitesse de la motocyclette était nécessairement encore importante alors que la portion de route montait et qu'un panneau avait déjà signalé aux usagers la proximité d'un carrefour, non encore visible. A cet égard, M. [V] [C] a indiqué avoir vu la moto de biais juste avant d'arriver sur le fourgon et 'qui penchait un peu sur la droite, le motard a dû vouloir essayer de réduire sa vitesse ou de changer de trajectoire'.

Du fait de cette allure excessive et alors qu'il était en montée, M. [W] [A] n'a pu rester maître de sa motocyclette à la vue du véhicule fourgon Renault Master de M. [R] [F], qui entreprenait une manoeuvre de changement de direction pour prendre la route située sur sa gauche. M. [W] [A] a donc bien commis une faute ayant contribué à la survenance de l'accident, d'une part parce qu'elle a réduit le laps de temps entre lequel il était visible de M. [F] et est arrivé à son niveau et d'autre part parce qu'elle ne lui a pas permis de rester maître de son véhicule.

Cette faute qui a concouru aux dommages a justifié de la part du premier juge une réduction de 50% du droit à indemnisation des ayants-droit de la victime.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

II- Sur l'indemnisation des proches de M. [W] [A]

- Sur le préjudice d'affection subi par M. [H] [A], Mme [S] [A] et M. [M] [A]

En s'appuyant sur les documents d'état civil produits aux débats, le premier juge a justement relevé que M. [H] [A] et Mme [S] [A] justifiaient de leurs qualités de père et mère de M. [W] [A] et a exactement apprécié leur préjudice moral en condamnant solidairement, après limitation à hauteur de 50 % de leur droit à indemnisation, les MMA IARD Assurances Mutuelles et la société anonyme MMA Iard à leur payer à chacun la somme de 12 500 euros à titre de dommages et intérêts.

S'agissant de M. [M] [A], le premier juge a relevé l'absence de contestation concernant sa qualité de frère du défunt et a, à raison, en l'absence d'élément particulier s'agissant d'une proximité de vie au sein de la fratrie, alloué à l'intéressé, après limitation à hauteur de 50 % de son droit à indemnisation, la somme de 4 000 euros, en réparation de son préjudice d'affection.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé de ces chefs.

Par ailleurs, comme retenu par le premier juge, ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jugement, ce point n'étant plus critiqué par aucune des parties et devant dès lors être confirmé sans examen au fond en application de l'article 562 du code de procédure civile.

- Sur le préjudice d'affection subi par Mme [I] [K]

L'article 515-8 du code civil définit le concubinage comme une union de fait caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux personnes de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple.

Il est constant que le concubinage ne suppose pas la cohabitation.

Mme [I] [K] sollicite, en qualité de concubine de M. [W] [A] depuis six ans à la date du décès de celui-ci, l'indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 40 000 euros.

Pour les motifs que la cour adopte, le tribunal a justement retenu, en se fondant notamment sur plusieurs attestations de proches, que M. [W] [A] et Mme [I] [K] entretenaient une relation affective stable depuis décembre 2007 et justifiaient d'une vie commune depuis janvier 2014. La cour relève encore que Mme [I] [K] a pu préciser aux gendarmes qu'elle se trouvait le matin même de l'accident au domicile de M. [W] [A] et qu'elle était partie la première au travail, le couple devant se retrouver le soir même. Comme souligné par le premier juge, la circonstance que le couple vivait sous le même toit une semaine et demi sur deux, pour tenir compte des modalités de résidence des enfants issus d'une précédente union de Mme [I] [K], ne saurait ôter à la vie commune des intéressés, son caractère de stabilité et de continuité.

La somme de 10 000 euros allouée par le tribunal, après limitation à hauteur de 50% de son droit à indemnisation, répare suffisamment le préjudice d'affection subi par Mme [I] [K] à la suite du décès de M. [W] [A], son concubin.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Par ailleurs, comme retenu par le premier juge, cette somme portera intérêt au taux légal à compter du jugement, ce point n'étant plus critiqué par aucune des parties et devant dès lors être confirmé sans examen au fond en application de l'article 562 du code de procédure civile.

III- Sur les frais irrépétibles et les dépens

En l'absence de critique de la part des parties s'agissant des dépens et frais irrépétibles de première instance, les dispositions du jugement déféré, sur ces points, doivent être confirmées sans examen au fond, en application de l'article 562 du code de procédure civile.

Les consorts [A] qui succombent en leur appel, devront supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. Ils seront déboutés de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, étant observé au demeurant que celle-ci n'était pas chiffrée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance du Mans du 25 septembre 2018, sauf à préciser que la société MMA Iard Assurances Mutuelles n'est pas une SA (société anonyme) mais une SAMCF (société d'assurance mutuelle à cotisations fixes) ;

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [H] [A], Mme [S] [A], M. [M] [A], Mme [I] [K] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [H] [A], Mme [S] [A], M. [M] [A], Mme [I] [K] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

C. LEVEUF C. MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 18/02537
Date de la décision : 15/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-15;18.02537 ?
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