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22/11/2022 | FRANCE | N°18/00292

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 22 novembre 2022, 18/00292


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







SB/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 18/00292 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EIJX



Jugement du 22 Janvier 2018

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 14/03953







ARRET DU 22 NOVEMBRE 2022





APPELANTS :



Monsieur [F] [R]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 6] (49)

[Adresse 7]

[Localité 4]



Madame [D] [S] divorcée

[P]

née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 4]



Représentés par Me Thierry BOISNARD substitué par Me NOSSEREAU de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 13500397


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COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

SB/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/00292 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EIJX

Jugement du 22 Janvier 2018

Tribunal de Grande Instance d'ANGERS

n° d'inscription au RG de première instance 14/03953

ARRET DU 22 NOVEMBRE 2022

APPELANTS :

Monsieur [F] [R]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 6] (49)

[Adresse 7]

[Localité 4]

Madame [D] [S] divorcée [P]

née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 8]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentés par Me Thierry BOISNARD substitué par Me NOSSEREAU de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 13500397

INTIMEE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DES HERBIERS

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Dany DELAHAIE de la SCP CHANTEUX DELAHAIE QUILICHINI BARBE, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2014534, et Me Philippe CHALOPIN, avocat plaidant au barreau de LA ROCHE SUR YON

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 12 Septembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. BENMIMOUNE, Conseiller, qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, Présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, Conseiller

M. BENMIMOUNE, Conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 22 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

Le 14 novembre 2005, Mme [D] [S] et M. [F] [R] ont constitué la société civile immobilière La Huchonière ayant pour objet l'acquisition et l'exploitation d'immeubles destinés à la location.

Par acte notarié du 8 novembre 2006, la Caisse de crédit mutuel des Herbiers (le Crédit mutuel) a consenti à la SCI La Huchonière, un prêt n°0589 7909941 01 d'un montant de 400 000 euros remboursable au taux de 4,55 % l'an en 240 mensualités, destiné à l'achat d'un immeuble et garanti par une hypothèque conventionnelle sur l'immeuble objet du crédit.

Par actes sous seing privé séparés respectivement daté du 25 et du 26 septembre 2006, Mme [S] et M. [R] se sont portés caution solidaire de la SCI La Huchonière pour le remboursement de ce crédit dans la limite de 240 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités et intérêts de retard pour une durée de 240 mois.

Aux termes d'un acte notarié du 22 juillet 2008, le Crédit mutuel a consenti à la société La Huchonière un prêt n°0589 7909941 04 d'un montant de 700 000 euros remboursable au taux de 5,20 % l'an en 180 mensualités, destiné à l'achat d'un immeuble et garanti par une hypothèque conventionnelle sur l'immeuble objet du crédit.

Par actes sous seing privé séparés du 4 juin 2008, M. [R] et Mme [S] se sont portés caution solidaire du remboursement de ce prêt dans la limite de 420 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 204 mois.

Par lettres recommandées avec avis de réception datées du 18 juillet 2014, le Crédit mutuel a mis en demeure Mme [S] et M. [R], en leur qualité de caution de la SCI La Huchonière, de s'acquitter chacun de la somme de 660 000 euros.

Par jugement rendu le 23 décembre 2014, le tribunal de grande instance d'Angers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCI La Huchonière, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 5 juillet 2016.

Selon acte d'huissier délivré le 25 septembre 2014, le Crédit mutuel a fait assigner en paiement M. [R] et Mme [S] devant le tribunal de grande instance d'Angers.

Pour s'opposer à cette demande, M. [R] et et Mme [S] se sont prévalus de la disproportion des cautionnements consentis à leurs biens et revenus au jour de leur conclusion.

Par jugement contradictoire du 22 janvier 2018, le tribunal de grande instance d'Angers a :

- Condamné Mme [S] à payer au Crédit mutuel la somme de 240 000 euros au titre du prêt n°0589 7909941 01 du 8 novembre 2006 avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2014,

- Condamné M. [R] à payer au Crédit mutuel la somme de 240 000 euros au titre du prêt n°0589 7909941 01 du 8 novembre 2006 avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2014,

- Condamné Mme [S] à payer au Crédit mutuel la somme de 420 000 euros au titre du prêt du 22 juillet 2008 avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2014,

- Condamné M. [R] à payer au Crédit mutuel la somme de 420 000 euros au titre du prêt du 22 juillet 2008 avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2014,

-Dit que ces condamnations s'appliqueront dans la limite de la créance de la banque envers la société La Huchonière pour chacun des prêts litigieux,

- Ordonné la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, à compter du jugement,

- Condamné Mme [S] et M. [R] à payer au Crédit mutuel la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Mme [S] et M. [R] à payer les dépens de l'instance,

- Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement,

- Débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire.

Par déclaration reçue au greffe en date du 15 février 2018, M. [R] et Mme [S] ont interjeté appel de l'ensemble des chefs du jugement, intimant le Crédit mutuel.

M. [R] et Mme [S] demandent à la cour d'appel :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

A titre principal,

- de débouter le Crédit mutuel de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- de limiter leur éventuelle condamnation en paiement à la somme globale de 509 672,08 euros,

- de leur accorder un délai de grâce de 24 mois,

En toute hypothèse,

- de condamner le Crédit mutuel à leur une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner le Crédit mutuel aux entiers dépens.

Le Crédit mutuel sollicite de la cour d'appel qu'elle :

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance d'Angers du 22 janvier 2018 sauf à préciser le montant des sommes dues par les cautions,

- Condamne Mme [S] à payer à la Caisse de crédit mutuel les sommes suivantes :

*152 738,48 euros au titre du prêt du 8 novembre 2006 outre intérêts au taux légal à compter du dernier décompte arrêté au 21 septembre 2020 jusqu'à complet paiement,

*420 000 euros au titre du prêt du 22 juillet 2008 outre intérêts au taux légal à compter du dernier décompte arrêté au 21 septembre 2020 jusqu'à complet paiement,

- Condamne M. [R] à payer à la Caisse de crédit mutuel les sommes suivantes :

*152 738,48 euros au titre du prêt du 8 novembre 2006 outre intérêts au taux légal à compter du dernier décompte arrêté au 21 septembre 2020 jusqu'à complet paiement,

*420 000 euros au titre du prêt du 22 juillet 2008 outre intérêts au taux légal à compter du dernier décompte arrêté au 21 septembre 2020 jusqu'à complet paiement,

- Dire et juger l'appel de M. [R] et Mme [S] mal fondé et irrecevable,

- Débouter M. [R] et Mme [S] de leur demande de délais de paiement ainsi que de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner solidairement Mme [S] et M. [R] à régler une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la Caisse de crédit mutuel,

- les condamner conjointement et solidairement aux entiers dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,

- le 2 juin 2022 pour M. [R] et Mme [S],

- le 13 juin 2022 pour le Crédit mutuel.

Une ordonnance du 20 juin 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement du Crédit mutuel

Pour s'opposer à la demande en paiement dirigée à leur encontre, Mme [S] et M. [R] soulèvent, à titre principal, la disproportion des engagements de caution à leurs biens et revenus au jour de leur conclusion et, à titre subsidiaire, soutiennent que, compte tenu des paiements intervenus, ils ne peuvent être condamnés au-delà de la somme de 509 672,08 euros.

- Sur la disproportion des cautionnements :

Pour justifier de la disproportion invoquée, M. [R] fait valoir qu'il ressort de la fiche de renseignement produite par le créancier qu'au moment où il a souscrit les engagements litigieux, les biens immobiliers qu'ils avaient acquis étaient financés par des prêts immobiliers en cours de remboursement dont il n'a pas été tenu compte pour évaluer son patrimoine. Mme [S] précise que, selon l'état hypothécaire, produit par la banque, elle n'était alors titulaire que d'un patrimoine immobilier valorisé à la somme de 585 000 euros, inférieure à l'engagement de caution souscrit dans la limite d'une somme de 660 000 euros. Les appelants ajoutent que la banque avait également connaissance d'autres engagements financiers dans la mesure où elle les poursuit notamment en vente forcée pour paiement d'une somme de 598 649,78 euros et de 395 909,06 euros.

En réplique, le Crédit mutuel, rappelant qu'il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère disproportionné de leurs engagements, relève que les appelants ne produisent aucun justificatif de leur situation financière en septembre 2006 et juin 2008 alors qu'elle produit une fiche de renseignement établissant que le patrimoine immobilier de M. [R] était alors évalué à la somme de 2 495 618 euros et celui de Mme [S] à la somme de 1 150 000 euros.

Aux termes de l'article L 341-4 du code de la consommation applicable aux cautionnements litigieux, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de la conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il en découle que le caractère manifestement disproportionné du cautionnement, qu'il incombe à la caution de rapporter, s'apprécie au jour où ce dernier est souscrit en tenant compte non seulement des revenus de la caution, mais aussi de tous autres biens formant son patrimoine, notamment ses immeubles et les parts sociales détenues dans le capital d'une société. De même, il doit être tenu compte de l'ensemble des obligations ou engagements incombant au débiteur au jour du cautionnement contesté.

La disproportion suppose ainsi d'établir que la caution était dans l'impossibilité manifeste de faire face à son engagement avec ses biens et revenus au moment de la conclusion de celui-ci.

En premier lieu, il convient de relever que M. [R] et Mme [S] se sont portés caution solidaire au titre d'un premier acte du 26 septembre 2006 à hauteur d'une somme de 240 000 euros et d'un second du 4 juin 2008 dans la limite d'une somme de 420 000 euros de sorte que la disproportion alléguée ne peut pas être appréciée globalement mais au jour de la conclusion de chacun de ces engagements.

En outre, dans la mesure où il n'est pas allégué que Mme [S] et M. [R] étaient mariés à l'époque de la conclusion de ces cautionnements, il convient d'examiner leur situation financière respective et non l'envisager globalement, et ce pour l'intégralité de la somme, les cautions s'étant engagées solidairement avec le débiteur principal.

- Sur les engagements de caution conclus les 25 et 26 septembre 2006 dans la limite de la somme de 240 000 euros :

S'agissant de M. [R], force est de constater que bien que la charge de la preuve de la disproportion lui incombe, il ne verse aucune pièce relative tant à ses revenus, ses biens immobiliers qu'à ses engagements financiers de nature à l'établir.

Au contraire, le Crédit Mutuel verse au débat un état hypothécaire arrêté au 31 décembre 2006 et un document récapitulatif du patrimoine de M. [R], dont il n'est pas contesté qu'il ait été établi antérieurement ou concomitamment à la date de conclusion du cautionnement, dont il ressort que ce dernier détenait, au jour de la conclusion du cautionnement litigieux, outre des biens immobiliers acquis à titre personnel pour une somme de 776 680 euros, des parts sociales dans le capital de cinq sociétés à responsabilité limitée et de trois sociétés civiles immobilières, propriétaires de nombreux immeubles, évaluée à la somme totale de 1 718 938 euros, déduction faite des capitaux restant dus au titre des prêts immobiliers souscrits pour le financement de ces derniers, étant précisé que les parts sociales détenues dans la SCI La Huchonière ne sont pas prises en compte.

M. [R] ne soutient pas que cet état ne reflétait pas sa situation patrimoninale au jour de la conclusion de ce cautionnement mais se contente d'affirmer que plusieurs biens immobiliers étaient financés par des prêts immobiliers en cours de remboursement.

La cour doit toutefois relever que M. [R], qui ne précise d'ailleurs pas quels biens immobiliers étaient en cours de financement à la date de conclusion du cautionnement, ne produit aucune pièce justifiant de l'existence des crédits allégués se contentant de verser d'une part l'assignation que le Crédit mutuel a fait délivrer aux appelants le 25 avril 2016, en leur qualité d'associé de la SCI La Huchonière tenus indéfiniment au passif, pour obtenir paiement des sommes restant dues au titre de trois prêts immobiliers consentis à la SCI et, d'autre part, l'assignation à comparaître devant le juge de l'exécution statuant en matière immobilière délivrée à M. [R] par le Crédit mutuel en date du 7 juillet 2016, qui se fonde sur deux actes notariés de prêts consentis à M. [R] respectivement en date du 23 mai 2006, pour un montant de 524 000 euros, et le 22 août 2011 pour un montant de 330 000 euros. Ainsi, il ressort de la première que les prêts évoqués ont été consentis à la SCI La Huchonière dont la valeur des parts sociales n'a pas été prise en compte dans l'évaluation du patrimoine de M. [R] et, de la seconde, que ce dernier a contracté deux prêts immobiliers, dont seul le premier est susceptible d'être pris en compte le second ayant été conclu postérieurement à l'engagement litigieux.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, qu'en l'absence de démonstration par M. [R] de l'existence de tout autre passif, que la caution, même en tenant compte du prêt consenti pour une somme de 524 000 euros, étant toutefois observé que M. [R] ne précise pas le bien que ce prêt a permis de financer ni ne justifie du montant du capital restant dû au 26 septembre 2006, ne rapporte pas la preuve qu'au regard de son seul patrimoine il se trouvait dans l'impossibilité manifeste de faire face à son engagerment de caution conclu dans la limite de la somme de 240 000 euros avec ses biens et revenus, au jour de la conclusion de cet engagement.

Concernant la situation financière de Mme [S], la cour ne peut que constater que cette dernière ne verse aucun élément de nature à justifier de ses revenus, de son patrimoine et de ses engagements financiers au jour de la conclusion du cautionnement litigieux.

Elle ne conteste d'ailleurs pas être propriétaire des biens immobiliers dont le Crédit mutuel établit l'existence, ni de leur valorisation qui s'élevait à la date du 25 septembre 2006, selon la banque, à la somme de 395 000 euros à laquelle s'ajoute la valeur des parts sociales qu'elle détient, comme le soutient le Crédit Mutuel, sans être démenti, dans le capital de la SCI Barjot à hauteur de 50 %.

Dès lors, il ressort de ce seul élément que Mme [S] ne démontre pas qu'elle se trouvait à cette date dans l'impossibilité manifeste de faire face à son engagerment de caution conclu dans la limite de la somme de 240 000 euros avec ses biens et revenus, au jour de la conclusion de cet engagement.

- Sur les engagements de caution conclus le 4 juin 2008 dans la limite de la somme de 420 000 euros :

Comme pour le précédent cautionnement, M. [R] et Mme [S] ne versent aucun élément de nature à justifier de leurs revenus, de leur patrimoine et de leurs engagements financiers au jour de la conclusion de ce nouveau cautionnement.

M. [R] ne soutient ni a fortiori ne démontre que la composition et la valorisation de son patrimoine, telle que retenue au jour du 26 septembre 2006, s'est trouvée modifiée le 4 juin 2008. Dès lors, même en tenant compte du montant du précédent engagement de caution, M. [R] ne démontre pas qu'il se trouvait, à cette date, dans l'impossibilité manifeste de faire face à son engagement de caution conclu dans la limite de 420 000 euros avec ses biens et revenus.

De même, le Crédit Mutuel soutient, sans être contesté sur ce point, que le patrimoine de Mme [S] était valorisé à la somme de 585 000 euros, au 4 juin 2008, auquel doit être ajouté la valeur des parts sociales de la SCI Barjot et celle de la SCI La Huchonnière, dont était alors également titulaire la caution à hauteur de 50 % du capital.

Il résulte de ces éléments que Mme [S] ne démontre pas, même en tenant compte du montant du précédent engagement de caution, qu'elle se trouvait dans l'impossibilité manifeste de faire face à son engagement de caution conclu dans la limite de 420 000 euros avec ses biens et revenus, au jour de la conclusion de cet engagement.

Partant, le moyen invoqué étant inopérant, le Crédit mutuel est fondé à solliciter l'exécution des engagements de cautionnement litigieux.

- Sur le montant des sommes dues :

Mme [S] et M. [R] sollicitent que leur condamnation soit limitée à la somme globale de 509 672,08 euros estimant que selon la comptabilité du liquidateur de la société La Huchonière, le Crédit mutuel aurait perçu une somme de 651 684,34 euros de sorte que, sur la créance de la banque ayant été admise au passif de la procédure pour un montant de 1 161 356,42 euros, seule reste due une somme de 509 672,08 euros.

En réponse, le Crédit mutuel affirme n'avoir perçu, au cours de la liquidation judiciaire, que la somme de 573 419 euros au titre des dettes cautionnées, précisant que le règlement de la somme 78 265,24 euros, qu'elle a perçu, ne concerne aucun des prêts garantis par les cautions. Elle ajoute que les sommes restant dues s'élèvent à 152 738,48 euros au titre du prêt du 8 novembre 2006 et 650 448,06 euros au titre du prêt du 22 juillet 2008, pour un total de 803 186,06 euros.

Le Crédit mutuel a mis en demeure les cautions de lui régler chacune la somme de 660 000 euros au titre de leurs engagements de caution par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 18 juillet 2014.

Le Crédit mutuel justifie avoir déclaré ses créances dans le cadre de la procédure collective, lesquelles ont été admises à titre privilégié le 18 janvier 2016 par le juge commissaire pour les montants suivants :

- 411 050,22 euros au titre du prêt consenti le 8 novembre 2006 pour un montant de 400 000 euros,

- 750 306,20 euros au titre du prêt consenti le 22 juillet 2007 pour un montant de 700 000 euros.

Il en découle que l'intimé justifie de créances exigibles à l'égard des cautions, qui ne le contestent pas.

Selon les décomptes versés par le Crédit mutuel, arrêtés au 21 septembre 2020, les sommes restant dues s'élèvent aux montants suivants, après déduction d'une somme de 333 270,44 euros et de 265186,10 euros, perçues notamment à la suite de la réalisation des actifs de la SCI La Huchonnière :

- 152 738,48 euros au titre du prêt consenti le 8 novembre 2006 pour un montant de 400 000 euros,

- 668 191,48 euros au titre du prêt consenti le 22 juillet 2007 pour un montant de 700 000 euros.

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Au vu des décomptes précités, le Crédit mutuel a imputé une somme totale de 598 456,54 euros, dont 573 419 euros correspondent aux sommes perçues à la suite de la réalisation des actifs du débiteur principal, sur les sommes restant dues au titre des deux prêts alors que les cautions soutiennent que le créancier a perçu une somme de 651 684,34 euros, dans la mesure où il aurait également perçu une somme de 78 265,24 euros en date du 28 mai 2020 dans la cadre de la réalisation des actifs.

Pour autant, Mme [S] et M [R] ne démontrent pas que cette somme, perçue, selon les termes de la lettre du mandataire liquidateur, à titre d'un 'remboursement d'hypothèque' doit s'imputer sur l'un des deux prêts qu'ils ont cautionnés alors qu'il est constant que le Crédit mutuel a accordé trois prêts immobiliers à la SCI La Huchonière, dont les deux cautionnés, tous trois garantis par une hypothèque conventionnelle.

Par suite, il convient de retenir que les sommes restant dues au titre des prêts s'élèvent aux sommes dont la banque sollicite le paiement.

Il résulte des dispositions de l'article 2302 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, que lorsque plusieurs personnes se sont rendues caution d'un même débiteur pour une même dette, elles sont obligées chacune à toute la dette.

L'article 7.7 des actes de cautionnement contestés stipule d'ailleurs qu'en cas «de pluralité de cautions garantissant un même crédit pour un montant limité, ces cautions s'additionneront de sorte que le montant maximum (ou la totalité) du crédit soit garanti(e). En conséquence, le paiement fait par l'une des cautions partielles ne libérera pas l'autre tant que le prêteur n'aura pas été totalement désintéressé ou désintéressé du montant maximum'.

En l'occurrence, les cautions s'étant portées caution solidaire du débiteur par actes séparés, pour la même dette, et dans la limite d'un même montant, le Crédit mutuel se trouve garanti, ce que ne contestent pas les appelants, au titre de chacun des prêts cautionnés, à hauteur du cumul des deux plafonds, dans la limite du montant de sa créance pour chacun des prêts.

Partant, la créance restant due au titre du prêt consenti le 8 novembre 2006, il convient de condamner les cautions à payer au Crédit mutuel une somme de 152 738,48 euros chacune, outre intérêts au taux légal, comme le sollicite le créancier, à compter du 22 septembre 2020. Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

En revanche, la créance restant due au titre du prêt consenti le 22 juillet 2008 s'élevant à la somme de 650 448,06 euros, selon les dernières écritures de l'intimé, le jugement doit être confirmé en ce qu'il condamné chacune des cautions à régler au Crédit mutuel une somme de 420 000 euros, sauf à dire que les intérêts au taux légal seront dus à compter du 22 septembre 2020, comme sollicité par la banque, et sauf à préciser que cette somme n'est due que dans la limite de celle de 650 448,06 euros, correspondant au montant de la créance restant due au titre du prêt consenti le 22 juillet 2008.

Aucune critique n'étant formulé, le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions posées par l'article 1343-2 du code civil, à compter du jugement.

Sur la demande de délai de paiement

L'article 1343-5 du code civil autorise le juge à reporter ou échelonner, dans la limite de deux ans, le paiement des sommes dues, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier.

Toutefois, outre l'ancienneté de la dette des cautions, il convient de constater que les appelants ne produisent aucun élément relatif à leur situation patrimoniale actuelle de nature à justifier de la réalité des difficultés financières évoquées.

Dès lors, leur demande de délais de paiement doit être rejetée.

Sur les demandes accessoires

Mme [S] et M. [R], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel, les dispositions du jugement relatives aux frais et dépens étant confirmées.

L'équité commande de les condamner in solidum à payer au Crédit mutuel une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [R] et Mme [S] seront donc déboutés de leur demande de condamnation sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné Mme [S] et M. [R] à payer au Crédit mutuel la somme de 240 000 euros chacun au titre du prêt n°0589 7909941 01 du 8 novembre 2006 avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 juillet 2014 et sauf à préciser que la condamnation des cautions à payer chacune au Crédit Mutuel une somme de 420 000 euros ne portera intérêts au taux légal qu'à compter du 22 septembre 2020 et qu'elle ne s'appliquera que dans la limite de la somme de 650 448,06 euros, correspondant au montant restant dû au titre du prêt consenti le 22 juillet 2008,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE Mme [D] [S] et M. [F] [R], en leur qualité de caution, à payer chacun à la Caisse de crédit mutuel des Herbiers la somme de 152 738,48 euros outre intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2020, au titre du solde restant dû du prêt n°0589 7909941 01 du 8 novembre 2006,

DEBOUTE Mme [D] [S] et M. [F] [R] de leur demande de délais de paiement,

DEBOUTE Mme [D] [S] et M. [F] [R] de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum Mme [D] [S] et M. [F] [R] à payer à la Caisse de crédit mutuel des Herbiers la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum Mme [D] [S] et M. [F] [R] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 18/00292
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;18.00292 ?
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