COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - COMMERCIALE
CC/IM
ARRET N°
AFFAIRE N° RG 22/01435 - N° Portalis DBVP-V-B7G-FBND
Ordonnance du 26 Juillet 2022
Président du TC de TC LE MANS
n° d'inscription au RG de première instance : 22/00665
ARRET DU 30 MAI 2023
APPELANTE :
S.A.S. MILEE (anciennement dénommée ADREXO) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, substitué par Me Audrey PAPIN, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71220201, et Me Pierre AUDIGUIER, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEES :
S.A. MMA IARD
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Christine DE PONTFARCY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20220405
S.A.S. SAFIL prise en la personne de son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne-Sophie FINOCCHIARO de la SELAS FIDAL, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier ANG01464, et Me Frédéric DASSE, avocat plaidant au barreau d'AMIENS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 07 Mars 2023 à 14 H 00, Mme ROBVEILLE, conseillère ayant été préalablement entendue en son rapport, devant la Cour composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, conseillère
M. BENMIMOUNE, conseiller
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 30 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Le 15 mars 2021, la SAS Adrexo (nouvellement dénommée Milee) a commandé à la SAS Safil la fabrication et la livraison de 13 800 chariots, à livrer avant fin mai 2021, pour un montant de 1 854 720 euros TTC.
La SAS Adrexo a adressé un premier règlement d'un montant de 1 435 714,56 euros TTC.
Les chariots ont été livrés en plusieurs fois, sur 110 sites différents de la SAS Adrexo, jusqu'à la fin du mois de mai 2011.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 juillet 2021 adressée à la SAS Safil, la SAS Adrexo s'est prévalue de ce qu'un nombre important de chariots était défectueux, et s'est opposée au règlement du solde de la commande, soit de la somme de 419.005,44 euros TTC.
La SAS Safil a déclaré le sinistre à son assureur, la SA MMA IARD.
La SA MMA IARD a mandaté le cabinet Stelliant afin de procéder à une expertise des chariots.
Par lettre recommandée avec accusé de réception de son conseil du 23 décembre 2021, la SAS Safil a mis en demeure la SAS Adrexo de lui payer une somme de 270 627,84 euros au titre du solde de la commande de chariots, après déduction d'une somme de 148 377,60 euros TTC correspondant à 8% de la commande, qu'elle estimait devoir être consignée sur un compte séquestre en attendant l'issue de l'expertise d'assurance.
Par lettre du 11 janvier 2022, la SAS Adrexo a fait part de son refus de régler la moindre somme et de consigner une partie du solde restant.
Par actes d'huissier des 18 et 21 février 2022, la SAS Safil a fait assigner la SAS Adrexo et la SA MMA IARD en référé devant le président du tribunal de commerce du Mans.
Selon ses dernières conclusions devant le tribunal, la SAS Safil a demandé de :
- à titre principal, renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront,
dès à présent,
- sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, désigner tel expert qu'il plaira au juge des référés du tribunal de commerce de commettre avec pour mission de :
* entendre les parties, se faire remettre toutes pièces utiles,
* examiner les malfaçons alléguées sur la fixation de la roue avant gauche des chariots livrés par la société Safil,
* les décrire, en indiquer la nature et l'importance,
* en rechercher l'origine,
* décrire les travaux nécessaires à leur réparation, leur coût et leur délai d'exécution,
* fournir tous renseignements techniques permettant à la juridiction ultérieurement saisie de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues,
- dire que l'expert devra déposer son rapport définitif après l'avoir fait précéder d'une synthèse ou d'un pré-rapport et laisser à chacune des parties un délai d'un mois pour présenter leurs dires,
- sur le fondement de l'article 1103 du code civile et de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, condamner à titre principal la SAS Adrexo à lui payer la somme de 270 627,84 euros à titre provisionnel,
- en application de l'article 1961 du code civil, condamner la SAS Adrexo à consigner sur un compte séquestre et à ses frais le surplus soit la somme de 148 377,60 euros,
- à titre subsidiaire, condamner la SAS Adrexo à verser à ses frais et sur un compte séquestre, l'intégralité du solde dû, soit la somme de 419 005,44 euros,
- débouter la SAS Adrexo de sa demande de condamnation à son encontre à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
La SA MMA IARD a indiqué qu'elle ne déposait pas de conclusions à l'audience mais émettait des protestations et réserves d'usage.
De son côté, la SAS Adrexo a sollicité du tribunal qu'il dise n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes de la SAS Safil ; à titre subsidiaire, qu'il la reçoive en ses conclusions et, y faisant droit, lui donne acte de ses protestations et réserves dans le cadre des mesures d'expertise qui seront ordonnées, qu'il dise que les frais d'expertise devront être pris en charge par la demanderesse à l'action, et son assureur le cas échéant ; en tout état de cause, qu'il dise n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision et de consignation de la SAS Safil en raison des contestations sérieuses qu'elle expose, qu'il condamne la demanderesse à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles par application de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il condamne la SAS Safil aux dépens.
Par ordonnance du 26 juillet 2022, le juge des référés du tribunal de commerce du Mans a :
- dit que la société Safil est bien fondée en sa demande d'expertise judiciaire,
- nommé M. [M] [U], en qualité d'expert avec pour mission de :
* entendre les parties, se faire remettre toutes pièces utiles,
* examiner les malfaçons alléguées sur la fixation de la roue avant gauche des chariots livrés par la société Safil,
* les décrire, en indiquer la nature et l'importance,
* en rechercher l'origine,
* décrire les travaux nécessaires à leur réparation, leur coût et leur délai d'exécution,
* fournir tous renseignements techniques permettant à la juridiction ultérieurement saisie de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues,
* dire que l'expert devra déposer son rapport définitif après l'avoir fait précéder d'une synthèse ou d'un pré-rapport et laisser à chacune des parties un délai d'un mois pour présenter leurs dires,
- dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile,
- dit que l'expert pourra s'adjoindre, si besoin est, un technicien dans une autre spécialité que la sienne, dont le rapport sera joint au rapport (articles 278 et 282 du code de procédure civile) et/ou se faire assister par une personne de son choix intervenant sous son contrôle et sa responsabilité (article 278-1),
- fixé à la somme de 10 000 euros le montant sur les frais et honoraires de l'expert à consigner par la société Safil au greffe de ce tribunal dans les quinze jours de la notification de la présente ordonnance, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile,
- dit qu'à défait de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l'expert est caduque (article 271 du code de procédure civile),
- dit que lors de sa première réunion laquelle devra se dérouler dans un délai maximum de 4 mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra après débat contradictoire avec les parties, soumettre au juge délégué aux expertises du tribunal le calendrier de ses investigations, d'où découlera la date de dépôt du rapport,
- dit que le rapport de l'expert devra être déposé au greffe dans un délai de 12 mois à compter de la consignation de la provision fixée ci-dessus,
- dit qu'en cas de refus ou d'empêchement, l'expert commis sera remplacé sur simple ordonnance sur requête aux frais du demandeur initial,
- dit que le juge délégué aux expertises du tribunal suivra l'exécution de la présente expertise,
- débouté la société Safil en sa demande de règlement de solde du marché,
- débouté la société Safil en sa demande de placement en compte séquestre de l'intégralité de la somme due,
- condamné la société Adrexo aux entiers dépens d'instance,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.
Par déclaration du 10 août 2022, la SAS Adrexo a relevé appel de cette ordonnance de référé en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande tendant à la condamnation de la SAS Safil, en sa qualité de demanderesse, à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'elle l'a condamnée à payer à la SAS Safil la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile, condamnation non reprise dans le dispositif de l'ordonnance, en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de l'instance ; intimant la SA MMA IARD et la SAS Safil.
La SAS Milee (anciennement dénommée Adrexo), la SAS Safil et la SA MMA IARD ont conclu.
Une ordonnance du 27 février 2023 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SAS Milee demande à la cour de :
vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile,
vu les articles 695 et suivants du code de procédure civile,
- juger que l'appel de la société Milee est recevable et la recevoir en ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer l'ordonnance rendue le 26 juillet 2022 par le tribunal de commerce du Mans en ce qu'elle :
* l'a condamnée aux entiers dépens d'instance,
* la condamnée à payer à la société Safil la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* l'a déboutée de ses autres demandes, fins et conclusions,
- confirmer pour le surplus l'ordonnance rendue le 26 juillet 2022 par le tribunal de commerce du Mans,
statuant de nouveau,
- condamner la société Safil à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la société Safil de ses demandes, fins et conclusions, notamment de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- débouter la société MMA IARD de ses demandes, fins et conclusion, notamment de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- condamner la société Safil aux entiers dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La SAS Safil demande à la cour de :
vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,
- déclarer la société Adrexo, nouvellement dénommée la société Milee, irrecevable et non fondée en son appel,
- débouter la société Adrexo, nouvellement dénommée la société Milee, de l'ensemble de ses demandes et conclusions,
- confirmer l'ordonnance rendue le 26 juillet 2022 par le président du tribunal de commerce du Mans en ce qu'elle a :
* condamné la société Adrexo, nouvellement dénommée la société Milee, à la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Adrexo, nouvellement dénommée la société Milee, aux entiers dépens de l'instance,
et rejetant toutes prétentions contraires comme non recevables en tous les cas non fondées,
y ajoutant,
- condamner la société Adrexo, nouvellement dénommée la société Milee, au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la présente procédure, outre les dépens d'appel.
La SA MMA IARD sollicite de la cour qu'elle :
vu les articles 695, 696 et 700 du code de procédure civile,
- la déclare recevable et bien fondée en toutes ses demandes,
en conséquence,
- lui donne acte qu'elle s'en rapporte s'agissant des demandes de la société Milee venant aux droits de la société Adrexo,
- condamne en cause d'appel la société Milee venant aux droits de la société Adrexo à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne en cause d'appel la société Milee venant aux droits de la société Adrexo, aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître de Pontfarcy, avocat membre de la SCP Hautemaine Avocats, avocats aux offres de droit, et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations ordonnées, dans l'hypothèse où l'exécution forcée devrait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier, conformément à l'article L. 111-8 du code de procédure civile d'exécution, devront être supportés par le débiteur en supplément de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 23 février 2023 pour la SAS Milee,
- le 15 décembre 2022 pour la SAS Safil,
- le 4 décembre 2022 pour la SA MMA IARD.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes du premier alinéa de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Dans le cas présent, le premier juge n'a pas motivé sa décision de mettre les dépens à la charge de la société Milee.
Or, la société Safil a succombé en ses demandes de paiement d'une provision et de consignation et, s'agissant de la demande d'expertise ordonnée in futurum, contrairement à ce que soutient la société Safil selon laquelle, en échouant à s'opposer à la mesure d'expertise sollicitée, la société Adrexo doit être regardée comme partiellement succombante, la société Milee ne peut être qualifiée de partie perdante, même si elle s'est opposée à cette mesure.
C'est donc à juste titre que la société Milee critique l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens.
Aucune considération ne justifie de mettre à la charge de la société Milee, même partiellement, les dépens de première instance.
Ces dépens seront mis à la charge de la société Safil, partie perdante sur une partie de ses prétentions et en demande de la mesure d'instruction in futurum.
Selon les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, seule la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès peut être condamnée à payer à son adversaire une indemnité prévue par ce texte.
Il en résulte que la société Milee ne pouvait être condamnée à payer à la société Safil la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, comme l'a indiqué le premier juge dans ses motifs, en omettant de reprendre cette condamnation dans le dispositif de l'ordonnance. Du fait de cette omission de statuer, il n'y a pas à infirmer l'ordonnance sur ce point. Il y aurait eu seulement lieu à rejeter la demande de la société Safil si celle-ci avait formé une telle demande devant le premier juge, ce qui n'est pas le cas. Le fait qu'il ne s'agisse pas d'une demande incidente est sans conséquence.
Partie perdante et condamnée aux dépens, la société Safil sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles exposé en appel.
Il n'y pas lieu d'accueillir la demande de la société Milee au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société MMA IARD fait observer qu'aucune demande n'était formée contre elle en première instance, qu'aucune condamnation n'a été prononcée à son endroit et qu'aucune demande n'est formée contre elle en appel. Elle prétend que, dès lors que la discussion ne concerne que la société Milee et la société Safil, il n'y avait aucun intérêt à l'intimer en appel, et que ce faisant, elle a contrainte d'exposer des frais dont elle demande à être indemnisée.
Pour s'opposer à la demande de la société MMA IARD au titre des frais irrépétibles exposés par elle en appel, la société Milee, qui rappelle à bon droit qu'elle est recevable à intimer la société MMA IARD comme ayant été partie en première instance, fait valoir que celle-ci aurait pu, de ce fait, être condamnée aux dépens de première instance sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.
Elle en déduit, justement, qu'elle n'avait pas à former de prétentions contre la société MMA IARD pour justifier de son intérêt à l'intimer.
La société Milee n'étant pas partie perdante et n'étant pas condamnée aux dépens d'appel, la demande de la société MMA IARD ne peut être qu'être rejetée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Statuant dans la limite de l'appel,
Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société Milee aux dépens ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Safil aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Déboute la société Safil de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
Déboute la société Milee de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.
Déboute la société MMA IARD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL