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22/11/2022 | FRANCE | N°19/00835

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 22 novembre 2022, 19/00835


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







SB/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 19/00835 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EPY7



Jugement du 20 Mars 2019

Tribunal de Commerce de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance 2019





ARRET DU 22 NOVEMBRE 2022





APPELANT :



Monsieur [H] [V]

né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Laure KONRAT de la SCP SEGUIN & KONR

AT, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2019131, et Me Thomas NAUDIN, avocat plaidant au barreau de RENNES





INTIMEE :



S.A. BANQUE CIC OUEST

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me E...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE

SB/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/00835 - N° Portalis DBVP-V-B7D-EPY7

Jugement du 20 Mars 2019

Tribunal de Commerce de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance 2019

ARRET DU 22 NOVEMBRE 2022

APPELANT :

Monsieur [H] [V]

né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Laure KONRAT de la SCP SEGUIN & KONRAT, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2019131, et Me Thomas NAUDIN, avocat plaidant au barreau de RENNES

INTIMEE :

S.A. BANQUE CIC OUEST

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Eric L'HELIAS de la SELARL MORICE-L'HELIAS, avocat au barreau de LAVAL - N° du dossier 30026

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 11 Juillet 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. BENMIMOUNE, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseiller

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 22 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL [V] Maçonnerie, dont était gérant M. [H] [V], a été constituée en 1993 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Laval en juin 2005.

Aux termes d'un acte sous-seing privé du 15 février 2008, la SA Crédit industriel de l'ouest, devenue la SA Banque CIC ouest, a conclu avec la SARL [V] Maçonnerie une convention de compte courant professionnel n°14232 20124001.

Par acte sous seing privé en date du 21 février 2008, un prêt d'un montant de 65 000 euros remboursable au taux d'intérêt de 4,95 % en 84 mensualités a également été consenti à la SARL [V] Maçonnerie par la SA Banque CIC ouest. Par acte du même jour, M. [H] [V] et Mme [B] [V], son épouse, se sont portés caution solidaire du remboursement de ce crédit dans la limite d'une somme totale de 78 000 euros.

Puis, par un acte sous seing privé du 3 mars 2009, M. et Mme [V] se sont portés caution solidaire en remboursement de tous les engagements financiers souscrits par la SARL [V] Maçonnerie au profit de la SA Crédit Industriel de l'ouest dans la limite d'une somme de 18 000 euros et pour une durée de 60 mois.

Selon jugement rendu le 2 février 2011, le tribunal de commerce de Laval a placé la SARL [V] Maçonnerie en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 15 novembre 2011. La procédure collective a été clôturée pour insuffisance d'actifs par un jugement rendu le 17 décembre 2014.

La SA Banque CIC ouest, anciennement dénommée Crédit Industriel de l'Ouest, a déclaré ses créances au passif de la procédure, lesquelles ont été admises, le 13 octobre 2011, par le juge commissaire à hauteur des sommes de :

15 146,10 euros au titre du solde débiteur du compte courant,

49 346,32 euros au titre du prêt consenti le 21 février 2008.

Par plusieurs lettres recommandées avec demande d'avis de réception adressées en 2011, 2015 et 2018, la banque a mis en demeure M. et Mme [V] d'exécuter leurs engagements de caution.

Le 6 avril 2018 la SA Banque CIC ouest a assigné en paiement M. [V], en sa qualité de caution, devant le tribunal de commerce de Laval.

Pour s'opposer à cette demande, M. [V] s'est prévalu, à titre principal, de la disproportion de ses engagements à ses biens et revenus et, à titre subsidiaire de la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels pour manquement à son obligation annuelle d'information.

Par jugement rendu le 20 mars 2019 le tribunal de commerce de Laval a :

- Condamné M. [W] [V], en qualité de caution, à régler à la SA Banque CIC ouest, la somme de 41 955,82 euros, à laquelle il conviendra d'ajouter les intérêts conventionnels à compter du 2 février 2011, jusqu'au 31 décembre 2012 et les intérêts légaux à compter du 1er janvier 2013,

- Condamné M. [W] [V] à régler à la SA Banque CIC ouest la somme de 14 830,47 euros correspondant au solde débiteur du compte courant, à laquelle il conviendra d'ajouter les intérêts conventionnels à compter du 2 février 2011, jusqu'au 31 décembre 2012 et les intérêts légaux à compter du 1er janvier 2013,

- Accordé à M. [W] [V] un délai de paiement de 24 mois, par mensualités égales, étant dit que la première mensualité interviendra le 15 du mois suivant la signification du présent jugement,

- Condamné M. [V] à payer à la banque la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- Condamné M. [V] aux entiers dépens de l'instance,

- Débouté la banque et M. [V] de toutes leurs autres demandes.

Par une déclaration reçue au greffe le 29 avril 2019, M. [H] [V] a interjeté appel de l'ensemble des chefs du jugement, sauf en ce que le tribunal lui a accordé des délais de paiement et a débouté la SA Banque CIC ouest de toutes ses autres demandes, intimant la SA Banque CIC ouest.

La SA Banque CIC ouest a formé un appel incident en ce que le tribunal a commis une erreur matérielle en condamnant M. [W] [V] aux lieu et place de M. [H] [V] et en ce qu'il a accordé des délais de paiement au débiteur.

M. [V] sollicite de la cour d'appel qu'elle :

Réforme le jugement dans les termes de sa déclaration d'appel,

A titre principal,

Déboute la SA Banque CIC ouest de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

Prononce la déchéance du droit de la SA Banque CIC ouest au paiement des pénalités et intérêts de retard échus,

Impute les paiements prioritairement sur le principal,

Déboute la SA Banque CIC ouest de l'ensemble de ses demandes,

En toute hypothèse,

Lui accorde un différé de paiement de 24 mois sans intérêt,

Condamne la SA Banque CIC ouest à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Banque CIC Ouest aux entiers dépens.

La SA Banque CIC ouest demande à la cour d'appel :

D'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Laval, le réformant,

De condamner M. [H] [V] à lui payer les sommes de :

14 830,47 euros correspondant au solde débiteur du compte courant de la SARL Maçonnerie [V] à la date du 2 février 2011, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 février 2011, en exécution de son engagement de caution tous engagements, consenti le 3 juin 2009,

49 346,32 euros correspondant au montant dû à la date du 2 février 2011 majorée des intérêts au taux conventionnel de 4,95 % à compter du 2 février 2011, en exécution de son engagement de caution consenti le 21 février 2008 en garantie du remboursement du prêt référencé n°14232 201240 02 d'un montant initial de 65 000 euros,

2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

De condamner M. [H] [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,

- le 9 janvier 2020 pour M. [V],

- le 24 janvier 2020 pour la SA Banque CIC ouest.

Une ordonnance du 27 juin 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement :

Comme devant les premiers juges, pour s'opposer à la demande en paiement dirigée à son encontre, M. [V] soutient, à titre principal, que ses engagements de caution se trouvaient disproportionnés à ses biens et revenus au jour de leur conclusion. A titre subsidiaire, il reproche à la banque de ne pas avoir exécuté son obligation annuelle d'information justifiant le prononcé de la déchéance du droit de cette dernière aux intérêts de retard et pénalités.

Sur la disproportion des cautionnements :

L'appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir pris en compte le montant de l'engagement souscrit par son épouse dans la limite de la somme de 78 000 euros pour le premier cautionnement et de 18 000 euros pour le second alors que, selon lui, il s'agit d'un engagement distinct venant grever le même actif justifiant qu'il soit ajouté au montant de son propre engagement. Il précise que si le créancier est fondé à opposer à la caution ses propres déclarations quant à sa situation financière et patrimoniale, faut-il encore que les déclarations soient antérieures à la conclusion du contrat de cautionnement. Or, il estime qu'en l'espèce les fiches de renseignements patrimoniaux que lui oppose la banque ne mentionne aucune date, pour la première, et une date postérieure à la conclusion de l'engagement litigieux pour la seconde. Il en déduit être fondé à rapporter la preuve de la réalité de sa situation financière et patrimoniale à la date de conclusion des engagements de caution en exécution desquels il est actionné en paiement. Il souligne que le tribunal de grande instance de Laval a, par un jugement rendu le 7 octobre 2019, après avoir écarté les fiches de renseignements patrimoniaux, débouté la banque de ses demandes dirigées à l'encontre de Mme [V] considérant que les cautionnements litigieux étaient manifestement disproportionnés aux biens et revenus de cette dernière.

En réplique la banque soutient, au contraire, que le plafond de l'engagement respectif des cautions était de 78 000 euros pour le premier, lequel couvrait le montant du prêt consenti au débiteur principal (65 000 euros) outre les intérêts conventionnels, et de 18 000 euros pour le second, les deux cautions s'étant engagées, dans un même acte, à garantir les mêmes dettes. En outre, l'intimée considère être fondée à opposer les fiches de renseignements patrimoniaux quand bien même ces fiches auraient été signées postérieurement à la date de conclusion des engagements des cautions dès lors qu'elles ont été renseignées dans le cadre de la conclusion des cautionnements litigieux.

Aux termes de l'article L.341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de la conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il en découle que le caractère manifestement disproportionné du cautionnement, qu'il incombe à la caution de rapporter, s'apprécie au jour où ce dernier est souscrit en tenant compte non seulement des revenus de la caution, mais aussi de tous autres biens formant son patrimoine, notamment ses immeubles. De même, il doit être tenu compte de l'ensemble des obligations ou engagements incombant au débiteur au jour du cautionnement contesté.

La disproportion suppose d'établir que la caution était dans l'impossibilité manifeste de faire face à son engagement avec ses biens et revenus au moment de la conclusion de celui-ci.

S'agissant de l'assiette de la disproportion, les parties s'opposent sur le point de savoir si la somme dans la limite de laquelle se sont engagés M. et Mme [V], en leur qualité de caution solidaire, est de 78 000 euros ou de 156 000 euros pour le premier cautionnement et de 18 000 euros ou de 36 000 euros pour le second.

Sauf stipulation contraire, lorsque plusieurs cautions se sont engagées solidairement, simultanément et par un même acte à garantir ensemble la dette du débiteur dans la limite d'un certain montant, elles sont réputées ne devoir ensemble que cette somme et non chacune ladite somme.

En l'espèce, il ressort des pièces communiquées que les cautions se sont engagées en qualité de caution solidaire à garantir le remboursement du prêt professionnel consenti à la SARL [V] Maçonnerie aux termes du même instrumentum daté du 21 février 2008, l'article 5.1 de l'acte stipulant, après avoir énoncé l'identité des cautions, « la personne ci-dessus désignée se porte caution personnelle solidaire pour sûreté et garantie du paiement par l'emprunteur de toutes sommes dues au titre du prêt mentionné ci-dessous ». Au bas de l'acte M. et Mme [V] ont chacun apposé une mention manuscrite précisant qu'ils se portait caution du débiteur principal dans la limite de la somme de 78 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard.

De même l'acte sous seing privé du 3 mars 2009, intitulé « cautionnement solidaire par une personne physique à la garantie de tous engagements du cautionné » stipule que M. et Mme [V] « ci-après dénommée la caution » se portent « caution personnelle, solidaire et indivisible » de la SARL [V] Maçonnerie envers la banque dans la limite d'un montant de 18 000 euros, M. et Mme [V] ayant apposé une mention manuscrite, en bas de l'acte, aux termes de laquelle ils se portent caution du débiteur principal dans la limite de 18 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, et le cas échéant des pénalités et intérêts de retard.

Ainsi, il résulte des termes clairs et précis, M. [V] ne se prévalant d'ailleurs d'aucune autre interprétation, des actes de cautionnement conclus le 21 février 2008 et le 3 mars 2009, dans lesquels M. et Mme [V] sont dénommés « la caution », que les sommes de 78 000 euros et de 18 000 euros, figurant tant dans le corps de ces actes que dans la mention manuscrite que chacun d'eux a, comme ils y étaient tenus, apposé au pied de ceux-ci, constituent la limite de l'unique engagement qu'ils ont ensemble souscrit aux termes de chacun de ces actes.

Par suite, contrairement à ce que soutient l'appelant, la disproportion alléguée doit être appréciée à hauteur respectivement des sommes de 78 000 euros, pour le cautionnement consenti le 21 février 2008, et de 18 000 euros, pour celui consenti le 3 mars 2009.

Il est constant que la disproportion de l'engagement des cautions mariées sous le régime légal doit s'apprécier au regard de l'ensemble des biens et revenus propres et communs du couple.

En l'occurrence, il n'est pas allégué par M. [V] qu'il était, au jour de la conclusion des cautionnements litigieux, marié avec Mme [V], elle-même engagée en qualité de caution solidaire dans les mêmes termes, sous un autre régime que le régime légal. Il en découle qu'il convient, pour apprécier la disproportion de l'engagement de caution de M. [V], qui est le seul actionné en paiement dans le cadre de la présente instance, de prendre en compte l'ensemble des revenus perçus par le couple ainsi que l'ensemble de leurs biens pour apprécier la disproportion alléguée.

S'il est exact que lorsque la banque, exige une fiche de renseignement patrimoniale, cette dernière est en droit de se fier aux informations que la caution lui fournit en l'absence d'anomalie apparente interdisant à cette dernière d'établir que sa situation financière était en réalité moins favorable, faut-il encore que la fiche de renseignement ait été renseignée antérieurement à la date de conclusion du cautionnement.

Or, en l'occurrence, il n'est pas contesté que la fiche de renseignements dont se prévaut la banque s'agissant du cautionnement conclu le 21 février 2008 n'est pas datée, étant relevé que la date du 23 février 2008 mentionnée pour la valorisation de l'épargne démontre que la fiche a été renseignée postérieurement à la date de conclusion du cautionnement.

De même, la fiche de renseignements patrimoniaux dont se prévaut la SA Banque CIC ouest, datée du 5 mars 2009, a nécessairement été établie postérieurement au cautionnement conclu le 3 mars 2009.

Partant, ces déclarations postérieures aux engagements litigieux n'ont pu avoir eu d'incidence sur la décision de la banque d'octroyer le prêt professionnel assorti du cautionnement du 21 février 2008, ni d'accepter le cautionnement du 3 mars 2009, conclu pour garantir un compte courant professionnel consenti le 15 février 2008. Elle n'a donc pas pu se fonder sur ces déclarations pour considérer que les cautionnements étaient proportionnés à la situation patrimoniale de la caution.

Dans ces conditions, M. [V] est fondé à établir la réalité de sa situation patrimoniale et financière au jour de la conclusion des engagements de caution litigieux.

M. [V] ayant conclu deux cautionnements successifs, il convient de se placer à leur date de conclusion respective afin d'apprécier l'existence de la disproportion alléguée.

Sur la proportionnalité du cautionnement du 21 février 2008 :

Il convient d'apprécier l'ensemble des revenus et du patrimoine de M. et Mme [V] au 21 février 2008.

Il ressort de l'avis d'imposition des revenus de 2007 que le couple [V] a perçu un revenu imposable total de 62 949 euros, soit 5 245,75 euros par mois, étant précisé que M. et Mme [V] avaient alors trois enfants à charge. M. [V] ne démontrant pas que ces revenus aient diminué au début de l'année 2008, il y a lieu de retenir ce montant.

M. et Mme [V] étaient propriétaires de leur résidence principale, située à [Localité 5] (53), financée par trois prêts immobiliers pour un montant total de 122 264,11 euros, dont le capital restant dû s'élevait au 21 février 2008 à la somme totale de 78 582,45 euros. Si M. [V] ne justifie pas de la valeur de ce bien immobilier en février 2008, il produit une attestation de valeur établie par un notaire le 19 octobre 2011 dont il ressort que ce bien était alors évalué à la somme de 190 000 euros. Aussi, compte tenu de la crise immobilière dont les premières incidences ont été perceptibles sur la valorisation des biens immobiliers dès le mois de janvier 2008, il est certain que ce bien immobilier ne pouvait avoir une valeur supérieure à celle de 2011, année de très forte activité immobilière, en février 2008 de sorte qu'il convient de valoriser la résidence principale de M. [V] à la somme de 190 000 euros, soit une valeur nette, après déduction des sommes restant dues au titre des prêts immobiliers, de 111 417,55 euros.

En outre, M. et Mme [V] ont acquis un terrain le 8 décembre 2007, situé à [Localité 4] (50), pour un prix de 53 000 euros afin d'y construire un immeuble. A cette fin, M. et Mme [V] ont contracté un emprunt immobilier d'un montant total de 196 113 euros auprès de la SA Banque CIC ouest. M. [V] soutient, sans être démenti sur ce point, qu'au jour de conclusion de l'engagement de caution litigieux, le prêt n'ayant été débloqué qu'en partie, la maison n'étant pas encore construite, il restait devoir une somme de 73 000 euros au titre de ce prêt immobilier. Dans ces conditions, seule la valeur du terrain, soit 53 000 euros doit être retenue à l'actif, et la somme de 73 000 euros doit être prise en compte au titre du passif.

L'intimée ne soutenant pas que M. [V] disposait d'autres éléments d'actif au jour de la conclusion du cautionnement du 21 février 2008, doivent être retenus à ce titre les deux biens immobiliers pour une valeur de 164 417,55 euros, outre les revenus mentionnés ci-dessus.

A la date du 21 février 2008, M. [V] justifie avoir souscrit plusieurs engagements de caution auprès du Crédit Mutuel :

Un cautionnement limité à la somme de 33 000 euros pour une durée de 84 mois, conclu en mars 2004, en garantie d'un crédit de 33 000 euros consenti à la SARL [V] maçonnerie,

Un cautionnement limité à la somme de 60 000 euros en date du 10 février 2006 pour une durée de 5 ans, en garantie de tous les engagements souscrits par la société [V] Maçonnerie vis-à-vis du Crédit Mutuel,

Un cautionnement limité à la somme de 13 200 euros pour une durée de 4 ans, consenti à cette même date, en garantie d'un crédit d'un montant de 11 000 euros consenti à la SARL [V] Maçonnerie.

Le montant des engagements ainsi consentis s'élevait donc à la somme totale de 106 200 euros.

M. [V] était enfin codébiteur solidaire de deux prêts à la consommation. Le premier a été consenti par la Banque régionale de l'ouest le 20 avril 2005, pour une somme de 10 500 euros remboursable en 60 mensualités de 204,89 euros, dont le capital restant dû s'élevait à la somme de 4 587,40 euros au 21 février 2008. Le second a été consenti par l'intimée le 30 novembre 2007 pour une somme de 5 000 euros remboursable en 48 mensualités de 120,01 euros, dont le capital restant dû s'élevait à la somme de 4 690,17 euros au 21 février 2008.

Il découle de l'ensemble de ces éléments qu'au jour de la conclusion du cautionnement, M. [V] était déjà engagé financièrement à hauteur de la somme de 188 477,57 euros à laquelle s'ajoute celle de 78 000 euros au titre de ce cautionnement portant l'ensemble des engagements à la somme de 266477,57 euros.

Partant, compte tenu de l'ensemble de ses engagements financiers déjà souscrits, de son patrimoine limité à une valeur nette de 164 417,55 euros, et de ses revenus d'un montant mensuel moyen de 5 245,75 euros avec lesquels il devait assumer, outre les charges courantes, l'entretien et l'éducation de trois enfants mineurs, M. [V] démontre qu'il se trouvait dans l'impossibilité manifeste de faire face à son engagement pour une somme de 78 000 euros avec ses biens et revenus au moment de la conclusion du cautionnement litigieux.

Par suite, la SA Banque CIC ouest ne peut se prévaloir de cet engagement et doit être déboutée de sa demande en paiement. Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur la proportionnalité du cautionnement du 3 mars 2009 :

M. [V] a consenti un second cautionnement dans la limite d'une somme de 18 000 euros au profit de l'intimée le 3 mars 2009.

S'il ressort de l'avis d'impôt sur le revenu de 2008 produit aux débats que M. et Mme [V] ont perçu un revenu imposable total de 76 797 euros, soit un revenu moyen mensuel de 6 399,75 euros, en augmentation par rapport à 2007, M. [V] démontre que pour le surplus sa situation patrimoniale ne se trouvait pas substantiellement plus favorable au 3 mars 2009.

Ainsi, compte tenu de la diminution du capital restant dû au titre des trois prêts immobiliers, à hauteur de la somme de 70 782 euros, la valeur nette de la résidence principale de la caution peut être fixée à la somme de 119 218 euros. L'intimée ne contestant pas le fait que la construction, qui devait intervenir sur le terrain acquis en décembre 2007, était toujours inachevée, la valeur du terrain n'a pu augmenter eu égard à la crise de l'immobilier qui sévissait alors. M. [V] ne soutient ni ne démontre que le prêt souscrit pour une somme de 196 113 euros ait donné lieu à d'autres déblocages.

Eu égard à ce nouvel engagement de caution dans la limite de 18 000 euros et à la diminution du capital restant dû au titre des deux prêts à la consommation pour une somme de 3 898,80 euros, M. [V] se trouvait engagé financièrement à hauteur de la somme de 280 578,77 euros.

Partant, compte tenu de l'ensemble de ses engagements financiers déjà souscrits, de son patrimoine limité à une valeur nette de 172 218 euros, et de ses revenus d'un montant mensuel moyen de 6 399,75 euros avec lesquels il devait assumer, outre les charges courantes, l'entretien et l'éducation de trois enfants mineurs, M. [V] démontre qu'il se trouvait dans l'impossibilité manifeste de faire face à son engagement pour une somme de 18 000 euros avec ses biens et revenus au moment de la conclusion du cautionnement litigieux.

Le créancier ne soutient ni ne démontre que M. [V] disposait, au jour où il a été appelé en paiement, de biens et revenus lui permettant de faire face à ses engagements.

La SA Banque CIC ouest sera par conséquent déboutée de sa demande en paiement au titre de ce cautionnement en application des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation. Le jugement sera infirmé en ce sens.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de délai de paiement formée par M. [V].

Sur les demandes accessoires

La Banque CIC Ouest, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux frais et dépens étant infirmées.

L'équité commande de condamner la SA Banque CIC ouest à payer à M. [V] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Banque CIC Ouest sera par conséquent déboutée de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, et par arrêt mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DEBOUTE la SA Banque CIC ouest de l'ensemble de ses demandes en paiement dirigées à l'encontre de M. [H] [V] au titre des cautionnements conclus le 21 février 2008 et 3 mars 2009,

DEBOUTE la SA Banque CIC ouest de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA Banque CIC ouest à payer à M. [H] [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA Banque CIC ouest aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - commerciale
Numéro d'arrêt : 19/00835
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;19.00835 ?
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