COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
CC/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 18/01068 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EKAV
Jugement du 14 Mars 2018
Tribunal de Commerce d'ANGERS
n° d'inscription au RG de première instance 2017 00339
ARRET DU 31 JANVIER 2023
APPELANTE :
SAS CONSTRUCTION ET MAINTENANCE EQUIPEMENT THERMIQUE INDUSTRIEL prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Thierry BOISNARD substitué par Me LAUGERY de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 13702025
INTIMEE :
SAS ALTEAD AUGIZEAU, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d'ANGERS, en qualité d'administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE, associé de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d'ANGERS, et Me Nicolas DE LA TASTE, avocat plaidant au barreau de NANTES
INTERVENANTES VOLONTAIRES
S.E.L.A.R.L. FHB, en qualité d'Administrateur Judiciaire de la société ALTEAD LE GAI MATELOT
[Adresse 5]
[Adresse 5]
S.C.P. THEVENOT PARTNERS, en qualité d'Administrateur Judiciaire de la société ALTEAD LE GAI MATELOT
[Adresse 6]
[Adresse 6]
S.C.P. BTSG, en qualité de Liquidateur Judiciaire de la société ALTEAD LE GAI MATELOT
[Adresse 3]
[Adresse 3]
S.E.L.A.F.A. MJA, en qualité de Mandataire Judiciaire de la société ALTEAD LE GAI MATELOT
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentées par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d'ANGERS, en qualité d'administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE, associé de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d'ANGERS, et Me Nicolas DE LA TASTE, avocat plaidant au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 07 Novembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre, qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, conseillère
M. BENMIMOUNE, conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 31 janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société (SAS) Construction maintenance équipement thermique industriel (dite Cometi) exerce une activité de réparation d'ouvrages en métaux.
La SAS Cometi a installé une chaudière sur le site 'Knauf' situé [Adresse 11], et fait une reprise commerciale sur ce site d'une ancienne chaudière vapeur Stein Fasel DFS n°F3527 qu'elle a vendue à la société GTI Consultant au prix de 12.000 euros TTC selon facture (FC/1617/0052) du 30 septembre 2016, laquelle l'a revendue à la société Pression Equipement, société de droit marocain.
Selon 'ordre de mission/commande' du 2 août 2016 et selon lettre de voiture n°056848/01006 du 3 août 2016 renvoyant à une facture n°220145315, la SAS Altead Augizeau, spécialisée dans le transport exceptionnel, a été affrêtée, en tant que voiturier, par la société (SAS) Transports TFPC, commissionnaire, afin d'effectuer le transport de la chaudière Stein Fasel reprise et vendue par la SAS Cometi, au départ de l'adresse de 'Knauf' ([Adresse 11], à destination de [Localité 7] (Maroc), outre des palettes et accessoires.
La société Pression Equipement a réglé une somme de 10.000 euros suivant facture n°2016/049 du 10 août 2016, à la société Transports TFPC selon 'ordre de transfert dans une devise autre que celle du bénéficiaire' du 15 septembre 2016.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 novembre 2016, la SAS Altead Augizeau qui s'est prévalue du défaut de règlement de la facture (n°220 145 315) qu'elle avait émise le 31 août 2016 pour le transport à l'entête de la SAS Transports TFPC, pour un montant de 9.195 euros TTC, alors que la société Pression Equipement aurait réglé la SAS Transports TFPC, a mis en demeure la SAS Cometi de lui régler, avant le 25 novembre 2016, ladite somme, en invoquant à son profit le bénéfice de l'action directe en paiement visée à l'article L. 132-8 du code de commerce.
La SAS Altead Augizeau a déposé une requête aux fins d'injonction de payer qui a donné lieu à une ordonnance du 17 janvier 2017 du tribunal de commerce d'Angers.
La SAS Cometi a formé opposition à cette ordonnance, le 14 mars 2017.
En l'état de ses dernières conclusions devant le tribunal, la SAS Altead Augizeau lui a demandé, au visa de l'article L. 132-8 du code de commerce, de condamner la SAS Cometi à lui payer la somme de 9.195 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2016, outre une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, le tout avec exécution provisoire.
A l'appui de son opposition à l'ordonnance, la SAS Cometi a entendu voir le tribunal juger la SAS Altead Augizeau irrecevable et mal fondée en son action, débouter celle-ci de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et la condamner à lui verser la somme de 2.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Par jugement du 14 mars 2018, le tribunal de commerce d'Angers a :
- condamné la société Cometi à payer à la société Altead Augizeau la somme de 9.195 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2016,
- débouté la société Cometi de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamné la société Cometi à payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Cometi aux entiers dépens dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 109,03 euros,
- n'a pas ordonné l'exécution provisoire,
- a dit que le présent jugement se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer n°2017000074 du 17 janvier 2017.
Par déclaration du 16 mai 2018, la SAS Cometi a relevé appel de ce jugement, en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Altead Augizeau la somme de 9.195 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2016, l'a déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions, l'a condamnée à payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamnée aux entiers dépens dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 109,03 euros ; intimant la SAS Altead Augizeau.
La SAS Cometi et la SAS Altead Augizeau ont conclu.
Par jugement du 27 mai 2019, le tribunal de commerce de Paris a placé la SAS Altead Augizeau en redressement judiciaire, désignant la société (SELARL) FHB et la société (SCP) Thevenot Partners, en qualité d'administrateurs judiciaires, et les sociétés (SCP) BTSG et (SELAFA) MJA en qualité de mandataires judiciaires.
Par jugement du 26 juillet 2019, le tribunal de commerce de Paris a converti ce redressement en liquidation judiciaire, maintenant en fonctions les administrateurs judiciaires et désignant la SCP BTSG et la SELAFA MJA en qualité de liquidateurs judiciaires.
La SELARL FHB et la SCP Thevenot Partners, en qualités d'administrateurs judiciaires de la SAS Altead Augizeau, et la SCP BTSG et la SELAFA MJA, en qualités de liquidateurs judiciaires de la SAS Altead Augizeau, sont intervenues volontairement à la procédure d'appel.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par une ordonnance du 10 octobre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS Cometi demande à la cour de :
vu les dispositions de l'article L. 132-8 du code de commerce,
- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel,
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter la société Altead Augizeau de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Altead Augizeau à lui verser la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Altead Augizeau aux entiers dépens lesquels seront recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La SAS Cometi soutient que le transport en cause, de Knauf (37) vers le Maroc, était un transport international, de sorte que les obligations, comme le précisent expressément les lettres de voiture, doivent s'apprécier au regard de la convention de Genève du 19 mai 1956 qui ne prévoit pas d'action directe au bénéfice du voiturier. Dès lors, elle estime qu'il y a lieu de déterminer la loi applicable.
Elle soutient que suivant l'article 5 du règlement Rome I n°593/2008, la loi applicable est celle du pays dans lequel le transporteur a sa résidence habituelle pourvu que le lieu de chargement ou le lieu de livraison se situe aussi dans le pays. Elle considère que le tribunal ne pouvait pas retenir que la loi française devait être appliquée, alors que le transport principal avait été réalisé par la société, de droit marocain, Luisa Express, que le lieu de déchargement était le Maroc, et que le prix du transport avait été payé par le destinataire marocain.
Elle prétend qu'elle ne peut être condamnée au titre de l'article L. 132-8 du code de commerce à régler les frais de transport litigieux, que l'action directe prévue à cet article ne peut être dirigée à son encontre, dans la mesure où elle ne saurait avoir revêtu la qualité d'expéditeur ni de destinataire s'agissant du transport litigieux, ce qu'elle indique avoir précisé au conseil de l'intimée par diverses lettres.
Elle souligne que l'expéditeur est renseigné comme étant 'Knauf' sur la lettre de voiture. Elle prétend que le transport concernait exclusivement la vente conclue entre la société GTI Consultant et la société Pression Equipement ; que non vendeur -seule la société GTI Consultant l'étant-, elle ne peut être expéditeur. Elle affirme avoir remis la marchandise -concernant uniquement le bien vendu par la société GTI Consultant-, et n'avoir été que simple remettant.
Elle fait valoir que selon la Cour de cassation, le vendeur 'départ usine' figurant sur la lettre de voiture n'est pas expéditeur au sens de l'article L. 132-8 du code de commerce.
Or, elle observe qu'en l'espèce, le prix du transport (fret) a été fixé contractuellement comme payable à l'arrivée, selon la facture de vente de la chaudière du 30 septembre 2016, dans la mesure où la mention 'prix départ usine [Localité 9]' y est apposée.
Elle soutient qu'il incombait dès lors, eu égard à la mention 'vendeur départ usine', à l'acheteur de prendre en charge les frais de transport, qu'il devait se déduire de cette dernière mention que l'acheteur donneur d'ordre cumulait les positions d'expéditeur et de destinataire.
Elle soutient que l'acheteur final était soit la société de droit marocain Pression Equipement, expéditeur, dès lors qu'elle a réglé le prix du transport, soit la société Knauf suivant la lettre de voiture.Elle observe que la société TFPC ayant affrété la société Altead Augizeau le savait pour avoir reçu la somme de 10.000 euros de la société Pression Equipement.
Elle ajoute que le fait qu'une société soit mentionnée comme expéditeur sur le document de transport ne prouve pas qu'elle soit effectivement partie au contrat de transport.
Elle en déduit que l'action directe ne peut pas être exercée par le transporteur contre le vendeur de la marchandise 'départ usine' transportée dès lors que celui-ci n'a pas la qualité d'expéditeur.
Elle constate en sus que le montant des frais de transport équivaut au prix de vente de la chaudière.
La SAS Altead Augizeau, intimée, la SELARL FHB et la SCP Thevenot Partners, en qualités d'administrateurs judiciaires de la SAS Altead Augizeau, et la SCP BTSG et la SELAFA MJA, en qualités de liquidateurs judiciaires de la SAS Altead Augizeau, intervenantes volontaires, demandent à la cour de :
vu l'article L. 132-8 du code de commerce,
- confirmer intégralement le jugement du tribunal de commerce d'Angers du 14 mars 2018,
en conséquence,
- condamner la société Cometi à payer à la société Altead Augizeau la somme de 6.535 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2016,
- condamner la même à payer à la société Altead Augizeau la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
y ajoutant,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner la société Cometi à leur payer la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elles font valoir que la société Cometi doit garantir la société Altead Augizeau du paiement du prix du transport litigieux, avec intérêts au taux légal courant à compter de la mise en demeure du 9 novembre 2016.
Elles opposent que l'article L. 132-8 du code de commerce et la convention de Genève du 19 mai 1956 ne sont pas incompatibles, que cette convention ne prévoit rien s'agissant de l'action directe du voiturier, et en particulier aucune disposition particulière susceptible de faire échec à cette action directe.
Elles en déduisent que rien n'empêche le transporteur partie à un transport international de se prévaloir de l'action directe visée à l'article L. 132-8, sous réserve des règles de conflit de lois.
Elles prétendent que les articles 4.1 de la convention de Rome du 19 juin 1980 et l'article 4 du règlement Rome I sont des dispositions générales qui, ayant prévu des dispositions spécifiques pour déterminer la loi applicable aux contrats de transport, ont vocation à s'appliquer prioritairement.
Elles observent que la SAS Altead Augizeau est établie en France, que le lieu de chargement était situé à [Localité 9].
Elles en déduisent que la loi française, et ainsi l'article L.132-8 du code de commerce qui impose de désintéresser en tout état de cause le transporteur affrété impayé, même au prix d'un double règlement, est applicable.
Elles affirment qu'en l'espèce la société Cometi a la qualité d'expéditeur au regard de la lettre de voiture, puisque son dirigeant l'a signée dans la case réservée à l''expéditeur - remettant', sans exclure la qualité d'expéditeur, sans préciser agir en simple qualité de remettant ou pour le compte d'une autre personne. Elles répliquent que la lettre de voiture fait foi jusqu'à preuve contraire, selon une jurisprudence constante, et que l'appelante ne peut soutenir dès lors qu'elle n'avait que la qualité de remettant pour échapper à l'application de l'article L. 132-8 du code de commerce.
Elles soutiennent qu'il importe peu que la société Cometi oppose ne pas avoir missionné la SAS Altead Augizeau, dès lors que la société Transports TFPC a agi en qualité de commissionnaire en affrétant cette dernière, et que l'article L. 132-8 laisse subsister l'obligation de garantie de l'expéditeur même en cas d'interposition d'un commissionnaire.
Elles prétendent que le transporteur est tiers au contrat de vente, de sorte que les modalités de la vente ne lui sont pas opposables, et considèrent qu'il importe peu que la marchandise ait été vendue sous l'incoterm 'départ usine' ou 'ex -works', que la SAS Cometi ait pu avoir qualité de 'vendeur départ'. Elles estiment qu'il n'est pas établi que le transporteur ait été informé d'une telle qualité de l'appelante.
De plus, elles soutiennent que le transporteur qui exerce l'action directe n'a pas à prouver une tentative préalable de recouvrement de sa créance auprès du débiteur principal. Elles précisent qu'en tous les cas, la SAS Altead Augizeau a tenté de recouvrer sa créance auprès de la société Transports TFPC et qu'elle a obtenu paiement d'une somme de 2.660 euros avant le redressement judiciaire de cette dernière, converti en liquidation judiciaire par jugement du 14 mars 2018.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 1er octobre 2021 pour la SAS Cometi,
- le 4 novembre 2019 pour la SAS Altead Augizeau, intimée, la SELARL FHB et la SCP Thevenot Partners, en qualités d'administrateurs judiciaires de la SAS Altead Augizeau, et la SCP BTSG et la SELAFA MJA, en qualités de liquidateurs judiciaires de la SAS Altead Augizeau, intervenantes volontaires.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le droit applicable
Les parties s'opposent sur l'applicabilité de l'article L.132-8 du code de commerce au cas d'espèce.
Au regard de la lettre de voiture signée le 3 août 2016 versée au débat, le transport litigieux portait sur le trajet depuis le site 'Knauf' [Adresse 11] jusqu'à Berrechid au Maroc. Il s'agit donc d'un transport présentant un caractère international.
Les contrats d'affrètement pour un seul voyage et les autres contrats dont l'objectif principal est le transport de marchandises s'analysent en des contrats concernant le transport de marchandises.
Le transport international est réglementé par la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR, qui régit tous les contrats de transport de marchandises par route à titre onéreux réalisés entre deux pays différents dont un au moins est partie à la convention, ce qui est le cas en l'espèce.
La lettre de voiture précise d'ailleurs que 'ce transport est soumis, nonobstant toute clause contraire, à la convention relative au contrat de transport international de marchandise par route (CMR).'
Il ne ressort d'aucun élément que les parties aient fait choix de la loi applicable conformément aux dispositions de l'article 3 du règlement n°593/2008 du parlement européen et du conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dit règlement Rome I).
Selon l'article 5.1 du règlement Rome I, à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, la loi applicable au contrat de transport de marchandises est la loi du pays dans lequel le transporteur a sa résidence habituelle, pourvu que le lieu de chargement ou le lieu de livraison ou encore la résidence habituelle de l'expéditeur se situe aussi dans ce pays. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, la loi du pays dans lequel se situe le lieu de livraison convenu par les parties s'applique.
La société Cometi se prévaut de l'existence d'une pluralité de transporteurs dans la mesure où la SAS Altead Augizeau aurait sous-traité la prestation de transport à une société de droit marocain Luisa Express qui aurait assuré ce transport depuis [Localité 8] jusqu'à la destination marocaine convenue.
Néanmoins, la société Cometi ne vise aucune pièce au soutien de son affirmation que ne confirme pas la SAS Altead Augizeau dans ses écritures.
De plus, certes une pièce versée par l'intimée fait état de la SARL Luisa Express, ainsi que de la SAS Altead Augizeau et de la société Pressions Equipement, dont elle porte les tampons, mais cette pièce, très peu lisible et partant difficilement exploitable, même si elle semble aussi mentionner 'Richelieu' et '13.500 ' renvoyant au poids de la marchandise indiquée sur l'ordre de mission du 2 août 2016, ne permet pas, en son état, à la cour de vérifier qu'elle constitue une preuve d'un contrat de sous-traitance conclu entre les sociétés Altead Augizeau et Luisa Express et portant précisément sur le contrat de transport litigieux prévu selon ordre de mission du 2 août 2016 et lettre de voiture du 3 août 2016.
Il doit donc être considéré que la SAS Altead Augizeau est l'unique transporteur au titre du transport international litigieux.
Au surplus, il n'est pas justifié que la SARL Luisa Express ne soit pas une société de droit français.
La SAS Altead Augizeau a son siège social au [Adresse 2]. Il n'est pas contesté par les parties que le lieu du chargement se trouvait, comme le prévoyait la lettre de change précitée, comme l'ordre de mission du 2 août 2016 adressé par la société Transports TFPC à la SAS Altead Augizeau, renseigné ainsi : 'Knauf' [Adresse 11].
Par application des dispositions susvisées, faute de choix opéré par les parties, conformément à l'article 5 du règlement 'Rome I', la loi applicable est la loi française. Il s'en déduit que l'article L. 132-8 du code de commerce est susceptible d'être appliqué sous réserve de réunions de ses conditions d'application.
Sur l'action directe de la SAS Altead Augizeau sur le fondement de l'article L. 132-8 du code de commerce
Selon l'article L. 132-8 du code de commerce, la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l'expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite.
Il en résulte que l'action directe constitue une obligation de garantie qui pèse sur le destinataire qui avec l'expéditeur et le voiturier est partie à une même convention ayant pour objet la même opération. Ainsi donc l'article L. 132-8 fait du destinataire et de l'expéditeur des codébiteurs potentiels du prix du transport.
En vertu de son action directe, le voiturier impayé peut agir en garantie soit contre l'expéditeur, soit contre le destinataire.
Au cas particulier, il y a lieu de déterminer les parties au contrat de transport litigieux.
Il n'est pas contesté que la société Transports TFPC a la qualité de commissionnaire de transport.
Il est constant que le voiturier s'entend exclusivement du professionnel qui effectue personnellement la prestation de déplacement de la marchandise.
En l'espèce, ainsi qu'il a été vu précédemment, la preuve de l'existence d'un contrat de sous-traitance entre la SAS Altead Augizeau et la SARL Luisa Express, alléguée par l'appelante, n'est pas rapportée.
Par conséquent, il doit être considéré que la SAS Altead Augizeau, destinataire d'un ordre de mission du commissionnaire, Transports TFPC, a eu seule qualité de voiturier dans le cadre du transport litigieux.
Il est relevé que si la facture en vue de la vente de la chaudière litigieuse (renvoyant à un numéro de commande DC/1617/0066), établie le 12 août 2016, a été adressée à la société GTI Consultant domiciliée à [Localité 10], et si la lettre de change ne comporte pas de mention relative au destinataire, les parties ne discutent pas du fait que la société de droit marocain, Pression Equipements, était le destinataire du transport en cause, ce que mentionne d'ailleurs la SAS Altead Augizeau dans sa lettre de mise en demeure de l'appelante du 9 novembre 2016.
En l'espèce, l'intimée entend diriger son action directe, non pas à l'encontre du destinataire du transport, mais à l'encontre de la société Cometi, en tant qu'expéditeur au sens de l'article L.132-8 du code de commerce.
Il résulte de ce même article que le transporteur doit apporter la preuve de la qualité d'expéditeur ou de destinataire de celui qu'il a assigné en garantie de paiement du prix du transport.
Il sera rappelé que la lettre de voiture ne fait foi que jusqu'à preuve contraire de l'existence et des conditions du contrat de transport, de sorte que l'indication de la qualité d'expéditeur sur la lettre de voiture constitue une simple présomption de cette qualité.
Et l'expéditeur n'est pas nécessairement la personne chez qui la marchandise est enlevée.
En l'espèce, les parties sont en désaccord sur la détermination de l'expéditeur.
La lettre de voiture litigieuse du 3 août 2016 comporte dans une case dédiée à l''expéditeur - remettant', la signature de M. [U].
L'ordre de mission du 2 août 2016 indique pour contact, sous l'adresse de chargement, les coordonnées téléphoniques de M. [X] [U].
M. [X] [U], mentionné sur l'ordre de mission du 2 août 2016 et signataire de la lettre de voiture en qualité d' 'expéditeur-remettant', signe les courriers des 10 mars 2017, 12 avril 2017 et 3 mai 2017, à l'entête de la société Cometi, échangés avec l'intimée. Il doit être considéré qu'il est le représentant de la société Cometi.
La société Cometi a donc signé la lettre de voiture litigieuse en qualité d''expéditeur-remettant'.
Mais la mention 'expéditeur - remettant' est ambigüe dans la mesure où ces deux qualités peuvent se cumuler ou s'exclure. En effet, le remettant n'est pas nécessairement expéditeur au sens de l'article L.132-8 du code de commerce.
Cette seule mention ne peut donc suffire à établir que la société Cometi ait revêtu la qualité d'expéditeur.
La SAS Altead Augizeau n'apporte aucun autre élément de preuve.
De son côté, la société Cometi, pour démontrer qu'elle n'a eu qu'un rôle de remettant et que l'expéditeur est la société de droit marocain Pression Equipements, également destinataire, qui a acheté en définitive la chaudière ayant fait l'objet du transport litigieux, s'appuie sur le fait que la facture en vertu de laquelle elle a vendu la chaudière litigieuse comporte la mention d'incoterm 'prix départ usine [Localité 9]".
Certes, le contrat de vente et celui de transport sont distincts et indépendants l'un de l'autre, de sorte que le transporteur ne peut, en principe, pas se voir opposer les clauses du contrat de vente auquel il est étranger. Dans le cas présent, aucun élément ne permet de supposer que la SAS Altead Augizeau, au regard, intrinsèquement, de l'ordre de mission du 2 août 2016 et de la lettre de voiture du 3 août 2016, et du fait de son affrètement par un commissionnaire, ait pu avoir connaissance de l'existence de l'incoterm 'départ usine' non mentionné sur ces seuls documents.
Néanmoins, dès lors que le contrat de transport ne désigne pas clairement l'expéditeur, celui-ci peut être déterminé en se référant au contrat de vente.
La modalité de vente suivant l'incoterm figurant sur le contrat de vente laisse à la charge de l'acheteur tous les frais et risques à partir du moment où la marchandise a été mise à sa disposition, à l'usine du vendeur : il doit ainsi supporter les frais de transport, outre tous les frais de chargement, de douane et d'assurance. Il revient ainsi à l'acheteur de se charger de l'acheminement de la marchandise des locaux du vendeur vers le lieu de destinatation finale, ce dernier cumulant ainsi les positions d'expéditeur et de destinataire.
Il s'infère ainsi de cet incoterm que bien que venderesse de la chaudière litigieuse, la société Cometi n'était pas l'expéditeur dans le cadre de la lettre de voiture et que ce n'est donc qu'en qualité de remettante qu'elle a signé la lettre de voiture.
Il résulte de ce qui précède que la SAS Altead Augizeau échoue à rapporter la preuve qui pèse sur elle de la qualité d'expéditeur de la société Cometi.
Le jugement dont appel qui a reconnu à la charge de la société Cometi une obligation de garantie de paiement sur le fondement de l'article 132-8 du code de commerce sera infirmé.
Sur les demandes accessoires
La SAS Altead Augizeau devra supporter les dépens de première instance et d'appel et la SCP BTSG et la SELAFA MJA, prises en qualité de liquidateurs judiciaires de la SAS Altead Augizeau, seront condamnées à payer à la société Cometi la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
- Rejette les demandes de la SAS Altead Augizeau.
- Fixe les dépens de première instance et d'appel au passif de la société SAS Altead Augizeau.
- Condamne la SCP BTSG et la SELAFA MJA, prises en qualité de liquidateurs judiciaires de la SAS Altead Augizeau à payer à la société Cometi la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL