COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
YW/IM
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 18/02483 - N° Portalis DBVP-V-B7C-ENMO
Jugement du 11 Septembre 2018
Tribunal de Grande Instance du MANS
n° d'inscription au RG de première instance : 16/03117
ARRET DU 30 MAI 2023
APPELANTES :
Madame [M] [S]
née le 12 Janvier 1948 à [Localité 8] (61)
[Adresse 1]
[Localité 7]
SA BPCE ASSURANCES prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentées par Me Pierre LANDRY de la SCP PIERRE LANDRY AVOCATS, avocat au barreau du MANS
INTIMEES :
S.N.C. [...]
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représentée par Me Vanina LAURIEN de la SELARL DELAGE BEDON LAURIEN HAMON, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 190028, et Me Elodie KONG de la SELARL QUADRIGE, avocat plaidant au barreau de RENNES
SOCIÉTÉ [...] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 11]
[Localité 3] (ROYAUME-UNI)
Représentée par Me Inès RUBINEL de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 13 Décembre 2022 à 14 H 00, M. WOLFF, conseiller ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 30 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 10 décembre 2013, un incendie s'est déclaré dans la maison de Mme [M] [S], au [Adresse 9] à [Localité 7] (72).
Alléguant que le feu était parti du réfrigérateur qui se trouvait dans la cuisine et que celui-ci avait été acquis auprès de la société [...], Mme [S] et son assureur, la société BPCE Assurances, l'ont fait assigner en référé devant le président du tribunal de grande instance du Mans par acte d'huissier de justice du 5 mai 2014, afin qu'une expertise soit ordonnée.
Par acte d'huissier du 15 mai 2014, la société [...] a appelé à la cause la société [...] en tant qu'assureur de la société [...], qui serait selon elle l'importatrice de l'appareil.
Par ordonnance du 11 juin 2014, le juge des référés a désigné un expert, qui a établi son rapport le 2 février 2015.
Mme [S] et la société BPCE Assurances ont ensuite fait assigner au fond la société [...] par acte d'huissier du 29 août 2016, en invoquant la responsabilité du fait des produits défectueux.
Par acte d'huissier du 17 février 2017, la société [...] a de nouveau mis en cause la société [...].
Par jugement du 11 septembre 2018, le tribunal de grande instance du Mans a :
Rejeté les demandes de Mme [S] et de la société BPCE Assurances ;
Dit que l'appel en garantie de la société [...] par la société [...] se trouvait sans objet ;
Rejeté la demande d'exécution provisoire ;
Condamné Mme [S] et la société BPCE Assurances aux dépens dont distraction au profit de la SCP Memin Pigeau Conte Murillo, à l'exclusion des dépens liés à l'appel à la cause de la société [...], qui ont été laissés à la charge de la société [...] ;
Rejeté les demandes faites par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a considéré que si l'incendie avait bien pour origine la défectuosité d'un réfrigérateur acquis auprès de la société [...], celle-ci n'était pas le producteur de l'appareil au sens de l'article 1386-6 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et que la société [...] ayant dénoncé son propre fournisseur dans le délai prévu à l'article 1386-7 du même code, sa responsabilité ne pouvait être engagée.
Par déclaration du 8 décembre 2018, Mme [S] et la société BPCE Assurances ont relevé appel de tous les chefs de ce jugement, en intimant la société [...] et la société [...].
La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 mai 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 août 2021, Mme [S] et la société BPCE Assurances demandent à la cour :
D'infirmer le jugement ;
De condamner la société [...] à verser à la société BPCE Assurances la somme de 114 990,79 euros et à Mme [S] celle de 7 064 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation de ces derniers ;
De rejeter toute prétention contraire ;
Subsidiairement, de saisir avant dire droit la Cour de justice de l'Union européenne d'une demande de question préjudicielle afin de savoir si l'article 3.1 de la directive du Conseil du 25 juillet 1985 doit s'interpréter en ce qu'une société appartenant à un groupe de sociétés entretenant des liens économiques étroits, mérite d'être qualifiée de producteur dès lors qu'elle commercialise des produits sous une marque appartenant à l'une des entités de ce groupe, ladite marque étant exploitée comme marque de distributeur au sein de celui-ci ;
En toute hypothèse, de condamner la société [...] à verser à Mme [S] et à la société BPCE Assurances la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens incluant ceux de référé, le coût de l'expertise judiciaire, les dépens de l'instance au fond et les dépens d'appel.
Mme [S] et la société BPCE Assurances soutiennent que :
Il est certain que le réfrigérateur incriminé a été acquis neuf le 29 novembre 2010 auprès du magasin [...] d'[Localité 6], exploité par la société [...]. L'expert judiciaire a conclu qu'il y avait bien correspondance entre le réfrigérateur incriminé et celui acheté. Cela n'a fait l'objet d'aucune contestation au cours des opérations d'expertise. Selon le rapport d'expertise judiciaire, ce réfrigérateur est bien à l'origine de l'incendie. Ainsi, il n'a pas apporté à Mme [S] la sécurité à laquelle elle pouvait prétendre légitimement.
Toutes les sociétés qui, au sein d'un groupe, commercialisent les produits de l'enseigne sous sa marque de distributeur doivent être considérées comme y ayant apposé leur marque au sens de l'article 1386-6 du code civil, et ce, même si seulement l'une d'entre elles est titulaire de la marque, l'organisation d'un réseau de distribution ne pouvant pas faire échec à ces dispositions. Or en l'espèce, la marque [...] du réfrigérateur litigieux est la marque de distributeur de l'enseigne [...], dont le dépôt a été effectué par la société [...] dont la société [...] est une filiale. Dès lors que cette dernière bénéficie de l'usage de la marque, elle doit bien être qualifiée de producteur.
La société n'a jamais mis en cause son propre fournisseur ou le producteur. Elle ne les a pas non plus désignés formellement à Mme [S]. La chaîne de distribution du réfrigérateur au-delà de son acquisition par Mme [S] n'est absolument pas fixée. C'est donc le vendeur qui doit répondre du défaut de sécurité du produit, conformément à l'article 1386-7 du code civil.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 janvier 2022, la société [...] demande à la cour :
De confirmer le jugement et de rejeter l'ensemble des demandes de Mme [S] et de la société BPCE Assurances ;
Subsidiairement, de condamner la société [...] à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
En tout état de cause, de condamner in solidum Mme [S] et la société BPCE Assurances aux dépens et à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [...] soutient que :
Le réfrigérateur sinistré ne présente aucune référence et sa marque n'est pas visible. Notamment, son numéro d'identifiant n'est pas connu. Mme [S] et la société BPCE Assurances sont donc dans l'impossibilité de prouver que ce produit est celui qu'elle leur a vendu, et il n'est absolument pas certain qu'elle en soit la vendeuse.
Pour être assimilée à un producteur, elle doit avoir apposé sa marque, dont elle doit être propriétaire, sur le produit défectueux. Or elle n'est propriétaire d'aucune marque. La propriétaire de la marque [...] est la société [...]. Il s'agit d'une autre personne morale, d'une autre entité. L'usage d'une marque n'est pas prévu par la directive 85/374 comme permettant d'acquérir la qualité de producteur.
Conformément à l'article 1386-7 du code civil, elle a dénoncé son propre fournisseur, la société [...], et le producteur, la société [...]., à Mme [S] dans les trois mois de sa demande. Elle doit donc être mise hors de cause. Sont ainsi identifiés de manière certaine deux des producteurs du produit à l'origine de l'incendie. Ces producteurs sont responsables du sinistre, ce qui exclut sa propre responsabilité.
Elle est bien fondée à solliciter que la société [...] la garantisse. Dans ses conclusions, la société [...] confirme être son assureur et celui de la société [...]. Elle ne justifie pas de la résiliation de la police. Il appartient à la société [...] de communiquer les conditions générales et particulières de celle-ci.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 septembre 2019, la société [...] demande à la cour :
De confirmer le jugement ;
Subsidiairement, de rejeter les demandes formées à son encontre par la société [...] ;
En toute hypothèse, de condamner la société [...] aux dépens de première instance et d'appel, recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et à lui verser la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du même code.
La société [...] soutient que :
Ni le producteur du réfrigérateur ni son assureur n'ont pu être identifiés avec certitude. La société [...] est donc dans l'impossibilité de prouver que le produit litigieux a été acheté auprès de la société [...]. La société [...] est la seule à devoir répondre dans les mêmes conditions de responsabilité que le producteur du prétendu défaut de sécurité du produit.
Elle n'a été l'assureur de « la société [...] » que du 1er mars 2004 au 1er mai 2011, et dans le cadre d'une police dont les garanties étaient déclenchées uniquement par la réclamation.
Il est constant que, par un avenant n° 3 à effet au 1er août 2006, le GIE [...] Sourcing a été ponctuellement intégré en qualité d'assuré, mais pour les années 2006 et 2007 seulement.
MOTIVATION
Sauf indication contraire, les dispositions du code civil appliquées à l'espèce sont celles antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
1. Sur la responsabilité de la société [...]
Selon l'article 1386-1 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.
Aux termes de l'article 1386-9 du même code, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.
1.1. Sur la défectuosité du réfrigérateur litigieux et son lien de causalité avec l'incendie
Selon l'article 1386-4 du code civil, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.
En l'espèce, la réalité de l'incendie dont Mme [S] a été victime n'est pas contestée.
À cet égard, l'expert judiciaire conclut dans son rapport qu'« il est indéniable que le réfrigérateur [qui se trouvait dans la cuisine et qui a été retrouvé calciné] est à l'origine de l'incendie ». Selon l'expert toujours, s'« il est extrêmement difficile de déterminer son origine précise sur l'appareil », « les traces d'arc électrique et [la] présence de billes de fusion de métal dans le thermostat portent à croire que l'incendie émane de composants ou d'éléments qui lui sont très proches », et, « en tout état de cause, il peut être indiqué que cette zone (Thermostat/ Connectique) est bien la zone de démarrage de l'incendie ».
Il en ressort que l'origine de l'incendie est interne au réfrigérateur qui se trouvait dans la cuisine de l'habitation, et qu'elle est indépendante de l'intervention de tout tiers.
Cette faculté qu'a eu le réfrigérateur de s'enflammer spontanément à la suite d'un « très important échauffement », révélé par la présence de billes de fusion, est particulièrement contraire à la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre d'un tel appareil, qui doit pouvoir être laissé en fonctionnement 24 heures sur 24 sans surveillance.
Le réfrigérateur en cause présentait donc bien, au sens des dispositions précitées, un défaut qui a été à l'origine de l'incendie. Cela n'est d'ailleurs pas discuté par les sociétés [...] et [...].
1.2. Sur la qualité de producteur de la société [...]
Selon l'article 1386-6 du code civil, est notamment assimilée à un producteur toute personne agissant à titre professionnel qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif.
Cette disposition est issue de la transposition de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, telle que modifiée par la directive 1999/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mai 1999. Elle doit donc être interprétée au regard de ces textes.
Or à cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne a été amenée à fournir les éléments suivants (CJUE, arrêt du 7 juillet 2022, Keskinäinen Vakuutusyhtiö Fennia/Koninklijke Philips NV, C-264/21).
Selon une jurisprudence constante, en vue de l'interprétation d'une disposition du droit de l'Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie.
En premier lieu, il ressort du libellé de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 85/374 que c'est l'apposition de signes distinctifs par la personne désignée par ceux-ci ou par une personne autorisée qui fonde la qualité de « producteur », au sens de ladite disposition.
En second lieu, en ce qui concerne le contexte de cette disposition et l'objectif poursuivi par celle-ci, il ressort des quatrième et cinquième considérants de la directive ainsi que de l'article 5 de celle-ci que le législateur de l'Union a voulu adopter une acception large de la notion de « producteur » afin de protéger le consommateur.
En effet, selon le quatrième considérant de la directive 85/374, la protection du consommateur exige que la responsabilité de toute personne qui se présente comme producteur en apposant son nom, sa marque ou tout autre signe distinctif sur le produit soit engagée au même titre que la responsabilité du véritable producteur. En outre, il résulte tant de l'article 5 de cette directive que du cinquième considérant de celle-ci que la responsabilité de la personne se présentant comme producteur se trouve au même niveau que celle du véritable producteur et que le consommateur peut choisir librement de réclamer la réparation intégrale du dommage à chacun d'entre eux indifféremment, leur responsabilité étant solidaire.
Il apparaît ainsi que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 85/374 a pour objectif de faciliter la charge d'avoir à déterminer le véritable producteur du produit défectueux en cause. À cet égard, il ressort de l'exposé des motifs portant sur l'article 2 de la proposition de directive de la Commission du 9 septembre 1976, à l'origine de la directive 85/374, lequel article est devenu, sans modification de fond, l'article 3 de cette directive, que le législateur de l'Union a considéré que la protection du consommateur ne serait pas suffisante si le distributeur pouvait « renvoyer » le consommateur au producteur, lequel peut ne pas être connu du consommateur.
En outre, il convient de relever que, en apposant sur le produit en cause son nom, sa marque ou un autre signe distinctif, la personne qui se présente comme producteur donne l'impression d'être impliquée dans le processus de production ou d'en assumer la responsabilité. Partant, l'utilisation de ces mentions revient, pour cette personne, à utiliser sa notoriété aux fins de rendre ce produit plus attractif aux yeux des consommateurs, ce qui justifie que, en contrepartie, sa responsabilité puisse être engagée au titre de cette utilisation.
Cette interprétation de la Cour de justice de l'Union européenne se trouvait déjà dans les travaux préparatoires de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 qui a transposé la directive 85/374, aux termes desquels, « par cette formule [celle de l'article 1386-6 du code civil], sont visés, en pratique, les grands distributeurs qui vendent des produits sans autre marque que la leur et assument, en conséquence, la responsabilité du producteur » (rapport n° 226 [1997-1998] de [K] [W], sénateur, p. 17).
En l'espèce, si, selon le rapport d'expertise amiable de la société [...] du 13 décembre 2013, le réfrigérateur qui a causé l'incendie litigieux est « partiellement détruit » et « l'identification de celui-ci sera difficile à établir », cela ne prive pas pour autant Mme [S] et la société BPCE Assurances de la possibilité de procéder à cette identification par tout moyen.
À cet égard, Mme [S] produit une facture du 23 décembre 2013 prouvant que le 29 novembre 2010, soit seulement trois ans avant l'incendie, elle a acquis auprès du magasin [...] [Localité 6] exploité par la société [...] un appareil référencé « [...] ». Cet achat n'est pas contesté, pas plus que le fait qu'il concernait le « mini-réfrigérateur » de marque [...], modèle [...], dont la société [...] verse elle-même le manuel d'utilisation aux débats.
Le temps qui s'est écoulé entre cet achat de 2010 et l'incendie de 2013 apparaît compatible avec la durée de vie normale d'un tel réfrigérateur, ce qui n'est d'ailleurs pas contredit par la société [...].
En outre, il ressort du manuel d'utilisation produit par la société [...] que le réfrigérateur qu'elle a vendu en 2010 à Mme [S] était un appareil particulièrement atypique et identifiable en raison de sa taille, extrêmement petite (400 mm x 470 mm x 510 mm).
Or c'est un tel appareil cubique et de petite taille que montrent les photographies du réfrigérateur calciné, insérées dans le rapport de la société [...] du 13 décembre 2013. Un autre rapport de cette société, daté du 6 janvier 2013 (mais nécessairement du 6 janvier 2014), confirme qu'il s'agissait d'un « réfrigérateur de type camping ou table [12] ».
Tout cela rejoint les conclusions de l'expert judiciaire, qui sont affirmatives sur le fait que « l'incendie du pavillon de Madame [S] trouve son origine dans le réfrigérateur de marque [...] modèle [...] [qui] a été acquis neuf auprès du magasin [...] d'[Localité 6] le 29 novembre 2010 ». L'expert est arrivé à cette conclusion alors qu'il disposait de la notice, des caractéristiques techniques, notamment des dimensions, ainsi que de plusieurs photographies de ce modèle [...], et qu'il avait pu examiner en détail l'appareil ayant brûlé chez Mme [S]. Certes, l'identité de l'appareil acheté en 2010 et de celui ayant provoqué l'incendie en 2013 n'était alors pas débattue. Il n'en demeure pas moins que cette identité ne faisait aucun doute pour l'expert judiciaire, qui n'a relevé aucun élément contraire.
L'ensemble de ces éléments précis et concordants permettent d'établir que le réfrigérateur acheté par Mme [S] à la société [...] en 2010 est l'appareil défectueux qui a été à l'origine de l'incendie de sa maison.
Cet appareil portait donc la marque [...]. Comme Mme [S] le fait valoir sans être contredite, il est constant que cette marque est la marque de distributeur des magasins portant l'enseigne [...]. Elle est donc associée exclusivement à ceux-ci. À cet égard, il ne peut être opposé à Mme [S] que la marque [...] a été déposée, non par la société [...] elle-même, mais par la société [...]. En effet, outre que l'objet de l'article 1386-6 du code civil est justement d'éviter que ce type d'organisation interne à un réseau de distribution puisse entraver l'indemnisation du dommage subi par un consommateur du fait d'un produit défectueux, le seul fait que la société [...], qui se présente ostensiblement et indistinctement comme « [...] » ou « [...] [Localité 6] » sur la facture du 23 décembre 2013, ait vendu le réfrigérateur litigieux à Mme [S] dans l'un de ses magasins à l'enseigne [...], après que la marque de distributeur de cette enseigne a été apposée sur celui-ci, suffit à l'assimiler à un producteur de l'appareil en application de l'article 1386-6 du code civil.
Il en résulte que la responsabilité de la société [...] est engagée vis-à-vis de Mme [S] au même titre que celle des autres producteurs qu'elle a désignés, sans qu'elle puisse invoquer les dispositions de l'article 1386-7 du code civil, applicable uniquement « si le producteur ne peut être identifié ».
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé et la société [...] sera tenue d'indemniser Mme [S] du préjudice qu'elle a subi du fait de l'incendie de sa maison.
1.3. Sur le préjudice
Dans son rapport, l'expert judiciaire chiffre de manière très détaillée le préjudice subi par Mme [S] à la somme totale de 122 054,79 euros en valeur à neuf. Cette somme n'est discutée ni dans son principe ni dans son montant par les parties.
La société [...] sera donc condamnée à verser à la société BPCE Assurances la somme de 114 990,79 euros, que celle-ci justifie avoir elle-même réglée à Mme [S] aux termes d'une quittance subrogative du 10 septembre 2015.
Elle sera condamnée à verser le complément, soit 7064 euros, directement à Mme [S].
Ces sommes, indemnitaires, porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt, et ce, conformément à l'article 1231-7, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, auquel il n'y a pas lieu de déroger.
La capitalisation des intérêts, qui est de droit dès lors qu'elle est demandée, sera ordonnée.
2. Sur la garantie de la société [...]
Selon l'article 1315 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
C'est donc à tort que la société [...] soutient que c'est à la société [...], qui prétend que sa garantie n'est déclenchée en toute hypothèse que par la date de la réclamation, de le prouver en communiquant les conditions générales et particulières de la police. En effet, dans les rapports entre l'assureur et le souscripteur, la preuve de l'existence d'un contrat d'assurance ne saurait suffire à établir la preuve de la nature et de l'étendue de la garantie, laquelle ne peut résulter que des termes mêmes de la police, qu'il incombe à l'assuré de produire (2e Civ., 13 mai 2004, pourvoi n° 03-10.964, Bull., 2004, II, n° 227). Or en l'espèce, la société [...] ne produit pas cette police.
Pour le reste, la société [...] reconnaît uniquement dans ses conclusions :
Qu'aux termes d'une police n° 7.109.144, elle a été l'assureur de responsabilité civile de « la société [...] » pour la période du 1er mars 2004 au 1er mai 2011 ;
Que le GIE [...] Sourcing a été ponctuellement intégré en qualité d'assuré pour les années 2006 et 2007.
Dans ces conditions, c'est là encore à la société [...] qu'il revient en premier lieu de rapporter la preuve, en principe par la production du contrat d'assurance, que celui-ci a été souscrit pour une durée, indéterminée ou à tout le moins reconductible tacitement, susceptible d'avoir couvert le sinistre litigieux. C'est uniquement au regard de tels éléments qu'il pourrait être exigé en second lieu de la société [...] qu'elle démontre que le contrat a malgré tout pris fin avant le sinistre. Or la société [...] ne produit rien d'autre qu'un bref avenant du 24 avril 2007, dont il ressort uniquement qu'à compter du 1er août 2006 était également considéré comme assuré le GIE [...], ce que la société [...] admet déjà, et ce qui ne justifie en rien des éléments précités.
La demande de garantie formée par la société [...] à l'encontre de cette dernière sera donc rejetée.
3. Sur les frais du procès
La société [...] perdant totalement le procès, le jugement sera infirmé en ce qui concerne les frais de celui-ci. La société [...] sera condamnée à tous les dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société [...] qui le demande, et, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à verser la somme de 3000 euros à Mme [S] et à la société BPCE Assurances d'une part, et à la société [...] d'autre part.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la société [...] à verser à Mme [M] [S] la somme de 7064 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne la société [...] à verser à la société BPCE Assurances la somme de 114 990,79 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts ;
Rejette la demande de garantie formée par la société [...] à l'encontre de la société [...] ;
Condamne la société [...] aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les dépens de l'instance en référé ayant abouti à l'ordonnance du président du tribunal de grande instance du Mans du 11 juin 2014, et le coût de l'expertise judiciaire subséquente ;
Accorde à Me Inès Rubinel le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la société [...] à verser à Mme [M] [S] et à la société BPCE Assurances la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [...] à verser à la société [...] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande faite par la société [...] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. LEVEUF C. MULLER