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22/11/2022 | FRANCE | N°18/00222

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 22 novembre 2022, 18/00222


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







SB/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 18/00222 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EIC6



Jugement du 12 Janvier 2018

Tribunal d'Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 16-000821





ARRET DU 22 NOVEMBRE 2022





APPELANTE :



S.A. CARREFOUR BANQUE

[Adresse 2]

[Localité 7]



Représentée par Me Dany DELAHAIE substituée par Me Guillaume QUILICHINI de la SCP CHANTEUX DEL

AHAIE QUILICHINI BARBE, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2018080





INTIME :



Monsieur [T] [F]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 6]



Représenté par Me Pie...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

SB/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/00222 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EIC6

Jugement du 12 Janvier 2018

Tribunal d'Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 16-000821

ARRET DU 22 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

S.A. CARREFOUR BANQUE

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Dany DELAHAIE substituée par Me Guillaume QUILICHINI de la SCP CHANTEUX DELAHAIE QUILICHINI BARBE, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2018080

INTIME :

Monsieur [T] [F]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Pierre-emmanuel MEMIN, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20160891

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 12 Septembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. BENMIMOUNE, Conseiller, qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, Présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, Conseiller

M. BENMIMOUNE, Conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 22 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 5 décembre 2012, numéroté 5026 131 903 9012, la SA Carrefour banque a consenti à M. [T] [F] et à Mme [B] [F], son épouse, un prêt personnel d'un montant de 15 000 euros remboursable en 65 mensualités au taux d'intérêt de 6,68 %.

Mme [F] est décédée le [Date décès 5] 2014.

Selon lettre recommandée du 2 mars 2016, dont M. [F] a accusé réception le 5 mars 2016, la SA Carrefour banque, par l'intermédiaire de son mandataire, a mis en demeure ce dernier de lui payer la somme de 12 738,81 euros au titre de ce prêt personnel.

Par actes d'huissier délivrés les 27 juin 2016 et 29 mars 2017, la SA Carrefour banque a fait assigner M. [F] en paiement devant le tribunal d'instance du Mans. Les deux instances ont été jointes.

Aux termes d'un jugement rendu le 8 septembre 2017, le tribunal d'instance du Mans a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 7 novembre 2017 afin que M. [F] justifie d'une renonciation à la succession de son épouse, dans la négative, qu'il indique quels étaient les autres héritiers de son épouse décédée, et qu'il produise le relevé du mois de décembre 2012 du compte joint n°[XXXXXXXXXX03] ouvert au nom de M. et Mme [F] dans les livres du Crédit mutuel.

Par jugement rendu le 12 janvier 2018, le tribunal d'instance a notamment :

- débouté la SA Carrefour banque de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la SA Carrefour banque à payer à M. [F] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [F] du surplus de ses demandes,

- condamné la SA Carrefour banque au paiement des entiers dépens.

Pour statuer ainsi le tribunal d'instance a considéré, d'une part, que la signature figurant sur le contrat de prêt versé aux débats, daté du 25 octobre 2012, n'était pas celle de M. [F] et, d'autre part, que la banque ne démontrait pas avoir réellement versé la somme de 15 000 euros au titre du contrat de prêt litigieux.

Par déclaration reçue au greffe le 2 février 2018, la SA Carrefour banque a interjeté appel des chefs du jugement l'ayant débouté de ses demandes et condamné au titre des dépens et frais irrépétibles.

M. [F] a formé appel incident du chef du jugement l'ayant débouté de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts.

La SA Carrefour banque demande à la cour d'appel :

- d'infirmer le jugement du tribunal d'instance du Mans du 12 janvier 2018 en ses dispositions critiquées,

- de confirmer le jugement pour le surplus,

statuant à nouveau,

- de condamner M. [F] à lui payer la somme de 12 738,81 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 16 mars 2016,

- de condamner M. [T] [F] à lui payer la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

- de le condamner aux dépens de première instance,

- de condamner M. [F] à lui régler la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- de condamner M. [F] aux entiers dépens d'appel.

M. [F] sollicite de la cour d'appel qu'elle :

- déclare la SA Carrefour banque irrecevable et en tous les cas mal fondée en ses entières demandes, fins et conclusions ainsi qu'en son appel,

- confirme la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la SA Carrefour banque de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire :

- réduise à de plus justes proportions les sommes à revenir à la SA Carrefour banque et les limiter en tous les cas à la somme maximale de 4 344,40 euros,

- déboute la SA Carrefour banque de toute plus ample demande,

- condamne la SA Carrefour banque à lui payer une indemnité de 7 500 euros,

En toute hypothèse :

- condamne la SA Carrefour banque à lui payer une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,

- condamne la SA Carrefour banque aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,

- le 28 novembre 2018 pour M. [F],

- le 2 janvier 2019 pour la SA Carrefour banque,

Une ordonnance du 20 juin 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de relever que si M. [F] soulève, en cause d'appel, une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement dirigée à son encontre par la SA Carrefour banque, force est de constater que cette prétention n'est pas expressément reprise dans le dispositif de ses conclusions et ne peut se déduire de la seule disposition 'déclarer Carrefour banque irrecevable et en tous les cas malfondé en ses entières demandes, fins et conclusions, ainsi qu'en son appel' alors que M. [F] demande à la cour d'appel de confirmer 'par voie de conséquence' le jugement qui a, non pas déclaré irrecevable la banque en son action, mais débouté cette dernière de sa demande en paiement. Il en résulte qu'en application des dispositions de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour d'appel ne se trouve pas saisie de cette prétention.

Sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau des demandes de la SA Carrefour banque :

Au soutien de cette fin de non-recevoir, M. [F] fait valoir que la banque entend, en cause d'appel, se prévaloir d'un droit de créance qui serait né d'un contrat de prêt différent de celui qui était visé dans les actes introductifs de la première instance. Il en déduit que les prétentions formées en cause d'appel ne tendent pas aux mêmes fins que celles présentées devant le premier juge. Il ajoute que la banque n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 563 du code de procédure civile dans la mesure où la banque ne se contente pas de communiquer une nouvelle pièce en cause d'appel mais entend solliciter l'exécution d'un contrat de prêt différent de celui sur lequel s'appuyaient ses demandes de première instance.

En réplique, la SA Carrefour banque expose que c'est de l'exécution du contrat de prêt conclu le 5 décembre 2012 dont elle se prévaut depuis la première instance pour solliciter le paiement de la somme de 12 738,81 euros, soulignant que toutes les pièces produites en première instance se rapportaient à ce contrat de prêt n°5026 131 903 9012 nonobstant les erreurs de plume que comportaient ses conclusions. Elle précise qu'il lui est toujours loisible de compléter, en cause d'appel, les éléments de preuve de nature à fonder sa prétention conformément aux dispositions de l'article 563 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Il découle de l'article 565 de ce même code que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Il ressort tant des actes d'huissier des 27 juin 2016 et 29 mars 2017 que des conclusions déposées par la SA Carrefour banque devant le premier juge que le prêteur demande la condamnation de M. [F] à lui payer une somme de 12 738,81 euros au titre du prêt d'un montant de 15 000 euros qu'il a consenti à M. et Mme [F] en date du 5 décembre 2012. Or, c'est exactement cette même prétention que forme la banque dans la présente instance aux termes de ses conclusions quand bien même la SA Carrefour banque a versé une offre de prêt acceptée par M. [F] en date du 25 octobre 2012 devant le tribunal d'instance du Mans pour fonder sa demande en paiement. Dès lors, il est tout à fait loisible à la banque, pour justifier en appel du bien-fondé de cette prétention, de produire de nouvelles pièces, telle que l'offre préalable acceptée le 5 décembre 2012, en application des dispositions de l'article 563 du code de procédure civile.

Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté des demandes ne peut qu'être rejetée.

Sur la demande en paiement formée par la SA Carrefour banque

A titre préalable, il convient de relever que si M. [F] reproche à la SA Carrefour banque de formaliser des demandes sans le moindre fondement juridique, il n'en tire aucune conséquence juridique de sorte que la cour ne se trouve saisie d'aucun moyen en ce sens.

Pour s'opposer à la demande en paiement formée par le prêteur, M. [F] soutient, d'une part, que le contrat de prêt est nul pour défaut de consentement faute de l'avoir signé et avoir appris son existence à la suite du décès de son épouse, intervenu le [Date décès 5] 2014, laquelle, dans une lettre du [Date décès 5] 2014, a reconnu avoir souscrit plusieurs crédits à la consommation à son insu. Il en déduit que la banque est irrecevable à agir à son encontre pour obtenir le paiement des sommes restant dues au titre de ce contrat de prêt et conclut à la confirmation du jugement en ce que celle-ci a été déboutée de sa demande en paiement. D'autre part, à titre plus subsidiaire, M. [F] reproche à la banque de ne pas rapporter la preuve du déblocage des fonds qui serait intervenu au titre du prêt litigieux estimant que la preuve écrite est obligatoire et que le versement d'une fiche d'impression écran, constituant une preuve à soi-même, ne peut suffire à rapporter une telle preuve.

La SA Carrefour banque répond que M. [F], qui a signé le contrat de prêt conclu le 5 décembre 2012, ne démontre pas l'existence d'un vice du consentement au sens de l'article 1108 du code civil et, à titre subsidiaire, que, si la cour d'appel ne retenait pas la qualité d'emprunteur de M. [F], celui-ci se trouverait tenu au paiement en sa qualité d'héritier de Mme [F] en vertu des dispositions de l'article 756 du code civil soulignant que l'intimé ne justifie pas avoir renoncé à la succession ni avoir mis en cause les autres héritiers. Elle précise que la somme de 15 000 euros a été versée sur le compte joint, qui se caractérise par une solidarité des cotitulaires, ouvert au nom de M. et Mme [F] et relève que les échéances de remboursement ont été réglées pendant deux ans par prélèvements opérés sur ce même compte.

Sur la dénégation de signature :

Pour conclure à la nullité du contrat de prêt à son égard, M. [F] conteste avoir signé l'offre préalable soutenant que sa signature a été imitée par son épouse.

Aux termes de l'article 1324 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dans le cas où la partie désavoue son écriture ou sa signature, et dans le cas où ses héritiers ou ayants cause déclarent ne les point connaître, la vérification en est ordonnée en justice.

En application des articles 287 et 288 du code de procédure civile, si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée, ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté au vu des éléments dont il dispose.

Il appartient à celui qui se prévaut de l'acte dont la signature est déniée de rapporter la preuve de son authenticité conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil.

En l'espèce, la SA Carrefour banque fonde sa demande en paiement sur l'offre préalable de prêt personnel, versée en original, signée le 5 décembre 2012 aux noms de M. [T] [F] et Mme [B] [F].

A titre de comparaison, M. [F] verse aux débats les copies de son permis de conduire délivré le 16 janvier 2000 et de deux lettres qu'il a signées et datées respectivement du 4 novembre 2014 et du 22 janvier 2015.

Il résulte d'un examen comparé de ces différentes pièces avec l'offre préalable de prêt litigieuse que les signatures apposées sur cette offre dans les cadres 'remise des informations précontractuelles', 'acceptation du contrat de crédit', qui sont d'ailleurs toutes différentes, ne sont manifestement pas identiques aux signatures que M. [F] reconnaît comme étant les siennes. En effet, alors que les signatures apposées font apparaître un 'B' majuscule, les signatures reconnues par M. [F] ne font aucunement apparaître une telle lettre.

Partant, les éléments de comparaison sont suffisants pour établir que les signatures apposées sur l'offre de prêt du 5 décembre 2012 n'émanent pas de M. [F] et que, par conséquent, faute pour la banque de produire tout autre élément, cette offre ne peut être considérée comme sincère de sorte que la SA Carrefour banque n'est pas fondée à diligenter une action en paiement à l'encontre de M. [F] en qualité d'emprunteur, étant souligné que le simple fait que les fonds aient été versés sur le compte joint ouvert au nom de M. et Mme [F] ne peut suffire à rendre débiteur M. [F] de ce prêt.

Sur la qualité d'héritier de M. [F] :

M. [F] ne conteste pas sa qualité d'héritier de Mme [F] en application des dispositions de l'article 756 du code civil mais reproche à la SA Carrefour banque de ne pas rapporter la preuve du déblocage effectif de la somme de 15 000 euros précisant que le contrat de prêt étant un contrat réel il ne peut se prouver que par la remise effective des fonds.

Toutefois, contrairement à ce que soutient l'intimé, le contrat consenti par un professionnel du crédit est un contrat consensuel et non un contrat réel de telle sorte que la remise de la chose n'en constitue pas une condition de validité.

Pour autant, il incombe au prêteur, qui s'oblige à remettre les fonds, de rapporter la preuve de l'exécution de son obligation par tous moyens s'agissant d'un paiement.

En l'occurrence, pour justifier du déblocage des fonds, la banque verse aux débats l'historique des règlements intervenus au titre du dossier n°5026 131 903 9012 (pièce n°13), qui n'est pas contesté par M. [F], et dont il ressort que le financement de 15 000 euros est intervenu le 12 décembre 2012, ainsi qu'une impression écran datée du 24 octobre 2016 indiquant qu'au titre de ce dossier la somme de 15 000 euros a été versée sur le compte bancaire n°[XXXXXXXXXX03] domicilié au Crédit Mutuel, lequel correspond au numéro de compte ouvert au nom de M. et Mme [F] figurant sur le mandat de prélèvement SEPA signé le 23 novembre 2012 par Mme [F], et sur lequel il n'est pas contesté que les échéances de remboursement ont été prélevées entre le 3 janvier 2013 et le 3 juillet 2014 pour une somme totale de 5 916,70 euros.

L'ensemble de ces éléments suffit à établir que la SA Carrefour banque a procédé au déblocage des fonds en vertu du contrat de crédit litigieux. L'appelant est donc fondé à solliciter le paiement des sommes restant dues au titre du prêt consenti le 5 décembre 2012.

S'il n'est pas contesté que M. [F] est héritier de son épouse décédée en application de l'article 756 du code civil, il découle des dispositions de l'article 1220 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, que lorsqu'une dette successorale est divisible, les héritiers ne sont tenus de la payer qu'au prorata de la part qu'ils recueillent dans la succession et que les créanciers disposent du droit de poursuivre chacun des héritiers au prorata de leurs droits respectifs.

Il ressort des éléments de la procédure qu'outre son époux, M. [F], lequel ne démontre pas avoir renoncé à la succession, Mme [F] a laissé pour lui succéder ses enfants.

Il n'est par ailleurs pas discuté que la dette dont le paiement est sollicité au titre du prêt consenti le 5 décembre 2012 est divisible de sorte qu'il appartenait à la banque d'appeler à la cause l'ensemble des héritiers afin d'obtenir le paiement de l'intégralité de sa créance.

En l'état, seul M. [F] ayant été actionné, ce dernier ne peut être condamné au paiement des sommes restant dues au titre du prêt litigieux que dans la limite de sa part successorale.

Sur les sommes restant dues :

Pour justifier de sa créance la SA Carrefour banque verse aux débats :

- l'offre préalable de prêt personnel acceptée par Mme [F] le 5 décembre 2012,

- le tableau d'amortissement,

- l'historique des règlements,

- les copies des lettres de mise en demeure adressées à M. [F],

- le décompte des sommes restant dues arrêté au 3 juin 2016.

Il est acquis que le terme du prêt, conclu pour une durée de 65 mois, est arrivé à échéance.

Contrairement à ce que soutient M. [F], quand bien même le contrat de prêt a été résilié par le prêteur, ce dernier est en droit de réclamer le paiement des intérêts de retard au taux contractuel ainsi qu'une indemnité conventionnelle, laquelle n'excède pas 8 % du capital restant dû au jour de la défaillance, comme le disposent les articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause.

Dans ces conditions, conformément au décompte précité, la SA Carrefour banque est fondée à solliciter le paiement des sommes suivantes :

- 5 297,41 euros au titre des échéances impayées,

- 6 892,97 euros au titre du capital restant dû au 2 mars 2016,

- 551,43 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de 8 %, soit une somme totale de 12 738,81 euros.

Par suite, il convient de condamner M. [F] à payer, en sa qualité d'héritier de Mme [F], la somme de 12 738,81 euros outre intérêts au taux conventionnel de 6,68 % l'an sur la somme de 12 187,38 euros et intérêts au taux légal sur la somme de 551,43 euros à compter du 2 mars 2016, dans la limite de sa part successorale. Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts :

M. [F] reproche au premier juge de l'avoir débouté de sa demande en paiement de la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts. A cet égard, il soutient que le prêteur n'a procédé à aucune vérification préalable avant d'accorder le prêt litigieux manquant ainsi à son obligation d'information et de mise en garde ajoutant que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour solliciter un paiement.

En réplique, la banque conteste avoir engagé sa responsabilité contractuelle et précise avoir procédé aux vérifications qui lui incombaient pour apprécier la capacité financière des emprunteurs soulignant que M. [F] ne justifie pas de l'existence d'un risque lié à la souscription de ce prêt. Elle estime enfin que l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans ne peut s'appliquer dans ce domaine. Elle en déduit que le jugement, qui a retenu que M. [F] ne justifiait pas de l'existence d'un préjudice, devait être confirmé en ce qu'il a débouté l'intimé de sa demande reconventionnelle.

Sur le fondement de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou lorsqu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

Il est constant que le préjudice consécutif au manquement de la banque à cette obligation s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter le prêt, c'est-à-dire de ne pas être endetté à hauteur du capital et des intérêts à rembourser.

Or, en l'espèce, M. [F], qui agit exclusivement en son nom personnel, ne démontre pas l'existence du préjudice de perte de chance qu'il aurait subi au jour de la conclusion du contrat puisqu'il ressort des motifs qui précèdent que ce dernier n'est pas engagé en qualité d'emprunteur au titre du prêt litigieux.

Par suite, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

M. [F], partie perdante, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile, les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et dépens étant infirmées.

L'équité commande de condamner M. [F] à payer à la SA Carrefour Banque une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conséquent, M. [F] sera débouté de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté des demandes,

DECLARE la SA Carrefour banque recevable en ses demandes formées en appel,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la SA Carrefour banque de sa demande en paiement dirigée à l'encontre de M. [T] [F] en qualité d'emprunteur et en ce qu'il a débouté M. [T] [F] de sa demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE M. [T] [F], en sa qualité d'héritier de Mme [B] [F], à payer à la SA Carrefour banque la somme de 12 738, 81 euros outre intérêts au taux conventionnel de 6,68 % l'an sur la somme de 12187,38 euros et intérêts au taux légal sur la somme de 551,43 euros à compter du 2 mars 2016, dans la limite de sa part successorale,

DEBOUTE M. [T] [F] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [T] [F] à payer à la SA Carrefour banque la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [T] [F] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 18/00222
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;18.00222 ?
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